Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

22 Mars 2025 à 00:11:38
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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » un tunnel sous le ciel

Auteur Sujet: un tunnel sous le ciel  (Lu 1829 fois)

Hors ligne SablOrOr

  • Aède
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Re : un tunnel sous le ciel
« Réponse #15 le: 23 Mai 2024 à 23:24:45 »
Kouik Dot ;-)
En prenant par la fin:
-« Lui non plus ne souffrira plus de la soif. » : voici où j’ai vu le vampire (assoiffé de sang était peut-être une hyperbole de ma part).
-« Je suis libéré. » : voici où j’ai vu la liberté. Et placer l’idée à la fin du texte est une ouverture à la réflexion n’est-ce pas ? A moins que ce ne soit une invite à suivre le feuilleton ?
-« Je suis un survivant. Un survivant effrayé.» : voici où j’ai vu un au-delà d’outre-tombe, effrayant ; tu le nommes survivance.
-« Et qui a pris ses dispositions. » : ….là je ne sais pas trop (voir mon Mea C. Plus bas))
-« Ce bonhomme à la peau nécrosée, rongé par les maladies apocalyptiques, puant un mélange de plastique, de pourriture, c'est lui qui finalement m'ôte toute cette douleur, maintenant. » : Ici je vis le mort-vivant, assoiffé de vie.
-« A ce moment où il enfonce l'os taillé de sa phalange dans ma jugulaire » : Et voici le doigt, pointu.
-« des multiples malformations et dégradations physiques de sa santé» : un doigt aussi tordu et arthrosé que son propriétaire, à la Dracula, qui entre dans la chair de sa victime.
-« habilement servi pour m'ouvrir les veines »: le sang est censé y circuler.
Bref, les connotations au monde du vampire furent pour moi évidentes, bien que le tueur puisse aussi être un cyborg bien graisseux.
Comme tu le vois, hihi, je suis assez visuelle, normal en lecture/écriture il est plus simple de fonctionner avec l’image qu’avec l’odeur, huhu !

« Dead can dance », je ne connais pas leur son non plus mais j’aime l’image et l’idée à réfléchir, que cela fait naître en moi : une mort personnifiée, sur ses petites guiboles osseuses, en train de se trémousser, fatalement marrante !

Pour le participe passé et l’auxiliaire avoir, c’est très facile.
Juste il te faut repérer les temps composés, donc les auxiliaires et participes, et ce qu’est un COD (et pas un COI). Bien sûr il y a des particularités, mais les exceptions viendront après l’acquisition de la règle.
Exemple: « Elle s’interrogea. Aurait-elle visité l’Inde entière, qu’elle ne l’aurait pas rencontrée vraiment. »
Le pronom « l » représente le nom propre « Inde » (ici considéré comme féminin) et sa fonction grammaticale est COD, et ce COD est placé avant le verbe « rencontrer » (ici conjugué dans un temps composé du mode Indicatif…connais-tu ce temps ?? ;-))…..donc le participe s’accorde malgré la présence de l’auxiliaire avoir.
Mais la grammaire est vaste. A un certain niveau elle fonctionne comme une science tant que la langue est vivante. Il me plait parfois d’imaginer les grammairiens se disputant les nouvelles règles comme des chiffonniers ! :
« -Je te dis que c’est une locution bla-bla bla
-Et moi je t’affirme que c’est une circonstance !…bla-bla-blabla… »

Quant à l’aspect analytique de la chose, entre le sens des mots et nos propres maux, c’est une forme de langage des ‘oiseaux’ qui a les limites de son monde. Une analogie ludique de débutant ? Roooo !
Des questions ? J’ai pas les réponses ! lol

Pour revenir à la liberté, ce que j’en pense ?
C’est intéressant comme étude, car par exemple, en-dehors du libre arbitre, on peut se sentir peu libre tout en reniflant l’idée d’une vastitude sous-jacente. Et suivre son instinct sur l’idée de liberté n’est pas une mince affaire. Tout semble impossible à comprendre tout à fait en matière de liberté et à la fois c’est accessible grâce à la magie du vivant qui se déploie librement quoi que nous fassions. La liberté nous laisserait-elle des libertés ?
Et si nous lions l’idée de liberté à celle des apprentissages, je comprends ce que tu dis sur l’âge où il est plus simple d’apprendre : la jeunesse. Car nous avons des capacités plus puissantes et que nous y sommes plus curieux et émerveillés de tout. Alors il est plus aisé de connaître des déclics de compréhension et d’intégration lorsque nous avons l’âge approprié pour apprendre.
Pour autant, sommes-nous à l’abri de nous tromper totalement et pendant longtemps dans cette fleur de l’âge ? De mal comprendre et de mal apprendre ? Où se trouverait donc cette liberté de pouvoir apprendre ? Ne sommes- nous pas limités par nos propres limites en toutes circonstances ?
Mais je sens que je file tout droit vers la digression, si ce n’est déjà enterré en profondeur lol ! Voire peut-être les oiseaux ;-)
Alors voici comment je termine ce soir:
Je tiens à partager un fébrile Mea Culpa, car je n’ai pas lu les textes précédents sur ce fil, aussi je te prie de m’excuser car j’ai très peu saisi l’histoire de tes personnages finalement.
L’implicite est une force intègre, fidèle et dangereux bâtisseur de langage. Ce n’est pas facile de s’en protéger et d’en protéger d’autres. D’autant plus que nous savons bien que les erreurs permettent certains apprentissages….
Clin d’œil, et une excellente soirée très entamée !
SOo  :aah:
« Modifié: 23 Mai 2024 à 23:28:18 par SablOrOr »
"Aimer quelqu'un c'est le lire". Christian Bobin.

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Re : un tunnel sous le ciel
« Réponse #16 le: 25 Mai 2024 à 23:13:31 »
yoooo SOo !
le temps me dépasse un peu ces temps...

