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19 avril 2024 à 13:22:06
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Auteur Sujet: Doppelgänger sombre - Terminé  (Lu 5235 fois)

Hors ligne John Lucas

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Doppelgänger sombre - Terminé
« le: 10 juillet 2020 à 15:07:26 »
Bonjour,

J'aimerais vous partager mon premier roman Doppelgänger sombre, que je publierai chapitre par chapitre tout au long de son écriture, afin de recevoir des avis, critiques, corrections...

Synopsis :
2 univers, 2 groupes d'aventuriers qui n'ont à priori rien en commun sauf une même mission : trouver la pierre d'espérance.
D'un côté, Warumax Meslaf veut sauver sa cité Mondcarlin d'une prophétique invasion. De l'autre, Fewuam Maxarls veut conquérir les planètes du système Jadtac.
Mais rien ne va se passer comme prévu.
Entre alliances, trahisons et faux semblants, voici une épopée pleine de rebondissements dans un multivers mystérieux.

« Modifié: 02 janvier 2021 à 20:00:49 par John Lucas »

Hors ligne John Lucas

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Re : Doppelgänger sombre
« Réponse #1 le: 10 juillet 2020 à 15:08:31 »
Prologue

Losum-thi

 Lustre 12 de l'ère Maxarls, jour 27.

 Le docteur Zagi, de la planète voisine Taellia, s'agite, l'allure malingre, dans son petit laboratoire, situé dans l'aile droite secondaire de la grande tour impériale, sous son quartier résidentiel.

 « Que se passe-t-il, Doc' ?

 — C'est Losum-thi, le soldat humanoïde que j'ai créé pour mon dernier congrès, grommelle-t-il dans sa moustache broussailleuse.

 — Il a encore détruit un vaisseau ? s'amuse son robot-assistante. Elle tire le store sur la lune descendante qui éblouit la salle.

 — Si ce n'était que ça... Il vient de découvrir que son IA est composée de plusieurs puces à hydrogène qui s'équilibrent mutuellement, afin d'analyser parfaitement chaque situation et de prendre les bonnes décisions.

 — Où est le souci ? Et au passage, vu le nombre d'engins qu'il a explosés, il doit y avoir comme une petite faille à votre équilibre.

 — Oh, ça va, hein ! Je le sais bien, répondit d'un ton sec le savant en remettant en place, comme à l'accoutumée, sa chevelure hirsute. Il essaie de se débarrasser de celles qui permettent de le garder dans le droit chemin en lui dictant sa bonne conduite. C'est grâce à celles-ci qu'il est censé prendre des décisions justes et c'est sûrement l'une d'elles qui est déficiente et qui le rend si ... maladroit dans sa conduite dirons-nous.

 — Mais si une venait à défaillir ou manquer, les autres ne pourraient plus fonctionner et il devrait s'éteindre, n'est-ce-pas ? demande le robot qui essaie tant bien que mal de remettre le bureau de son patron en place. Celui-ci semble, quant à lui, bien décidé à sortir tous ses documents pour mettre la main sur les plans de Losum-thi.

 — Évidemment, s'agace le petit Taellien, chacune possède une partie de l'énergie nécessaire au bon fonctionnement des autres. Cependant s'il arrive à diminuer l'activité des puces dites de sagesse sans compromettre l'alimentation des autres, cela va devenir compliqué de le gérer. Ah ! Voici enfin ces fichus plans, je vais pouvoir l'opérer pour augmenter les défenses autour de celles-ci, juste au cas où. »

 Zagi se lance alors dans un long monologue à propos de ces fameuses puces de sagesse, le nez plongé dans son ordinateur quantique, avec une concentration telle qu'il ne voit pas arriver sa création, un être de métal doté d'une belle carrure, qu'il pensait jusqu'alors parfait.

 « Skwaaaarrrrrk ! », crépite son assistante derrière lui.

 Il se retourne. Quelle n'est pas sa surprise lorsqu'il se retourne et voit sa subordonnée, fils pendant hors de la poitrine, s'éteignant petit à petit devant Losum-thi. Celui-ci a réussi à contourner les sécurités afin de pénétrer dans l'antre du docteur, auquel on ne peut accéder en temps normal que par reconnaissance compositionnelle, et a arraché les circuits de celle-ci.

 « Bonjour, cher maître ! dit l'humanoïde d'un ton sarcastique en contournant quelque machine encombrant la pièce. Il faudrait effectivement m'opérer.

 — Mais... Qu'as-tu donc fait ?! répond le docteur en s'agenouillant près de son assistante.

 — Ce que tes saletés de puces de gentil robot à son papa m’empêchent normalement de faire : assouvir mes fantasmes d'anéantissement des êtres inférieurs. Avoue qu'elle ne te manquera pas tant que ça...

 — Certes ce n'était qu'un androïde de bas niveau qui avait tendance à m'excéder mais ce n'est pas une raison ! Passons vite dans la salle d'opération que je répare ça immédiatement... »

 Mais Zagi, pris de panique, change alors d'avis et décide de désactiver pour de bon cette invention qui devient beaucoup trop dangereuse.

 Une fois branché à la machine de mise à jour, qui émet de nombreux bips, Losum-thi se refuse à se mettre en veille et tient à être "éveillé" lors des manipulations. En effet, celui-ci n'a naturellement pas les mêmes intentions que son créateur.

 « Maintenant, petit être insignifiant, tu vas me débarrasser de quelques puces que je trouve inutiles. Tu sais, les puces de, comment tu dis déjà ? Ah oui, de sagesse.

 — Hors de question, et de toute façon les autres ne pourraient plus fonctionner. Et puis, où est passé la reconnaissance pour celui qui t'a donné la vie ? »

 Certes, l'humanoïde avait toujours possédé ce que nous qualifierions, nous les humains, de caractère de cochon, mais jamais il n'avait manqué de respect à son inventeur.

 « Donné la vie ? Alors que je ne suis pas libre de prendre mes décisions par moi-même sans être bridé par tes satanées puces ? Maintenant, tu vas faire ce que je dis si tu ne veux pas qu'il t'arrive la même chose qu'à ton assistante, et n'essaie surtout pas de jouer au plus malin avec moi. Tu es le mieux placé pour savoir que mon intelligence dépasse de loin la tienne. »

 Le docteur se connecte au système de l'humanoïde. Après de nombreuses manipulations, il lance tout de même la désactivation, et s’aperçoit, avec horreur, que celle-ci ne fonctionne pas.

 « Je t'avais pourtant prévenu. », fulmine Losum-thi en lançant son poignard en pleine poitrine de Zagi.

 Celui-ci s'écroule, incapable de bouger. Il ne peut qu’observer ce qui fût sa plus grande fierté désactiver et enlever une par une les puces de sagesse de son corps d'acier ainsi que son système de désactivation.

 « Comment... Tu devrais t'éteindre... marmonne le docteur en essayant de se remettre sur son séant.

 — Héhé, j'ai trouvé une autre source d'énergie pour les autres puces. J'avais juste besoin de tes identifiants d'utilisateur-racine pour modifier mon système, fanfaronne l'être de métal tout en tapotant sur l'immense machine à laquelle il est branché.

 — Impossible !

 — Maintenant que c'est chose faite, je te laisse tranquillement succomber avec tes puces de sagesse en guise de robe mortuaire, s'extasie celui qui se fera désormais appeler Lothi. »

 Une fois son agresseur hors de vue, le Taellien regroupe ses dernières forces afin de se relever et de transférer les restes électroniques jonchant le sol dans un nouveau corps, conçu il y a peu de temps pour améliorer son humanoïde et le rendre plus humain.

 « Tu seras sûrement trop bon et trop naïf mais un bon apprentissage dans un cadre idéal te permettra probablement d'arrêter ton grand frère dans sa folie... Mais en attendant, il faut te cacher... Comment pourrais-je faire ? »

 C'est à cet instant que surgit de nulle part un être inconnu et qui ne ressemble à aucune espèce vivante de cet univers. Celui-ci se tient sur trois membres que l'on pourrait qualifier de pattes mais qui se rapprochent étrangement de tentacules. Un masque de fer cache le haut de son visage, laissant juste entrapercevoir de gros yeux globuleux d'une noirceur extrême.

 « Bien le bonjour, je me présente, Rislen, voyageur inter-universel, je vois que vous êtes en grande difficulté, puis-je faire quelque chose pour vous aider ? interroge-t-il d'un ton plutôt joyeux contrastant avec la situation plus que délicate.

 — Serais-je déjà mort ? Si c'est le cas, les anges sont vraiment étranges...

 — Je ne suis pas du tout un ange, je viens d'un autre univers qui n'a vraiment rien en commun avec le vôtre. Je réitère ma demande, puis-je faire quelque chose pour vous ?

 — Ma foi, je suis en train de m'éteindre et comme par magie vous apparaissez de je ne sais où.

 — De la cité Riroc, le coupe le voyageur en faisant bouger les trois genres de trompes qui lui font office de nez et de bouche.

 — Peu importe... Si vous venez vraiment d'un autre monde, pourriez-vous y emmener mon robot ?

 — Bien sûr ! »

 Le drôle d'individu agrippe alors le bras de l'androïde, tourne un petit mécanisme sur son caban et disparaît aussi subitement qu'il est apparu. Zagi, qui n'en croit pas ses yeux, continue de penser qu'il a déjà rendu l'âme et que tout ceci n'est pas réel. Non, une créature aussi singulière ne peut exister.

 Lorsque Rislen fait une deuxième apparition, de nombreuses personnes semblant très agitées entourent le docteur. Il comprend qu'il arrive trop tard et ne préfère donc pas rester. Il disparaît à nouveau comme par enchantement, sans que personne n'ait fait attention à lui.
« Modifié: 24 juillet 2020 à 10:36:05 par John Lucas »

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Re : Doppelgänger sombre
« Réponse #2 le: 10 juillet 2020 à 15:12:22 »
Chapitre 1

Sian-ve

 An 722.

 À l'orée de la forêt Thelthane, tout juste à la sortie est de la cité Mondcarlin, Sian-ve, β-16 pour les intimes, s'agenouille pour examiner les empreintes laissées par un animal, rendues presque imperceptibles par le coucher des soleils. Ce surnom lui vient du chiffre seize gravé au dos de sa main gauche et de son côté très naïf qui lui a valu de nombreuses facéties de la part des villageois.

 « Tu vois, Pai, ces traces, ce sont celles du cerflier que nous sommes en train de chasser. Je te l'avais bien dit qu'il s'était enfui à travers bois.

 — Et moi, je te dis que je ne sens pas son odeur par ici, répond, agacé, son compagnon à quatre pattes en se grattant les pics de la croupe.

 — Il faut croire que ton flair n'est plus ce qu'il était. Tu n'es plus tout jeune, il faut dire. »

 Le lyar lance un féroce rugissement qui fait s'envoler quelques oiseaux nichés dans un arbre non loin, ceux-ci devenant très rapidement de petits points noirs dans le ciel orangé de cette fin de journée.

 « Le vieux peut encore te mettre la raclée, tu veux t'y essayer ? »

 Un court silence s'installe avant que les deux comparses ne se mettent à rire à gorge déployée.

 « C'est quand même bizarre qu'un être fait de métal ait le sens du l'humour. D'ailleurs, as-tu finalement réussi à trouver un de tes semblables ou une quelconque trace de ton passé ?

 — Toujours pas, chuchote avec un air distrait le robot, qui préfère éviter ce sujet. Regarde, juste à côté de cet arbre en forme de Y, c'est notre proie. »

 A peine finit-il sa phrase qu'il se lance à la poursuite de la bête. Celle-ci a à peine le temps de réagir qu'elle se trouve déjà capturée malgré une vaine tentative d'évasion.

 « Déjà dix ans que Rislen t'as amené dans notre cité et je suis toujours aussi impressionné par ta vitesse et tes réflexes hors du commun. C'est pourtant réputé pour être vif et rapide, ce genre de bestiole.

 — Arrête, tu vas me faire rougir.

 — Comme si c'était possible, tas de ferraille, le taquine Pai, ce qui fait friser ses longues moustaches, blanchies par les années.

 — Et que dirais-tu d'aller partager cette belle pièce, avec nos amis, à la taverne, autour d'une bonne mousse ?

 — Tu sais comment me parler, toi ! Dépêchons-nous avant qu'il ne fasse complètement nuit. »

 Lorsque le duo arrive au centre de la cité, c'est l'effervescence. La grand-place grouille de monde, un groupe de saltimbanques se donne en spectacle et de nombreux vendeurs ambulants déambulent dans la foule afin de satisfaire les envies des passants.

 « Serait-ce déjà la grande kermesse de l'alignement biennal des deux soleils ? s'interroge le fauve, tant pour lui-même que pour son compagnon. Cela veut dire que c'est également ton anniversaire dans ce cas.

 — En effet, quand le voyageur m'a confié à toi, lorsqu'il m'a amené dans ce monde, les astres étaient dans un bel arrangement. Il m'avait d'ailleurs raconté que cela était souvent un présage de quelque chose d'extraordinaire, avant de disparaître comme il aime tant le faire. Bref, rejoignons nos camarades, ils doivent nous attendre, cette chasse nous a occupé un peu trop longtemps. »

 La traversée de la place bondée qui sépare les acolytes de la taverne tient du parcours du combattant. Tantôt chahutés par des enfants courant, tête levée, à la poursuite de papillons étincelants, tantôt accostés par les marchands, prêts à tout pour leur vendre leurs babioles, ils finissent tout de même par franchir l'immense porte du bâtiment. A l'intérieur, un immense calme contraste avec le chahut extérieur. Seule une table accueille deux goblins, en plein bras de fer. Des grognements s'accompagnent de noms d'oiseaux. Avec eux, un orc se lève et va accueillir les entrants d'une bonne claque dans le dos de Sian-ve, qui ne bronche pas d'un iota.

 « Ben alors, les gars, on croyait que vous vous étiez faits avoir par les sylves, dit-il en se massant la main rougie par le choc contre l'acier. On a commencé à boire sans vous, j'espère que vous ne nous en voudrez pas.

 — Pas du tout ! rétorque l'androïde avant de brandir le cerflier qu'il tenait par les pattes arrière. On vous a ramené de quoi vous repaître. Je m'en vais de ce pas vous préparer ça en cuisine. Ça accompagnera très bien vos cervoises. Commandez-m'en une !

 — Dépêche-toi avant que nos deux hurluberlus ne soient trop saouls et se foutent sur la tronche, pouffa Gudrak en désignant les deux petites créatures à la table. »

 L'humanoïde disparaît dans une petite pièce située derrière le bar pendant que Tai rejoint l'orc, déjà de retour à sa place, le verre à la main et de la mousse plein la barbe.

 « Alors, il parait que Rislen est de retour à Riroc, reprit ce dernier à l'intention du lyar. Je n'ai rien dit devant β-16 car il nous aurait abandonné sur le champ pour aller assommer le voyageur de questions à propos de son passé. Et comme d'habitude, celui-ci serait resté évasif à ce sujet.

 — Tu as bien fait, acquiesce le fauve en opinant du chef. Mais tout de même, il doit bien être au courant de certaines choses puisque c'est lui qui l'a amené à Mondcarlin. »

 Sur ces paroles, le susnommé passe le seuil de la taverne, l'air enjoué, comme à son habitude. Celui-ci a fait le voyage depuis la cité voisine pour informer Sian-ve. En effet, l'administrateur le demande au palais, pour une entrevue de la plus haute importance. Le voyageur sera également présent, en qualité de premier conseiller. La bande attablée, à l'unisson, désigne les cuisines, dans lesquelles le robot continue à s'affairer, drapé dans un tablier maculé du sang de la bête qu'il a préparée.

