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05 décembre 2023 à 05:56:47
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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » Langues étrangères

Auteur Sujet: Langues étrangères  (Lu 204 fois)

Hors ligne Michael Sherwood

  • Grand Encrier Cosmique
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Langues étrangères
« le: 18 novembre 2023 à 17:38:32 »

     Je suis quelqu’un de passions. Elles me viennent d’un coup, et ne me lâchent plus pour un certain nombre de mois ou d’années. Et puis un beau jour, presque du jour au lendemain, je me désintéresse, et me tourne vers autre chose de tout aussi passionnant, mais qui n’a souvent pas de lien avec ce qui précédait. C’est ainsi que pendant presque dix ans je me suis intéressé aux taxis anglais. J’en ai trouvé un premier sur eBay, en Belgique. Et puis comme je voulais en trouver un meilleur, je suis allé en chercher successivement trois autres en Angleterre ! Au départ, ces taxis n’étaient pas chers, entre 600 et 1000 €, mais à cela il fallait rajouter le coût des voyages pour aller les chercher et ramener jusqu’en France, plus toutes les pièces détachées commandées sur eBay pour les réparer. Au final, je pense que chaque taxi m’est revenu à pas loin de 5000 à 6000 €. Après en avoir revendu deux à perte et envoyé un à la casse, il ne m’en reste qu’un. J’hésite à m’en séparer, mais loin de continuer de participer à des rassemblements autos avec, il me sert juste de temps en temps pour transporter des encombrants ou déchets verts à la déchetterie. Avant les taxis, il y avait eu l’écriture et la publication d’une grammaire sur une langue bantoue, puis la création de différents sites internet lorsque j’ai possédé un ordinateur. Après les taxis je me suis pris pour une nouvelle passion : écrire un roman. Expérience intéressante, qui me fit réaliser que je m’y étais pris trop tard pour devenir écrivain : j’aurais dû commencer à écrire beaucoup plus tôt dans la vie. Au lieu de quoi j’écris de temps en temps une petite nouvelle… Et puis tout récemment, je me suis trouvé un nouveau but : apprendre sérieusement une nouvelle langue ! Ce faisant, je retournais vers l’une de mes passions anciennes, sans doute l’une qui forme le fondement de ma personne, de ce que je suis vraiment.

     Cette passion remonte à mon adolescence : j’ai toujours voulu apprendre de nouvelles langues. Pourtant, enfant, ce n’était pas le cas, j’étais même plutôt rétif à l’effort : en 6ème je fus confronté en même temps à deux langues étrangères, l’une vivante, l’autre morte. La morte, le latin, grâce à une enseignante incompétente (c’est l’adulte qui porte ce regard aujourd’hui), resta définitivement morte et enterrée. Pour l’autre langue, l’anglais, les débuts furent chaotiques. Devant mes piètres résultats qui approchaient du zéro, le professeur décida de convoquer ma mère, ce qui fut sans doute l’électrochoc qui me sauva car il m’est difficile aujourd’hui d’imaginer une époque où je ne parlais pas, n’écrivais pas, ne lisais pas, ne comprenais pas, ne réfléchissais pas, ne vivais pas en anglais. Celui-ci est progressivement devenu partie intégrante de ma personne, au même titre que le français.

     En 4ème ma seconde langue étrangère fut l’espagnol. Par ses racines latines et sa phonétique simple, elle était beaucoup plus facile et accessible que l’anglais. Cela me réconciliait avec l’apprentissage des langues étrangères. C’est alors qu’avec mon frère, je fis la découverte des méthodes Assimil. Ensemble nous plongeâmes pendant quelques mois avec délectation dans l’Italien Facile :
“Andiamo a fare una passeggiata al Giardino pubblico”
C’est plus ou moins ce qu’il m’en reste aujourd’hui. Pourtant je sais que si je devais visiter l’Italie, il me serait facile de me débrouiller avec le petit bagage appris à l’époque ! Mon frère acheta alors la méthode Assimil de russe et il accrocha si bien qu’il prit le russe en 3ème langue au lycée ! Pour ma part Je me contentais de retenir 2-3 phrases, du genre : zdravstvouïtié droug moy, Kak vy pojivaïétié ?
Pourquoi ? Parce que le russe avait pour moi ce petit côté insurmontable, celui de l’écriture, qui m’a à chaque fois laissé au bord du chemin quand j’ai désiré apprendre de nouvelles langues étrangères, telles que l’arabe ou l’hindi : il m’est relativement facile de répéter à l’oreille des mots d’arabe ou encore des mots d’hindi glanés au hasard des films Bollywood – une autre de mes passions – mais je suis incapable de les écrire, et il me faut une heure pour déchiffrer un simple panneau écrit en arabe, ne serait-ce que le nom d’une ville !