à propos de ta lecture :
- les vampires et zombies peuvent effectivement se retrouver visuellement dans le texte, même si mon intention était plus proche d'une tentative de récit d'anticipation, j'aurais pas usé de ces figures que j'ai un peu hâtivement l'idée d'y associer à du fantastique en dépit de pas mal d'évolutions du concept qui tentent d'y expliquer le plus plausiblement possible...
- étrange donc, de lire à quel point ces mêmes mots que j'ai écrit et que tu as lus, ne sonnent pas du tout pareil dans nos imaginaires respectifs ! l'éternel 'problème' de l'interprétativité, l'éternel problème de la limite des mots, moi qui suis trop fixatif sur une volonté impossible de rendre tout le plus précisément explicite, je vois que je poursuis une chimère... grâce à toi je risque de pluss privilégier la suggestion à l'avenir !
- "libéré" ! pour te répondre précédemment, je m'étais relu et n'y avait pas repéré ce terme qui a retenu ton attention ! mince alors j'suis à côté de ma propre plaque ! et pourtant je parlais d'une libération plutôt que d'une liberté, et ce par la mort, ce qui peut m'avoir écarté de ton interprétation... mais nous y reviendrons un peu plus loin
- le survivant se définit ainsi dans un contexte un peu métaphysique, dans le sens où les mots bien que pouvant parler, ne sont que bien trop loin de la réalité à décrire ; par son discours, dans ma tête, il se sentait bien loin du contrôle de ses déterminismes qui le placent dans une situation qu'il n'apprécie pas ; dans ce contexte du début d'une apocalypse que je tente dans ce fil au gré de ses différentes époques, ici c'est un bonhomme qui grandit avec de naïves illusions, il veut faire de la politique pour servir le peuple, et lorsque le monde civilisé se délite, il est coincé dans ses opportunités, et prendre le pouvoir sur un point d'eau lui permet de ne pas avoir à se soumettre à ceux qui l'auraient fait à sa place, mais il est lui-même dégoûté de cette situation de dégradation du système humain, il est survivant car il agit sa survie, autant que parce que pour lui ce n'est pas ça la 'vie' qu'il aurait espéré...
- un gros axe de mon texte mais que j'envisage encore plus pour le prochain numéro qui me traine bizarrement en tête sans que je me lance, c'est, en parallèle d'un effondrement du vivant et d'un effondrement du système de production humaine, les conséquences sur la santé des humains... j'aimerais bien pour le suivant, mais ptetr ce spoiler me démotivera à y aborder en un texte, approcher l'idée de jonction entre le fait déjà actuel qui montre les pathologies humaines se multiplier, et une très probable pénurie des objets dont l'humain s'est rendu dépendant, là c'était l'eau potable, pour le suivant j'aimerais bien montrer ce que serait une pénurie de savons... ce donc, qui rebondirait sur toute la description de l'assassin de ce texte... problèmes de peau, de microbiote, bref, de toute une anatomie privée de son habituelle aseptisation d'ajd, et exposée à plein de matières dangereuses et d'environnements plus ou moins toxiques... est-ce du zombie du vampire ? ptetr un peu !

à propos de musique :
- un autre item nominatif qui me vient à l'esprit, j'aimais bien à sa sortie un peu avant 2010 : purgatory dance party, par polkadot cadaver ! ahah j'la passais notamment pour l'une de mes rares expériences vidéoludiques, sur psp, dans gta liberty city stories, je conduisais un corbillard pour faire jsp quoi et c'était lol

à propos du participe avec avoir :
- grogro merci ! un truc que faut que je décoince un peu chez moi, c'est cette volonté de valoriser l'échange conversationnel pour les partages de savoirs ! j'ai une excuse, 21 ans d'enfance à faire mon associable en me disant tout flemmard mais sérieusement, que me nourrir de culture indirecte me serait profitable... p'tite décompensation schizo, revirement de situation, j'ai tout coupé ça, et ai voulu de l'échange humain... quelques années plus tard, la distinction philo à l'u, entre la culture orale présocratique et la culture indirecte depuis cette charnière, me donnait anthropologiquement un gros argument pour revenir à des us historiquement plus importants que ces dérives récentes à tout dépersonnaliser, tout indirectifier, les livres depuis qqs siècles, la télé les journaux, puis les yt et autres tutos, j'en ai une fixation angoissée à me dire que c'est ça qui a nourri mon enfance où je me sentais parfaitement bien à me couper de ce que maintenant je cherche difficilement dans le relationnel, inspiré notamment par jean auel qui dans sa saga préhistorique, m'avait marquée sur le point de la transmission des savoirs ancestraux de la guérisseuse qui recueille la protagoniste, hyper bien décrite cette science des plantes et de la nature !
- bref, tout ça pour dire grogro merci, car si j'étais paumé en cours scolaires de français sur ces modalités linguistiques, car si j'ai trop la démotiv' d'aller me renseigner pour réparer mes points faibles, j'suis friand de ce que tu m'as donné un p'tit cours personnalisé tout bien fait spécialement pour moi !
- huhu j'ai pas vraiment bcp compris, même en y relisant quinze fois, mais j'vais faire mes devoirs, professeur ! faire honneur à votre don ainsi formulé, l'idée me motive bcp bcp !
- de là à dire que je dépasserai le maitre en tant qu'élève, j'suis pas sûr d'en être capable, et en même temps vu que je considère que c'est le mieux qu'on puisse offrir à un maître, je vais cravacher ! rereremerci

à propos de la liberté :
- fait partie de ces mots-pôles de concepts à tjrs lier je trouve, dans l'extrême impossibilité que le langage ou son usage nous empêche de faire, dans une proportion que je trouve effrayante ! qu'est-ce que la liberté sans la contrainte ? le libre arbitre sans déterminisme ? pour moi c'pas l'un contre l'autre, c'est un lacet à bien ficeler pour mieux l'exprimer, le penser, le vivre...
- mais un sujet que mêmes les plus grands se cassent les dents dessus ! je m'accroche principalement à cette formule qui je trouve lace bien la ficelle : "condamnés à être libres"...
- et puis le tout récent exemple pour moi et que j'ai trouvé dans le roman le monde de sophie et qui me parle : planter deux graines identiques d'arbres, l'une dans le coin ensoleillé du jardin, l'autre au pied du mur qui donne de l'ombre... bien que manque parfois la notion de 'volonté' ou de 'conscience' à un arbre, l'idée que le déterminisme reste tjrs là, c'est ainsi que je m'y figure... oui c'est un bel idéal la liberté, mais n'oublions pas que c'est pas pour autant que tout est possible ! l'arbre n'aura pas la même liberté de photosynthétiser sa croissance selon s'il est la première graine ou la seconde...
- un autre bien parlant, le fameux "la liberté, c'est danser avec ses chaînes"
- et tant d'autres trucs apparemment incompatibles mais ptetr juste paradoxaux
- plus personnellement, il me semble que la mienne est celle qui dans cette vie me pose problème pratique : grandi avec l'idée trop coercitive de mon environnement, je ne la vois presque que au fond de mon esprit dans lequel je me réfugie... mais du coup j'suis atrophié de ma liberté d'agir dans sa globalité, enchainé dans ma bulle, dans ma cellule mentale, dans ma prison d'être, tant que je peux rêver j'm'en fous... un peu bcp moins depuis ma psychose parano, mais bon... j'ai pas d'autre système de fonctionnement !

brefbref, pour terminer en ce dernier rebond depuis ton message :
- l'implicite, faut que je m'oriente un peu vers ses modalités, j'avoue c'est important, même si j'suis une grosse tanche là dessus !
- les erreurs qui permettent de l'apprentissage, carrément ! les siennes en propre comme celles d'autrui, tant qu'à faire histoire de choisir le tout plutôt qu'une orientation conditionnée par la liberté de choix !

