Elle ne croyait pas en l'homme - explicit
- Vazy mignon lâche tout, je suis là. Ouiii, c'est... hmm.
Elle se lèche les babines, passe un doigt malicieux sur le coin de ses lèvres, les yeux pétillants mais un peu moins extrapolés que les siens à lui, qu'elle observe plutôt nulle part qu'ailleurs.
Il a grincé, il a gémi, et son souffle coupé tente quelque saccades de récupération qu'elle ne peut s'empêcher d'entendre d'une oreille satisfaite.
- J'aimerais bien te voir venir, toi aussi...
- Ca va être compliqué.
Quelques heures plus tôt ils étaient tous les deux dans ce genre d'imprécisions géolocalisées où l'endroit prime sur le lieu. Du formica, des palmiers en plastique, des néons un peu oranges et roses. Les cocktails coulaient à flot derrière les masques imbibés, depuis des verres plus brillants que jamais. Elle et lui ont tous les deux les résultats des tests : ils sont positifs. Du coup les interactions sociales sont à changer pour eux, et ils ont commencé une rencontre autour du virus.
Il a joué ses meilleures cartes : il sait bien faire le canard.
Et elle aime ça. Les canards.
D'une, parce que ça la conforte dans son sentiment d'être l'objet du désir plutôt que le sujet qui doit assumer le sien. Elle se sent trop bloquée par son éducation pour ne serait-ce qu'assumer qu'un homme pourrait être moins sensible à sa beauté fatale qu'elle ne le serait pour sa virilité si spécifique du vingt-et-unième siècle.
De deux parce que de toutes façons, l'étoile de mer, c'est son credo mais pas vraiment que au lit : elle aime l'avoir sous son joug, quitte à ne pas céder à sa propre tentation à elle. Elle a beau répéter à ses copains qu'elle veut de l'amour aux bras chaleureux, et à ses copines qu'elle aime terriblement l'amour en grosses giclées, eh bien de toutes façons c'est toujours pour lui que le repas est servi entre ses cuisses à elle, alors qu'elle vibre certes d'une satisfaction maline, mais qui jamais n'efface son effacement.
Elle n'ose pas. Se lâcher.
Comme un sentiment d'asservissement qu'elle n'ose profaner. Elle sait que lui y est insensible, et qu'il a trop besoin d'expulser le trop-plein, quitte à se sentir dépassé par les événements une fois que c'est fait. Mais elle, non, elle veut garder le pouvoir. Ne pas céder. Ne pas convulser cette reconnaissance qu'elle lui devrait alors, de l'avoir soulagée.
Il y a, elle ne peut le nier, ce rapport de force à la finalité de ses rapports. Se retrouver nue est déjà assez difficile dans un contexte où chacun se fait des films plus ou moins immoraux à son sujet, il ne faudrait pas que la situation s'inverse et qu'innocemment, ce soit elle qui se soumette à l'inévitable pouvoir qu'exerce le sexe sur nos vies.
Donc pas d'orgasme pour madame, et tant pis si le canard mange du pain humide et qu'elle n'a que des miettes sans tartine.
Là, présentement, elle l'observe avec un œil à cheval entre le dédain, le dégoût et... la fierté. Elle n'aime pas vraiment qu'il jouisse et pas elle. Mais elle ne peut pas se permettre. D'une construction morale identitaire, c'est elle qui suscite le désir ; pas l'inverse.
Lui, il n'est plus là.
Son cerveau emporté par la vague le laisse pantois, les jambes en cuisses de grenouille, le visage au crépuscule d'un effort tendu.
Il est bien, satisfait, soulagé. Les flux de molécules chimiques ont envahi sa conscience et il ne se pose plus la question de savoir quel équilibre ; quelle légitimité.
Il a juté en une explosion incontrôlable, et son plaisir assouvi ne rencontre que la normalité de la situation. Il a cru la dominer un peu avec ses jeux de rôles, et elle s'est laissée faire jusqu'à ce qu'il parvienne au bout.
Maintenant il a atteint un objectif, et c'est tout à leur honneur.
Lui d'avoir conquis.
Elle d'avoir réalisé.
Son extase à lui.
Le pouvoir partagé en miroir.
Lui de profiter, elle de maîtriser.
La soumission partagée en miroir.
Lui de dépendre, elle de permettre.
Elle s'allonge contre lui, et lui caresse la poitrine.