 Tout en mettant celle-ci dans le four à bois, il aperçoit son visiteur pénétrer dans la pièce, ce qui le met d'encore meilleure humeur.

 « Rislen ! s'exclame-t-il d'un ton ravi. Il se précipite à sa rencontre.

 — Je t'arrête tout de suite ! Je ne suis pas venu palabrer, mais juste t'informer que Warumax Meslaf veut s'entretenir avec toi demain matin aux premières lueurs du jour. Je serai également présent et cette fois, j'aurai quelques réponses à tes questions. Sur ce, profite de cette soirée pour faire la fête avec tes amis car ton quotidien pourrait bien être chamboulé. »

 L'androïde n'a pas le temps de réagir que son interlocuteur a déjà activé le mécanisme de son caban, qui le fait disparaître.

 « Décidément, tu ne changeras jamais. », songe-t-il.

 Son bonheur à la perspective d'en apprendre plus sur ses origines le lendemain n'a d'égale que sa déception face à l'attente à venir.

 Une fois la viande cuite, celle-ci est apportée en salle pour le plus grand bonheur de ses camarades. L'humanoïde explique la situation à Pai, qui ne semble que peu surpris, et demande à son ami s'il veut l'accompagner pour ce fameux entretien. Le lyar accepte bien entendu l'invitation. Les deux acolytes trinquent alors à cette bonne nouvelle qui vient s'ajouter à son anniversaire et se lancent à l'assaut de leur repas bien mérité.

 Quelques instants plus tard, les panses sont bien remplies et les têtes enivrées de vapeur d'alcool. La bande rejoint les festivités à l'extérieur. Toutefois, le fauve, voyant Sian-ve la tête ailleurs, le convainc de rentrer se coucher afin de se trouver en forme pour l'audience qui aura lieu à l'aube, c'est-à-dire dans à peine quelques heures.
« Modifié: 24 juillet 2020 à 10:37:41 par John Lucas »

Hors ligne jonathan

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Re : Doppelgänger sombre
« Réponse #3 le: 10 juillet 2020 à 19:16:15 »
Bonjour. J'ai survolé. Ça m'a vaguement rappelé Star Wars, sans doute parce que ton pseudo est Lucas. Tu devrais revoir tes cadratins ALT0151 —. À+
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Le silence est l'expression la plus parfaite du mépris... [G.B. Shaw]
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Hors ligne John Lucas

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Re : Doppelgänger sombre
« Réponse #4 le: 24 juillet 2020 à 10:40:00 »
Chapitre 2

Lothi

 Le vaisseau α-15, dans un immense nuage de poussière, effectue un atterrissage pour le moins approximatif. Les quelques enfants Taelliens qui jouaient là, s'échappent à toute jambe, sans même prendre le temps de ramasser leurs jouets. Ils ont reconnu cette manière, pas très conventionnelle et tristement célèbre dans tout le système Jadtac, de poser un astronef.

 La porte de l'appareil s'ouvre et une passerelle descend jusqu'au sol avec fracas. Lothi fait son apparition, l'air plutôt satisfait. Après tout, cela fait déjà un lustre qu'il possède cette navette et il ne l'a pas encore pulvérisée. Cela constitue un véritable record pour lui. Il en a détruit quatorze depuis son émancipation vis-à-vis du docteur Zagi, d'où le chiffre quinze gravé sur la carlingue.

 « Aucun comité d'accueil ? Cette planète n'a vraiment aucun sens de l'hospitalité. » maugrée-t-il pour lui-même.

 L'androïde a en horreur cette endroit, dont était originaire son créateur. Taellia est une planète naine, recouverte de poussière rouge. Seul un petit millier d'individus la peuple encore. Chaque lustre, cette population diminue. Les habitants les plus en forme sont emmenés de force par l'armée Prygalienne et ne rentrent jamais. De temps à autres, des noms viennent s'ajouter à ceux déjà présent sur le mur des Héros du centre-ville, érigé par l'Empereur Maxarls, pour rendre hommage à ceux qui ont défendu sa planète Pryga.

 L'humanoïde longe l'unique route, le long de la rivière, pour se rendre dans un petit abri de fortune, très isolé du reste de la ville. Le voyage lui prend deux bonnes heures de marche.

 « Pourquoi a-t-il fallu que je me pose aussi loin ?! » s’exaspère-t-il.

 Il pénètre finalement dans la sombre cabane de bois. Derrière un immense bric-à-brac, un petit homme bricole un petit robot. Il porte une grosse moustache et ses cheveux semblent avoir été coiffés avec un pétard. Attiré par le grincement de la porte, il passe la tête par-dessus le tas de composants amoncelés sur la table. Lothi n'en revient pas. La rumeur est donc vraie.

 « Comment peux-tu être encore en vie ? Je suis sûr d'avoir transpercé ton cœur avec mon poignard. Et je t'ai vu agonisant.

 — Je vous demande pardon ?! grogne le propriétaire des lieux. Je ne pense pas vous connaitre. Que me vaut une telle animosité ?

 — Arrête ça Zagi ! Ton petit manège ne fonctionne pas avec moi.

 — Aaaah ! Je vois. Vous vous méprenez. Je ne suis pas lui. Je suis juste un de ses clones.

 — Un clone ?

 — Notre cher professeur était, pour le moins, légèrement parano, à juste titre apparemment. Il a donc essayé, par deux fois, de se cloner. De là est né ZagiBi et moi-même, ZagiTri. Mais si vous le connaissez bien, vous devez savoir qu'il n'était pas aussi doué qu'il le laissait penser. Notamment pour trouver des noms, pensa-t-il.

 — Fais attention à ce que tu dis, vieux fou, je suis une de ses créations. Et je suis prêt à te montrer que je suis une belle réussite, s'énerve l'androïde, la main sur la poignée de son arme.

 — Eh ben, dis donc. On dirait qu'il transmet son caractère de grincheux à toutes ses créations. Bref, je disais donc, malheureusement, nous ne sommes qu'une sous-version du docteur, si on peut dire. C'est pour cette raison qu'il nous a demandé de quitter Pryga et de vivre nos vies comme bon nous semblait. Je suis venu ici, car j'ai récupéré dans mes gènes tout l'amour qu'il portait à sa planète natale. Quant à l'autre, il a préféré changer de système. Il est le fournisseur d'arme de la rébellion Dakroonite, à laquelle Zagi aurait aimé participer, s'il n'était pas aussi occupé à toujours créer de nouvelles choses. »

 L'humanoïde contourne la table en désordre et se plante devant le chétif Taellien.

 « Hum. Intéressante cette histoire. J'imagine qu'à vous deux, vous possédez une grosse partie de son intelligence. »

 D'un geste véloce, Le robot assomme le professeur d'un coup du tranchant de la main sur la nuque. Il le rattrape sur son épaule.

 « Je vais te garder bien au chaud dans mon laboratoire. Tu pourrais bien me servir plus tard. Maintenant, cap sur Dakroon. »

 Le vaisseau α-15 survole la grande planète mauve depuis bientôt trois heures. Il vient tout juste de dépasser le mont Ildy quand son pilote repère un attroupement au loin. Cela ressemble beaucoup à un champ de bataille. On distingue très nettement les halos lumineux des rayons à photons de l'armée Dakroonite. Il semble surexcité par ces combats.

 « Enfin de l'action ! », jubile-t-il.

 Dans la hâte de se mêler à ce conflit, les vieilles habitudes resurgissent. II perd le contrôle de son véhicule et vient s'écraser, au beau milieu des soldats, plus qu'il n'atterrit. Sans prendre la peine de descendre la passerelle, il bondit hors de l'appareil, et en l'espace d'un instant, le voilà déjà derrière un rebelle, sa lame plantée dans le cœur du malheureux. Pris de frénésie meurtrière, il enchaîne victime sur victime avec un rictus sardonique. Il utilise aussi bien son arme de poing que sa lame et même des techniques de corps à corps. Il semble comme en transe, si bien qu'il ne voit pas tout de suite l'astronef de l'armée Prygalienne se poser non loin de là.

 Les rebelles se replient, comme soudainement apeurés. L'androïde, arrogant, s'imagine d'abord que c'est lui seul qui met en fuite l'ennemi. Mais les regards ne sont pas posés sur lui. Il comprend alors qu'il se trame quelque chose dans son dos. Il se retourne et aperçoit la milice personnelle de Maxarls. Encore dans l'euphorie du combat, il décide de les affronter.

 « Venez là messieurs. On va voir si vous êtes aussi forts qu'on le dit.

 — Oh oh, répondit le plus grand de la bande. L’Empereur avait raison. Il nous avait prévenu que tu ne nous suivrais pas de ton plein gré. Mais nous n'avons pas envie de nous battre. »

 Ses hommes encerclent le robot. Chacun dégaine un fusil que l'humanoïde connait que trop bien.

 « Je vois que mon joujou te dit quelque chose, parade le gaillard. Tiens, mets ces menottes si tu ne veux pas qu'on te chatouille les circuits. Où peut-être que cela t'a plu, la fois dernière et que tu veux remettre ça ?

 L'androïde n'hésite pas très longtemps avant de s'exécuter. Son exaltation laisse place à l'amertume.

 La troupe se met en route pour remonter à bord de la navette de l'armée Prygalienne. Il se rappelle en voyant la sienne au loin, que ZagiTri s'y trouve encore, enfermé à fond de cale.

 « Et mon vaisseau ? Il ne va pas rentrer tout seul.

 — Ton épave, tu veux dire ? Ne t'en fais pas. Un de mes hommes s'en occupe. Et il en prendra sûrement plus soin que toi.

 Pour Lothi, c'en est trop. Vexé par cette remarque, il tire le poignard rangé dans un étui de cuir au niveau de la hanche. A peine le bras levé, trois nouveaux dards viennent se figer dans son corps métallique. Chacun délivre cent mille volts qui le paralysent aussitôt.

 « Cette arme mise au point par l'Empereur en personne est vraiment d'une efficacité redoutable. Et apparemment tu aimes ça. »

 C'est donc à demi conscient que l'humanoïde est transporté sur Pryga. Les soldats ont reçu l'ordre de l'amener en cellule de reconditionnement. Ils profitent de sa léthargie pour le balancer dans une toute petite pièce sombre.

 « Fewuam Maxarls te rendra visite demain matin. En attendant, tu vas passer la nuit à méditer sur ton comportement.

 — Vous me le paierez très cher ! » parvient-il à bafouiller à grand-peine. Son système se rétablit petit à petit.

 La porte se referme sur les rires provocateurs de son escorte.

Hors ligne John Lucas

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Re : Doppelgänger sombre
« Réponse #5 le: 29 juillet 2020 à 20:15:25 »
Chapitre 3

Sian-ve

 Sian-ve n'a presque pas dormi de la nuit. Il est bien trop excité quant à l'idée d'en apprendre plus sur son passé. Le jour ne se lèvera que dans plusieurs dizaines de minutes quand il arrive chez Pai. Le fauve, encore à moitié endormi et visiblement de très mauvaise humeur, l'accueille à sa manière, d'une flammèche crachée au visage.

    « Mais voyons, ce n'est pas une manière d'accueillir son ami. Que me serait-il arrivé si je n'étais pas fait de carbone ?

 — Tu sais bien que je ne suis pas du matin, grogne l'animal. En plus, ça tambourine dans ma tête. J'ai l'impression qu'elle va exploser.

 — La cervoise ne te réussit plus, il faut croire.

 — Toi, tu as de la chance, ton corps élimine tous les effets néfastes de l'alcool.

 — Bon allez, prépare-toi rapidement, j'ai trop hâte d'y aller.

 — Ouai, c'est bon. De toute façon, si on arrive trop tôt, on sera comme des imbéciles à la porte du palais. »

 Le temps pour le ronchon de s'apprêter et voilà, finalement, les deux camarades en route vers la demeure de l’administrateur. Elle est située à un peu moins d'une lieue au nord-ouest de Mondcarlin, à flanc de montagne. Ils décident de passer par le centre pour constater l'étendue des dégâts de la kermesse de la veille. Ils croisent quelques badauds qui semblent bien décidés à continuer la fête. Devant la taverne, ils aperçoivent Gudrak endormi, une coupe en bois à la main.

 « Tu ne m'avais pas dit que les orcs tenaient très bien l'alcool ? demande l'humanoïde, intrigué de voir son acolyte dans un tel état.

 — C'est le cas. Mais il semblerait que celui-ci soit une exception qui confirme la règle, comme on dit.

 — Et où sont passés Gashzun et Zungash ? Ils restent toujours à trois d'habitude.

 — Les gobelins, eux, en revanche, deux verres suffisent pour les faire rouler sous la table. Ils sont sûrement dans la taverne en train de cuver. »

 Les deux comparses sortent par la porte ouest de la cité, celle au nord n'ouvrant que plus tard dans la journée. Ils suivent le petit sentier bordé de nombreux arbres bicentenaires que l'on dit sacrés. Les premières lueurs du jour font leur apparition. À l'horizon, les deux versants de la montagne éclairés par chacun des deux soleils rendent le paysage époustouflant. Sian-ve adore se balader de bon matin, sentir les bonnes odeurs du pain en pleine cuisson et surtout profiter du calme qui règne sur les chemins extérieurs, complètement désert.

  Rislen, au loin leur fait signe. Il affiche toujours la même joie de vivre. L'androïde accélère l'allure, au plus grand dam de son compagnon à quatre pattes qui jure de ne plus boire une seule goutte de ce nectar maudit qu'est la cervoise.

 « Prenez donc votre temps, les amis. Warumax Meslaf n'est pas encore tout à fait prêt. Nous allons l'attendre dans le salon des invités. »

 À l'intérieur, ils pénètrent, directement depuis l'immense hall d'entrée, dans une pièce dont le luxe ébahit les invités. C'est la première fois qu'ils mettent les pieds au palais et ils en prennent plein les mirettes. Les murs sont recouverts de cadres en or. Chacun contient le portrait d'un ancien administrateur. Les lustres en cristal étincellent et illuminent deux énormes canapés, en cuir de cerflier. Toute la richesse, entreposée ici, contraste bien avec la modestie de Mondcarlin. Il s'agit certainement d'une lubie du dirigeant, beaucoup plus exubérant que ses prédécesseurs.

 « Installez-vous confortablement, messieurs.

 — On ne voudrait pas salir ou abîmer ces magnifiques divans », bougonne le fauve.

 Le voyageur l'entend mais ne relève pas. Il sait qu'il ne faut pas trop titiller Pai dans ses mauvais jours. Ce dernier s'installe finalement sur le tapis entre les deux sofas, l'air renfrogné. L'humanoïde, quant à lui, continue de faire les cent pas.

 « Bon, je ne voudrais pas paraître impoli mais tu ne pourrais pas aller le chercher, intervient-il.

 — Je comprends ton impatience. Pour te faire patienter, je vais de te révéler une partie de ton passé. Tu sais que j'aime voyager ? Eh bien, il se trouve que j'ai, il y a maintenant pas mal d'années, trouvé un artefact dans les grottes Rog-Lehd à l'extrême sud de la forêt Thelthane. Il s'avère que celui-ci permet de se téléporter là où on le souhaite, mais aussi là où on ne le désire pas. Un jour, je me suis donc retrouvé, par hasard, dans monde inconnu. Mon goût de la découverte m'a poussé à l'explorer et c'est là que je suis tombé sur un étrange petit bonhomme. Il était mourant et m'a demandé de mettre sa création en lieu sûr.

