Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

07 septembre 2024 à 19:06:10
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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » un tunnel sous le ciel

Auteur Sujet: un tunnel sous le ciel  (Lu 1195 fois)

Hors ligne SablOrOr

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Re : un tunnel sous le ciel
« Réponse #15 le: 23 mai 2024 à 23:24:45 »
Kouik Dot ;-)
En prenant par la fin:
-« Lui non plus ne souffrira plus de la soif. » : voici où j’ai vu le vampire (assoiffé de sang était peut-être une hyperbole de ma part).
-« Je suis libéré. » : voici où j’ai vu la liberté. Et placer l’idée à la fin du texte est une ouverture à la réflexion n’est-ce pas ? A moins que ce ne soit une invite à suivre le feuilleton ?
-« Je suis un survivant. Un survivant effrayé.» : voici où j’ai vu un au-delà d’outre-tombe, effrayant ; tu le nommes survivance.
-« Et qui a pris ses dispositions. » : ….là je ne sais pas trop (voir mon Mea C. Plus bas))
-« Ce bonhomme à la peau nécrosée, rongé par les maladies apocalyptiques, puant un mélange de plastique, de pourriture, c'est lui qui finalement m'ôte toute cette douleur, maintenant. » : Ici je vis le mort-vivant, assoiffé de vie.
-« A ce moment où il enfonce l'os taillé de sa phalange dans ma jugulaire » : Et voici le doigt, pointu.
-« des multiples malformations et dégradations physiques de sa santé» : un doigt aussi tordu et arthrosé que son propriétaire, à la Dracula, qui entre dans la chair de sa victime.
-« habilement servi pour m'ouvrir les veines »: le sang est censé y circuler.
Bref, les connotations au monde du vampire furent pour moi évidentes, bien que le tueur puisse aussi être un cyborg bien graisseux.
Comme tu le vois, hihi, je suis assez visuelle, normal en lecture/écriture il est plus simple de fonctionner avec l’image qu’avec l’odeur, huhu !

« Dead can dance », je ne connais pas leur son non plus mais j’aime l’image et l’idée à réfléchir, que cela fait naître en moi : une mort personnifiée, sur ses petites guiboles osseuses, en train de se trémousser, fatalement marrante !

Pour le participe passé et l’auxiliaire avoir, c’est très facile.
Juste il te faut repérer les temps composés, donc les auxiliaires et participes, et ce qu’est un COD (et pas un COI). Bien sûr il y a des particularités, mais les exceptions viendront après l’acquisition de la règle.
Exemple: « Elle s’interrogea. Aurait-elle visité l’Inde entière, qu’elle ne l’aurait pas rencontrée vraiment. »
Le pronom « l » représente le nom propre « Inde » (ici considéré comme féminin) et sa fonction grammaticale est COD, et ce COD est placé avant le verbe « rencontrer » (ici conjugué dans un temps composé du mode Indicatif…connais-tu ce temps ?? ;-))…..donc le participe s’accorde malgré la présence de l’auxiliaire avoir.
Mais la grammaire est vaste. A un certain niveau elle fonctionne comme une science tant que la langue est vivante. Il me plait parfois d’imaginer les grammairiens se disputant les nouvelles règles comme des chiffonniers ! :
« -Je te dis que c’est une locution bla-bla bla
-Et moi je t’affirme que c’est une circonstance !…bla-bla-blabla… »

Quant à l’aspect analytique de la chose, entre le sens des mots et nos propres maux, c’est une forme de langage des ‘oiseaux’ qui a les limites de son monde. Une analogie ludique de débutant ? Roooo !
Des questions ? J’ai pas les réponses ! lol

