Un poème de Verlaine, un auteur qui est venu à moi, car il était au programme de la Cinquième, au collège, et qui m'a suivi toute ma vie parce que j'ai voulu continuer l'expérience. C'est le seul poète que je connaisse un peu avec Baudelaire, avec qui il partage des points communs. Cela fait pompeux de parler de chef-d'œuvre alors je ne le dirais pas, mais il y a les inflexions, l'apostrophe faite au lecteur dans l'avant-dernière strophe, qui me parle, qui assouplit la tenue parfois guindée d'un poème.
La chanson bien douce de Verlaine, tirée de Sagesse. Je l'avais scotché sur un mur à côté de If de Kipling. If me servait de guide pour avoir une conduite irréprochable et La chanson bien douce venait assouplir les terribles exigences de If. J'ai essayé de la mettre en musique, je me suis arrêté à la deuxième strophe.
Le tendre bonheur d'une paix sans victoire... c'est beau. Car être victorieux, cela signifie qu'il y a eu une guerre... et que donc elle peut revenir, le vis à vis voulant se venger.
Écoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire,
Elle est discrète, elle est légère :
Un frisson d’eau sur de la mousse !
La voix vous fut connue (et chère !),
Mais à présent elle est voilée
Comme une veuve désolée,
Pourtant comme elle encore fière,
Et dans les longs plis de son voile
Qui palpite aux brises d’automne,
Cache et montre au cœur qui s’étonne
La vérité comme une étoile.
Elle dit, la voix reconnue.
Que la bonté c’est notre vie.
Que de la haine et de l’envie
Rien ne reste, la mort venue.
Elle parle aussi de la gloire
D’être simple sans plus attendre,
Et de noces d’or et du tendre
Bonheur d’une paix sans victoire.
Accueillez la voix qui persiste
Dans son naïf épithalame.
Allez, rien n’est meilleur à l’âme
Que de faire une âme moins triste !
Elle est en peine et de passage
L’âme qui souffre sans colère.
Et comme sa morale est claire !…
Écoutez la chanson bien sage.