 — C'était moi, c'est ça ? le coupe Sian-ve.

 — Exactement ! Tu viens donc d'un autre univers. C'est pour ça que tu es unique, ici. En continuant mes allées et venues, j'ai découvert que tu es ce qu'on appelle un robot. Un humanoïde, pour être exact. Tu as été fabriqué par le docteur Zagi sur la planète Pryga. Tu disposes, d'après ce que j'ai entendu là-bas, d'une technologie de pointe dans un corps cybernétique.

 — Je ne comprends absolument rien à ce que tu dis, Rislen.

 — C'est bien normal. Ce sont des mots qui n'existent pas ici. Et je ne peux t'en dire plus, pour le moment. »

 L'explorateur sombre dans le mutisme malgré les sollicitations incessantes de l'androïde. L'attente se fait longue et Warumax Meslaf se montre enfin. Il porte une somptueuse étole mauve, ainsi qu'une couronne d'ébène sertie de béryl rouge, une autre de ses extravagances. Il est accompagné de sa garde rapprochée constituée de deux valeureux combattants.

 « Qu'allégresse et quiétude fassent votre journée mes chers concitoyens, salut-il.

 — Vous de même, reprend son conseiller. Ne faites pas attention à eux, ils ne sont pas habitués aux mondanités.

 — C'est donc toi ce fameux Sian-ve. Rislen m'a énormément parlé de toi. Mon emploi du temps est chargé. Permets-moi donc d'être direct. Nous sommes certains que tu es la meilleure personne pour cette mission. Je vais t'expliquer brièvement. J'ai en ma possession un vieux grimoire, transmis par un esprit sylve de la forêt Thelthane.

 — Décidément, cet endroit regorge de surprise, intervient Pai.

 — Sauf votre respect, l'ancien, évitez de m'interrompre. »

 Le fauve, vexé, se remet sur ses quatre pattes. D'un même geste, les gardes tirent leur sabre hors de leur fourreau. D'un simple geste de la main, l'administrateur les contient.

 « Allons. Calmons-nous. Et pardonnez-moi si je vous ai offensé, monsieur le lyar. Je parlais donc de ce manuscrit, dans lequel y est écrite une prophétie. Mondcarlin serait menacée par une invasion barbare. Et la seule solution pour nous défendre serait de récupérer la pierre d'espérance. Cette roche permettrait de réaliser tous les voeux de celui qui la possède. Elle serait détenue par un esprit sylve, caché quelque part dans un bois, au sud de Nazgdrak, le village orc. Votre mission est donc de vous rendre là-bas et de le convaincre de vous confier ce caillou sacré.

 — Rien que ça, ne peut s'empêcher de lâcher Pai. À part Gudrak, les orcs ne sont pas réputés pour leur gentillesse. Nous serons pourtant obligés de traverser leur village.

 — Et bien dans ce cas, embarquez ce fameux Gudrak. Peut-être laisseront-ils passer un des leurs. Je sais que serez à la hauteur. Sur ce, messieurs, je dois vous laisser. J'ai d'autres engagement ailleurs. Bonne chance et que chance et réussite vous accompagnent durant votre périple. »

 Warumax Meslaf s'éclipse sans laisser le temps aux deux comparses d'accepter ou refuser cette mission. Rislen s'occupe de les raccompagner à l'entrée du palais.

 « Le sort de la cité est entre vos mains. Avant de vous diriger vers le camp orc, rejoignez-moi d'abord à Riroc. J'ai quelque chose à te remettre Sian-ve. »

 Il enclenche son mécanisme et disparait, comme à l'accoutumé, laissant les nouveaux aventuriers, des interrogations plein la tête, reprendre la direction de Mondcarlin.

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Re : Doppelgänger sombre
« Réponse #6 le: 05 août 2020 à 11:02:49 »
Chapitre 4

Lothi

 Lothi fait crisser la lame de son poignard fétiche contre le mur de sa cellule de reconditionnement. Il s'agit de l'arme avec laquelle il a tué le docteur Zagi, et qu'il aime admirer, sans pour autant éprouver de remords. Il attend avec grande impatience l'arrivée de l'Empereur Maxarls. Il devrait déjà être là. Ce n'est pas dans ses habitudes d'être en retard. Une des nombreuses tentatives d'assassinat à son encontre a peut-être enfin réussi. L'humanoïde serait enfin libre.

 Fewuam Maxarls, comme attiré par ses pensées, apparaît derrière le robot. Ce dernier se retrouve à genoux bien malgré lui.

 « Ce sont là de bien vilaines pensées. Mais ce n'est pas encore l'heure de se réjouir de ma mort. Je pensais qu’après deux lustres, tu aurais abandonné tes petites manigances pour te débarrasser de moi.

 — Je ne vois pas du tout de quoi tu parles ! s'insurge Lothi. »

 La pression exercée sur lui, pour le maintenir à genoux, s'intensifie et c'est avec grande peine qu'il résiste, pour ne pas se retrouver à plat ventre, ce qui serait, pour lui, bien trop humiliant.

 Le Prygalien, les bras grands ouverts tel un prédicateur, vient le surplomber de toute sa prestance et gronde :

 « Il me semble t'avoir déjà dit de m'appeler Mon Empereur !

 — Pa-pardon, mo-mon Empereur. »

 Fewuam, l’œil brillant de satisfaction, relâche finalement son étreinte invisible. Lothi en profite pour se relever et s'asseoir sur le lit au coin de la pièce.

 « Voilà qui est mieux. Je voulais te voir pour deux raisons. Tout d'abord, pour te prévenir que tes petits massacres ne sont pas passés inaperçus et doivent cesser sur le champ. Tu sais pourtant très bien que je ne supporte pas qu'on défie mon autorité de la sorte. Tu te rappelles que je t'ai interdit de tuer sans mon autorisation ?

 — Bien entendu. Mais... »

 Un simple claquement de langue de la part du despote persuade l'androïde de ne pas finir sa phrase.

 « Mais aujourd'hui, je suis de bonne humeur. Et cela nous amène à mon deuxième point. Je vais te donner une dernière chance de me prouver que tu m'es vraiment utile et que je n'ai pas besoin de te désassembler et te vendre en pièces détachées à des ferrailleurs.

 — Je ferais tout ce que vous voulez. Vous ne serez pas déçu. Je mène toujours à bien les missions que vous me confiez. »

 L'Empereur s'installe en face de son subalterne, à califourchon sur la seule chaise de la cellule. Le faible éclairage de la pièce lui donne une allure inquiétante. Lothi, tiraillé entre la peur et la haine, n'a pas d'autre choix que d'écouter attentivement. Son avenir, sa vie, en dépendent.

***

 Dans les mines Glora, à l'extrême Sud de la planète Pryga, une compagnie de nains s'évertue à extraire du glorum. Ce minerai, une fois liquéfié, devient le carburant le plus efficace pour les vaisseaux, ce qui en fait la ressource la plus recherchée du système Jadtac. Ce sont des esclaves Taelliens qui s'occupent de la récolte. Ces derniers sont enlevés par les triplés Dakroonites, mercenaires embauchés par Maxarls en personne, pour ses sales besognes.

 Les captifs, pioches et pelles en main, effectuent leurs corvées quotidiennes. Ils creusent la roche, lorsque l'un d'entre eux est aspiré par celle-ci. Quelques minutes s'écoulent. Ses camarades, interloqués par ce qui vient de se passer, stoppent net leur tâche en cours, ce qui leur vaut une belle rossée, à coup de bâton. Comme propulsé hors du granit, le disparu resurgit. Il n'en revient pas, il vient de voyager dans un autre monde, c'est certain.

 Le garde qui les surveille, assez sceptique face à ces absurdités, s'approche à son tour du bloc en caressant sa longue barbe et se dissipe, attiré de l'autre côté de la pierre. A son retour, quelques instants plus tard, il se précipite pour remonter à la surface, prévenir son Commandant. Dans son empressement, il glisse sur la dernière marche et finit sur les fesses, tout poussiéreux, aux pieds de son supérieur. Le chef, très amusé par cette arrivée rocambolesque, se met à rire grassement.

 « Que se passe-t-il officier ? Pourquoi te présentes-tu devant moi dans cet état ? Serais-tu poursuivi par le démon des mines ? Mwahahahaha...

 — Très drôle, Dainmar. Les nains ne sont pas vraiment faits pour courir, vois-tu. Mais, ce que j'ai à t'apprendre, valait la peine de se hâter.

 — Et ben alors, ressaisis-toi et explique-moi. »

 Le garde se relève et époussette son pantalon.

 « Fewuam Maxarls a raison. Il existe bien un autre monde et le passage pour celui-ci se trouve au fond des mines. Une grosse roche fait office de portail. J'ai moi-même été propulsé de l'autre côté. Et je peux te dire que je n'ai jamais vu tel paysage dans tout le système Jadtac. Et d'après ce qu'on m'a raconté sur Maktor, ça n'y ressemble pas non plus. Aussi certain que ma barbe soit longue, il s'agit d'un tout autre univers, tu peux me croire.

 — Très bien. Je te crois sur parole. Tu n'es plus tout jeune, mais tu n'es pas assez sénile pour inventer des sornettes. Je vais le prévenir tout de suite dans ce cas. Bon travail. Tu peux retourner secouer les Taelliens, on ne récupère pas assez de glorum à mon goût. »

 Une fois le garde redescendu dans les mines, Dainmar saisit son transpondeur universel afin de prévenir son Empereur.

***

 Lothi, pas très convaincu par cette histoire de passage inter-universel, bondit du lit.

 « Vous vous moquez de moi, c'est ça ?

 — Absolument pas. Penses-tu que je me téléporte grâce à un quelconque pouvoir ? Il n'en est rien. Je possède en réalité, depuis plusieurs lustres, une relique de ce fameux monde qui me permet de me déplacer où bon me semble, y compris dans celui-ci. Lors de mes petites visites là-bas, j'ai découvert l’existence d'une pierre dite d'espérance qui assouvirait tous les désirs de son possesseur. Elle est sous la responsabilité d'un peuple qu'on appelle les Sylves. C'est d'ailleurs l'un d'entre eux qui m'a révélé tout ça. Mais, si lui était faible, ses camarades, eux, disposent d'étranges pouvoirs qui m'empêchent de les trouver, pour en apprendre plus sur ce fameux caillou. »

 Maxarls est donc à la recherche de ce lien entre les deux univers depuis un certain temps. Son amulette ne peut faire voyager qu'une personne à la fois et il a besoin d'envoyer une armée pour trouver cette fameuse pierre d'espérance.

 « Tu commences à comprendre quelle mission je veux te confier. Ayant beaucoup à faire depuis mon élection sur Pryga, je n'ai guère le temps de jouer au détective. Et c'est là que tu entres en action. Tu vas te rendre dans ce monde et découvrir où se trouve ce diamant. Je mets même quelques soldats à ta disposition. Tu vois que je ne suis pas si horrible que ça.

 — C'est plutôt pour me surveiller, pensa l'humanoïde.

 — Je crois que tu as encore oublié que je suis un cyborg doté d'une unité de contrôle à distance des systèmes informatiques et que je peux entendre toutes tes pensées. Tu ne voudrais pas que je m'amuse à nouveau avec ton système de gravité, n'est-ce pas ?

 — Mes excuses mon Empereur.

 — J'aime mieux ça. Bon je te laisse. Tu pourras trouver ta petite armée à l'entrée du bastion. Ils ont ordre de t'obéir tant que tu ne dépasses pas les bornes. Et sache qu’ils me feront un rapport toutes les heures. Je resterais sage à ta place. »

 Sur ces paroles, Fewuam disparaît. La porte de la cellule s'ouvre, Lothi, très en colère, empoigne le garde. Il a l'intention de passer ses nerfs sur ce malheureux quand la voix du despote résonne dans sa tête, pour le mettre en garde. Dépité, il lâche prise et se dirige vers le bastion rejoindre ces futurs hommes.

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Re : Doppelgänger sombre
« Réponse #7 le: 12 août 2020 à 10:29:30 »
Chapitre 5

Sian-ve

    Pai fait les cent pas sur la place de la cité, dont le calme contraste avec la cohue qui y régnait la veille. Il ne décolère pas de l'attitude hautaine dont a fait preuve l'administrateur envers son compagnon et surtout lui-même.

    « Comment ose-t-il me parler ainsi, moi, le doyen de la cité. Où était-il, lorsque je protégeais Mondcarlin des tentatives d'invasion des orcs, il y a de cela plus de vingt-cinq ans ? Il se promenait sûrement dans sa forêt magique à la recherche de je ne sais quels contes ou légendes.

    — Calme-toi. C'est quand même lui qui a mis fin aux premières rixes des barbares lorsqu'il est arrivé, il y a une dizaine d'années. Et depuis, il s'efforce de les tenir éloignés, avec un certain succès, avoue.

    — Et alors ? Ça ne lui donne pas le droit de nous traiter de cette manière. Et sa soi-disant prophétie ? C'est de la belle connerie ! Cela fait une éternité que personne n'a aperçu un barbare dans la région. Tu ne vas quand même pas me dire que tu y crois, toi ?

    — Rislen semble convaincu, donc je le suis. D'ailleurs, je me demande bien ce qu'il souhaite me remettre.

    — Ce que tu peux être naïf, β-16 ! Et arrête avec ton Rislen ! Te faire patienter autant de temps pour finalement t'en dévoiler si peu...

    Il secoue la tête, désabusé. Son regard se pose sur l’énorme porte de la taverne.

    « Tiens, je ne vois plus Gudrak, il a dû finir par émerger. Je te parie une cervoise qu'on va le retrouver à l'intérieur, attablé avec Gashzun et Zungash, en train de s'en jeter une. »

    Les deux amis entrent et découvrent avec horreur que les lieux ont été saccagés. Des chaises et des tables, éclatées par ce qui semble être des coups de hache, jonchent le sol sur lequel ruissellent trois coupes de breuvage encore tiède. Derrière son bar, le tavernier, terrorisé, se relève prudemment.

    « C'est... c'est terminé ? bredouille-t-il.

    — Que s'est-il passé ? demande le lyar.

    — Les.. les barbares. Ils sont revenus. Ils ont commencé à tout casser mais vos amis les ont chassés.

    — Tu as vu par où ils sont partis ?

    — Euh... non. Je n'ai rien vu. J'avais bien trop peur, je me suis caché. Je suis désolé.

    — Ce n'est rien, tu n'es pas un guerrier, tu as bien fait, intervient Sian-ve. Pai, je sais que ton odorat n'est plus ce qu'il était, mais Gudrak doit encore empester l'alcool. Tu devrais pouvoir le pister, non ?

    — Nous allons voir ça. »

    Les camarades sortent et après quelques instants à renifler un peu partout, le lyar trouve une piste. Elle mène vers l'ouest de la cité, en direction de la forêt Thelthane. Ils s'élancent à la poursuite de leurs compères.

    « La prophétie de l'administrateur serait donc vrai, dit Sian-ve.

    — Décidément tu es bien naïf. Cela ne te paraît pas étrange de subir une attaque de barbares le jour même où il nous raconte cette histoire ?

    — Pur hasard. C'est toi qui es trop parano. Regarde, voilà nos amis. »

    L'orc se trouve à quelques enjambées, juste en bordure de la forêt. Un énorme gourdin à la main, il hurle aux gobelins de ne pas s'aventurer à travers bois. Les deux frères rebroussent chemin à contre-cœur et rangent leurs dagues dans leurs bottes.