Pour revenir à la liberté, ce que j’en pense ?
C’est intéressant comme étude, car par exemple, en-dehors du libre arbitre, on peut se sentir peu libre tout en reniflant l’idée d’une vastitude sous-jacente. Et suivre son instinct sur l’idée de liberté n’est pas une mince affaire. Tout semble impossible à comprendre tout à fait en matière de liberté et à la fois c’est accessible grâce à la magie du vivant qui se déploie librement quoi que nous fassions. La liberté nous laisserait-elle des libertés ?
Et si nous lions l’idée de liberté à celle des apprentissages, je comprends ce que tu dis sur l’âge où il est plus simple d’apprendre : la jeunesse. Car nous avons des capacités plus puissantes et que nous y sommes plus curieux et émerveillés de tout. Alors il est plus aisé de connaître des déclics de compréhension et d’intégration lorsque nous avons l’âge approprié pour apprendre.
Pour autant, sommes-nous à l’abri de nous tromper totalement et pendant longtemps dans cette fleur de l’âge ? De mal comprendre et de mal apprendre ? Où se trouverait donc cette liberté de pouvoir apprendre ? Ne sommes- nous pas limités par nos propres limites en toutes circonstances ?
Mais je sens que je file tout droit vers la digression, si ce n’est déjà enterré en profondeur lol ! Voire peut-être les oiseaux ;-)
Alors voici comment je termine ce soir:
Je tiens à partager un fébrile Mea Culpa, car je n’ai pas lu les textes précédents sur ce fil, aussi je te prie de m’excuser car j’ai très peu saisi l’histoire de tes personnages finalement.
L’implicite est une force intègre, fidèle et dangereux bâtisseur de langage. Ce n’est pas facile de s’en protéger et d’en protéger d’autres. D’autant plus que nous savons bien que les erreurs permettent certains apprentissages….
Clin d’œil, et une excellente soirée très entamée !
SOo  :aah:
« Modifié: 23 mai 2024 à 23:28:18 par SablOrOr »
"Aimer quelqu'un c'est le lire". Christian Bobin.

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Re : un tunnel sous le ciel
« Réponse #16 le: 25 mai 2024 à 23:13:31 »
yoooo SOo !
le temps me dépasse un peu ces temps...

à propos de ta lecture :
- les vampires et zombies peuvent effectivement se retrouver visuellement dans le texte, même si mon intention était plus proche d'une tentative de récit d'anticipation, j'aurais pas usé de ces figures que j'ai un peu hâtivement l'idée d'y associer à du fantastique en dépit de pas mal d'évolutions du concept qui tentent d'y expliquer le plus plausiblement possible...
- étrange donc, de lire à quel point ces mêmes mots que j'ai écrit et que tu as lus, ne sonnent pas du tout pareil dans nos imaginaires respectifs ! l'éternel 'problème' de l'interprétativité, l'éternel problème de la limite des mots, moi qui suis trop fixatif sur une volonté impossible de rendre tout le plus précisément explicite, je vois que je poursuis une chimère... grâce à toi je risque de pluss privilégier la suggestion à l'avenir !
- "libéré" ! pour te répondre précédemment, je m'étais relu et n'y avait pas repéré ce terme qui a retenu ton attention ! mince alors j'suis à côté de ma propre plaque ! et pourtant je parlais d'une libération plutôt que d'une liberté, et ce par la mort, ce qui peut m'avoir écarté de ton interprétation... mais nous y reviendrons un peu plus loin
- le survivant se définit ainsi dans un contexte un peu métaphysique, dans le sens où les mots bien que pouvant parler, ne sont que bien trop loin de la réalité à décrire ; par son discours, dans ma tête, il se sentait bien loin du contrôle de ses déterminismes qui le placent dans une situation qu'il n'apprécie pas ; dans ce contexte du début d'une apocalypse que je tente dans ce fil au gré de ses différentes époques, ici c'est un bonhomme qui grandit avec de naïves illusions, il veut faire de la politique pour servir le peuple, et lorsque le monde civilisé se délite, il est coincé dans ses opportunités, et prendre le pouvoir sur un point d'eau lui permet de ne pas avoir à se soumettre à ceux qui l'auraient fait à sa place, mais il est lui-même dégoûté de cette situation de dégradation du système humain, il est survivant car il agit sa survie, autant que parce que pour lui ce n'est pas ça la 'vie' qu'il aurait espéré...
- un gros axe de mon texte mais que j'envisage encore plus pour le prochain numéro qui me traine bizarrement en tête sans que je me lance, c'est, en parallèle d'un effondrement du vivant et d'un effondrement du système de production humaine, les conséquences sur la santé des humains... j'aimerais bien pour le suivant, mais ptetr ce spoiler me démotivera à y aborder en un texte, approcher l'idée de jonction entre le fait déjà actuel qui montre les pathologies humaines se multiplier, et une très probable pénurie des objets dont l'humain s'est rendu dépendant, là c'était l'eau potable, pour le suivant j'aimerais bien montrer ce que serait une pénurie de savons... ce donc, qui rebondirait sur toute la description de l'assassin de ce texte... problèmes de peau, de microbiote, bref, de toute une anatomie privée de son habituelle aseptisation d'ajd, et exposée à plein de matières dangereuses et d'environnements plus ou moins toxiques... est-ce du zombie du vampire ? ptetr un peu !