=)

(si t'as l'occas' et la motiv' de lire les deux autres morceaux de cette 'histoire', j'serais curieux de lire comment cela a influencé tes interprétations)
[projet] :
...parce que ce mot, mesdames et messieurs, est un mot qui transforme tout ce qui bouge en un produit, c’est-à-dire en une marchandise… des choses qui jusqu’à maintenant, échappaient à la logique de la marchandise : du social, de l’éducatif, du culturel…
- fl

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stimuli exsomniques
« Réponse #17 le: 22 Juin 2024 à 17:52:03 »
stimuli exsomniques
#langage et esprit #sf postapo #humain et conscience #dystopie



Le jour allait poindre, la pluie s'était tue. Des nuages aux couleurs immondes parcouraient le ciel, et dans la chaleur d'un été sans marque, l'air sentait la pourriture. Un peu plus loin de l'entrée du terrier, Grro avait l'âme triste. L'âme de désespoir. Car comme tous les jours de sa vie, il redoutait celui qui commençait.
Ghro lui avait marché dessus comme tous les matins : l'adolescent irascible n'avait trouvé que ce moyen de compenser sa douleur intérieure. Sa croissance nouvellement pubère lui donnait des maux de sommeil, et bien avant le levé du soleil, il se réveillait d'un cauchemar et ne pouvait se rendormir. Depuis quelques semaines, cela lui pesait sur l'humeur, alors au moment où il décidait de se lever, il marchait sur Grro pour se venger du destin, pour partager sa douleur, pour se sentir encore dans une forme de pouvoir satisfaisant, sur un autrui qui ne le contraindrait pas. Lorsque Grro ouvrait les yeux, dérangé dans la fin de sa nuit, Ghro continuait son début de route et sortait du terrier.
Ainsi mal réveillés, les deux prenaient soin de s'éviter le restant du jour. Et lorsque leurs chemins se croisaient malgré tout, Ghro, plus âgé, plus massif, plus imposant, n'avait que peu à rajouter à son comportement pour intimider Grro. Devant ces sourcils froncés, le velu de sa mâchoire, son torse vouté, Grro ne pouvait que se faire plus petit que ce qu'il était face à son frère. Il se ratatinait d'un mouvement de recul, et Ghro constatait ce geste fuyant, s'en prenait une forme de courage amplifiant sa colère, et rajoutait une couche à l'oppression dont il savourait un sentiment qu'il trouvait agréable. Grro quant à lui, se refusait à trop regarder son sentiment personnel, cette oppression qu'il dissimulait du mieux qu'il pouvait dans le coffre-fort intérieur de ses blessures secrètes.
Grro savait qu'il risquait d'autres violences à ainsi s'éloigner du terrier de bon matin. S'il était absent lorsque venaient les Srûûr, ceux-ci ne le chercheraient pas. Ils n'avaient aucunement besoin de le punir, sa famille se chargerait d'elle-même à le faire à son retour. Les Srûûr parfois, passaient en routine pour vérifier que le terrier était encore occupé. Une sorte de visite de courtoisie autant que de sécurité. Pour eux, pour la famille. D'autres fois c'était pour les mobiliser, choisir les meilleurs pour les amener à la ville et leur faire arpenter les ruines, avec pour ordre de tuer n'importe quel M'nalb qui se pointerait.
Il savait ce qu'il risquait à déserter le terrier ce matin et s'éloigner un peu, un faible moment. Il se ferait très probablement réprimander même si les Srûûr ne passaient pas, car il fallait leur être disponible en toutes circonstances, ces circonstances qui à l'improviste les voyaient arriver au levé du jour, sans jamais prévenir.
Mais ce matin était insupportable. Alors, à la sortie du terrier, là où Ghro s'était assis à quelques mètres à droite, Grro partit sur la gauche et s'éloigna afin de se retrouver seul. Ghro resta impassible, bien trop enthousiaste à ne pas le retenir, car il savait qu'à son retour, ce serait sa fête. Des voix gutturales accompagneraient des coups, toujours avec le même code de sens : 'Grro nahaz !", "M'nalb itch arzja", "trebl naozuju", et les quelques autres sons vocaux dont il n'avait jamais vraiment cherché à questionner l'utilité partagée. Les Srûûr en possédaient plus que sa famille, et ils semblaient importants à leur processus de domination. C'est pourquoi Grro avait toujours craint ces phénomènes comportementaux. A chaque fois qu'il entendait des paroles, son sang se glaçait. Il avait appris les réactions appropriées aux plus dangereuses, et ne les appliquait que pour atténuer les coups. Baisser les yeux à "Grro nahaz" ; exprimer en silence, la peur et la haine, à "M'nalb itch arzja"...
Envahi par ces préoccupations intérieures, Grro marcha sur le flanc de colline, il poursuivit dans la forêt, se hasarda à suivre ses propres pas sans y penser. Souhaitât-il se perdre qu'il n'y serait parvenu, car à son âge bien qu'encore jeune, ses marches l'avaient déjà menées à tous les alentours qu'il connaissait et reconnaissait. Ainsi coincé sur son territoire, il ne se sentait que plus frustré à ne pouvoir s'évader pleinement. C'est donc dans sa tête qu'il désertait la perception de lui-même et de son âme triste.

En suivant la lisère, il oubliait ses foulées. Il oubliait l'amertume de son âme. Il oubliait jusqu'à son regard fixé quelques part entre le devant et le sol. Sans se rendre compte vraiment qu'il se fuyait lui-même, il avait pour objectif au contraire de se retrouver. Hélas, l'origine de son mal-être en argument principal pour s'éloigner du terrier et de ses congénères, il ne percevait pas la contradiction qui faisait de sa saturation existentielle, un moyen de se renier lui-même en fuyant la compagnie de sa famille. Oui, perdu dans ses maugréments, il s'éloignait de lui alors qu'il s'éloignait des autres. La douleur de ses rapports sociaux, en les fuyant ainsi, il se la rappelait d'autant plus durement dans un cercle vicieux de ruminations. Au contraire de respirer, de chercher à reconquérir une quiétude personnelle, il s'enfonçait dans le souvenir de ce dont il s'éloignait physiquement.
Lorsqu'il parvint à la butte à l'arbre mort, il ne remarqua pas que c'était sa destination. Il ne se remarqua pas non plus s'asseoir sur le même rocher qu'à quelques de ses habitudes. Il ne remarqua pas le truc posé juste derrière. Pas tout de suite.
C'est seulement lorsque son esprit s'arrêta lui aussi de marcher sans conscience, quelques minutes après qu'il se fut assis, qu'il l'aperçut d'un regard en arrière qui ne le cherchait pas. Un truc étrange, à la forme et à la texture qu'il ne connaissait pas. Ni un caillou ni un bout de bois. Pas une plante, pas un animal. Pas de l'eau ni de la boue. Cela ressemblait à un outil, mais pas à une arme. Pas une tresse végétale en ficelle non plus.
C'était d'une forme presque effrayante, une forme austère. Une inquiétude le saisit, car cette forme était aussi simple et claire que rien de connu, et pourtant, aucun chaos n'aurait su la lui donner. Elle ne partageait aucune irrégularité propre à un caillou, une motte de terre, une branche d'arbre. Non, il n'y avait rien de naturel dans cette forme. Il n'avait pas les mots pour penser en termes de 'droiture', des 'faces perpendiculaires' et 'plates', il n'avait pas les mots pour penser ces faces comme 'carrées', formant toutes six un 'cube' parfaitement géométrique. Quand au matériau gris et brillant qui composait l'objet, non plus ne sut-il l'identifier à quelque chose qu'il avait déjà rencontré. Une méfiance sourde l'envahit, car ce qui se rapprochait le plus de tout ceci dans sa mémoire et ses mentalisations, c'était les ruines dans lesquelles les Srûûr imposaient de se tenir vigilant, à l'affût, en guerre contre les M'nalb.

