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Le Monde de L'Écriture » Encore plus loin dans l'écriture ! » L'Aire de jeux » Défis Tic-Tac » La civilisation des vagues [défi tic-tac 03/09/17]

Auteur Sujet: La civilisation des vagues [défi tic-tac 03/09/17]  (Lu 2047 fois)

Hors ligne elodie janssens

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La civilisation des vagues [défi tic-tac 03/09/17]
« le: 03 septembre 2017 à 22:34:48 »
La civilisation des vagues.

C’est l’histoire d’un inuit mandaté par son peuple pour être leur ambassadeur. Oh ! Vous la connaissez, tout le monde connait cette histoire. Il y a eu des films, Le Jaguar de Francis Veber avec Jean Reno et Patrick Bruel. Il y a eu des romans, des pages et des pages couvertes d’aventures semblables à celle-ci. À une différence majeure, et j’ignore bien pourquoi cette récurrence, il s’agit toujours d’un pauvre petit gus sorti de sa jungle équatoriale, de sa savane africaine, de son désert aride ou de tout autre zone chaude, voire caniculaire, le must (!) qui monte vers le nord, la civilisation, les grandes villes prospères où se côtoient richesse, politique et commerce pour enfanter le progrès. Vous riez ? J'ai envie de pleurer.
Le mythe de l’évolution appliquée à l’anthropologie. Ou comment un gastéropode humanoïde insignifiant escalade la montagne U.S.A pour toucher le ciel. Tour de Babel. Mais le peuple s’est trumpé. Il a placé Nimrod au pouvoir et, maintenant qu’il veut s’en débarrasser, le voilà scellé au dossier de son trône d’argile et de fer mêlés.
Mais je m’emballe alors que j’ai oublié la politesse la plus élémentaire. Je m’appelle Gobi. Non, rien à voir avec le désert éponyme, ni cousin éloigné, ni lien de parenté.
Je vis au Groenland. Quoi que ce soit incorrect. Vivant actuellement dans la suite d’un grand hôtel à Washington, je suis loin de ma terre natale. J’appartiens au peuple des vagues. Je suis originaire de la terre des grands froids, étendues gelées que les explorateurs nomment Groenland. Ils dorment dans la chambre voisine à la mienne. Ils craignent pour ma sécurité, ou quelque chose comme ça. Je pense surtout qu’ils considèrent ma personne comme un trophée et qu’ils redoutent je ne sais quel cambriolage sur leur précieuse étrangeté. Car je suis un étranger. Ce monde m’est étranger. Ici, point de canaux percés par le printemps dans les glaces. Vos kayaks ont quatre roues. Vous tirez vos chiens en laisse. Vos poissons se pèchent dans des boites de conserves et vos gamins chassent des pastèques alignées sur des piquets qu’ils explosent en bouillie à coups de semi-automatiques.
La banquise me manque. L’air vif et vivifiant me manque. Les poissons grillés au feu de bois, toute la famille réunie pour le repas, ma mère racontant comment le poing de mon père a assommé la tempe de son adversaire –le frère de mouma, mon oncle– et gagné le droit d’épouser la fille d’une autre tribu, ma sœur excitée et effrayée à l’idée qu’il lui arrive la même chose, mon père mangeant en silence et moi, ne pouvant m’empêcher de fixer la sortie de l’igloo, espérant voir ma grand-mère surgir et m’embrasser une dernière fois.
Beaucoup savent que vivre dans mon pays est synonyme de rudesse, lutte et acharnement. En revanche, peu comprennent la portée de ses engagements. Lorsqu’un inuit naît au sein de notre tribu, l’enfant passe sa première nuit dehors, au vent, au froid, à la tempête, blotti sur le sein de sa mère. S’il survit, il sera fort et vaillant.il en est de même pour les vieillards. Parce que notre mode de vie est trop rude, que lutter est trop dur et qu’ils ont épuisé leur panse vide de hargne, ils se lèvent à l’aurore, portés par les premiers rayons d’un matin qui durera plusieurs mois et il marchent, marchent, marchent.  Nous ne les revoyons jamais.
Les explorateurs m’ont expliqué que vos anciens vieillissent dans des maisons de repos, parce qu’ils sont une charge pour leurs enfants, qu’ils s’entassent dans des mouroirs. Les nôtre trouvent le repos éternel et la famille les embaume de louanges et de prières avant leur dernier départ, ils partent le cœur léger et l’esprit bientôt libéré. Ils jugent nos coutumes cruauté, nous les nommons amour éternel, car ils se sacrifient pour le bien de leur progéniture, car ils mangent plus qu’ils ne rapportent de nourriture, car certains maux naissent dans leurs os et induisent souffrances, car notre terre est dure bien que notre cœur ne soit pas de glace, pour cette raison, ils laissent la place aux plus jeunes.
Voilà ce que je suis venu dire à votre monde nourri de pierres, de fer et de tours sans âme. Vous nous avez trouvés. Nous n’avions rien demandé. Laissez-nous en paix, s’il vous plaît. Ne plantez pas vos graines de béton sur nos maisons. N’élevez pas vos grues rouillées dans le ciel de nos Harfangs. N’écrasez pas nos feux de joies sous vos stades. S’il vous plait, oubliez notre existence et repartez d’où vous venez.
« Modifié: 04 septembre 2017 à 10:37:37 par elodie janssens »