à propos de musique :
- un autre item nominatif qui me vient à l'esprit, j'aimais bien à sa sortie un peu avant 2010 : purgatory dance party, par polkadot cadaver ! ahah j'la passais notamment pour l'une de mes rares expériences vidéoludiques, sur psp, dans gta liberty city stories, je conduisais un corbillard pour faire jsp quoi et c'était lol

à propos du participe avec avoir :
- grogro merci ! un truc que faut que je décoince un peu chez moi, c'est cette volonté de valoriser l'échange conversationnel pour les partages de savoirs ! j'ai une excuse, 21 ans d'enfance à faire mon associable en me disant tout flemmard mais sérieusement, que me nourrir de culture indirecte me serait profitable... p'tite décompensation schizo, revirement de situation, j'ai tout coupé ça, et ai voulu de l'échange humain... quelques années plus tard, la distinction philo à l'u, entre la culture orale présocratique et la culture indirecte depuis cette charnière, me donnait anthropologiquement un gros argument pour revenir à des us historiquement plus importants que ces dérives récentes à tout dépersonnaliser, tout indirectifier, les livres depuis qqs siècles, la télé les journaux, puis les yt et autres tutos, j'en ai une fixation angoissée à me dire que c'est ça qui a nourri mon enfance où je me sentais parfaitement bien à me couper de ce que maintenant je cherche difficilement dans le relationnel, inspiré notamment par jean auel qui dans sa saga préhistorique, m'avait marquée sur le point de la transmission des savoirs ancestraux de la guérisseuse qui recueille la protagoniste, hyper bien décrite cette science des plantes et de la nature !
- bref, tout ça pour dire grogro merci, car si j'étais paumé en cours scolaires de français sur ces modalités linguistiques, car si j'ai trop la démotiv' d'aller me renseigner pour réparer mes points faibles, j'suis friand de ce que tu m'as donné un p'tit cours personnalisé tout bien fait spécialement pour moi !
- huhu j'ai pas vraiment bcp compris, même en y relisant quinze fois, mais j'vais faire mes devoirs, professeur ! faire honneur à votre don ainsi formulé, l'idée me motive bcp bcp !
- de là à dire que je dépasserai le maitre en tant qu'élève, j'suis pas sûr d'en être capable, et en même temps vu que je considère que c'est le mieux qu'on puisse offrir à un maître, je vais cravacher ! rereremerci

à propos de la liberté :
- fait partie de ces mots-pôles de concepts à tjrs lier je trouve, dans l'extrême impossibilité que le langage ou son usage nous empêche de faire, dans une proportion que je trouve effrayante ! qu'est-ce que la liberté sans la contrainte ? le libre arbitre sans déterminisme ? pour moi c'pas l'un contre l'autre, c'est un lacet à bien ficeler pour mieux l'exprimer, le penser, le vivre...
- mais un sujet que mêmes les plus grands se cassent les dents dessus ! je m'accroche principalement à cette formule qui je trouve lace bien la ficelle : "condamnés à être libres"...
- et puis le tout récent exemple pour moi et que j'ai trouvé dans le roman le monde de sophie et qui me parle : planter deux graines identiques d'arbres, l'une dans le coin ensoleillé du jardin, l'autre au pied du mur qui donne de l'ombre... bien que manque parfois la notion de 'volonté' ou de 'conscience' à un arbre, l'idée que le déterminisme reste tjrs là, c'est ainsi que je m'y figure... oui c'est un bel idéal la liberté, mais n'oublions pas que c'est pas pour autant que tout est possible ! l'arbre n'aura pas la même liberté de photosynthétiser sa croissance selon s'il est la première graine ou la seconde...
- un autre bien parlant, le fameux "la liberté, c'est danser avec ses chaînes"
- et tant d'autres trucs apparemment incompatibles mais ptetr juste paradoxaux
- plus personnellement, il me semble que la mienne est celle qui dans cette vie me pose problème pratique : grandi avec l'idée trop coercitive de mon environnement, je ne la vois presque que au fond de mon esprit dans lequel je me réfugie... mais du coup j'suis atrophié de ma liberté d'agir dans sa globalité, enchainé dans ma bulle, dans ma cellule mentale, dans ma prison d'être, tant que je peux rêver j'm'en fous... un peu bcp moins depuis ma psychose parano, mais bon... j'ai pas d'autre système de fonctionnement !