Il renifla l'objet, et son nez eut mal. Il approcha un doigt craintif et, à peine posa-t-il un contact qu'il se rétracta, de peur que l'objet ne le pique, ne le morde, sursaute et l'attaque, ou tout autre risque aussi improbable que son étrangeté. Rien se se passa. Il retenta un contact un peu moins instantané, encore un presque rien de temps pour s'assurer qu'au bout de ce petit moment, rien de dangereux ne se produisait. Puis un troisième encore un peu plus long. Un quatrième où il tenta ainsi de déranger l'équilibre immobile du cube. L'objet était lourd, sa face au sol s'éleva quand il le poussa, puis retomba de son arête quand il le relâcha. Alors des deux mains, il le saisit et le porta plus près de son regard. Grro tourna et retourna le cube pour essayer de l'identifier, de comprendre. Puis il le reposa à l'identique de la situation initiale. Hormis la petite protubérance rouge au milieu de la face du dessus, tout était lisse, gris et brillant. Encore assez craintif, Grro osa pourtant toucher la protubérance rouge. Il prit peur de ce que cela sembla produire : un son se dégagea, un son comme une voix. Une voix moins gutturale que celles de sa famille ou des Srûûr. Une voix tout aussi mystérieuse, mais plus douce, et qui s'étira bien plus loin, bien plus longtemps, que celles qu'il connaissait.
"- Te souviens-tu de ce jour aux nuages immondes, Grro ? Te souviens-tu ta première rencontre avec le trésor du langage ? Tu as trouvé un objet qui t'était adressé, il est à toi et à toi seul, il t'appartient. Tu n'as rien compris à ce qu'il t'a raconté, ce jour là, car pour toi les mots n'étaient que cette arme vicieuse, complexe et douloureuse pour soumettre les individus. Et puis tu as appuyé de nouveau sur le bouton, et réécouté ce flot de paroles qui t'es adressé, dans un tout autre langage que celui de ceux que tu côtoyais à cette époque. Et ta curiosité t'a ensuite menée à en savoir plus, et de fil en aiguille, tu as avancé dans ton enquête, et nous nous sommes rencontrés. Cela faisait longtemps déjà que je t'attendais, que je me rapprochais petit-à-petit de toi, car nous les Éveillés, ne sommes que le rebus des Endormis, ceux qui en pressentant leur animalité, cherchent une autre forme de conscience et d'existence. C'est grâce à moi que tu t'es réveillé, tout comme quelqu'un m'a un jour éveillé de la même manière ; mais c'est bien grâce à toute ta singularité que tu y es parvenu. Ce boîtier de ta naissance, ce message de moi à toi, j'espère qu'hors du temps il perdurera, au moins tant qu'il pourra t'accompagner. Te souviens-tu ce jour, Grro ? Ce fut un début de tout, et à l'heure de ce jour, je vous espère un bel avenir. Et qu'à chaque fois que tu te repasseras mes mots, une nostalgie heureuse viendra consolider cette enquête qui te dépasse, cette mission que les Éveillés se transmettent, depuis des âges qui nous rassemblent Sous-la-Surface. Affectueusement de ma part, moi Silfur un Éveillé : à la prochaine, Grro."
La voix s'arrêta, et Grro avait mal au crâne. La mélodie étrange de ce son avait provoqué en lui toute une série étrange de réactions intérieures, toutes plus éberluées, stupéfaites, curieuses et apeurées les unes que les autres. Sa seule intuition au milieu de tant d'incompréhension, était que cette soupe imitant des sons de gorge, recelait un mystère dont il voulut démêler l'énigme.
Il appuya de nouveau sur la protubérance rouge, et le son recommença, identique.
[projet] :
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la piste perdue d'un trésor
« Réponse #18 le: 13 Juillet 2024 à 18:37:48 »
la piste perdue d'un trésor
#langage et esprit #sf postapo #humain et conscience #dystopie