     En première et terminale, j’eus la chance d’avoir un ami anglais : à son contact et sans aucune volition particulière je fis de rapides progrès en anglais parlé. Ce qui me détermina deux ans plus tard, après un échec en fac des sciences, à me réorienter vers des études d’anglais. Je poursuivis aussi en espagnol, et je pris également l’allemand. Mais j’avais mauvaise conscience d’apprendre cette langue, à cause de mon père qui avait combattu les boches pendant la guerre, et j’abandonnai l’apprentissage au bout d’un an…

     Le hasard de la vie (ou le destin) me conduisit en Tanzanie où je fus confronté à ma première langue africaine, le swahili. Tout de suite en l’entendant dans les rues et à la radio je fus intrigué, je tombai sous le charme et voulus l’apprendre. J’achetai un manuel, le « Simplified Swahili » de Wilson qui me permit de progresser avec méthode à l’écrit. Pour la pratique orale, j’avais mes collègues profs tanzaniens autour de moi dans mon école de brousse, qui ne demandaient pas mieux que de m’aider à progresser dans leur langue. Avec le recul, je dois tout de même dire que le swahili est parmi les langues africaines la plus facile à apprendre pour un Européen. Le swahili était à l’origine transcrit en écriture arabe. Par chance des missionnaires écossais s’y intéressèrent pour propager leur foi aux indigènes et en établirent l’écriture latine sur des bases phonétiques. C’est cette écriture qui fut définitivement adoptée par le gouvernement tanzanien pour en faire sa langue nationale. Ainsi le swahili s’écrit comme il se prononce et vice-versa. Pour nous occidentaux habitués à étudier à partir de l’écrit, c’est un immense avantage ! Autre avantage, le swahili ne possède pas de sons imprononçables comme le somali, ou de tons insoupçonnables comme le lingala. Et du point de vue de sa grammaire, il est d’une telle logique que les linguistes l’ont érigé en modèle !

     Au bout de six mois j’étais capable d’échanger quelques phrases, et au bout de deux ans passés en Tanzanie je le parlais couramment. Ce qui me poussa à entreprendre des études de swahili à mon retour en France, dans le but de valider mes compétences par un diplôme. Le petit plus indispensable qui me permit aussi de retourner comme coopérant civil en Tanzanie, d’abord pour un séjour de six ans à Dar es Salaam, puis quatre ans supplémentaires à Zanzibar !

     Le cursus d’études à l’Inalco comportait une 2ème langue, et je pris le lingala, parlé dans une grande partie du Zaïre (aujourd’hui R D Congo). Je connaissais surtout cette langue par la musique, dont je possédais pas mal de disques. Comme c’est aussi une langue bantoue, elle suivait les schémas grammaticaux du swahili : le système des classes nominales. Au lieu de 2 genres, masculin et féminin comme en français et autres langues latines, ou de 3 genres, masculin féminin et neutre comme en allemand, les langues bantoues possèdent 7 ou 8 classes nominales, avec tous les accords verbaux, pronominaux et adjectivaux que cela implique : une véritable gymnastique intellectuelle au départ ! Il faut vraiment entrer dans la langue pour comprendre sa logique, et la nécessité d’un tel système…
Un an de lingala qui me permit d’acquérir un petit niveau, même si faute de pratique je serais aujourd’hui incapable de m’exprimer dans cette langue. Car c’est là le véritable écueil des langues étrangères, surtout celles apprises sur le tard : il faut les pratiquer pour les conserver !