brefbref, pour terminer en ce dernier rebond depuis ton message :
- l'implicite, faut que je m'oriente un peu vers ses modalités, j'avoue c'est important, même si j'suis une grosse tanche là dessus !
- les erreurs qui permettent de l'apprentissage, carrément ! les siennes en propre comme celles d'autrui, tant qu'à faire histoire de choisir le tout plutôt qu'une orientation conditionnée par la liberté de choix !

=)

(si t'as l'occas' et la motiv' de lire les deux autres morceaux de cette 'histoire', j'serais curieux de lire comment cela a influencé tes interprétations)
"- Félix ? Tu es un être humain des plus déplorables... Et pour moi c'est un compliment."
- Maeve -

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stimuli exsomniques
« Réponse #17 le: 22 juin 2024 à 17:52:03 »
stimuli exsomniques
#langage et esprit #sf postapo #humain et conscience #dystopie



Le jour allait poindre, la pluie s'était tue. Des nuages aux couleurs immondes parcouraient le ciel, et dans la chaleur d'un été sans marque, l'air sentait la pourriture. Un peu plus loin de l'entrée du terrier, Grro avait l'âme triste. L'âme de désespoir. Car comme tous les jours de sa vie, il redoutait celui qui commençait.
Ghro lui avait marché dessus comme tous les matins : l'adolescent irascible n'avait trouvé que ce moyen de compenser sa douleur intérieure. Sa croissance nouvellement pubère lui donnait des maux de sommeil, et bien avant le levé du soleil, il se réveillait d'un cauchemar et ne pouvait se rendormir. Depuis quelques semaines, cela lui pesait sur l'humeur, alors au moment où il décidait de se lever, il marchait sur Grro pour se venger du destin, pour partager sa douleur, pour se sentir encore dans une forme de pouvoir satisfaisant, sur un autrui qui ne le contraindrait pas. Lorsque Grro ouvrait les yeux, dérangé dans la fin de sa nuit, Ghro continuait son début de route et sortait du terrier.
Ainsi mal réveillés, les deux prenaient soin de s'éviter le restant du jour. Et lorsque leurs chemins se croisaient malgré tout, Ghro, plus âgé, plus massif, plus imposant, n'avait que peu à rajouter à son comportement pour intimider Grro. Devant ces sourcils froncés, le velu de sa mâchoire, son torse vouté, Grro ne pouvait que se faire plus petit que ce qu'il était face à son frère. Il se ratatinait d'un mouvement de recul, et Ghro constatait ce geste fuyant, s'en prenait une forme de courage amplifiant sa colère, et rajoutait une couche à l'oppression dont il savourait un sentiment qu'il trouvait agréable. Grro quant à lui, se refusait à trop regarder son sentiment personnel, cette oppression qu'il dissimulait du mieux qu'il pouvait dans le coffre-fort intérieur de ses blessures secrètes.
Grro savait qu'il risquait d'autres violences à ainsi s'éloigner du terrier de bon matin. S'il était absent lorsque venaient les Srûûr, ceux-ci ne le chercheraient pas. Ils n'avaient aucunement besoin de le punir, sa famille se chargerait d'elle-même à le faire à son retour. Les Srûûr parfois, passaient en routine pour vérifier que le terrier était encore occupé. Une sorte de visite de courtoisie autant que de sécurité. Pour eux, pour la famille. D'autres fois c'était pour les mobiliser, choisir les meilleurs pour les amener à la ville et leur faire arpenter les ruines, avec pour ordre de tuer n'importe quel M'nalb qui se pointerait.
Il savait ce qu'il risquait à déserter le terrier ce matin et s'éloigner un peu, un faible moment. Il se ferait très probablement réprimander même si les Srûûr ne passaient pas, car il fallait leur être disponible en toutes circonstances, ces circonstances qui à l'improviste les voyaient arriver au levé du jour, sans jamais prévenir.
Mais ce matin était insupportable. Alors, à la sortie du terrier, là où Ghro s'était assis à quelques mètres à droite, Grro partit sur la gauche et s'éloigna afin de se retrouver seul. Ghro resta impassible, bien trop enthousiaste à ne pas le retenir, car il savait qu'à son retour, ce serait sa fête. Des voix gutturales accompagneraient des coups, toujours avec le même code de sens : 'Grro nahaz !", "M'nalb itch arzja", "trebl naozuju", et les quelques autres sons vocaux dont il n'avait jamais vraiment cherché à questionner l'utilité partagée. Les Srûûr en possédaient plus que sa famille, et ils semblaient importants à leur processus de domination. C'est pourquoi Grro avait toujours craint ces phénomènes comportementaux. A chaque fois qu'il entendait des paroles, son sang se glaçait. Il avait appris les réactions appropriées aux plus dangereuses, et ne les appliquait que pour atténuer les coups. Baisser les yeux à "Grro nahaz" ; exprimer en silence, la peur et la haine, à "M'nalb itch arzja"...
Envahi par ces préoccupations intérieures, Grro marcha sur le flanc de colline, il poursuivit dans la forêt, se hasarda à suivre ses propres pas sans y penser. Souhaitât-il se perdre qu'il n'y serait parvenu, car à son âge bien qu'encore jeune, ses marches l'avaient déjà menées à tous les alentours qu'il connaissait et reconnaissait. Ainsi coincé sur son territoire, il ne se sentait que plus frustré à ne pouvoir s'évader pleinement. C'est donc dans sa tête qu'il désertait la perception de lui-même et de son âme triste.