- c'était un trésor qu'on croyait posséder, sans comprendre que la majorité n'en avait qu'une contre-façon... il a suffit d'un ou deux rigolos qui voyaient le potentiel de la parole consciente, de la conversation diplomatique, de la réflexion partagée par le dépassement rationnel des pulsions, qu'ils en élèvent quelques jolies phrases porteuses d'un semblant de sens à cette qualité humaine, et là toutes les chevilles se sont enflées, on s'est attribué la sagesse comme étant par défaut chez l'être humain, on s'est affirmé dans la croyance personnelle d'une maturité d'esprit, d'un pouvoir psychique, d'une supériorité mentale et de raison, et puis plus la mensonge s'est ancré dans les esprits, plus les paroles se sont libérées, et personne ne s'est rendu compte que ce qu'on pouvait lire ou entendre de beau concernant la bien-pensance, n'était l'apanage que de ceux qui y avait formulé... des beaux slogans sur l'humanité que la majorité s'entre-répétait à vide, la supercherie de la nature sur l'humain a consisté à leur faire croire que ce qu'ils comprenaient des sages, ils le possédaient... alors que pas du tout ! oui, et alors que chacun croyait en l'amour, publicitait le respect, cherchait le bonheur, vantait les bienfaits d'une éducation sérieuse et bienveillante, croyait en sa propre hauteur d'âme, s'imaginait des voies honorables à l'existence, idéalisait la vie en général, l'humanité globale, la légitimité individuelle quelle qu'elle soit, alors que l'on se croyait par sensibilité, dans une réalité dont nous avions tous les bons secrets, eh bien personne n'a remarqué à temps qu'au contraire, les gens n'aimaient pas d'amour véritable, prêts à enfoncer le premier différent venu, les gens ne se respectaient que dans des conditions strictes et limitées, étriquées par une vision mortifère du vrai respect, les gens qui disaient chercher ou trouver le bonheur ne se cantonnaient qu'à de petites joies immédiates et trompeuses, les gens qui tentaient d'éduquer à la liberté ne faisaient qu'imposer des bons conseils sous forme d'ordres, que construire des espoirs aux jeunes avant de les leur amputer par la dure réalité, les gens qui se croyaient dignes, gentils, bien intentionnés, n'étaient que mus par l'envie de vengeance, le besoin de dominer avec un statut de sauveur, le centrisme à se croire comme des anges tout à tour bénissants ou purgateurs, les gens qui rêvaient une vie débarrassée de leurs soucis ne faisaient qu'éloigner les autres de cette chimère illusoire, détruisant petit à petit l'humanité, l'environnement, tout en se dédouanant d'un sentiment de culpabilité par cet aveuglement à ne voir que chez autrui les vices qu'eux-mêmes portaient tout autant... la parole et l'écrit, les mots, l'histoire, la communication, l'humain cultivé les prenait comme acquises, le reste n'en voyait qu'à peine le pouvoir réel ; les réflexions partagées ne poursuivaient pas ni la raison ni la résolution des problèmes qui s'accumulèrent, elles ne poursuivaient qu'un désir de répondre pour en dégager les bénéfices d'apparence et de réputation sociale, et alors que les plus hautains avouaient que les mots permettent de faire avancer les choses, nul d'entre eux ou du reste n'était en réelle capacité d'appliquer cette vérité, tout s'envenimait à la moindre pensée traduite, la raison n'était jamais autant invoquée que pour justifier en gros paradoxe, les pulsions qui sans cesse plus susceptibles, finirent par étouffer totalement la condition humaine partagée ; un miroir aux alouettes, soutenu par la réalité, le reflet illusoire d'un trésor dont nous nous satisfaisions de l'image seule, sans comprendre que ce n'était qu'un reflet, et que le vrai pouvoir des mots restait caché, inutilisé, dont l'hologramme seul suffisait à nous faire croire le posséder... non ; cette sagesse de l'humanité, notre erreur aura été de croire qu'elle était réelle, que nous la possédions vraiment, alors qu'elle était encore hypothétique ; elle demeure à construire, elle demeure à l'état de projet, d'idée vaguement proposée mais loin d'être réalisée ; nous avions fait quelques pas pour la construire, mais avec l'illusion de la croire déjà avérée, nous nous sommes lamentablement effondrés... le Sommeil de Sous-la-Surface tente non pas vraiment une renaissance, mais plutôt une naissance ; tout simplement ; celle de l'esprit humain
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Apnées d'esprit (Re : un tunnel sous le ciel)
« Réponse #19 le: 08 Mars 2025 à 10:42:21 »
tout le présent texte est dirigé autour de deux idées qui ne me quittent jamais vraiment, je me sens désemparé à leur propos : 1) c’est l’importance, la valeur, la qualité, de la parole, qui dans le quote ici prenait une forme qui s’approche de ce que je pense ; cela reste à la fois une suggestion très floue sans réelle réponse à ce qui m’apparait comme un problème social, et à la fois une tentative d’imaginer des premiers éléments de solutions, qui demandent qmm bien des précisions pratiques que je ne saurais imaginer tout seul… 2) le danger que j’ai l’impression de ressentir pour la condition humaine autour du temps de l’enfance, l’alliance fragile des impératifs mêlant la néoténie et l’altricialité... ma principale question est donc : parviens-je là à écrire ce que je tente de communiquer sur ces deux points ? (il me semble que beaucoup de phrases sont trop longues et que je ne gère pas très bien leur complexité, mais je ne suis pas sûr de savoir les améliorer) et puis pourquoi pas, qu’en pensez-vous, en pratique ou en théorie ? au conditionnel, merci d’avance



Apnées d’esprit
v1.4



c'est bien parce que je tiens en haute estime la valeur de la parole partagée lorsqu'elle est mesurée, que je suis plus confortable à l'écrit…