     Dans les premiers mois de mon second séjour en Tanzanie, à Dar es Salaam, je rencontrai une jeune Somalienne, Céline, étudiante en anglais à l’Institut des Adultes où j’enseignais le français. Notre situation commune d’étrangers en Tanzanie nous rapprocha. Nous fîmes connaissance, et étant arrivé à un stade où je commençais à vouloir m’établir dans la vie et à chercher une épouse, je tombai facilement amoureux d’elle. Ce sentiment était d’ailleurs réciproque : je pense que Céline était attirée par mon altérité et sa soif de connaissance : elle était sortie de son pays d’origine, la Somalie, et cherchait à sortir du carcan de sa langue, sa culture, ses traditions nomades et claniques, pour connaître ce qui se passait dans le monde extérieur. Son premier choc culturel avait été la découverte de ce monde noir, mais bantou et swahili qu’elle ignorait. Fréquenter un blanc, un européen, lui offrait une opportunité supplémentaire, jusque-là insoupçonnée, de s’ouvrir au reste du monde. L’amour entre nous fit le reste.

     J’aurais pu évidemment apprendre à ses côtés une nouvelle langue, le somalien. Mais dans notre projet de vie commune, il n’en était pas question. C’est ainsi que nous avons, après avoir un temps envisagé l’Angleterre ou les USA, choisi de construire notre futur en France, et de parler ensemble anglais, puis français lorsque nous aurions notre premier enfant : programme auquel nous nous sommes rigoureusement tenus par la suite ! Céline maitrisa l’anglais en un an, et il lui fallut environ 2-3 ans pour maîtriser le français après s’être inscrite à l’Alliance Française, ce qui lorsqu’on songe aux difficultés de notre langue, et à l’écart qui existe entre celle-ci et sa langue maternelle, est assez remarquable.

     Je m’interroge aujourd’hui sur cette soif que j’avais depuis l’adolescence d’apprendre les langues étrangères. Elle participait à un désir d’altérité : connaître les autres, les étrangers, acquérir leurs langues, leurs modes de pensée, goûter à leurs civilisations, et d’une certaine manière, à ce contact ou cette approche, endosser la personnalité d’un autre.
Un fait troublant m’apparaît aujourd’hui : sans que je l’aie consciemment cherché, les personnes qui ont vraiment compté au cours de ma vie, cet ami anglais et trois femmes, sont toutes nées à l’étranger ! Elles comblaient certainement chez moi ce besoin d’altérité.

     La boucle est pratiquement bouclée, je me suis mis à l’apprentissage d’une nouvelle langue, celle que j’entends ma femme parler au téléphone tous les jours, mais dont je ne saisis que quelques rares mots, même si je comprends à ses intonations à qui elle parle, si c’est sa sœur ou son frère, ou d’autres personnes, et si elle est fâchée ou non. Les ressources pour apprendre les langues sont aujourd’hui disponibles en abondance sur internet, et après quelques tâtonnements, j’ai décidé de suivre la même méthode que celle qui m’avait réussi autrefois pour le swahili : faire l’acquisition d’un manuel sérieux, le « Colloquial Somali » de Martin Orwin, effectuer tous les jours les exercices écrits proposés à la fin des leçons, écouter et répéter les fichiers audios pour la partie orale. Tout en sachant que mon épouse serait à mes côtés pour suppléer à mes défaillances !

     Pourquoi apprendre le somalien direz-vous ? Et pourquoi maintenant ? A vrai dire je suis incapable de répondre. Je ne peux expliquer ce besoin de l’apprendre qui répond à une compulsion profonde. Peut-être (mais c’est une explication rationnelle venue après coup) l’envie secrète d’accompagner ma femme une prochaine fois en Somalie dans le village (plutôt la ville) où nous avons fait construire une maison, et qu’avec sa sœur venue de Suède elle est seule à avoir étrenné l’été dernier pendant ses vacances au pays. Ou simplement me rapprocher et comprendre encore mieux ma femme, au-delà du filtre de l’anglais ou du français. Car dans l’altérité tout est question de degré d’interprétation…
It's not because you're paranoid that they aren't after you.

Hors ligne Cendres

  • Palimpseste Astral
  • Messages: 3 879
Re : Langues étrangères
« Réponse #1 le: 18 novembre 2023 à 18:30:40 »
Merci pour ton texte.
Au début ca commence sur ta passion sur les taxis pour ensuite parlait d'un autre sujet, les langues.
Ce second thème est bien plus important puisque c'est celui la qui t'a permis de voyager et faire les rencontres qui font l'homme que tu es aujourd'hui.

Tu n'as jamais penser a écrire un texte complet sur ta vie? Au début je faisais aussi comme toi, raconter des brides de ma vie pour maintenant écrire  un texte autobiographique.