Hors ligne LeMargoulin

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Re : La civilisation des vagues [défi tic-tac 03/09/17]
« Réponse #1 le: 03 septembre 2017 à 22:59:32 »
D'abord deux coquilles :

Citer
Ou commun un gastéropode humanoïde
comment

Citer
et gagné le droit d’épouser la file d’une autre tribu
fille

Un texte très beau, avec une entrée en matière pour le moins intrigante et non dénuée de folie . Quand je l'ai commencé je me demandais où tu allais m'emmener, puis on comprend vite que le narrateur était l'Inuit dont il est question dans la première phrase. Le propos est très biens servit par cet Inuit qui a peur pour son peuple et sa terre.
Mon seul problème vient du contraste entre la première partie, où le narrateur semble avoir un regard interne à notre société (il connaît nos films, fait un jeu de mot avec Trump,..), et la deuxième, juste après avoir dit être l'Inuit, où son point de vue est plus externe. Mais je sais que le contraste est nécessaire, ou l'on devine dès le début qui est le narrateur, c'est seulement que ça me gênait pour la cohérence de l'ensemble.
J'aurais aimé me lancer dans la flibuste mais ma couardise m'a poussé vers les lettres.

Hors ligne elodie janssens

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Re : La civilisation des vagues [défi tic-tac 03/09/17]
« Réponse #2 le: 03 septembre 2017 à 23:07:20 »
Merci  ;) c'est corrigé.
Un brin de folie, oui. C'est yoiquement ce que j'aime. D'ailleurs il me semble bien avoir posté récemment un texte court sue j'aime bcp, Repas de famille, ou j'ai noté entre () à côté du titre oui, je sais, je suis cinglée. Ou qq chose comme ça.
Mon grain de folie est ma signature  ;D

Hors ligne Edel Weiss

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Re : La civilisation des vagues [défi tic-tac 03/09/17]
« Réponse #3 le: 04 septembre 2017 à 10:07:51 »
Très sympa !

Encore une fois, un texte intéressant ! Alors, par contre, j'ai adoré la deuxième partie de ton texte (description de notre monde et de son monde par l'Inuit) que je trouve vraiment touchante et intéressante (que même j'aurais aimé plus longue et détaillée encore mais j'ADORE la fin des vieillards, c'est une très belle fin je trouve pour cette histoire) mais je n'ai pas aimé la première sur le ton de l'humour.

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C’est l’histoire d’un inuit mandaté par son peuple pour être leur ambassadeur. Oh ! Vous la connaissez, tout le monde connait cette histoire. Il y a eu des films, Le Jaguar de Francis Veber avec Jean Reno et Patrick Bruel. Il y a eu des romans, des pages et des pages couvertes d’aventures semblables à celle-ci. À une différence majeure, et j’ignore bien pourquoi cette récurrence, il s’agit toujours d’un pauvre petit gus sorti de sa jungle équatoriale, de sa savane africaine, de son désert aride ou de tout autre zone chaude, voire caniculaire, le must (!) qui monte vers le nord, la civilisation, les grandes villes prospères où se côtoient richesse, politique et commerce pour enfanter le progrès.
Le mythe de l’évolution appliquée à l’anthropologie. Ou comment un gastéropode humanoïde insignifiant escalade la montagne U.S.A pour toucher le ciel. Tour de Babel. Mais le peuple s’est trumpé. Il a placé Nimrod au pouvoir et, maintenant qu’il veut s’en débarrasser, le voilà scellé au dossier de son trône d’argile et de fer mêlés.
Mais je m’emballe alors que j’ai oublié la politesse la plus élémentaire. Je m’appelle Gobi. Non, rien à voir avec le désert éponyme, ni cousin éloigné, ni lien de parenté.