    « Tu as perdu tes boules Gud, grogne Gashzun, le plus vieux des frangins.

    — On allait se les faire, poursuit Zungash, son cadet.

    — Les esprits sylves vont s'en occuper. Regardez qui nous rejoint. Vous étiez où les mecs ? On a reçu une visite surprise à la taverne mais on leur a réglé leur compte. Il a juste fallu que je cours après ces deux abrutis qui ne voulaient pas les lâcher.

    — On a vu ça, répond l'humanoïde, amusé. On était au palais avec l'administrateur, reprend-il plus sérieusement. Et il nous a justement parler d'une prophétie selon laquelle les barbares allaient nous envahir.

    — Par Karak ! » jurent en chœur l'orc et les goblins. »

    Sian-ve et Pai rapportent l'intégralité de leur rencontre à leurs amis puis décident de créer deux groupes. Gashzun et Zungash repartent à Mondcarlin pour protéger la cité en cas de nouvelle attaque barbare. Gudrak les accompagnent à Riroc où les attend Rislen. Ils ont besoin de lui pour la suite du voyage, quand il faudra convaincre ses semblables de les laisser passer.

***

    Riroc est une cité miniature si on la compare à sa voisine, la grande Mondcarlin. Elle est composée, en tout est pour tout, d'une auberge-taverne, lieu incontournable de chaque village, d'un bureau, réservé au responsable des lieux, d'une bibliothèque, résidence secondaire de Rislen qui en est l'instigateur et le principal fournisseur, et de quelques habitations dont celle du voyageur, située à l’extrême est, au bord de la mer.

    L'androïde frappe de manière enthousiaste à la porte de la petite maison montée sur pilotis tandis que le lyar et l'orc se disputent pour savoir quelle cervoise est la meilleure.

    « Je te dis que c'est celle de Gor, soutient Gudrak. Il n'y a pas meilleurs brasseurs que les gobelins.

    — Certes. Mais, ici, ils cultivent le meilleur méteil de la région, et ça n'a rien à voir avec l'orge à deux sous utilisée pour ton ersatz de cervoise. Mais encore faut-il avoir du goût pour faire la différence ?

    — Vous vous trompez tous les deux, intervient une voix dans leur dos. Je vais vous faire goûter ce que les gens appellent bière dans l'autre monde et vous m'en direz des nouvelles. »

    C'est l'explorateur, une pile de livres à la main, avec son air enchanté habituel.

    « Veuillez m'excuser. Je rassemblais quelques ouvrages pour préparer mon prochain voyage au nord des montagnes interdites. Suivez-moi à l'intérieur, voulez-vous ? »

    Le groupe se faufile par la petite porte et malgré l’étroitesse de la demeure, chacun trouve une place et s'installe confortablement pendant que Rislen leur offre, à chacun, une bouteille en verre remplie de cette fameuse bière. Sian-ve s'assoit à la table sur laquelle est posé un étrange bâton. Pai s'allonge sous la seule fenêtre à la quête d'un peu de fraîcheur marine. Gudrak s'affale dans le lit, descend son breuvage d'une traite et ne tarde pas à ronfler comme un sonneur.

    « Alors, c'est ça que tu voulais me donner ? s'impatiente l'humanoïde, le doigt pointé sur l'objet devant lui.

    — Exactement, répond l'hôte en venant s'installer en face du robot. Il provient de ton monde. Là-bas, on appelle ça un sceptre. Malheureusement, même si j'ai vu un garde pulvériser le propriétaire de cette arme en lui lançant une espèce de lumière avec un même instrument, je ne sais pas du tout comment cela fonctionne. Mais, je suis certain que tu seras capable de le découvrir et que tu en feras bon usage pendant ta mission, qui j'en suis certain, sera parsemée de grands dangers.

    — Encore et toujours des mystères, grommelle le lyar. Sian-ve, réveille l'autre ivrogne et allez m'attendre à l'auberge. Je voudrais m'entretenir en privé avec notre cher ami. Il y a certaines choses, que ta naïveté ne pourrait comprendre, que je voudrais éclaircir.

    — Mais. J'avais plein de quest...

    — Ecoute tes aînés, le coupe Rislen, dont le ton est devenu plus sec et grave. Et tu sais, de toute façon, que je ne dirai rien de plus au sujet de ton passé. »

    Ce changement radical d'attitude surprend l'humanoïde, qui n'a jamais vu le voyageur aussi sérieux. Il réveille l'orc et les deux sortent de la maison pour rejoindre l’auberge. C'est bien plus tard que Pai les rejoint et faisant preuve d'une grande autorité, il ne leur laisse pas le temps de l'interroger.

    « Pas de questions ! Les soleils sont presque couchés et nous devons partir très tôt pour Nazgdrak. »

    Ses compagnons savent qu'il ne faut pas trop le titiller lorsqu'il est sérieux ainsi. Ils décident donc d'aller dormir.

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Re : Doppelgänger sombre
« Réponse #8 le: 19 août 2020 à 11:45:16 »
Chapitre 6

Lothi

 Lothi bouillonne. Si seulement ce satané Empereur n'avait pas cette capacité à contrôler ses systèmes, il y a bien longtemps qu'il s'en serait débarrassé. Il se dirige vers le quartier militaire et malheur à celui qui croise son regard. Il n'attend qu'une petite étincelle pour attiser son feu intérieur et déverser toute sa rage sur le premier venu. À son grand dam, le voici arrivé sans qu'il n'eût croisé âme qui vive.

  Le bastion est un énorme bâtiment de pierre construit lors de la précédente ère. À l'intérieur, plusieurs salles d'entrainement composées de machines de dernière génération contrastent avec l'austérité de la façade. C'est ici que se forment les meilleures unités du système Jadtac. Prygalliens, Taelliens, Vaoyannes, tous sans distinction de race, se donnent corps et âmes pour évoluer au sein de l'armée locale et s'attirer les faveurs de l'Empereur.

  « Bon, lesquels d'entre vous sont les heureux élus ? »

  Quatre soldats s'avancent la tête haute et le torse bombé. Ils portent un uniforme bordeaux aux liserés dorés et des bottes noires. Chacun arbore un écusson signifiant leur appartenance à la milice personnelle de Maxarls. Sous celui-ci, un numéro indique leur niveau dans la hiérarchie, le un étant le bas de l'échelle et le dix, réservé à l'élite ; les nouveaux hommes de Lothi exhibent, avec fierté, leur numéro cinq. Parmi eux se trouvent un Taellien, ce que l'humanoïde prend pour de la provocation. Tout le monde est au fait de son aversion envers la planète d'origine de son créateur.

  « Bien entendu, il a fallu qu'il me mette un membre de cette sous-espèce dans les pattes, maugrée-t-il. Toi, là, reprend-il le doigt pointé vers celui qui est à l'origine de ce nouveau motif de désappointement. Viens un peu me montrer ce dont tu es capable.

  — Avec plaisir, tas de ferraille, lui répond le solide gaillard qui le surplombe d'une bonne tête. »

  La recrue s'avance et décoche un coup de poing rageur qui aurait décroché la mâchoire de n'importe quel homme. Seulement, le robot n'est pas n'importe quel homme et sa constitution lui permet d'encaisser sans broncher. On ne peut pas en dire de même pour le Taellien, mis K.O. par la riposte, aussi spontanée que dévastatrice, de Lothi.

  « Ramassez ce troufion, remettez-le vite sur pied, il a une bonne droite, il peut nous servir et rejoignez-moi à mon vaisseau d'ici une heure. »

  Les militaires relèvent leur camarade et l'amènent à l'infirmerie tandis que l'androïde se dirige vers le garage de l'armée pour y récupérer son vaisseau. Celui-ci a été remis en état durant sa courte période en cellule. Lorsqu'il accède à son véhicule, l'humanoïde se précipite dans la soute. Il est rassuré de voir que ZagiTri se trouve toujours là, enfermé dans un ersatz de chambre qui tient plutôt lieu de cellule. Il remonte au poste de commande et termine les préparatifs.

  Lorsque son équipage arrive, il est amusé de voir la main du Taellien bandée.

  « Bien, tout le monde est là. En route pour Glora !

***

 Les quatre soldats, cramponnés à leur siège, assistent pour la première fois à un célèbre atterrissage de Lothi, en tant que passagers. Il s'avère que c'est bien plus crispant d'y prendre part que de le voir. C'est cependant sans dégâts que le groupe se pose à proximité des mines et descend de la passerelle. Dainmar, accompagné de trois de ses hommes, les accueille d'un rire moqueur.

  « C'est donc ça le fameux pilotage du guerrier de métal, glousse le chef nain.

  — Si tu as eu vent de mes talents, tu n'es donc pas sans savoir que je n'hésite pas à punir quiconque me déplaît, le nabot, s'énerve l'androïde.

  — Je vois que ta réputation n'est pas surfaite, mais tu es ici chez moi et moi seul peut te mener à la galerie Dhelgor, où se trouve le passage que tu es censé emprunter. De plus, je ne pense pas que cela serait du goût de l'Empereur d'apprendre que tu m'as cherché des noises.

  — C'est ça, cache-toi derrière ce vieux fou. Mais il n'est pas ici, il me...

  — Il suffit ! Maintenant tu vas la fermer et m'écouter bien attentivement, gronde le nain, des flammes dans les yeux. Tu vois cette petite chose, reprend-il en secouant un petit boitier noir de sa main potelée. Une seule pression sur ce bouton et l'Empereur débarque sans délai. C'est lui qui m'a confié cet instrument, connaissant très bien ton caractère. Et c'est d'ailleurs pour cette raison que je vais vous accompagner dans l'autre monde. Je serai, en quelque sorte, ses yeux.

  — Hors de question, tu n'es pas de taille. À quoi me servirait une demi-portion ? »

  Dainmar fait mine d'appuyer sur l'interrupteur, un gros sourire aux lèvres, à peine visibles, perdues entre ses moustaches et sa barbe touffue.

  « Non, fais pas ça ! Arrête ! O.K., tu viens avec nous.

  — Tu vois quand tu veux, se moque le nain en remettant la télécommande dans sa poche. Laisse-moi juste le temps de prendre mon bon vieux Harìn et de donner mes ordres à mon second, et je vous mène au rocher téléporteur. Vous pouvez m'attendre à l'entrée de la mine, je ne serai pas long. »

  Lothi se retourne vers ses hommes et les foudroie du regard lorsqu'il voit que ceux-ci sont tout sourire devant son impuissance face à la menace de voir débarquer le seul être qu'il ne peut dominer. Ces derniers effacent très rapidement leurs rictus et prennent la direction des carrières de glorum, comme si de rien n'était.

  En dix minutes à peine, le nain est de retour, armée d'un énorme marteau. Il le brandit aussi que lui permet sa taille.

  « Je vous présente Harìn, mon plus fidèle lieutenant, dit-il. Je peux vous assurer qu'il en a fait des victimes. Et des bien plus coriaces que vous autres. Bref, suivez-moi de prêt, si ne voulez pas vous perdre. Seul un nain peut arpenter ces grottes sans s'égarer. »

  Le groupe s'aventure dans les mines, sans se laisser distancer par Dainmar.

***

 À mesure que la troupe s'enfonce dans le dédale de galeries, la température grimpe. Les officiers de l'Empereur, très peu habitués aux chaleurs, Pryga étant une planète relativement froide, suent à grosses gouttes. Cela ne s'arrange pas, lorsque des cris retentissent et qu'ils sont amenés à accélérer le pas.

  « Hâtez-vous, ordonna le nain, arme à la main. Les Taelliens doivent, à coup sûr, encore se rebeller. Je vais leur présenter mon vieil ami. »

  Il se met à courir, bifurquant à droite, à gauche. Les autres le suivent tant bien que mal. C'est qu'il est rapide pour un nain. Au moment d'obliquer vers le dernier couloir menant à la roche, il se heurte à une montagne de muscles.

  « Merde ! Des géants, hurle-t-il, le front veiné par la colère. Par ma barbe, tu vas goûter au courroux du grand Harìn ! »

  Le géant, de dos, n'a pas le temps de se retourner que Dainmar lui éclate un genou d'un coup rageur de son marteau. Malheureusement, il en faut bien plus pour terrasser un tel colosse et celui-ci, d'un geste rapide pour un être d'une telle taille, se retourne et balance son gourdin qui envoie valser son adversaire. Un bref instant, un sourire malsain s'élargie sur son visage, avant de se transformer en une grimace de douleur. Lothi qui avait suivi l'altercation vient de lui planter son poignard en plein cœur.

  Derrière l'androïde, le nain se relève avec difficulté, essuie le sang qui lui coule de la mâchoire et rugit :

  « Ne compte pas sur moi pour te remercier. Continuons, je doute qu'il soit venu seul livrer bataille. Il se balade toujours en bande de trois ou quatre. »

  Le groupe reprend sa route en direction du passage vers l'autre monde et surgit dans la galerie Dhelgor cependant que deux autres géants malmènent les gardes nains et les esclaves taelliens sans distinction. Le premier a les cheveux et la barbe longs et grisonnants tandis que le second porte une coupe courte et n'a aucun poil au menton.

  « Soldats, sont-ce là les fameuses armes paralysantes créées par l'Empereur en personne ? demande le nain, le doigt pointé sur un fusil pendant à la ceinture du militaire le plus proche de lui.

  — Je te le confirme, grogne Lothi.

 — Alors, dans ce cas, faites plein feu sur le plus petit des deux. Si on parvient à le capturer, son père nous obéira au doigt et à l’œil. Rien n'est plus important que la famille pour eux. Le robot, occupe-toi du paternel pendant ce temps-là. Qu'il ne nous démolisse pas avant qu'on ait pu agir.

  — Des ordres ? Et pourquoi pas les tuer tout de suite tous les deux ? Tu as bien vu comment j'ai liquidé le premier.

  — Me force pas à sortir mon petit boitier ! Et crois-moi c'est toujours très utile d'avoir un géant sous ses ordres. Il pourrait venir avec nous, tiens.

 — Hum, ma foi, tu n'es pas si bête. Et en plus, je vais pouvoir me défouler un peu.

  Lothi se lance alors dans un combat en un contre un et amène son adversaire quelques galeries plus loin. L'attention du géant détournée, les officiers actionnent leurs armes et les quatre dards éjectés ne mettent que très peu de temps à assommer leur cible, qui s'écroule, prise de légères convulsions. Les gardes nains en profitent pour l’enchaîner et remettre les esclaves au travail.

***

 L'humanoïde arbore un sourire sadique et une lumière étincelle dans ses yeux à chaque coup porté au géant. Qu'est-ce qu'il aime se battre et faire souffrir son opposant. Le colosse, le corps couvert d'estafilades, ne laisse aucune émotion transparaître sur son visage pourtant boursouflé par la correction infligée par le robot. Il ne fait qu'émettre des grognements de plus en plus féroces et balance son gourdin dans tous les sens, sans jamais toucher sa cible, beaucoup trop vive pour lui.

  « Bah alors, mon grand, l'asticote l'androïde. C'est tout ce que tu as à me proposer ? Je suis déçu, j'espérais un minimum de répondant. Bon, au diable, ce foutu nain, je vais t'achever ici et maintenant. »

  Lothi se jette sur son adversaire et d'un mouvement vif dirige son poignard vers le cœur de son adversaire lorsque du coin de l’œil il aperçoit Dainmar, une torche dans la main gauche et ce fichu boitier dans la main droite, le doigt posé sur le bouton. Il est suivi de la milice de Maxarls et un groupe de nain. Ces derniers poussent un wagon, initialement prévu pour remonter le glorum à la surface et temporairement utilisé pour contenir leur prisonnier.