En suivant la lisère, il oubliait ses foulées. Il oubliait l'amertume de son âme. Il oubliait jusqu'à son regard fixé quelques part entre le devant et le sol. Sans se rendre compte vraiment qu'il se fuyait lui-même, il avait pour objectif au contraire de se retrouver. Hélas, l'origine de son mal-être en argument principal pour s'éloigner du terrier et de ses congénères, il ne percevait pas la contradiction qui faisait de sa saturation existentielle, un moyen de se renier lui-même en fuyant la compagnie de sa famille. Oui, perdu dans ses maugréments, il s'éloignait de lui alors qu'il s'éloignait des autres. La douleur de ses rapports sociaux, en les fuyant ainsi, il se la rappelait d'autant plus durement dans un cercle vicieux de ruminations. Au contraire de respirer, de chercher à reconquérir une quiétude personnelle, il s'enfonçait dans le souvenir de ce dont il s'éloignait physiquement.
Lorsqu'il parvint à la butte à l'arbre mort, il ne remarqua pas que c'était sa destination. Il ne se remarqua pas non plus s'asseoir sur le même rocher qu'à quelques de ses habitudes. Il ne remarqua pas le truc posé juste derrière. Pas tout de suite.
C'est seulement lorsque son esprit s'arrêta lui aussi de marcher sans conscience, quelques minutes après qu'il se fut assis, qu'il l'aperçut d'un regard en arrière qui ne le cherchait pas. Un truc étrange, à la forme et à la texture qu'il ne connaissait pas. Ni un caillou ni un bout de bois. Pas une plante, pas un animal. Pas de l'eau ni de la boue. Cela ressemblait à un outil, mais pas à une arme. Pas une tresse végétale en ficelle non plus.
C'était d'une forme presque effrayante, une forme austère. Une inquiétude le saisit, car cette forme était aussi simple et claire que rien de connu, et pourtant, aucun chaos n'aurait su la lui donner. Elle ne partageait aucune irrégularité propre à un caillou, une motte de terre, une branche d'arbre. Non, il n'y avait rien de naturel dans cette forme. Il n'avait pas les mots pour penser en termes de 'droiture', des 'faces perpendiculaires' et 'plates', il n'avait pas les mots pour penser ces faces comme 'carrées', formant toutes six un 'cube' parfaitement géométrique. Quand au matériau gris et brillant qui composait l'objet, non plus ne sut-il l'identifier à quelque chose qu'il avait déjà rencontré. Une méfiance sourde l'envahit, car ce qui se rapprochait le plus de tout ceci dans sa mémoire et ses mentalisations, c'était les ruines dans lesquelles les Srûûr imposaient de se tenir vigilant, à l'affût, en guerre contre les M'nalb.

