Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

08 septembre 2024 à 02:36:23
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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes mi-longs » Cloître

Auteur Sujet: Cloître  (Lu 1018 fois)

Hors ligne gage

  • Calame Supersonique
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Cloître
« le: 17 juillet 2023 à 11:24:52 »
Petit texte, pour un mi-long



Cloître


Nous tournons.

Nous prions. Enfin, nous sommes censés prier sans doute. Nous le faisons chacun à sa manière, peu importe, nous rendons grâce à Dieu.

Sous les voûtes résonnent claquements, frottements, sourdes litanies murmurées. Devant moi, à deux toises, balance l'épaisse silhouette de frère Dominique, incliné en avant, soufflant, essuyant parfois sa tonsure de la manche. Chacun de ses pas me révèle la callosité grise de ses talons. De sa robe tendue sur son dos massif émanent ces remugles qui le feraient reconnaître les yeux fermés et que le courant d'air qui parcourt les galeries ne suffit pas vraiment à empêcher qu'ils me parviennent. Je réprime un mince sourire : s'il savait que seule ma malchance aux dés a décidé de ma présence derrière lui ! Le Seigneur nous pardonne ces enfantillages, je le sais. Nous ne manquons jamais d'être charitables quand il s'agit d'aider notre frère à retirer son froc ou défaire ses sandales.

Je me penche épisodiquement sur mon bréviaire, sans l'intention d'y déchiffrer la moindre ligne. Il s'agit seulement de donner le change aux novices dissipés qui sont si vite gagnés par l'ennui ; la contemplation aussi, est un apprentissage.
Le glissement mécanique de mes semelles sur les dalles lustrées rythme mes pensées. Je crois bien que le cloître est, de toute l'abbaye, mon lieu préféré. Les quatre galeries présentent, au cours de la promenade, chacune sa perspective plaisante, chacune sa lumière changeante dans le soleil qui glissera bientôt derrière le toit du réfectoire, ou sa pénombre.
Galerie Nord, nous longeons le corps de l'église. Sur la gauche, contre sa muraille, les pierres tombales séculaires dressées dans les niches reçoivent le soleil qui s'insinue par notre droite sous les voussures sculptées. Le dallage est vergé d'or et d'ombre. Dans mon dos renifle frère Benoît qui s'est enrhumé à matines il y a trois jours. L'automne tourne à l'hiver, le potager était fortement givré ce jour-là.
Galerie Est, il fait nettement plus sombre, mais l'on s'y habitue vite : le temps de longer la salle capitulaire puis le scriptorium, et les yeux parviennent déjà à discerner les oiseaux sculptés dans les chapiteaux des colonnettes, à notre dextre. J'entends un trébuchement et des excuses marmonnées : deux frères se sont heurtés, perdus qu'ils étaient dans leurs prières, ou leurs pensées.
Galerie Sud, dans l'angle, la porte épaisse du chauffoir me fait sourire. Avec l'arrivée du froid, la plus petite des salles du bâtiment sera bientôt la plus fréquentée, même par des moines qui n'ont rien à y faire mais choisiront d'y transiter plusieurs fois la journée. Puis le long mur du réfectoire et l'eau de ses vitraux vert clair. Sur ma droite, levant le regard par-dessus la galerie haute, je peux admirer l'église dans toute sa gloire ensoleillée. Sa pierre crémeuse rayonne dans la fin du jour, des pies volent une dernière fois vers le clocher massif. Au milieu de la cour herbue, gagnée par l'ombre, trône le puits hexagonal. Contre sa pierre usée sonne de temps à autre le seau, rythmant à sa façon les heures qui passent.

Galerie Ouest.
Fraîche, obscure, singulière.
On y côtoie le cellier. Des soupiraux me parviennent des parfums de futaille qui se mêlent aux capiteuses exhalaisons des coings fraîchement récoltés. J'y prête à peine attention : il est là. Assis sur le muret, tournant le dos à la cour et à son puits, face à la porte de la dépense, au parfait mitan du passage voûté. Sa coule de couleur noire tranche avec les nôtres, comme tranchent ses longs cheveux gris autour de sa tonsure. Il est là, à sa place habituelle, et il me semble comme à chaque fois que la température est soudain plus basse. Comme d'une brume glacée sourdant de sa personne-même. À son côté, appuyée à la bordure, sa jambe de bois. De peuplier ciré, gravée de lettrines complexes et exubérantes, de végétations raffinées, d'arabesques et de tout un bestiaire de monstres effarants, semblable au membre tatoué d'un marin qui aurait parcouru bien des mers.


Frère Camille.



$$$



Il y a longtemps, à présent, que le père François Barthélémie, père prieur à mon arrivée à l'abbaye et qui fut alors mon confesseur, m'a raconté l'histoire de frère Camille.
Je me souviens encore très bien de cet après-midi passé ensemble à curer les viviers de notre prieuré,  peu de temps après que j'aie prononcé mes vœux. Dans la lumière verdâtre dispensée par l'ombre des platanes, pour nous divertir de cette tâche ingrate, à demi-nus, les pieds dans une vase épaisse aux exhalaisons putrides, il s'engagea dans un long récit qui nous permit d'oublier un moment les désagréments de cette corvée nécessaire, à nous réservée de part notre grande taille.