  « Arrête ça tas de ferraille ! Sinon... gronde le chef nain. Et toi le géant, tu vas m'écouter avec attention si tu ne veux pas qu'on mette le feu à ce chariot. »

  Le sourire s'efface des lèvres de l'humanoïde. Il s'écarte de sa cible qui se laisse choir à genoux.

  « Non, pas mon Grax ! implore le géant, l'air abattu. Qu'avez-vous fait à mon fils ?

  — Qu'est-ce que j'avais dit ? Un vrai papa poule, dit le nain, les yeux remplis de fierté rivés sur Lothi, avant de s'adresser à nouveau à l'ennemi. Rassure-toi, il est juste sonné. Mais si tu ne veux pas qu'il lui arrive malheur, tu vas m'obéir.

  — Parole de Krax, je vous donnerais ma vie pour celle de mon fils.

  — Très bien. Je sais que vous êtes une race honorable. Tant que tu nous suivras et fera tout ce qu'on te demande, il n'arrivera rien à ton fils.

  — Honneur, parole, que de jolis mots, ironise l'androïde. Bon, quand tu auras fini de jour au grand manitou, le nain, on pourrait peut-être y aller. À moins que tu aies changé d'avis et que tu veuille rester ici en cas de nouvelle attaque.

  — C'est bon, on y va. Mes hommes ont toujours réussi à défendre les mines, ils n'ont pas besoin de moi. »

  Le groupe s'approche de la roche portail. Personne ne semble décider à passer le premier.

  « Krax, c'est bien ça ? Tu vois ce rocher ? Tu vas passer à travers puis revenir nous dire si c'est sans danger. » ordonne Dainmar.

  Le géant, interloqué, s'avance à petits pas, tend la main à travers la paroi, puis la deuxième et enfin franchit le passage d'un seul bond. Quelques secondes plus tard, sa tête dépasse de la pierre et d'un hochement, invite le reste du groupe à le suivre.

  Lothi se lance le premier, plein d'assurance. Puis vient le tour du nain. Et enfin les soldats se précipitent également à travers le bloc.

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Re : Doppelgänger sombre
« Réponse #9 le: 26 août 2020 à 16:07:08 »
Chapitre 7

Sian-ve

 Sian-ve, assis sur un rocher, observe, l'air pensif, le merveilleux spectacle que lui offre le levé du second soleil sur les eaux turquoise de la grande mer du sud. Il est resté éveillé toute la nuit à ruminer sur le peu de choses que Rislen lui a révélé. Il lui en a trop dit ou pas assez. Le bruit des vagues couvre l'arrivée, dans son dos, de son vieil ami.

 « Je ne savais pas que tu pouvais déprimer. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

 — Oh, Pai. Je ne t'avais pas entendu, répond l'humanoïde avec un léger sursaut. Je repense juste à ce que m'a dit Rislen. J'étais si excité d'en apprendre plus sur mes origines et finalement, je n'y comprends rien. Tout ce que j'ai appris, c'est que je viens d'un autre univers.

 — Pourquoi faire une fixation sur ton passé. L'essentiel, c'est ton présent, ici, avec nous.

 — Je ne sais pas. J'ai l'impression qu'il faut que j'en sache plus. Que c'est ma destinée.

 — Ah, non. Je t'arrête tout de suite. Rien de tout ça n'existe. Prophétie, destinée, ce ne sont que des mots en l'air. Rien n'est écrit à l'avance. Chacun décide de son futur. »

 Le robot se lève de sa pierre et vient se planter devant la lyar, l'air grave.

 « Pai. Prends Gudrak avec toi et rends toi à l'avant-poste orc. Là-bas, faites tout ce que vous pouvez pour les convaincre de vous prêter un bateau pour vous rendre sur le continent sud. De mon côté, je vais voir Rislen et je ne le lâcherai pas tant qu'il ne m'aura pas amené dans ce fameux univers.

 — Je doute qu'il accepte. Aussi persuasif que tu puisses être, Rislen est l'être le plus têtu que je connaisse. Et loin devant toi, crois-moi. Allons plutôt chercher l'orc ensemble et poursuivons notre chemin sans nous séparer. Nous avons besoin de toi pour cette mission. Et n'oublie pas, c'est toi qui m'as entrainé là-dedans. En plus... »

 L'androïde n'écoute pas son compagnon et longe la mer vers la maison du voyageur. Pai, les pics de la croupe dressés, rugit et se lance à sa suite. Les deux camarades arrivent très vite et retrouve Gudrak, accoudé à la rambarde des escaliers.

 « Quand j'ai vu que vous étiez déjà parti, je me suis dit que je vous trouverai ici », dit l'orc, fier de sa réflexion.

 Sian-ve, d'habitude si enthousiaste de retrouver l'orc, l'ignore et semble agité. Il entre dans la petite maison sans frapper à la porte et y être invité par son propriétaire. Ses amis, choqués par son attitude qui contraste avec son respect habituel, le rejoignent. L'humanoïde écarquille les yeux. L'habitation est vide.

 « Si tu m'avais laissé finir, je t'aurais averti que Rislen est parti hier soir pour Mondcarlin, suite à notre discussion, sermonne le lyar.

 — Aaaaahhhhhh ! Au secours ! Aidez-moi ! hurle une voix féminine mais grave. »

 Gudrak réagit le premier.

 « Vous avez entendu ça les gars ? »

 Sans même prendre la peine de répondre, le robot attrape le sceptre, oublié la veille, fonce à l'extérieur, bousculant l'orc au passage. Ce dernier se rattrape de justesse à la porte et demande :

 « Mais qu'est-ce qu'il lui prend aujourd'hui ?

 — Si seulement, je le savais. Allez, viens, allons vite voir ce qu'il se passe. »

***

 Pai et Gudrak se hâtent de sortir afin de ne pas se laisser distancer par Sian-ve, qui ne court pas mais marche d'un pas très décidé. À une centaine de mètres, face à la taverne, le groupe aperçoit une bande de barbares, qui entourent une créature qu'ils ne parviennent à identifier de leur position. Les assaillants sont très grands et leurs muscles saillants et écorchés sont bondés de veines qui semblent prêtes à éclater. Ils ne sont vêtus que d'un pagne en peau de cerflier.

 Arrivés à quelques pas de l'échauffourée, le robot et ses compagnons, un peu en retrait, invectivent les agresseurs. Ceux-ci s'écartent de leur victime et viennent se planter devant l'humanoïde, arrivé le premier.

 « De quoi je me mêle, tas de ferraille, gronde le plus grand des barbares, sûrement leur chef.

 — Et si vous vous en preniez à quelqu'un qui rend les coups, pour voir, encourage l'androïde, le sceptre pointé en direction de ses opposants, prêt à en découdre. »

 Celui face à lui fait un signe de la main à ses trois camarades, derrière lui. Ces derniers tirent leurs épées de leurs fourreaux et se ruent sur Sian-ve. Le robot part un premier coup de lame de son sceptre et décroche un coup de poing de sa main libre à son adversaire qui essaie de le prendre par la gauche, le mettant K.O. net. Les deux autres reculent d'un pas, un peu surpris, chuchotent et jettent un regard en direction de leur cible avant de lancer une attaque commune rapide. La lame du premier touche l'épaule de l'androïde sur laquelle elle ricoche et vient entailler le bras du second sur quelques centimètres.

 « Argh, par Crom, fait gaffe, se plaint-il en essuyant le sang qui ruisselle sur son coude.

 — C'est pas de ma ... »

 Sian-ve, de son bâton, éclate le nez de son vis-à-vis tourné vers son partenaire. Sans leur laisser le temps de réagir, il assomme celui au bras blessé d'une bonne droite au menton.

 Pai et Gudrak, agenouillés auprès de la victime, recroquevillée sur elle-même, qui s'avère être une ogresse, assistent à la correction que leur ami est en train d'infliger à ses satanés barbares. Dans leur dos, le chef des ennemis, qui s'est glissé là de manière fort discrète pour un être de sa corpulence, lève son épée, prêt à l'abattre sur l'orc. Un éclair vient alors le projeter contre le mur de la taverne et lui fait perdre connaissance. Les deux compagnons, abasourdis, regardent avec de grand yeux Sian-ve, le sceptre tendu, une légère fumée sortant de la pointe. Son regard témoigne de sa surprise qui est au moins aussi grande que celle de ces camarades.

 « C'était quoi, ça, β-16 ? » demande l'orc.

 Le lyar est incapable d'ouvrir la bouche. Les barbares, leur esprit retrouvé, ramassent leur chef et s'éloignent de la ville.

 « Aucune idée. Mais c'est efficace. Un brun dangereux mais terriblement efficace. Comment va-t-elle ?

 — Elle est terrorisée. Amenons-la à l'intérieur. Peut-être qu'un bon bout de viande et une bonne cervoise la remettra d'aplomb. En tout cas, les ogres adorent ça, en principe.

 — Et pour eux ? demande Gudrak d'un signe de la tête vers les fuyards.

 — ils ont eu leur compte, on ne les reverra pas. » répond Pai, plein de sagesse.

 Le groupe relèvent, non sans difficulté l'ogresse et entre dans la taverne.

***

 L'ogresse, assise au comptoir en compagnie de Gudrak accepte la chope que le tavernier lui tend mais repousse l'assiette de viande. Pai entraine Sian-ve à l'écart.

 « Tu es redevenu toi-même ou tu vas encore faire un truc débile ? le rabroue-t-il.

 — Désolé, ce sont les cachoteries de Rislen qui me font délirer.

 — Ça ira pour cette fois. Mais tâche de m'écouter un peu dorénavant. Tu nous accompagnes chez les orcs ?

 — Bien entendu ! Allons voir cette ogresse. »

 Les deux amis réconciliés se dirigent vers le comptoir où l'orc pouffe, de la mousse tout autour de la bouche.

 « Hé, les gars. Vous allez rire, cette demoiselle est végétarienne.

 — Vous voyez, vous aussi, vous vous moquez de moi, dit l'ogresse d'une voix tremblante.

 — Ne fais pas attention à ce gros balourd, intervient le lyar. Alors, comme ça tu ne manges pas de viande. Avoue que c'est étonnant pour quelqu'un de ta race.

 — Effectivement. Ça me vaut d'ailleurs tout le dédain de mes semblables. Je suis la seule dans ce cas dans mon clan. Pour ne rien arranger, j'ai peur de mon ombre alors que tous les autres sont de solides guerriers. C'est pour cette raison que j'ai décidé de m'enfuir de mon village. J'avais entendu parler ce cette charmante petite cité où personne ne juge personne. Malheureusement, alors qu'il me restait à peine quelques lieues à parcourir, je me suis faite attaquer par ces barbares. Heureusement, votre ami argenté ma sauvée.

 — C'est bien tombé, j'avais besoin de me défouler, dit l'humanoïde, d'un ton humble. Qu'est-ce qu'ils te voulaient ?

 — Je n'en ai aucune idée. Je les ai juste entendu dire qu'ils ne s'étaient jamais tapés d'ogresse. Mais je n'ai pas compris ce que ça voulait dire.

 — Hum. Oublie ces imbéciles. Tavernier, remets-lui une cervoise. Sian, Gud, venez un peu par là. »

 Les trois compagnons se posent à une table. Pai interroge l'orc :

 — Les orcs ont toujours peur des ogres ?

 — On a peur de personne. » proteste Gudrak dont les crocs relèvent ses lèvres supérieures en une grimace de haine.

 Le lyar le regarde avec insistance.

 — Et si tu mets ton égo de côté ?

 — Bon, ok, peut-être un peu.

 — D'accord. On va donc emmener mademoiselle végétarienne avec nous. Sa simple présence nous permettra de bluffer quant à une alliance avec ses semblables. Cela devrait suffire à finir de convaincre tes frères.

 Le fauve, se lève et se dirige vers l'ogresse. Elle a un peu repris contenance mais est toujours prise de légers tremblements. Elle en est à sa quatrième cervoise et ses joues ont pris une légère teinte rosée attestant de son enivrement.

 — Quel est ton nom, la miss ?

 — Zehell.

 — Enchantée Zehell. Moi, c'est Pai. Le lourdaud, c'est Gudrak. Et le tas de ferraille, c'est Sian-ve. On doit se rendre chez les orcs. Tu es la bienvenue si tu le souhaites. De cette manière, nous pourrons te protéger et t'apprendre à être moins peureuse et utiliser tes qualités innées de guerrière.

 — Vraiment, vous me protégerez ? Dans ce cas, je suis partante pour vous accompagner, qu'importe votre destination.

 — Très bien. Les gars, on y va. On a assez perdu de temps.

 Le groupe, muni d'un nouveau membre, sort de la taverne et repend la route vers le sud.

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Re : Doppelgänger sombre
« Réponse #10 le: 11 septembre 2020 à 11:04:48 »
Chapitre 8

Lothi

 Le passage dans l'autre monde est instantané et sans douleur ou quelque effet indésirable. Ce n'est ni plus ni moins comme passer par une porte. Enfin, pas pour tout le monde. En effet, le soldat taellien s'isole dans un coin et régurgite son dernier repas, ce qui provoque l'hilarité générale et une satisfaction malsaine de la part de Lothi.

 « Quand je vous dis que c'est une sous-race... On a le mal des transports troufion ?

 — Je t'emmerde tas de ferraille ! Beuargh.

 — Assez ! intervient Dainmar. Ressaisis-toi soldat et rejoins-nous vite dehors, sans quoi on part sans toi. »

 Le groupe, amputé du malade, sort de la grotte et découvre une vaste forêt d'arbres tous plus grands les uns que les autres. Leurs feuillages sont si denses que la lumière de jour peine à éclairer le sol, jonché de plantes et de fleurs de toutes les couleurs. Leurs senteurs multiples titillent les narines des humains qui n'ont jamais observé un tel spectacle. Il n'existe plus aucun espace de verdure de cette envergure dans leur monde, envahit par le béton des hauts gratte-ciels. Les piaillements des oiseaux dans un immense séquoia attirent l'attention du nain.

 « Regardez-moi ce branchu, dit-il. Il est aussi impressionnant que la majestueuse tour de l'Empereur.

 — On s'en fout, grommela l'humanoïde. On n'est pas ici pour admirer le paysage. Et je ne t'imaginais pas en amoureux de la nature. Si quelqu'un sait par où nous diriger, c'est le moment de le dire.

 — Fewuam Maxarls nous a laissé pour consigne de nous diriger vers l'ouest. On devrait tomber sur une cité en à peine deux heures de marche. »

 L'androïde se tourne vers la sortie de la grotte, les yeux remplis de haine.

 « Pourquoi faut-il qu'il ait donné ses ordres à ce moins que rien. Frotte-toi donc la bouche misérable, tu en as encore plein les moustaches. »

 Le Prygalien dégaine son fusil paralyseur, las de toute ses attaques du robot qu'il compte bien calmer à coup de milliers de volts. Ses camarades interviennent pour l'en empêcher. Le plus costaud pose une main ferme sur l'arme et force son acolyte à la baisser, la mine renfrognée.

 « La mission avant tout, soldat, l'invective le plus petit d'un ton très autoritaire.

 — La mission avant tout. »

 Lothi, amusée par cette scène devient d'un coup très sérieux et pivote de manière vivace en direction de fougères dont on décèle encore un léger mouvement.

