Je ne suis pas née avec des rêves. Et puis j’ai grandi et ils sont arrivés, mes petites bulles colorées qui volaient dans ma tête. Ils étaient là, ils étaient beaux, ils étaient un peu fous, à la mesure de mon insouciance d’enfant.
Et puis j’ai commencé à gravir les premières marches de ma vie et ils ont commencé à voler de plus en plus haut. Je les voyais encore mais loin, très loin, dans un ciel encore sans nuage. Et puis un jour, pfft, plus de rêve.
Mais où étaient ils mes rêves ? Un épais brouillard s’est levé et moi je me suis mise à les chercher. Je marchais dans cette nuit sans lune en appelant mes rêves, en vain.
Parfois, une lueur, à travers le brouillard, me laissait entrevoir un petit bout de rêve, comme un petit ballon au bout de sa ficelle. Alors je courrais, je sautais pour essayer de l’attraper, de le retenir, mais chaque fois un vilain coup de vent l’emportait plus loin, plus haut et le brouillard se refermait sur lui. Adieu le rêve, je ne l’atteindrai plus. Encore un qui m’échappait. Je n’avais pas couru assez vite, je n’avais pas sauté assez haut.
J’ai continué à monter le raide escalier de ma vie.
Parfois dans le brouillard, une belle éclaircie, un beau coin de ciel bleu et là de tous côtés, de nouveaux rêves arrivaient, ils n’étaient plus les mêmes, mes rêves, mais ils existaient à nouveau comme des petits papillons éphémères, aussi vite arrivés, aussi vite envolés. Et voilà c’était à nouveau la nuit et à nouveau ceux-là m’échappaient.
Parfois, autour de moi, radieux, quelqu’un m’annonçait avoir attrapé un de ses rêves. Il rayonnait, il devenait lumineux et moi, face à lui, j’avais le sentiment de perdre mes couleurs, de devenir grise, comme le brouillard qui entourait ma vie.
Au fur et à mesure que grimpe l’escalier, j’ai de moins en moins de rêves. J’en ai encore mais ils sont plus sages, moins colorés, peut-être plus raisonnables et, qui sait, plus facile à attraper. Sauf que moi je cours moins vite, je saute moins haut et même ces doux rêves se mettent à voler trop haut pour moi.
Je suis née sans rêve et je mourrai sans rêve car je les ai perdus au détour de ma vie.
Vous qui avez la chance d’attraper un petit bout de votre rêve, gardez-le, protégez-le, bichonnez-le et surtout vivez le. Ne lâchez jamais la ficelle car peut-être n’aurez vous pas la chance de pouvoir sauter assez haut pour en attraper un autre….