Gérard d'Houville était une femme. Pas n'importe quelle femme, d'ailleurs, car il s'agissait de Maria Régnier, née Maria de Heredia, la fille du grand Parnassien éponyme.
L'article de Wikipedia vous permettra de découvrir l'ensemble de sa biographie et les grandes lignes de son oeuvre.
En attendant, c'est de sa poésie que je viens vous toucher quelques vers. J'ai en effet en ma possession un recueil de ses poésies, modestement intitulé "Les Poésies de Gérard d'Houville" et édité par Bernard Grasset en 1931
Voici un aperçu :
LUNE SUR LA MER
Au fond du crépuscule vert
Le croissant de la lune a l’air
D’un coquillage,
Et nacré, courbe, lisse et clair
Polit les conques de la mer
À son image.
À quelle oreille dans la nuit,
Lune triste ! se plaint et luit
Mystérieuse,
Votre voix pareille à ce bruit
Houleux qui s’enfle, et qui remplit
La conque creuse ?
Divine lune, ta rumeur
Voudra-t-elle bercer mon cœur
Qui se lamente ?
Verse à mon rêve ta lueur
Ainsi qu’à la nocturne fleur
L’arbre et la plante !
Le pin léger, noir et vibrant,
Garde encor ton étrange chant ;
Sous son écorce ;
Harmonieux, sombre et mouvant,
Ton murmure il le livre au vent,
Ô lune torse !
Je garderai dans mes cheveux
Ta verte rumeur si tu veux,
Toi qui pour plages
As le ciel rose ou ténébreux,
Comme les grèves sont les cieux
Des coquillages.
Et comme la plante du pin
Imite le soupir marin
D’une spirale,
Mes vers répéteront sans fin
Ton écho paisible et serein,
Ô lune pâle !
Et un autre :
PRÉLUDE
Papillon violet que veloute un or pâle,
Pensée en coeur, ô fleur si chère aux coeurs pensifs,
J'aime ton aile double et ton triple pétale,
Pervenche des cyprès, violette des ifs.
J'ai préféré ton ombre à la clarté des roses,
Ô deuil délicieux aux regards attentifs
Toi qui sais réveiller les vieux rêves moroses,
Corole en fleur, ô fleur si chère aux coeurs pensifs.
Ton visage de fleur obscurément ovale
D'un funèbre plaisir charme un esprit pervers,
Car, entre l'aile double et le triple pétale
Le masque de la mort assombrit tes ors verts.
Ta chair a la couleur des belles améthystes,
Et de sombres parfums, affaiblis et lascifs,
Voluptueux velours si doux à des doigts tristes,
Pervenche des cyprès, violette des ifs.
Amour! Ô tendre Amour! d'une langueur égale
À celle du passé, n'enivrez pas le jour!
Papillon violet que veloute un or pâle,
N'ouvrez plus votre vol, Amour! ô triste Amour!
Fermez votre aile double, et d'un triple pétale
Violet, parfumant mes cyprès et mes ifs,
Papillon de la nuit éternelle et d'or pâle,
Palpitez au tombeau fleuri des coeurs pensifs.
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Plusieurs poèmes encore seraient tout aussi dignes que ceux-ci de figurer dans ce message, mais je pense qu'il vaut mieux que chacun découvre à son aise les vers les plus connus de Gérard-Maria, comme aussi ses plus modestes.
Au plaisir de vous lire