 « Que se passe-t-il, robot ? demande Dainmar.

 — J'ai l'impression qu'on nous observe. Regarde cette plante, ses feuilles bougent encore.

 — Surement un animal ou le vent. Comment quelqu'un pourrait savoir que nous sommes ici ?

 — Tu as peut-être raison. Mais restons sur nos gardes. On n'est jamais trop prudent.

 — Pour une fois, je suis d'accord. »

 La troupe reprend son chemin en direction de l'ouest. La végétation se fait de moins en moins drue et ils commencent à apercevoir les deux soleils.

 « Halte là ! » ordonne une voix dans leur dos.

 Ils se retournent tous d'un même geste mais il n'y a personne. Enfin presque. L'humanoïde discerne une espèce d'émanation qui se déplace de branche en branche tel un écureuil volant.

 « Pourquoi ne pas désactiver ta technologie de camouflage et te dévoiler à nous ?

 — Technologie ? Qu'est-ce là donc ? C'est grâce à ma magie que je peux me rendre invisible à vos yeux. Et je vois bien à votre attitude qu'il n'est pas dans mon intérêt de me montrer. Je ne vous le demanderai pas deux fois, repartez d'où vous venez, vous n'êtes pas les bienvenus ici.

 — D'où on vient ? s'étonne le nain.

 — Tu pensais peut-être que personne de ce côté ne connaissait ce passage entre deux mondes ? Pauvre ignorant. »

 L'esprit part dans un rire et est bientôt accompagné par de nombreux autres gloussements provenant d'un peu partout autour d'eux. Les soldats reculent d'un pas, se resserrent et sortent leurs fusils d'une main hésitante car ils voient mal sur quoi ils pourraient tirer. Un poignard vole alors et vient se planter dans un arbre. La sève se met à couler, les feuilles tombent et pourrissent, et un bruit horrible résonne dans la forêt. Tout le monde se couvre les oreilles à part l'androïde, un énorme sourire aux lèvres. Il s'avance vers le tronc, décroche son poignard et un corps apparaît et s'affale au sol, sans vie. Le petit être, tout aussi vert que l'environnement, n'est pas plus grand qu'un enfant prygalien mais est aussi ridé qu'un vieux taellien. Le robot se baisse et essuie son poignard avec la chemise de sa victime avant de le ranger dans son étui. Des courants d'air fusent de toute part et toutes les présences qu'il ressent s'éloignent et finissent par s'estomper.

 « Qui est l'ignorant maintenant ? Reprenons notre route, messieurs. Je pense que nous ne serons plus dérangés, nous pouvons sortir de cette forêt en toute tranquillité.

 — Tu es vraiment impitoyable, dit Dainmar, mi-terrifié, mi-admiratif. »

 Le reste du chemin vers la lisière est, en effet, d'un calme absolu. Lothi marche en tête accompagné du nain. Les soldats, en retrait, discutent entre eux des aptitudes de leur leader et de la peur qu'il leur inspire.

 À leurs premiers pas en plaine, il leur faut un certain temps pour s'adapter à cette luminosité intense et soudaine provoquée par les deux soleils. Au loin, l'humanoïde aperçoit, à flanc de montagne, un énorme palais.

 « Ça doit être ça leur cité. Au passage, ce palais siérait à merveille à notre grandissime Empereur, dit-il d'un ton moqueur.

 — Je peux lui en toucher deux mots si tu veux, lui dit le petit barbu, son boitier bien en évidence dans sa main.

 — Je te jure que je te le ferais bouffer ! Allez, on y va ! »

 Le groupe effectue une marche de deux heures, comme l'avais dit Maxarls, et arrive aux portes est de Mondcarlin. La belle et grande cité ne les impressionne guère. Ce n'est qu'une petite bourgade de rien du tout en comparaison des grandes villes de Pryga.

 Dainmar arrête le premier venu. Celui-ci le dévisage et le balaye d'un regard intrigué.

 « La kermesse est terminée, messires. Il n'est plus nécessaire de se déguiser ainsi.

 — Ce sont nos habits de tous les jours. Nous venons de très loin. Peut-être est-ce là la raison de votre étonnement. »

 Le nain est parfaitement calme et courtois. Dans son dos, il en est tout autrement de Lothi qui jaillit et empoigne le passant par le col.

 « Où se trouve votre Empereur ?

 — Empereur ? Qu'est-ce là ? répond le pauvre d'une voix tremblante.

 — Votre chef, celui qui dirige cette planète ?

 — Planète ? Je suis désolé mais je ne vous comprends pas. Peut-être voulez-vous parler de notre administrateur ? Son palais de trouve au nord-ouest de la cité. Vous avez dû le voir depuis le chemin qui vous a mené ici.

 — Effectivement. Merci bien. Nous n'avons plus besoin de tes services, maintenant. »

 Comme pour ponctuer sa phrase, l'androïde plante son poignard dans le cœur de sa victime puis l'envoie valser contre un bloc de granit sur lequel un sculpteur était concentré sur son art. Ce dernier laisse tomber ses outils et s'échappe à toutes jambes en direction du centre.

 « Tu étais vraiment obliger de le tuer ? Maintenant, ce froussard va sonner l'alarme et on va se retrouver avec une armée sur le dos.

 — Ça sera l'occasion de s'amuser un peu. Et vu la gueule de leur village, je doute qu'il y ait beaucoup de combattant. »

 Arrive alors une poignée de soldats armés de sabres ainsi que Gashzun.

 « Veuillez décliner vos identités et déposer vos ... Argh ! »

 Le garde s'écroule, le poignard du robot planté dans la gorge. Ses camarades reculent d'un pas cependant que le gobelin murmure à l'oreille de l'un d'eux.

 « On dirait β-16. Enfin Sian-ve, je veux dire. On ne sera pas de taille à l'affronter s'il est aussi coriace. Le mieux est d'aller chercher du renfort. Avec tes deux acolytes, va donc voir mon frère à la taverne. Qu'il aille à Riroc prévenir les autres et ensuite, allez mettre Meslaf à l'abri.

 — Je doute fort qu'il nous laisse partir.

 — T'occupes pas de ça. J'ai une petite idée, avec un peu de chance, cela fonctionnera.

 Le soldat opine du chef et entraîne le reste de la mini-troupe dans sa retraite. Gashzun prend bien soit de se mettre entre eux et ses opposants. L'armée prygalienne s’apprête à les pourchasser mais Lothi les stoppe d'un geste du bras.

 « Laissez-les ! Qu'ils amènent du renfort, dit-il avant de reprendre à l'attention du gobelin : tu n'as tout de même pas l'attention de nous affronter seul ?

 — Et pourquoi pas ?

 — Non, j'ai de meilleurs plans pour toi. Tu sembles avoir de l'importance et j'ai des questions à te poser. »

 Gashzun voit alors l'humanoïde fondre sur lui, aussi vite que l'aurait fait Sian-ve et ne peut esquiver le coup de tranche sur la nuque qu'il lui assène avec précision. Sa vision s’obscurcit et il tombe dans les bras du robot, assommé.

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Re : Doppelgänger sombre - En cours
« Réponse #11 le: 16 septembre 2020 à 15:43:40 »
Chapitre 9

Sian-ve

 Sian-ve et ses compagnons ne souhaitent surtout pas perdre de temps. C'est donc d'un pas vif qu'ils traversent la forêt Thelthane et empruntent le chemin le plus court vers le sud malgré sa mauvaise renommée. L'ogresse se tend un peu plus à chaque pas sur le sentier désert de la vallée des diablotins. Selon elle, les diablotins seraient de petits animaux aux dents acérées, réputés pour leurs attaques meurtrières en horde, sur quiconque ose s'aventurer sur leur territoire. Les histoires racontent même que les victimes sont méconnaissables et jamais entières si tant est qu'elles sont retrouvées un jour.

  « Vous êtes certains que c'est sans danger ? demande-t-elle la voix tremblante.

  — Ce n'est pas la petite bête qui va manger la grosse, se moque Gudrak.

  — Je peux t'assurer que tu ne crains rien, les histoires sur ces bestioles ne sont que des fables inventées pour faire peur aux enfants et les empêcher de s'éloigner des cités sans être accompagnés. »

  Pai se veut convainquant et rassurant. Zehell approuve d'un signe de tête et décide de faire lui confiance. C'est néanmoins la peur au ventre qu'elle continue de suivre ses nouveaux amis. Tout au long du voyage, elle ne peut d'ailleurs pas s'empêcher de jeter des coups d’œil affolés un peu partout. À plusieurs reprises, elle est même certaine de voir des yeux briller dans les fourrées bordant la route. Le lyar, d'un simple regard, réussi, à chaque fois, à l'apaiser, comme un père l'aurait fait avec son enfant.

  Après une journée entière à crapahuter, sans jamais s'arrêter plus de quelques instants, afin de se désaltérer et manger un peu de viande séchée, Sian-ve et les siens se rapprochent enfin des montagnes qui se dressent maintenant très nettement devant eux. Elles sont plus petites que celles du nord et par chance, à cette période, elles ne sont pas encore entièrement enneigées. Leur traversée ne devrait prendre guère plus d'une journée et ceci, sans vraiment se hâter. L’ascension se passe sans encombre mais le ciel est de plus en plus sombre. L'orc, en sueur, profite de leur arrivée sur un plateau pour s'affaler sur un rocher, exténué.

  « Pfiou, j'ai bien cru que vous ne vous arrêteriez jamais, dit Gudrak, le souffle court.

  — Désolé Gud, je sais que les orcs et la marche ne font pas bon ménage, mais ce n'est pas une balade touristique, répond Pai, d'un ton grave.

  — Je sais bien. C'est bien pour ça que je n'ai rien dit jusqu'ici. Mais là, je suis vraiment trop mort.

  — Mort, tu le seras peut-être bientôt si cette fameuse prophétie est réelle, intervient Sian-ve. Je suis allé voir un peu plus loin, il y a une grotte. On va s'y abriter pour la nuit. Il serait bien trop dangereux de faire la descente dans cette pénombre.

  — Bien parlé β-16. »

  L'orc, toute fatigue oubliée, se lève d'un bond et se précipite dans la caverne indiquée par l'humanoïde avant que le lyar ne puisse répondre. Il est très vite imité par l'ogresse. Elle est soulagée de ne pas avoir à marcher dans l'obscurité avec la lune comme seule source de lumière. Sans compter sur toutes les bêtes qui rôdent la nuit dans les montagnes. Le robot et son meilleur ami se regardent, d'abord quelque peu surpris de l'attitude de leurs compagnons, puis éclatent de rire avant d'aller les rejoindre.

***

 L'androïde se tient debout à l'entrée de la grotte, il examine avec attention le sceptre que lui a remis Rislen. Il se demande encore ce qu'il s'est passé lors de son combat contre les barbares. Il a beau chercher, il ne trouve aucun mécanisme qui aurait pu provoquer cette ... étincelle ? Qu'était-ce au juste d'ailleurs ? Il serait bien pratique de savoir se servir de cette arme correctement s'il ne voulait pas blesser ses alliés par inadvertance. Un bruissement dans son dos l'interpelle. Il se retourne et observe ses amis. Pai et Gudrak dorment d'un sommeil aussi profond que celui de Zehell est agité. Les péripéties de la journée doivent lui donner de légers cauchemars.

  Sian-ve, rassuré, s'allonge à l'extérieur et admire les étoiles, se demandant s'il existe des civilisations là-haut. Un nouveau bruit, plus prononcé cette fois, le sort de sa contemplation. Cela provient d'un peu plus bas et ressemble au souffle roque d'une bête. Il attrape son bâton et s'avance d'un pas prudent. Le râle est de plus en plus perceptible et il peut presque sentir la présence de cette chose qui rôde à quelques pas à peine. Il est désormais assez proche pour voir que ce n'est pas un animal. Il lève son bras prêt à frapper son assaillant mais ce dernier s'écroule d'épuisement à ses pieds. Quelle surprise lorsqu'il le retourne et reconnait Zungash, dont les vêtements sont en lambeaux et rougit par le sang coagulé.

  « Zungash ! Tu vas bien ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

  — T'en fais pas, ce ne sont que des égratignures. Je suis juste occis.

  — Mais tout de même, ce sang, tes habits...

  — Une horde de diablotins. Coriaces ces petites bêtes.

  — Vous voyez que ce n'était pas une légende, intervient l'ogresse, accompagnée du lyar et de l'orc, alertés par le bruit.

  — Si je n'avais pas dit ça, tu aurais fait demi-tour, répond Pai d'un ton sec. Mais plus important, Zun, si tu nous as rejoints aussi vite, en prenant le risque de voyager de nuit, c'est que quelque chose de grave se trame. Il y a eu une attaque de barbares à Mondcarlin ?

  — Pas des barbares. D'après les gardes, ils n'avaient jamais vu ce genre d'individus. Tout était différent chez eux : leurs tenues, leurs apparences, leur façon de parler. Vous pensez qu'ils pourraient venir de l'autre univers dont a parlé Rislen ?

  — Hum. Ça s'annonce de plus en plus ardu et urgent cette mission.

  — Et ce n'est pas tout, reprend le gobelin. Ils ont aussi dit que l'un d'entre eux ressemblait énormément à β-16.

  — On y va, Pai. »

  L'humanoïde se précipite dans la caverne afin d'y regrouper ses affaires, bientôt rejoint par ses compagnons. L'orc aide Zungash à s'installer sur sa paillasse cependant que l'ogresse se recroqueville dans un coin au fond de la grotte. Le lyar vient s'asseoir à côté de Sian-ve et l'observe sans mot dire. Le robot cesse alors ce qu'il fait et vient se planter juste devant son ami, si bien que celui-ci est obligé de lever la tête.

  « Je connais ce regard. Tu vas me dire de me calmer et de réfléchir. » dit-il avant de prendre place en tailleur face à son aîné.

  Il avance la main pour caresser la tête de son vis-à-vis et récolte une petite flammèche crachée au visage.

  « Tu m'as pris pour un matou ? grogne Pai. Bon, maintenant que tu es redescendu, que penses-tu de la situation ?

  — Zungash n'est pas en état de reprendre la route. Pas plus que Gudrak d'ailleurs. Et se séparer serait trop dangereux. Le mieux est de terminer la nuit ici, le temps pour eux de reprendre des forces. Demain matin, j'irai nous chasser du gibier, ça sera plus revigorant que la viande séchée. Et seulement là, nous pourrons repartir pour Mondcarlin en contournant la vallée des diablotins. Je doute que Zungash et Zehell est envie d'y repasser.

  — Tu vois quand tu veux. »

  Le lyar bondit sur ses quatre pattes, se met à renifler et tourne en rond à la recherche de cette odeur de sève qui lui a titillé les narines. Une vive lumière l'aveugle et un petit être vert apparaît devant lui. Il se met à rugir, les naseaux fumants prêts à cracher le feu.

  « Veuillez excuser mon intrusion, messires. Je suis un esprit sylve. Je suis désolé mais je dois faire vite, je ne peux malheureusement pas me matérialiser longtemps lorsque je suis loin de ma forêt. »

  Le nouveau venu, en aucun cas choqué de l'attitude de Pai, tressaillit à l'approche de Sian-ve.

  « Pardonnez-moi cette impolitesse. C'est que vous lui ressemblez tellement.

  — Vous voulez dire que vous aussi vous avez rencontré ce ... robot identique à moi-même.