Probablement que faire taire les gens est un moyen de contrôle et de coercition aussi vieux que la parole elle-même, et que c'est également un processus qui lui a été parallèle dans toute l'histoire du développement de sa complexité. Faire parler les gens, c'est une autre histoire. Les forcer à ce faire, ou les inciter, figurerait alors dans les évolutions qui ont débouché sur l'idée d'une liberté, d'un droit et d'un devoir à la parole, égaux pour chacun des citoyens, apanage des démocraties de la fin de l'ancienne ère d'avant la chute. La parole des gens fut ainsi acquise durement bien que partiellement, et cet acquis demeure fragile, instable, peut-être entériné trop peu de temps pour l’être suffisamment. Il faut sans cesse le réparer, le consolider. Cette parole est un acte social qui a pris chez nous un tournant important lorsqu'on a décidé de ne plus idéaliser le phénomène, et d'en voir de lui, plus loin que les espoirs sans tâches qui avait vu naître les premières formes consensuelles de liberté inconditionnelle d'expression. Il nous a semblé devoir craindre certaines choses que l'enthousiasme nous empêchait de voir.
C'est pour nos enfants que nous nous sommes rendus à l'évidence. Ce besoin de nous retenir. Cette accélération de nos vies qui rendait nocif l'excès de paroles telles que nous les utilisions. Des paroles en l'air. Nous avons décidé de mieux nous taire afin de mieux parler. Et cela n'a pas été facile.
Cela fera soixante ans cette année.
Dans notre petite communauté du nord du continent, c'est ce qui a été décidé. Quelques vents d'information mondiale nous sont parvenus d'ici ou là, d'autres communautés qui ont également essayé le Silence à leur manière. Le fait que nous soyons à notre époque, une humanité bien plus isolée par le caractère géographique de notre implantation, qu'en ce passé qui a fini par exploser, est probablement un avantage sur plusieurs points.
Notamment sur notre capacité à tenir le Silence. Fut un temps avant la chute, où même notre démographie communautaire d'un millier d'âmes, minuscule à l'époque, même la plus éloignée géographiquement de toute autre communauté, aurait subi les tentations que la technologie permettait à nos conversations boulimiques. Ce n'est pas pour autant que notre Silence fut aisé.
Au début si j'en crois les rapports, ce fut même très dévastateur. Sur le plan d'un bonheur global, je crois pouvoir affirmer que tout commença par quelque chose de pire, avant de remonter doucement la pente. Les choses paraît-il, doivent parfois aller plus mal avant d'aller mieux. Et si aujourd'hui, soixante ans plus tard, nous commençons à percevoir les bénéfices du Silence, c'est indubitablement grâce à la fermeté avec laquelle nous avons appuyé nos décisions, contre nos propres vents et marées, comment nous avons tenu nos engagements sans fléchir.
Aujourd'hui il reste majoritairement les enfants du Silence, ceux pour qui nous l'avons instauré et tenu. Il ne reste presque plus de ceux qui blablataient. Et ceux-là ont extrêmement souffert. Certains avec courage et ténacité. D'autres que l'on a pu regretter.
C'est pour nos enfants que nous avons regardé la réalité en face. Nos paroles en l'air et invasives étaient néfastes, elles empoisonnaient nos esprits, nos actes, nos vies. Elles délimitaient une surface superficielle et stérile. Nous nous rendions bien compte qu'il y avait quelque chose de malsain dans la coordination sociale de nos membres individuels, et nous refusions de voir à quel point les choses dites ont un impact immense, selon leur forme, leur fréquence, leur usage, nos habitudes d'un temps qui aujourd'hui s'estompent peu à peu avec le Silence.
Nos enfants.
Nos enfants à la curiosité, certes saine en principe, mais débordante, insatiable, et pour nous adultes, finalement ingérable. Nos enfants, aux milles questions qui dans les meilleurs des cas, ne témoignaient que de leur soif d'apprendre, de comprendre, de grandir ; mais également dans beaucoup de cas, témoignaient aussi d'un vertige, une volonté presque pathologique, de combler les ambiances par de la conversation…
L'humanité avait depuis bien longtemps cette intuition que toute vérité n'est pas toujours bonne à dire, surtout à des enfants ; mais elle avait parfois aussi, la certitude que le mensonge détruit encore plus les choses, notamment la confiance mutuelle ; et qu’entre les deux, il n’y a pas toujours une infinité illimitée de solutions.
Tant de parents se sont sentis désemparés par un fait qui est apparu dans la conversation publique chez nous, il y a de ça soixante ans, et qui a motivé la réflexion qui nous a mené au Silence. Le sentiment qu'ils éprouvaient, lorsque dans des cas se révélant bien trop nombreux, ils se sentaient pris au piège : les questions de leur enfant exigeaient une réponse du moment qu'ils les formulaient, mais pour beaucoup d'entre elles, l'on ne les sentait pas aptes à recevoir la dure vérité. Que faire alors ? Changer de sujet et leur laisser le sentiment d'être négligés, voire pire, leur donner un modèle d’indifférence à  la conversation ? Inventer un conte métaphorique pour remettre la question à plus tard sous risque de les voir se contenter de cette illusion ? Dire vraiment la dure chose et briser la chaîne de la force et de la joie et de l'espoir de vivre, maillon après maillon ?
La plus unanime des thématiques autour de laquelle nous savions tous que dévoiler trop tôt les choses était un danger immense, reste bien sûr la question de la sexualité ; mais elle n’est qu’un exemple fort parmi tant d’autres. Avant la fin de l'ère technologique, l'humanité avait de mieux en mieux compris que des enfants exposés trop tôt à des phénomènes, qu’ils soient actes ou simplement évocations de la sexualité, en subissaient une forme de traumatisme parfois préjudiciable, pour eux et pour la société. Il nous sembla de plus en plus logique et important, qu'autour de la puberté, se greffait à la construction de l'esprit, son éducation, un continuum d'expériences pour lesquelles il valait mieux pour l'enfant, d'être prêt à recevoir la chose.
Alors que le retard était, parfois à tort, fréquemment mal vu depuis longtemps et sur beaucoup d'aspects du développement humain, nous avons mis plus de temps à nous méfier des choses précoces.
Oui, il y a des choses pour lesquels nos ancêtres ne s'insultaient pas lorsqu'ils modéraient : "tu comprendras plus tard". Cette antique sagesse, nous l'avons perdue à un moment de l'histoire, pour cause d'ego, de précipitation, où l’on ne supportait plus de se l’entendre dire, peut-être parce que notre temps s’étirait, et avec lui les tant de cas où cela se répétait, provoquant notre impatience et notre exaspération. Aujourd'hui chez nous depuis soixante ans, nous préférons accepter que nous ne sommes pas toujours prêts à recevoir ce que nous exigeons ou ce que l’on nous impose ; que le temps est parfois inévitablement nécessaire ; que cette pulsion de l’instantané nous est naturelle, mais que nous devons la combattre, ensemble. C'est pourquoi nous avons instauré le Silence, cette apnée de l'esprit.
Apnée de l’esprit ; une notion étirable de manière bien plus complexe que ce simple dénominateur la résumant.
Le temps est ce qui nous appelle à la curiosité, il s’est étiré en longueur jusqu’à la chute de l’ancienne civilisation, et depuis il est devenu un danger dans les conversations répétées. Notamment chez l'enfant. Tant de parents se sont faits avoir à l'usure ; tant d'enfants qui n'étaient pas prêts pour les questions qu'ils posaient et auxquelles les adultes choisissaient parmi les moindre maux : esquiver en espérant reporter, métaphoriser en espérant adoucir, répondre pour être honnête… A l'usure, oui, car esquiver reporte la question peut-être au lendemain, au surlendemain, à une semaine, mais pas indéfiniment ni sans conséquence… Sur une vingtaine d'années de maturation de l'humain adulte, avec mille questions sous la curiosité de l'enfant, l'on ne peut fuir éternellement, surtout lorsque chaque esquive rend à cet enfant l'impression d'être négligé, autant qu’elle lui enseigne implicitement à ne pas prêter attention à la continuité d’une conversation. Métaphoriser par un conte gentillet, cela a semblé être une bonne solution, tout du moins dans l'histoire de nos ancêtres… Des légendes dont l'image, la profondeur, la complexité, sont à comprendre plus tard, tant que l'on accepte qu'il y a des choses à comprendre plus tard… Et dernière des solutions, être honnête, dire la vérité, vraiment répondre, lorsque l'on sait soi-même, se révéla à force, trop déprimante pour les enfants qui ne sont pas prêts à supporter les lourdes vérités dans toute leur dureté.