Il renifla l'objet, et son nez eut mal. Il approcha un doigt craintif et, à peine posa-t-il un contact qu'il se rétracta, de peur que l'objet ne le pique, ne le morde, sursaute et l'attaque, ou tout autre risque aussi improbable que son étrangeté. Rien se se passa. Il retenta un contact un peu moins instantané, encore un presque rien de temps pour s'assurer qu'au bout de ce petit moment, rien de dangereux ne se produisait. Puis un troisième encore un peu plus long. Un quatrième où il tenta ainsi de déranger l'équilibre immobile du cube. L'objet était lourd, sa face au sol s'éleva quand il le poussa, puis retomba de son arête quand il le relâcha. Alors des deux mains, il le saisit et le porta plus près de son regard. Grro tourna et retourna le cube pour essayer de l'identifier, de comprendre. Puis il le reposa à l'identique de la situation initiale. Hormis la petite protubérance rouge au milieu de la face du dessus, tout était lisse, gris et brillant. Encore assez craintif, Grro osa pourtant toucher la protubérance rouge. Il prit peur de ce que cela sembla produire : un son se dégagea, un son comme une voix. Une voix moins gutturale que celles de sa famille ou des Srûûr. Une voix tout aussi mystérieuse, mais plus douce, et qui s'étira bien plus loin, bien plus longtemps, que celles qu'il connaissait.
"- Te souviens-tu de ce jour aux nuages immondes, Grro ? Te souviens-tu ta première rencontre avec le trésor du langage ? Tu as trouvé un objet qui t'était adressé, il est à toi et à toi seul, il t'appartient. Tu n'as rien compris à ce qu'il t'a raconté, ce jour là, car pour toi les mots n'étaient que cette arme vicieuse, complexe et douloureuse pour soumettre les individus. Et puis tu as appuyé de nouveau sur le bouton, et réécouté ce flot de paroles qui t'es adressé, dans un tout autre langage que celui de ceux que tu côtoyais à cette époque. Et ta curiosité t'a ensuite menée à en savoir plus, et de fil en aiguille, tu as avancé dans ton enquête, et nous nous sommes rencontrés. Cela faisait longtemps déjà que je t'attendais, que je me rapprochais petit-à-petit de toi, car nous les Éveillés, ne sommes que le rebus des Endormis, ceux qui en pressentant leur animalité, cherchent une autre forme de conscience et d'existence. C'est grâce à moi que tu t'es réveillé, tout comme quelqu'un m'a un jour éveillé de la même manière ; mais c'est bien grâce à toute ta singularité que tu y es parvenu. Ce boîtier de ta naissance, ce message de moi à toi, j'espère qu'hors du temps il perdurera, au moins tant qu'il pourra t'accompagner. Te souviens-tu ce jour, Grro ? Ce fut un début de tout, et à l'heure de ce jour, je vous espère un bel avenir. Et qu'à chaque fois que tu te repasseras mes mots, une nostalgie heureuse viendra consolider cette enquête qui te dépasse, cette mission que les Éveillés se transmettent, depuis des âges qui nous rassemblent Sous-la-Surface. Affectueusement de ma part, moi Silfur un Éveillé : à la prochaine, Grro."
La voix s'arrêta, et Grro avait mal au crâne. La mélodie étrange de ce son avait provoqué en lui toute une série étrange de réactions intérieures, toutes plus éberluées, stupéfaites, curieuses et apeurées les unes que les autres. Sa seule intuition au milieu de tant d'incompréhension, était que cette soupe imitant des sons de gorge, recelait un mystère dont il voulut démêler l'énigme.
Il appuya de nouveau sur la protubérance rouge, et le son recommença, identique.
"- Félix ? Tu es un être humain des plus déplorables... Et pour moi c'est un compliment."
- Maeve -

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la piste perdue d'un trésor
« Réponse #18 le: 13 juillet 2024 à 18:37:48 »
la piste perdue d'un trésor
#langage et esprit #sf postapo #humain et conscience #dystopie