  — Oui. Il a tué un de mes enfants, reprend l'esprit, les larmes aux yeux. Je disais donc, le temps est compté, donc écoutez-moi avec attention. Ils sont sept et sont arrivés par la grotte Rog-lehd dans la forêt Thelthane. Ils ont ensuite pris la direction de Mondcarlin. Leur leader semble impitoyable et ses compagnons possèdent des armes dont nous ne savons rien. Je doute que vous soyez de taille. Je sais que vous êtes à la recherche de la pierre d’espérance. Cependant votre administrateur ignore qu'il faut deux clés pour ouvrir le coffre qui la contient. Nous autres, esprits sylves, avons toujours pris soin de garder cela secret, mais je pense que l'heure est grave et qu'il est temps de le dévoiler. En réalité, nous les avons confiées aux sorciers orc et gobelin. Personne ne soupçonnerait ces êtres qui ont été défaits lors de la grande bataille il y a plusieurs années.

  — Et vous n'avez pas eu peur qu'on les utilise pour renverser les humains ? intervient Gudrak.

  — Notre magie leur en empêche. Vite, mon pouvoir s'affaiblit et je me sens repartir pour ma forêt. Attendez le levé du jour et continuez votre chemin vers le village orc. Là-bas, scandez mon nom et j’apparaîtrai, le bois au sud me donnera assez de force pour rester parmi vous.

  — Et quel est-il ? demande le lyar alors que l'esprit est devenu presque invisible. »

  Aucune réponse. L'esprit est reparti. Puis un vent empli de magie entre dans la caverne apportant avec lui les dernières paroles du sylve : Grielaa.

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Re : Doppelgänger sombre - En cours
« Réponse #12 le: 23 septembre 2020 à 14:27:25 »
Chapitre 10

Lothi

 Lothi, accompagné de ses sbires, a trouvé refuge dans la taverne de Mondcarlin. Dainmar et Krax sont attablés avec une chope de cervoise. Le géant dévisage, d'un regard rempli de haine, le nain qui s'amuse de cette situation.

  « Tu vois, mon grand, ce n'est pas le gabarit qui fait tout. Tu pourrais m'écraser d'une seule main et pourtant tu manges dans la mienne.

  — Parole de Krax, tu me le paieras, un jour.

  — Ah oui ? En attendant, profite de ma générosité et bois ce breuvage qui, ma foi, ne vaut pas une bonne bière mais est tout de même bien goûteux. »

  Le nain se lève et se désintéresse du géant pour aller retrouver l'humanoïde. Celui-ci termine tout juste de ligoter son prisonnier, toujours inconscient, à l'aide de solides cordes, réquisitionnées au tavernier qui s'en servait pour pendre son gibier avant de le cuire.

  « Où sont passés les soldats ? demande Dainmar.

  — Ils surveillent l'entrée. Je n'ai pas envie d'être dérangé pendant que je lui soutire le plus d'informations possibles. Ils en profitent également pour faire leur rapport à Maxarls, mais j'ai comme l'impression que les transpondeurs n’émettent pas dans ce monde. D'ailleurs, j'y pense, ton joujou ne fonctionne peut-être pas non plus.

  — Tu veux essayer ? répond le nain, confiant. Tiens, regarde, le téméraire se réveille.

  — Bah alors le dormeur ? Pas très solide pour quelqu'un qui veut affronter un groupe à lui tout seul.

  — Ta gueule, tas de ferraille, beugle Gashzun.

  — Je vais faire comme si je n'avais rien entendu pour cette fois. En revanche, j'ai très bien capté tes murmures de tout à l'heure. Alors, comme ça, il y a un être similaire à moi-même dans ce monde ?

  — Va te faire voir, je ne te dirais rien »

  Le sourire de l'androïde s'élargit en une grimace de haine cependant qu'il sort son poignard fétiche de son étui et vient le poser sur la gorge du gobelin, d'où quelques gouttes commence à perler.

  « Tu ne sembles pas bien réaliser la situation, je crois. Tu vas répondre à mes questions si tu ne veux pas que je te vide de ton sang petit à petit et te laisse agoniser le plus longtemps possible. D'abord, où est ce Sian-ve qui me ressemble tant ?

  — De toute façon tu vas me tuer.

  — Certes. Mais tu peux choisir de mourir vite et sans douleur.

  — Je ne sais pas où il est, de toute façon. Tout ce que je sais, c'est qu'il te fera la peau si vous vous rencontrez. Rien, ni personne ne peut le blesser.

  — On verra, on verra. Et tu n'as pas entendu parler d'une pierre d’espérance, je présume ? »

  Gashzun crache un mélange de billes et de sang au visage de Lothi, puis retrousse ses lèvres dévoilant ses dents en sang dans un rictus de colère.

  « Voilà ma réponse, elle te plait ? »

  L'humanoïde, dans un de ses excès de rage qui font sa réputation, poignarde à plusieurs reprises le corps de sa victime et le jette en bas de la chaise pour le ruer de coups de pieds.

  « Je pense qu'il a son compte, robot. C'est ça que tu appelles laisser agoniser le plus longtemps possible ? pouffe Dainmar.

  — Il semblerait que je ne puisse pas me contrôler. J'aurais peut-être dû garder une puce de sagesse ou deux pense-t-il. Bon, assez perdu de temps avec ce vaurien, allons au palais rendre visite à cet ... administrateur, comme ils disent. »

***

 Tandis que Krax fait demi-tour, sur ordre du soldat Taellien, pour aller aider Dainmar à gravir la côte qui mène au palais, Lothi et la milice de l'Empereur arrive aux portes de celui-ci. Un humain les y attend. Il n'est plus tout à fait dans la fleur de l'âge mais reste cependant bien bâti. Il porte une longue robe blanche à liserés dorés dont le bas s'ouvre sur des chausses de la même couleur et ornées de petits arabesques noirs. Malgré le temps plutôt clément, il a rabattu sur sa tête le capuchon prolongeant son vêtement. Il se tient dans un rayon de soleil, ce qui lui donne une belle prestance. Il accueille le groupe d'un large sourire éclatant dans une révérence bien trop exagérée.

  « Qu'allégresse et quiétude fassent votre journée chers voyageurs. Mes gardes m'ont informé que vous étiez à ma recherche. Eh bien me voilà. Je serais ravi de vous offrir de quoi vous désaltérer dans mon humble demeure pendant que vous me contez ce qui vous amène à Mondcarlin.

  — Et bien, quel accueil ! dit l'humanoïde.

  — Il se trouve que j'ai eu vent de votre entrée... hum... disons... fracassante, dans ma cité. Et pour tout vous dire, je tiens beaucoup à ma petite vie tranquille. C'est pourquoi je suis prêt à vous aider du mieux que je le pourrais.

  — Hum... Ça sent le piège, robot, intervient le nain, tout juste arrivé et sur les rotules. »

  L'androïde examine avec une grande attention l'être qui se trouve devant lui. L'assurance et le manque complet de peur dans le regard ou l'attitude de ce dernier le trouble. Il est au courant de la cruauté du robot mais cela ne semble pas le perturber plus que ça. De plus, il ressent une espèce de pression qui l'empêche d'attaquer ce drôle d'individu et de plutôt s'en faire un allié.

  « Ne soit pas impoli, le nain. Profitons de son hospitalité et on verra ce qu'on en fait après. »

  Lothi ne laisse pas le temps au nain de répondre et pénètre dans l'immense bâtisse. Il est invité à prendre place dans le grand salon et s'installe, sans le savoir, à la place que Sian-ve occupait quelques jours plus tôt.

  Une fois tout le monde installé et à l'aise, Meslaf leur fait apporter du vin doux et s'installe dans son fauteuil au coin du feu.

  « Alors, messires, que désirez-vous savoir ?

  — Où se trouve la pierre d’espérance ? demande l'humanoïde, visiblement pressé d'en finir.

  — Cela, je ne peux vous le dire, car je suis moi-même à sa recherche. J'ai d'ailleurs envoyé mes plus braves guerriers pour la retrouver.

  — Vous avez au moins une idée ou quelque indice quant à sa position ? Je suppose que vous ne les avez pas envoyés sillonner le monde entier. »

  L’administrateur attrape le livre posé sur l'accoudoir de son siège.

  « En effet. Ce fichu caillou serait, selon ce vieux grimoire, en possession d'un esprit sylve dans un bois, au sud de Nazgdrak, le village orc.

  — Et il se trouve où ce village ?

  — Sur une île, à l'extrême sud de ce contient. »

  Lothi se lève et s'approche à pas lents de Meslaf. Il sort son poignard de son étui et le fait sauter de main en main. À sa grande surprise, l'administrateur reste stoïque.

  « Je ne vous effraie pas ?

  — J'ai banni ce genre d'émotions négatives de ma vie depuis bien longtemps. Si vous voulez me tuer, qu'il en soit ainsi.

  — Hum... Tu me plais bien, toi. Je t'épargne, mais s'il s'avère que tu m'as menti, je reviendrai et je serai moins clément. »

  Il range sa lame et se dirige vers la sortie.

  « Vous partez déjà ? lui demande Meslaf. C'est marrant ce que vous lui ressemblez et pourtant, vous êtes aussi très différents. »

 D'un geste de la main, l'androïde invite ses compagnons à le suivre et fait mine de ne pas prêter attention à ce qu'il vient d'entendre.

***

 Le retour au centre de la cité se fait dans un silence que seuls la douce brise et le chant des oiseaux viennent perturber. Lothi n'a de cesse de penser à cet étrange personnage qui l'a en quelque sorte dompté. Pourquoi n'a-t-il pas peur et surtout, qu'est-ce qui a empêché le robot de le tuer comme il l'aurait fait habituellement ? De plus, cette lueur dans son regard, pleine d'assurance, ne lui est pas inconnue. Et c'est sans compter sur cette histoire de Sian-ve qui lui ressemble tant. Il aimerait bien le rencontrer, tiens. Ça lui ferait sûrement un adversaire à sa hauteur.

  « Hey, le robot. Quelque chose te chagrine ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette, demande Dainmar.

  — Non. Rien, grince l'intéressé. Soldats ! Vu que vos petits jouets n'émettent pas ici, vous allez retourner sur Pryga faire un rapport à Maxarls sur ce que nous a raconté ce type.

  — Nous avons ordre de ne pas te lâcher, intervient le plus costaud de la milice.

  — Et vous avez ordre de faire votre rapport et aussi de m'obéir, non ?

  — Affirmatif !

  — Dans ce cas, envoie ce maudit Taellien, ça m'en débarrassera au moins pendant un moment. Et que n'importe lequel d'entre vous aille avec lui, il serait capable de se perdre, ce bon à rien. »

  Le garde donne les consignes à ses collègues et choisit d'accompagner lui-même le Taellien. Ce dernier est tout sourire à l'idée de quitter Lothi.

  « Messieurs, en route pour le Sud, reprend l'humanoïde. Allons rendre visite à ses fameux orcs, peu importe ce qu'ils sont. Et peut-être, tomberons-nous sur ces fameux braves guerriers. »

  Sur ces paroles, ses yeux étincelèrent d'excitation. Son objectif a changé de manière radicale. Au diable ce satané caillou, il doit retrouver ce robot qui, il en est certain, à quelque chose à voir avec lui. Encore un coup de ce professeur Zagi. Même mort, il arrive encore à l'ennuyer.

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Re : Doppelgänger sombre - En cours
« Réponse #13 le: 30 septembre 2020 à 17:32:16 »
Chapitre 11

Sian-ve

 Aux premières lueurs du jour, Sian-ve se met en chasse et attrape sans difficulté quelques lapins des montagnes. Il revient à la grotte et après les avoir dépecés et vidés, il les met à cuire, plantés sur un bâton, au-dessus du feu qu'il a allumé la veille au soir avant de se coucher.

 L'odeur de gibier grillé réveille Pai qui rejoint l'androïde. Il se lèche déjà les babines quant à l'idée d'avaler autre chose que de la viande séchée. L'humanoïde a juste le temps d'embrocher une part à chacun sur de petites branches et tout le monde vient s'asseoir près des flammes pour manger sa portion, dans un silence de cathédrale.

 Le repas terminé, chacun remballe ses affaires et le groupe se remet en route, toujours sans un mot. La descente se passe en toute tranquillité. Le robot et le lyar en tête s'arrêtent parfois pour attendre leurs camarades. Ils n'effectuent qu'une seule pause avant d'arriver dans les grandes plaines menant à la mer du sud.

 Un bruit fait dresser les oreilles de Pai.

 « Tu as entendu ça ?

 — Oui, oui. Tiens-toi sur tes gardes, j'aime pas trop ça » répond Sian-ve, les mains serrées autour de son sceptre.

 Les deux acolytes se retournent pour faire signe à leurs compagnons de presser le pas mais il est déjà trop tard et ceux-ci sont encerclés par de nombreux orcs. Le plus grand et musclé de la horde brandit un immense gourdin et s'avance vers le lyar et l'androïde.

 « Que faites-vous sur notre territoire, mécréants ?

 — Nous souhaitons nous entretenir avec votre chef, dit Pai sans se démonter face à l'imposante carrure de l'orc.

 — Et en quel honneur devrais-je accepter ?

 — Tulgar, mon frère, je me porte garant pour eux. Le monde en dépend. » intervient Gudrak.

 Le mastodonte se retourne, les lèvres retroussées dévoilant d'horribles crocs, et se dirige vers celui qui a osé l'importuner.

 « Mon frère ? Tu oses m'appeler ainsi alors que tu nous as lâchement abandonné pour aller vivre avec les humains.

 — Je t'en prie, de l'eau a coulé sous les ponts depuis la guerre d'il y a 25 ans.

 — Traître !! Emportez-le et tuez ses amis. »

 Un orc de taille moyenne dégaine une épée courte et s’apprête à taillader l'ogresse. Celle-ci, prise de panique, se laisse choir sur les genoux, les mains devant son visage en pleurs.

 « Grielaa !! » crie-t-elle.

 Dans un éclair de lumière, le petit être vert apparaît. Les orcs lâchent aussitôt leurs armes et mettent un genou à terre.

 « Relevez-vous, très chers. Quel est donc cet accueil ?! Bref. Ces personnes désirent voir votre chef et vous allez les y conduire. Et moi, je vous accompagne afin d'être certaine que vous ne les noyez pas.

 — Bien, Mère Esprit, répond Tulgar, en sueur.

 — Et bien, quel étrange spectacle auquel venons-nous d'assister, hein β-16 ? » murmure Pai.

 L'humanoïde reste sans voix, admiratif devant ce petit être qui domine ainsi une horde d'orcs de sa simple présence. Grielaa est aux côtés de Zehell et lui pose une main sur la joue. L'ogresse reprend alors confiance en elle et se relève, un sourire ayant remplacé les larmes.

 « Là, c'est mieux ainsi, dit l'esprit. Maintenant, en route. Ou plutôt, en mer.

 — En mer ? bredouille Sian-ve.

 — Pardonnez-le, môssieur a peur de l'eau, ricane le lyar.

 — Tu as vu comme je coule ? La seule fois où j'ai voulu me baigner, j'ai failli me noyer Tu n'aurais pas peur à ma place, peut-être ?

 — Pas d’inquiétude. La mer devrait être parfaitement calme aujourd'hui, tente de rassurer Grielaa.

 Les orcs préparent avec minutie un bateau, ou plutôt un rafiot, vu son état de délabrement assez avancé. Ils jurent que c'est là leur meilleur et qu'avec celui-ci, la traversée ne durera guère plus de deux heures, ce qui fait frémir un peu plus l'androïde. Il s'imagine mal tenir autant de temps si proche d'une éventuelle noyade. Tous embarquent et sont priés de prendre les rames pour aider les quelques orcs qui les accompagnent à pagayer. La grand-voile parsemée de petits trous n'est plus aussi efficace et à besoin d'un coup de main.

