J’aime l’expression comme si. Je trouve que c’est peut-être la plus belle du monde. Je veux dire que la vie est une imperfection et que jamais nous ne serons comblés, je veux dire qu’il y aura toujours un détail qui gâchera la scène ou plutôt fera en sorte que celle-ci n’est pas un rêve.
Pourtant il arrive parfois que c’est comme si tout avait été resplendissant. Comme s’il avait été heureux, comme si elle était amoureuse. Comme si désigne un moment qui n’appartient pas à la réalité sociale. Ce n’est pas réel mais pourtant c’était comme si les sensations y étaient. Comme si est un vide, un espace invisible, un pont reliant la réalité extérieure et intérieure, objective et subjective.
Comme si est aussi triste car une fois remarqué, une fois prononcé, la réalité qu’était la nôtre entre en collision avec celle du monde. Tant qu’on ne sait pas que ce n’est pas réel et bien ça l’est. J’aimerais vivre comme si parce que comme si sous-entend une perfection. Avant que je ne dise : « comme si c’était parfait », et bien ça l’était vraiment, j’étais peut-être dans l’ignorance de la vérité, j’étais un imbécile heureux, mais bon sang j’étais heureux. Le bonheur n’existerait que dans l’illusion. Parfois il faut se couvrir de rêves, parfois il faut s’aveugler, parfois il faut faire comme si tout allait bien parce que tant vous y croyez, ça l’est.
Pour être heureux un homme doit pouvoir se mentir à lui-même, doit pouvoir vivre comme si. Cet homme vit dans sa réalité, c’est pour ça que nous le voyons comme un fou. Un fou qui détient les clés du bonheur pendant que nous, pauvres personnes réels que nous sommes, trimballons toute l’imperfection du monde dans nos regards que seul l’illusion peut effacer, avant que celle-ci n’éclate.