Il nous fallait changer notre rapport à l’authenticité. Gavée de trop de paroles comme un entonnoir au goulot incapable de gérer un flux liquide trop important, notre société ne pouvait plus continuer à autant communiquer tout en maintenant l’expression saine de la réalité dans chaque esprit.
C'est pour nos enfants que nous l'avons fait, mais c'est en nous observant entre adultes que nous l'avons compris. En comparant avec l'histoire, aussi. L'hégémonie de la culture technologique, notamment celle se diffusant depuis ce qu'ils appelaient l'Occident et dont nous sommes majoritairement testamentaires, prônait des modes de conversation omniprésents. Des discussions permanentes, ou du moins bien trop envahissantes, dans lesquelles on se coupait la parole chacun entre nous, dès que l'on pensait que la parole d’autrui n'était plus pertinente, ou à la moindre idée qui nous tombait dessus et que l’on ne voulait pas voir disparaître aussitôt de notre esprit, ce qui arrivait très rapidement et souvent. Il était plus logique de réagir librement une parole sans réfléchir, sans recul, juste avant de soi-même être coupé par quelqu'un qui pensait qu'il devait arrêter là notre réflexion partagée, au nom de sa déviation personnelle, qui immédiatement était à son tour déviée par quelqu'un d'autre, et ainsi de suite sans que le chemin n’aille bien loin ni ne soit vraiment orienté efficacement ; un peu comme des errements trop aléatoires, sans cap, virant et se retournant sans cesse sans direction autre, que l’idée que forcément nous parviendrions à la bonne destination tant que notre conversation avançait d’elle-même sur ce chemin dont le chaos ne nous apparaissait pas tel… C'est notre fierté à faire de l'esprit qui a fini par mettre un doute sur l’efficacité de ce processus, qui lui-même était motivé par la fierté à faire de l’esprit. Lorsque petit-à-petit, nous avons senti que ces vieilles habitudes issues de l'ancien monde, n'étaient pas les seules possibles, et que de surcroît elles ne nous semblaient plus efficaces, nous nous sommes posé des questions difficiles. D'autres formes d'humanité d'après l'Histoire, tenaient en de plus précautionneuses pincettes l'importance de la parole. D'ailleurs, notre communauté actuelle au nord du continent, semble peut-être tirer d'aussi bons résultats à notre Silence, d’un avantage que nous avons hérité ; notre géographie a habité des ancêtres dont les sociétés étaient déjà moins contaminées par des usages plus superficiels que possédait l'Occident. A l'époque, les populations de chez nous, avaient déjà des formes d'interaction qui valorisaient le silence et en faisait une force plutôt que la cible d'une crainte. Et comme d'autres lieux de la planète, nos ancêtres mesuraient déjà avant nous, et plus que d'autres, la nécessité du silence, le poids de la réflexion et du recul, le désagrément des paroles brouillonnes, futiles et mêmes, nocives… Ce qui nous a probablement aidé en cette quête difficile qui seulement aujourd’hui, semble porter ses fruits.
Car ce ne furent pas soixante années toutes belles que nous vécûmes à tenter le Silence, afin de laisser à nos enfants le temps dont ils avaient besoin pour acquérir la maturité nécessaire aux bonnes réponses. Nous brider sur notre empressement fut extrêmement douloureux, notamment pour les plus anciens. Mais cela eut le double avantage, à la fois de nous enseigner la valeur d'une parole réfléchie, mûrie, posée, autant que d'en profiter des avantages sur les rapports sociaux ; notamment en allégeant la pression des parents sur l’insatiable curiosité de leurs enfants, oui, en limitant drastiquement l’usure des conversations étirées dans les longues années de maturation. Il fallut pour cela nous restreindre sur la soif et la faim boulimique de notre besoin de parler, afin d’inspirer à nos enfants, des modèles mieux modérés. Et ce fut un enfer pour tant d'entre nous aujourd'hui disparus. J'espère que là d'où ils sont, ils peuvent contempler le calme, la sagesse, la noblesse et la profondeur, des âmes qui leur ont succédé, grâce à eux et leurs efforts.
Il ne fut pas pour eux d'agir en termes de punitions et de délation, l'un des premiers principes de réalité dont nous avions convenus étant de respecter la douleur que cela nous ferait d'agir ainsi, et de tout faire pour la minimiser afin que nous puissions tenir et non nous effondrer. Nous étions convaincus que le Silence était une solution à tenter, qu’elle était pertinente, mais que cela serait un effort immense pour chacun d’entre nous.
Limiter les conversations était le mot d'ordre ; et apprendre à mieux supporter le vivre-ensemble en ce contexte. Pour nos enfants. Leur montrer un modèle de rapports sociaux où les adultes pourraient gérer les débordements de leur curiosité lorsqu'ils grandissent, ce temps laissant tant de place à une conversation qui à leur âge, allait bien trop lentement, mais qui pour nous, allait bien trop vite. Ne plus nous montrer dépassés par l'usure.
Il n'était nullement question de les faire taire sans raisons, cela était un paradoxe complexe à comprendre et à transmettre. Il s’agissait plutôt de revenir à des formes moins consuméristes de la conversation, afin d'alléger la charge de celle-ci. Et de moins nous retrouver dans le piège si récurrent de ne pas les sentir prêts pour recevoir ce qu’ils demandaient innocemment, juste curieux, et trop enclins à demander, enquêter par une conversation qui n’en finissait jamais, qui s’étiraient bien trop souvent pour que patience puisse être autant capacité que atout ; et qui mettait les adultes en sollicitation saturée au service de cette conversation.
Nous avons essuyé beaucoup de dommages opposés, lors de ces soixante années de construction et d'expérimentation d'usages sociaux conversationnels plus modérés. Des enfants ayant trop intégré le Silence et qui finirent complètement mutiques ; un désastre pour eux comme pour la communauté.
Nous avons également essuyé beaucoup de dommages chez les adultes. Ils perdaient la raison si trop de silence leur était exigé. Presque contrintuitivement, les hommes d'une autre époque passant pour de taciturnes figures, silencieuses, plus économes en mots que les femmes, semblaient pour beaucoup d'entre eux, bien plus fragiles face à nos injonctions à modérer la conversation ; un peu comme s'ils avaient longtemps tenu ce comportement qu'on leur reprochait, et que maintenant qu'on leur exigeait ce même comportement, ils n'étaient plus en mesure de l'agir… Les femmes, elles, furent plus fortes qu'eux dans la globalité, mais il semblait plus naturel d'expliquer le paradoxe : alors qu'en d'autres temps elles avaient été plus présentes dans le militantisme pour plus de conversation, leur force acquise par la coercition masculine résidait également dans le fait de supporter de se taire…
Nous avons essayé quelques méthodes différentes, surtout axées autour des relations aux enfants. Leur montrer des modèles moins bavards que nous, c'était l'idée centrale, afin de, comme dit précédemment, à la fois réduire le champ saturé des conversations et ses proportions nocives, et d'éduquer à une forme plus réfléchie et mûrie des échanges de parole, moins superficielle et moins consumériste.
Le principal problème étant, bien qu'il faille lui être très tolérant, que garrotter ainsi l'appétit conversationnel instinctif des adultes en présence des enfants, afin de créer des générations moins boulimiques de la conversation, présentait le risque de tenir à l'écart de ces enfants, le contenu des conversations que la sécurité émotionnelle boulimique des parents demandait à déborder en leur absence. Le silence ne devait pas devenir l’omission des choses à communiquer ; il nous fallait non seulement réduire la quantité de forme, mais également conserver la quantité de fond. Oui, il ne s’agissait pas seulement de se restreindre devant eux, il fallait également leur donner accès à ce qui se disait entre nous, et donc de suivre notre propre modèle, y compris en leur absence ; nous taire devant et entre nous, afin de conserver le partage des choses.