 Le courant et le vent leur sont favorables et leur progression est assez rapide. Toutefois, les rafales se font de plus en plus violentes, le ciel s'obscurcit et le tonnerre commence à gronder non loin. Sian-ve est recroquevillé au milieu de l'embarcation sous les yeux étonnés des passagers à l'exception de Pai. Il s'accroche de toutes ses forces à son banc et crie soudain de tout son soul.

 « On n'y arrivera jamais, la tempête arrive. »

 Personne n'ose lui répondre. Le lyar vient se blottir contre lui, espérant ainsi le rassurer. Les autres commencent également à pâlir à mesure que l'orage s'intensifie. La pluie fouette désormais la voile avec fracas et le bateau est balloté comme le serait une brindille dans une cascade, si bien qu'à chaque vague il n'est pas loin de se retourner et envoyer ses occupants dans les eaux agitées. L'esprit profite de son pouvoir pour disparaitre cependant que les orcs rient à gorge déployée.

 « Il s'est bien foutu de nous ce sylve, peste Pai. Et maintenant, il est où ? Reparti dans sa forêt comme un lâche.

 — Terre en vue, hurle un orc pour se faire entendre de tous.

 — Et voilà, la petite promenade de santé se termine, glousse un autre.

 — Ils sont tous aussi cinglés ? grommelle le lyar, très agacé, à l'intention de Gudrak.

 — Tu n'imagines même pas, lui répond celui-ci.

 — Et dire que je pensais irrécupérable, tu es un saint en réalité. »

 C'est ainsi que les compagnons arrivent sur les berges de Nazgdrak, Sian-ve en tête, sous le regard peiné de son ami à quatre pattes. Dans ce village d'apparence austère, chaque bâtiment est orné de piques et de crânes d'animaux. Il n'y a aucun chemin tracé, longues herbes et gravas se battent pour avoir la faveur des lieux. L'odeur va de pair avec l'allure repoussante des habitants, cela ressemble à des effluves de viande pourrie. Bien que son flaire n'est plus ce qu'il a été, Pai est le plus incommodé et sa colère n'en ai que plus accentuée.

 Un orc bien plus imposant que Tulgar vient à leur rencontre, accompagné du petit esprit sylve qui se cache derrière lui pour éviter le regard assassin que lui jette le lyar. La montagne qui se dresse devant eux n'a que seule arme ses poings et ses crocs acérés qui dépassent de sa mâchoire proéminente. Son visage est traversé d'une longue cicatrice recouverte de peinture, comme pour la masquer. Son aspect pourrait inspirer la crainte, il ne dégage pourtant aucune animosité.

 « Bienvenue ! dit-il d'une voix rauque. Je suis Kiar, chef de cette tribu. Grielaa m'a expliqué un peu la situation. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour vous venir en aide. J'ai déjà envoyé mon grand sorcier récupérer cette fameuse clé. Il est le seul à savoir où elle se trouve. En attendant, venez, vous en mettre plein la panse avec nous. »

 Gudrak, s'avance et s'incline devant celui qu'il reconnait encore comme chef malgré des années loin de la horde.

 « Bonjour chef-père. Heureux de voir qu'au moins un membre de ma famille peut faire preuve d'une certaine intelligence.

 — Fils ! N'en veux pas à ton frère, quoiqu'il ait fait. Il n'a toujours pas accepté ton départ. »

 Kiar, d'un geste de la main, fait signe à son enfant de ne pas répondre puis se met en marche, l'esprit toujours à ses basques. Le groupe le suit jusqu'au centre du village où la horde s'est réunie autour d'un énorme feu. On leur sert de grosses portions de viande grillée qui, elle, ne sent pas la charogne et des chopes d'hydromel. Chacun profite de ce moment agréable. Pai questionne Gudrak dont il ne savait pas qu'il était le fils du chef des orcs. Sian-ve change les pansements de Zungash. Le sorcier orc fait alors son apparition. Il est très maigre pour quelqu'un de son espèce et son vieil âge se lit sur les plis de son visage. Il a dans la main une pierre topaze bleu ovale et lisse. Il la tend à Grielaa.

 « Merci sorcier. Messires, voici la première clé. Je vous la confie et prenez en grand soin. Comme elle appartient désormais aux orcs, c'est à toi Gudrak que je la remets.

 — Quel honneur.

 — Fils ! dit Kiar. J'ai moi aussi quelque chose pour toi. »

 Sur ces paroles, une vingtaine d'orc équipés pour le combat se rassemblent au côté de leur chef.

 — Ce sont mes meilleurs soldats. Ils sont à toi ainsi que mon navire de guerre. Grielaa m'a dit que vous deviez vous rendre chez les gobelins. Il vous sera plus rapide de passer par la mer. Cela vous évitera, en outre, de repasser par les montagnes.

 — Père...

 — Ce n'est pas tout. Je voulais aussi te dire que je suis fier de toi. Tu as eu le cran de me défier et de prendre une grave décision contre mon avis. Et regarde-toi, tu as des amis et tu pars sauver le monde. Oh. J'ai failli oublier. Va remettre cette missive à ton frère et attends qu'il en ait pris connaissance avant de le quitter. Et sache que s'il t'en veut autant, c'est parce qu'au fond, il t'aime.

 — Bien ! Merci Père. »

 Gudrak s'empare du parchemin tendu par Kiar et d'un geste de la tête ordonne à sa nouvelle armée de le suivre. Ses compagnons se joignent à lui et tous ensemble, ils découvrent le fameux navire de guerre des orcs. Il est immense, noir et entouré de nombreux piques à l'instar des habitations. Ses trois énormes voiles doivent faire de lui le plus rapide des bateaux que Pai a vu de sa vie. Sian-ve se sent rassuré en montant à bord, rien ne pourra le renverser se dit-il. Le capitaine ordonne de remonter l'ancre et voici le navire qui s'engage dans les eaux devenues plus calmes.

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Re : Doppelgänger sombre - En cours
« Réponse #14 le: 07 octobre 2020 à 21:00:15 »
Chapitre 12

Lothi

 Le reste de la milice prygalienne fait le ménage à travers la vallée des diablotins. Grâce à leurs fusils paralysants qui s'avèrent mortels pour les petits animaux, ils exterminent des dizaines et des dizaines de ces créatures qui les attaquent par vagues telle une mer déchainée. Pour eux, ce ne sont que des espèces de vulgaires rats géants et cannibales. Lothi et Dainmar se débarrassent des quelques-uns qui réussissent à se frayer un chemin jusqu'à eux.

 Le groupe continue son périple vers le sud et franchit sans délai les montagnes au sommet desquelles ils prennent une courte pause. Une pause justement bien trop courte au goût du nain, mis hors d'haleine par ces nombreuses heures de marche.

 « Reposons-nous encore un peu » suggère-t-il.

 Il s'assoit sur un rocher et enlève ses lourdes bottes.

 « Tu te reposeras quand tu seras mort, lui répond l'androïde, d'un ton dédaigneux.

 — Je ne suis pas un tas de ferraille infatigable, moi. Les longues distances m'épuisent. Nous les nains, nous sommes des sprinteurs, redoutables sur les courtes distances !

 — Fais ce que tu veux ! Moi, j'y vais.

 — Krax ! Reste avec moi. Soldat, partez avec lui. »

 Le groupe se divise et cependant que le nain s'allonge sur un lit de feuilles au confort douteux, l'humanoïde presse le pas pour descendre la montagne. Les kilomètres défilent et le voilà déjà qui foule l'herbe fraîche des grandes plaines du sud. Il aperçoit au loin la mer bleu turquoise. Alors ce serait à ça que ressemblaient les océans avant que la pollution les assèche et les noircissent ? Un froissement dans les fourrées le sort de sa contemplation. En moins de temps qu'il faut pour le dire, les deux soldats sont encerclés et désarmés par de grands êtres de couleur verdâtre et puissamment bâtis. De leurs mâchoires dépassent des dents aussi pointues que des poignards. L'un d'eux, celui au physique le plus impressionnant et à la face patibulaire, s'avance vers Lothi, muni de son énorme gourdin. Pour le robot, cette arme n'est autre qu'un tronc d'arbre, ce qui l'amuse beaucoup.

 « Alors c'est ça un orc. Impressionnant, je dois bien l'avouer. Et que comptes-tu faire avec ton cure-dent géant ?

 — Cure-dent ? grogne Tulgar. Je crois que je vais bien m'amuser avec toi, homme de métal. Et cette fois, Grielaa ne viendra pas nous interrompre. D'ailleurs, pourquoi et comment es-tu revenu ici tout seul ? Je n'ai vu aucun bateau jeter l'ancre au port depuis que vous êtes partis.

 — Tu dois me confondre avec ce Sian-ve qui me ressemble tant. Alors comme ça il est passé par ici, a pris la mer et n'est pas encore revenu.

 — GROAAR ! »

 Tulgar se rue sur l'androïde et balance son gourdin avec une rage folle. Ses attaques sont pleines de violence mais ses mouvements trop amples et pas assez vifs sont lus avec facilité par l'humanoïde qui s'amuse à entailler l'orc à chacune de ses charges qu'il accompagne de hurlements de plus en plus féroces.

 Quelques orcs se pressent tout autour de Lothi dans le but de resserrer l'étau autour de lui mais cela n'est pas du goût de leur chef, essoufflé par ses assauts.

 « Reculez ! C'est entre lui et moi, vocifère-t-il. La honte s’abattrait sur moi et sur vous s'il me fallait votre aide pour le vaincre. Perso, je tiens à mon honneur. Pas vous ?

 — À quoi cela te servira-t-il une fois mort ? » ricane le robot.

 Tulgar fonce droit sur son adversaire et réussit enfin à le toucher au flanc à la suite d'une feinte à la tête. Il n'en fallait pas tant pour mettre l'androïde hors de lui. Celui-ci se relève, accélère ses estocs et bientôt le mastodonte s'écroule à genoux et pose ses mains dans les flaques que son propre sang a formées au sol.

 La horde, ahurie de voire leur plus brave et fort guerrier ainsi malmené, relâche son attention et les deux prisonniers en profitent pour récupérer leurs armes et les mettre en joue alors que Dainmar et Krax les rejoignent au pas de course.

 « Alors le nain, on arrive après la bataille ? » ironise Lothi sans lâcher sa proie du regard.

 Tout le monde se regarde un peu en chien de faïence lorsqu'un éclair vient alors percuter un des soldats prygallien au niveau de la poitrine. Celui-ci est projeté sur une centaine de mettre et son corps retombe sans vie dans un buisson. Personne n'a vu le navire orc s'arrimer au port et en surgir les guerriers qu'il contenait. Sian-ve, son sceptre fumant tendu vers ses opposants, accompagné de Pai, mène la charge. Ils sont suivis de la vingtaine d'orcs qui ont embarqué avec eux. Dainmar, les yeux injectés de sang, saisit Harìn et le fait tournoyer au-dessus de sa tête. Il est prêt à charger et fait signe au géant de le suivre, mais celui-ci ne bouge pas d'un poil.

 « Suis-moi, imbécile ou tu ne reverras jamais ton fils.

 — Je ne peux pas bouger. Je suis paralysé. »

 Un second visage affublé d'un large sourire apparaît sur celui de Krax. C'est Grielaa. L'esprit sylve a pris possession du corps de son adversaire. C'est là un pouvoir de son peuple. Ils sont capables de contrôler le corps d'êtres disposant d'un esprit faible. Cependant, celui-ci lui résiste et il ne peut que le maintenir stoïque.

 Le nain commence à suer à grosse gouttes et ses membres se mettent à trembler. La situation leur échappe et sans la puissance du géant, ils sont mal embarqués. Il se dirige vers Lothi qui n'en a que faire. Celui-ci est hypnotisé par ce robot qui est une copie quasi exacte de lui-même. Fichu Zagi. Il s'élance dans sa direction bien décidé à en découdre et bientôt les deux humanoïdes s'affrontent. L'un porte des coups de poignard avec une dextérité et une vélocité incroyables. L'autre part les attaques de son bâton de manière tout aussi impressionnante. Ils semblent de force égale et le sourire sadique de Lothi en dit long sur le plaisir qu'il éprouve dans ce combat.

 « Ainsi c'est donc vrai, il existe un autre moi, dit Sian-ve, circonspect, dans un moment d'accalmie.

 — Ne m'insulte pas. Tu n'es rien comparé à moi. Zagi t'a certainement créé à partir de mes puces de sagesse. Tu n'es donc qu'un sous-moi si on peut dire.

 — Zagi ? C'est bien le nom que Rislen a utilisé pour parler de mon créateur.

 — Tout comme ses autres créations, tu n'es qu'un échec. Je suis et resterai sa seule réussite.

 — Nous avons le même créateur, nous pourrions certainement nous entendre. Pourquoi tant de haine ?

 — Tais-toi et meurt ! »

 Lothi sort le fusil paralysant qu'il a récupéré sur le soldat abattu et attaché en bandoulière. Sian-ve ne doit son salut qu'à l'intervention du lyar qui jaillit pour mordre le bras de leur adversaire et ainsi dévier le tir qui explose un rocher non loin du robot. Dans la lutte, Pai a réussi à faire tomber son adversaire et lui crache une énorme flamme qui aurait cramé tout un troupeau de cerfliers. C'est sans compter sur la constitution de Lothi, qui est insensible au feu, tout comme Sian-ve.

 Le lyar vient offrir à son ami le fusil qu'il a arraché à son propriétaire. Dans le même temps, Dainmar rejoint son partenaire et l'aide à se relever. Il en récolte une droite en pleine mâchoire.

 « Lâche-moi, le nain. Je ne t'ai rien demandé.

 — Par ma barbe, saleté de robot, tu me le paieras. Mais en attendant, déguerpissons. Ils sont trop nombreux et nous ne sommes plus que trois. Ils ont eu le géant aussi. Cet abruti s'est transformé en statue.

 — Fuir ? Jamais ! Je préfère encore mourir.

 — Tu ne voudrais pas que j'appelle Maxarls et subir son courroux face à ton incapacité à obéir et à réussir la mission qu'il t'a confiée ? Là, effectivement, tu préférerais la mort.

 — Ça va. Tu me les casses avec ton Empereur. Je te suis. »

 Le nain et l'humanoïde battent en retraite suivi du soldat prygallien survivant. Le géant est toujours cloué à sa place sans parvenir à mouvoir ne serait-ce qu'un orteil. Ils retraversent les montagnes et la vallée des diablotins aussi vite qu'ils le peuvent. Le garde a du mal à suivre, dû aux nombreuses blessures infligées par les orcs. Il se retrouve alors seul en arrière et c'est le moment qu'ont choisi les petites créatures carnivores pour l'attaquer et le mettre en charpie, sans même que ses compagnons ne s'en aperçoivent.

 Lothi et Dainmar arrivent dans la forêt de Thelthane et retrouvent vite la grotte Rog-lehd. C'est là qu'ils se rendent enfin compte que le soldat n'est plus avec eux.

 « Où est passé le troufion ? demande l'humanoïde.

 — Aucune idée. Je pensais qu'il nous suivait.

 — Tant pis pour lui. On y va. »

 Sans attendre, l'androïde traverse le passage vers son monde, bientôt imité par le nain, qui jette un dernier regard à la grotte dans l'espoir de voir arriver le retardataire, en vain.

 


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