- c'était un trésor qu'on croyait posséder, sans comprendre que la majorité n'en avait qu'une contre-façon... il a suffit d'un ou deux rigolos qui voyaient le potentiel de la parole consciente, de la conversation diplomatique, de la réflexion partagée par le dépassement rationnel des pulsions, qu'ils en élèvent quelques jolies phrases porteuses d'un semblant de sens à cette qualité humaine, et là toutes les chevilles se sont enflées, on s'est attribué la sagesse comme étant par défaut chez l'être humain, on s'est affirmé dans la croyance personnelle d'une maturité d'esprit, d'un pouvoir psychique, d'une supériorité mentale et de raison, et puis plus la mensonge s'est ancré dans les esprits, plus les paroles se sont libérées, et personne ne s'est rendu compte que ce qu'on pouvait lire ou entendre de beau concernant la bien-pensance, n'était l'apanage que de ceux qui y avait formulé... des beaux slogans sur l'humanité que la majorité s'entre-répétait à vide, la supercherie de la nature sur l'humain a consisté à leur faire croire que ce qu'ils comprenaient des sages, ils le possédaient... alors que pas du tout ! oui, et alors que chacun croyait en l'amour, publicitait le respect, cherchait le bonheur, vantait les bienfaits d'une éducation sérieuse et bienveillante, croyait en sa propre hauteur d'âme, s'imaginait des voies honorables à l'existence, idéalisait la vie en général, l'humanité globale, la légitimité individuelle quelle qu'elle soit, alors que l'on se croyait par sensibilité, dans une réalité dont nous avions tous les bons secrets, eh bien personne n'a remarqué à temps qu'au contraire, les gens n'aimaient pas d'amour véritable, prêts à enfoncer le premier différent venu, les gens ne se respectaient que dans des conditions strictes et limitées, étriquées par une vision mortifère du vrai respect, les gens qui disaient chercher ou trouver le bonheur ne se cantonnaient qu'à de petites joies immédiates et trompeuses, les gens qui tentaient d'éduquer à la liberté ne faisaient qu'imposer des bons conseils sous forme d'ordres, que construire des espoirs aux jeunes avant de les leur amputer par la dure réalité, les gens qui se croyaient dignes, gentils, bien intentionnés, n'étaient que mus par l'envie de vengeance, le besoin de dominer avec un statut de sauveur, le centrisme à se croire comme des anges tout à tour bénissants ou purgateurs, les gens qui rêvaient une vie débarrassée de leurs soucis ne faisaient qu'éloigner les autres de cette chimère illusoire, détruisant petit à petit l'humanité, l'environnement, tout en se dédouanant d'un sentiment de culpabilité par cet aveuglement à ne voir que chez autrui les vices qu'eux-mêmes portaient tout autant... la parole et l'écrit, les mots, l'histoire, la communication, l'humain cultivé les prenait comme acquises, le reste n'en voyait qu'à peine le pouvoir réel ; les réflexions partagées ne poursuivaient pas ni la raison ni la résolution des problèmes qui s'accumulèrent, elles ne poursuivaient qu'un désir de répondre pour en dégager les bénéfices d'apparence et de réputation sociale, et alors que les plus hautains avouaient que les mots permettent de faire avancer les choses, nul d'entre eux ou du reste n'était en réelle capacité d'appliquer cette vérité, tout s'envenimait à la moindre pensée traduite, la raison n'était jamais autant invoquée que pour justifier en gros paradoxe, les pulsions qui sans cesse plus susceptibles, finirent par étouffer totalement la condition humaine partagée ; un miroir aux alouettes, soutenu par la réalité, le reflet illusoire d'un trésor dont nous nous satisfaisions de l'image seule, sans comprendre que ce n'était qu'un reflet, et que le vrai pouvoir des mots restait caché, inutilisé, dont l'hologramme seul suffisait à nous faire croire le posséder... non ; cette sagesse de l'humanité, notre erreur aura été de croire qu'elle était réelle, que nous la possédions vraiment, alors qu'elle était encore hypothétique ; elle demeure à construire, elle demeure à l'état de projet, d'idée vaguement proposée mais loin d'être réalisée ; nous avions fait quelques pas pour la construire, mais avec l'illusion de la croire déjà avérée, nous nous sommes lamentablement effondrés... le Sommeil de Sous-la-Surface tente non pas vraiment une renaissance, mais plutôt une naissance ; tout simplement ; celle de l'esprit humain
"- Félix ? Tu es un être humain des plus déplorables... Et pour moi c'est un compliment."
- Maeve -

 


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