Et oui, se taire au mieux devant les enfants, mesurer chacune de nos paroles d'adultes, se retenir de laisser couler l'irréfléchi, le spontané, ne pas nous couper la parole, et donc mieux peser chacune de nos prises de paroles, nous a énormément irrité. Dès que les enfants étaient ailleurs, il n'était pas rare, et donc excusable bien que nocif et à éviter au mieux, que les adultes se lâchent, loin du modèle que nous étions tous d'accord de tenir. Il fallut gérer ces humeurs à fleur de peau, ces éclatements contraires au Silence nous poussant à rendre plus denses nos paroles, nous mettant une pression insupportable. Nous avons, au fil des années, pris soin de noter ce qui aidait chacun dans la communauté à tenir le douloureux impératif, les astuces et techniques afin que chaque débordement puisse ne pas être un mal inutile, que tous puissent se relever de ces douleurs afin d'aller jusqu'au bout de notre projet : forger une humanité qui saurait prendre le juste temps pour chaque chose de la communication ; forger une humanité qui ne se pose pas trop tôt les questions inévitables ; forger une humanité oui, qui ait le temps de grandir, ni dans l'esquive négligente, ni dans la métaphore fantasmagorique de laquelle on ne ressort parfois pas, ou parfois trop douloureusement, et ni dans la réalité trop dure et déprimante lorsqu'elle vient trop tôt. Le Silence.
Aujourd'hui, après beaucoup de souffrances partagées, après que les choses furent encore plus douloureuses que la situation que nous voulions régler au départ, les fruits commencent à donner espoir en nos engagements, à récompenser nos sacrifices. Aujourd'hui, les enfants face à qui nous nous taisions sauf pour dire la complexe recette alliant en proportions l'utile et l'agréable des paroles partagées, ont grandis, plus silencieux mais mesurés, plus calmes et moins irrités lorsqu'ils communiquent, et ils ont eu des enfants qui eux-mêmes, semblent encore plus aguerris dans l'aptitude à ne pas se gaver mutuellement de conversations aussi inutiles que fragiles. L'intensité volubile de nos us communautaires en matière d'échange oral, a laissé la place à beaucoup plus de profondeur, de maîtrise de soi, d'écoute sur autrui. L'empressement, le sentiment désagréable d'urgence qui irritaient nos prédécesseurs avides du moindre blabla, semble beaucoup moins toucher en tant que souffrance, ces nouvelles générations devant qui nous nous taisons. Et, d'une manière curieuse et heureuse, alors qu'ils semblent bien plus tolérants à l'idée qu'il y a des choses qu'ils comprendront plus tard de leurs aînés, et que leur patience semble résiliente et moins coûteuse émotionnellement, ils leur offrent également beaucoup d'enseignements sur cette sage mesure de la parole, à laquelle ils, nous, tentons de nous éduquer.
Cela étant, il me semble qu'un autre point fort, dont nous pouvons rendre grâce à l'extinction de l'ère technologique mondialisée, et bien que ce fut à l'opposé de certaines de ses valeurs intuitives, c'est que, non seulement comme précédemment noté, la tentation de la communication est largement moins disponible qu'en ce passé aujourd'hui effondré, nous facilitant le silence entre mille âmes comme il le serait moins entre des milliards connectées sans limites, mais également, que comme beaucoup de formes virtuelles et indirectes de culture sont aujourd'hui perdues, fuir le contact humain direct par l'isolement compensé se révèle beaucoup moins accessible, et la tentation est moins forte, de s'évader avec des relations sans relation.
Nos enfants ne sont pas les enfants solitaires des écrans ou des livres, et pour autant ils ne sont pas des enfants de l'ennui, ou les enfants de la dépendance sociale excessive. Ils ne sont pas les enfants embarqués malgré eux dans la comédie sociale des apparences surjouées des comportements, mais ils ne sont pas les enfants de l’austérité relationnelle. Ils ne sont pas non plus les enfants de l'omniprésence parentale ou éducative. Ils sont les enfants du calme, qui aiment la légèreté mais pas la superficialité, et ils savent distinguer les deux. Ils sont les enfants de la contemplation sans lassitude ni oisiveté. Ils sont les enfants des paroles sérieusement bienveillantes, précautionneusement polies à la fois pour et par la morale, sans ni se faire les esclaves des bonnes manières, ni s'en faire les inquisiteurs ou les détracteurs. Ils ont bien moins peur des silences que nous leurs aînés. Ils peuvent sourire entre eux en se comprenant bien mieux sans parler, que nous qui embrouillons les pistes à tenter de combler les choses de manière frénétique sans pour autant bien y parvenir. Et lorsqu'ils ne se comprennent pas, ils savent le détecter, l'admettre, et tenter de résoudre le problème avec bien plus de sagesse que nous. Lorsqu'ils sont en désaccord, parfois ils tentent de trouver l'accord, mais sans jamais ni se mettre eux-mêmes à mal ou en difficulté ou sous pression, ni à mettre leur ou leurs alters en ce mal, cette difficulté, cette pression.
Nous, les vieux, sommes chaque jour subjugués par leur capacité à ainsi garder une force, une solidité, qui de leurs sages paroles sublimées par nos efforts de restriction, leur assure une tranquillité de l'esprit personnel autant que communautaire. Nous, les vieux, pour qui l'appétit d'ouvrir notre bouche se solde bien plus souvent qu'eux, par des résultats bien moins profonds, bien moins réfléchis, trop spontanés, nous sommes admiratifs de leur sagesse, contents de pouvoir croire avec de plus en plus de certitude, que nos efforts furent les bons, et fiers d'avoir ainsi réussi dans une certaine mesure, à promettre à notre succession, de se débarrasser de nos erreurs accumulées par le passé. Nous les vieux, les commérants, les babillants, les blablateurs, avec l'humilité que notre ambition passée exige à ainsi avoir réussi, pour le progrès chez nos enfants qui nous surpassent, ne serons bientôt plus assez nombreux, avant de disparaître, pour transmettre ce mouvement que nous avons initié.
Ce qui est peut-être le dernier obstacle à franchir, le dernier test de validité, la dernière chose à acquérir, avant de commencer l’expérience de la longévité et de la durabilité intergénérationnelle : le comparatif que nous leur apportons pour se construire. Nous étions la flamme qui allume la mèche, ce sera bientôt le temps de la mèche seule et autonome, et nous espérons qu’elle sera la plus longue possible. Oui, nous avons été au début, les modèles acteurs et initiateurs du mouvement, c'était la période où nous leur enseignions la voie à suivre au moment où nous la découvrions, la construisions, par l’application de nos principes décidés ensemble ; et puis lorsque bénéficiaires de ces modèles, ils nous ont dépassés, nous sommes devenus les modèles de contre-exemple, les modèles à ne pas suivre, ceux qui probablement les exaspéraient à leur donner encore les leçons qu’ils avaient mieux intégré que nous leurs inventeurs. Lorsque nous ne serons plus là, qu'adviendra-t-il de leurs influences ? Si ce passé volubile nocif disparaît avec nous, reviendront-ils naturellement vers cet état qui était naturel chez nous, ou au contraire sauront-ils continuer dans la voie tracée par le Silence depuis soixante ans ? Ce même terme, Silence, dont la radicalité, l’extrémisme et la violence étaient nécessaires au début pour nos actions communes et notre réflexion partagée, ce concept qui bien sûr ne saurait résonner avec sens si on le prend dans sa simple signification lexicale, ce terme que nous gardons aujourd’hui mais dans un usage bien moins lourd, bien moins systématique, ce terme qui a une époque était presque médicamenteux, mais qui aujourd'hui ne peut plus perdurer tel quel pour faire perdurer la dynamique qu'il a engendré ; ce terme, et son impact, quels seront-ils à l'avenir ?
Nous, derniers procréateurs des premiers enfants de ce mouvement, disparaissant, laissons la place à la suite, à ces enfants et puis leurs enfants…
Les enfants du Silence.
Comme si d'un entraînement cumulé à des apnées de l'esprit, nous avions appris à mieux respirer nos conversations, moins suffoquer ni surventiler. Et mieux nager sous la surface.
[projet] :
...parce que ce mot, mesdames et messieurs, est un mot qui transforme tout ce qui bouge en un produit, c’est-à-dire en une marchandise… des choses qui jusqu’à maintenant, échappaient à la logique de la marchandise : du social, de l’éducatif, du culturel…
- fl

 


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