Au fil de tes récits tu nous racontes ta vie. Bien que je ne me permettrais pas de comparer nos écritures, nous faisons un peu pareils.

Hors ligne Michael Sherwood

  • Grand Encrier Cosmique
  • Messages: 1 007
Re : Re : Langues étrangères
« Réponse #2 le: 19 novembre 2023 à 08:22:16 »
Merci Cendres pour ta lecture,

Tu n'as jamais penser a écrire un texte complet sur ta vie? Au début je faisais aussi comme toi, raconter des brides de ma vie pour maintenant écrire  un texte autobiographique.

Au fil de tes récits tu nous racontes ta vie. Bien que je ne me permettrais pas de comparer nos écritures, nous faisons un peu pareils.

Oui, j'y pense, mais je n'ai pas encore trouvé le bon point de vue, ou le bon angle d'attaque, pour le faire.
Il ne suffit pas de se raconter, il faut aussi trouver un fil conducteur narratif pour que le lecteur s'y intéresse, pour créer chez lui des attentes, éventuellement qu'il puisse s'identifier aux situations proposées.

De ton côté, es-tu très avancée dans ton projet ?
Bon weekend   8) !

It's not because you're paranoid that they aren't after you.

Hors ligne Cendres

  • Palimpseste Astral
  • Messages: 3 879
Re : Re : Re : Langues étrangères
« Réponse #3 le: 19 novembre 2023 à 10:28:47 »
Merci Cendres pour ta lecture,

Tu n'as jamais penser a écrire un texte complet sur ta vie? Au début je faisais aussi comme toi, raconter des brides de ma vie pour maintenant écrire  un texte autobiographique.

Au fil de tes récits tu nous racontes ta vie. Bien que je ne me permettrais pas de comparer nos écritures, nous faisons un peu pareils.

Oui, j'y pense, mais je n'ai pas encore trouvé le bon point de vue, ou le bon angle d'attaque, pour le faire.
Il ne suffit pas de se raconter, il faut aussi trouver un fil conducteur narratif pour que le lecteur s'y intéresse, pour créer chez lui des attentes, éventuellement qu'il puisse s'identifier aux situations proposées.

De ton côté, es-tu très avancée dans ton projet ?
Bon weekend   8) !


Oui vu que je l'ai mit en ligne  et je continue a écrire dessus les parties suivantes. Je pense que dans plusieurs mois il sera complet.

Déjà ce que tu peux faire c'est rassembler tout tes textes en suivant la chronologie. Ensuite pour le temps ou le point de vue, c'est en le réécrivant que tu verras cela. 
Peut être que comme tu fais, être le narrateur , est la meilleur façon. Mais je ne suis pas experte la dedans.

Hors ligne Melomane

  • Scribe
  • Messages: 62
Re : Langues étrangères
« Réponse #4 le: 19 novembre 2023 à 18:42:09 »
Quand j'ai commencé à lire ton récit rocambolesque, j'ai pensé : "encore un qui ne pense qu'à lui, centré sur son petit univers"
Puis, j'ai été captivé, et j'ai eu envie de posséder un taxi londonien. Les langues ok, l 'anglais, l'espagnol, l'italien...banal mais quand tu passes à la folie des langues africaines, alors là chapeau! Si c'est vrai, c'est merveilleux, si c'est faux c'est génial; dans tous les cas tu m'emportes dans ton tourbillon.
merci! Alain

Hors ligne Michael Sherwood

  • Grand Encrier Cosmique
  • Messages: 1 007
Re : Langues étrangères
« Réponse #5 le: 20 novembre 2023 à 05:56:19 »
Hello Melomane,

Merci pour ta lecture qui apporte un regard "neuf" sur ce que j'écris, et content que ce sujet, a priori pas emballant, qui pour beaucoup fleure les réminiscences d'expériences linguistiques scolaires malheureuses, ait réussi à t'emballer.
Mes "vieux lecteurs" eux sont fatigués de toujours lire les mêmes récits et ne les commentent plus, ce qui d'une certaine manière t'apporte la solution de savoir si cette histoire est vrai ou fausse, autrement dit si c'est du lard ou du cochon, toutes choses pour moi étant également harām...

Bye  8) !
It's not because you're paranoid that they aren't after you.

 


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