Toute cette partie est humoristique, et je trouve, un poil trop, vu la gravité, la sensibilité et le sérieux de ce qui va suivre. Je trouve l'idée d'un début sur un ton léger intéressante, mais il me semble qu'en l'état actuel, il est trop souligné et qu'ensuite, le lecteur a beaucoup de mal à passer au ton sérieux, alors que la suite est juste magnifique. Pour moi, tu aurais intérêt à diminuer un peu le ton d'humour du début, le raccourcir et ne pas faire 4 ou 5 blagues "folles" mais seulement une ou deux. Comme un petit préambule d'un guide pour attirer la curiosité et la "bonne humeur".  Mais là c'est un peu trop poussé et un peu trop long, ce qui nuit à la suite.

Pour ce qui suit, c'est juste vraiment géniale, touchant et bien vu.

J'ADORE ce passage :

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Beaucoup savent que vivre dans mon pays est synonyme de rudesse, lutte et acharnement. En revanche, peu comprennent la portée de ses engagements. Lorsqu’un inuit naît au sein de notre tribu, l’enfant passe sa première nuit dehors, au vent, au froid, à la tempête, blotti sur le sein de sa mère. S’il survit, il sera fort et vaillant.il en est de même pour les vieillards. Parce que notre mode de vie est trop rude, que lutter est trop dur et qu’ils ont épuisé leur panse vide de hargne, ils se lèvent à l’aurore, portés par les premiers rayons d’un matin qui durera plusieurs mois et il marchent, marchent, marchent.  Nous ne les revoyons jamais.
Les explorateurs m’ont expliqué que vos anciens vieillissent dans des maisons de repos, parce qu’ils sont une charge pour leurs enfants, qu’ils s’entassent dans des mouroirs. Les nôtre trouvent le repos éternel et la famille les embaume de louanges et de prières avant leur dernier départ, ils partent le cœur léger et l’esprit bientôt libéré. Ils jugent nos coutumes cruauté, nous les nommons amour éternel, car ils se sacrifient pour le bien de leur progéniture, car ils mangent plus qu’ils ne rapportent de nourriture, car certains maux naissent dans leurs os et induisent souffrances, car notre terre est dure bien que notre cœur ne soit pas de glace, pour cette raison, ils laissent la place aux plus jeunes.

C'est juste magnifique, et le contraste entre notre vision et la vision de l'Inuit sur la fin des ancêtres est touchante, tout en faisant réfléchir. J'aime vraiment vraiment vraiment trop trop trop !

La supplique finale de l'Inuit aussi est top ! (mais malheureusement, rendue un peu moins forte à cause du début "drôle" qui nous laisse croire que ce qui suit n'est pas vraiment sérieux, alors que SI, le message du texte est parfaitement sérieux !)

Ps : tu vas me dire que ce début est loufoque et ironique, que donc c'est déjà le début de la critique, oui, mais l'ironie et le sarcasme tout comme l'humour (mêlée) casse le sérieux et la gravité d'un texte au profit du cynisme ou de la satire. Alors qu'ici, la satire est sous-jacente, ce qui prime c'est le message d'amour pour sa terre et son peuple de l'Inuit et la supplique pathétique (au sens littéraire, non commun) pour que nos sociétés modernes ne viennent pas les envahir.


En tout cas, idée superbe et bien trouvée en une heure ! Woua, quelle imagination en ce court laps de temps !

Bravo à toi pour ce joli texte qui fait réfléchir et qui nous donne une belle vision du monde des Inuits.


Edel
Mon dernier texte : Le Prix d'un coeur [AT]
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