Vois-tu, Guillaume, on nous apporta frère Camille un soir de mai. Il avait été trouvé dans les bois, au bord du chemin, par des gardes qui rentraient au château. Il était quasiment mort quand on le déposa sur la table du dispensaire. Il avait une plaie très importante au crâne et l'une de ses jambes presque sectionnée au dessus du genou. Il était inconscient et avait sans doute perdu énormément de sang. On n'a jamais su ce qui lui était arrivé, du reste. Attaqué par des malandrins ? Par une bête sauvage ? Aucune hypothèse ne nous convainquit vraiment alors.
En vérité, j'attendais sans vraiment le savoir cet inconnu depuis plusieurs mois, aussi paradoxal que cela te puisse sembler. Dès qu'on l'eut déposé à la lumière des torches, c'est sa tenue qui m'apprit que c'était lui, bien qu'elle fut en piteux état : cet homme portait une robe de couleur noire, caractéristique de l'ordre des bénédictins. Or, j'avais eu connaissance, bien des mois auparavant, par un mien cousin, moine lui-même dans le sud de la France, d'un bénédictin itinérant qui offrait ses services et conseils d'enlumineur au gré d'un pèlerinage, et qui projetait de rejoindre nos contrées de l'Est. Il avait fini par arriver chez nous, et allait y mourir, sans doute. Je confiai ce soir-là son âme à la ferveur de la prière de nos frères, et son corps aux mains expertes de frère Eusèbe qui, après avoir prodigué les soins les plus urgents, se prépara derechef à procéder à l'amputation du membre dilacéré.
Pendant de longs jours frère Camille resta aux portes de la mort. Mais les prières de notre communauté et les soins de frère Eusèbe concoururent à un résultat bien incertain de prime abord ; contre toute attente, il fut sauvé, Dieu en soit remercié !

Cependant ce n'est pas l'homme qu'il avait été qui reprit pied parmi nous dans le monde des vivants. Certes le frère menuisier lui fabriqua une jambe de bois qu'il pouvait assujettir grâce à des courroies de cuir. Il la retirait d'ailleurs dès qu'il était assis, la calait sur son giron et y gravait pensivement toutes sortes de décors avec une petite gouge à manche court qui ne le quittait jamais. Hélas, l'enveloppe charnelle n'est que peu de chose, à l'aune de l'esprit. Frère Camille avait perdu la raison. Il était parmi nous comme l'aurait été un jeune enfant. Il ne parlait pas, et nous ignorions même son nom. Nous l'appelions entre nous le frère noir, ou frère Benoît, puisque la seule chose que nous savions de lui, c'est l'ordre auquel il appartenait. Malgré nos tentatives réitérées, jamais nous ne parvînmes à le faire dessiner. Bien que ses dons continuent de s'illustrer lorsqu'il gravait sa jambe de bois, il restait parfaitement interdit si nous lui donnions un parchemin et une plume. C'est dans le cloître qu'il passait le plus clair de son temps. Face à la porte du cellier, assis sur le muret, ses yeux bleus tournés peut-être vers des souvenirs qui nous échappaient.

« Les voies du Seigneur sont impénétrables », nous révèle le psaume cent trente neuf. Je crois qu'elles furent cependant très claires quelques années plus tard lorsque, dans ma quête de nouveaux documents toujours plus pieux et érudits, je me résolus à gagner l'Abbaye du Mont Saint-Michel à la si riche bibliothèque, afin d'y consulter quelques livres vénérables et en copier quelques pages sacrées, pour l'édification de notre communauté et de ses visiteurs.
Le père abbé m'accueillit alors avec enthousiasme, et bien que je fus fourbu de mon long voyage, c'est avec un grand plaisir que je le suivis à travers l'édifice le plus somptueux que j'aie vu de toute ma vie. Il faudra absolument que tu y pérégrines un jour. L'homme par sa foi est capable des accomplissements les plus flamboyants ! Des chefs-d’œuvre les plus magnifiques ! Juste avant que nous regagnions pour les vêpres l'église abbatiale que nous venions de parcourir, le saint homme acheva la visite par le cloître.
Il est de dimensions modestes, tu sais, Guillaume, orné de colonnettes décalées dont la disposition me donna une impression de stabilité toute en délicatesse. Mais c'est en parcourant la galerie ouest que j'eus le plus grand choc esthétique de toute mon existence, car figure-toi que trois arches y donnent sur le vide, sur le ciel immense et le sable et la mer, que Dieu soit béni d'une telle vision ! Je m'approchai de cette fenestre, tourmenté par le vent comme sur un balcon de l'éther, sidéré par cette beauté, cette prodigieuse invention, simple conséquence fortuite de l'inachèvement de l'abbaye. Je reculai de quelques pas, tombant assis sur le muret, entre deux colonnes, les yeux rivés vers l'horizon, vers l'ouest... Tu le devines, ma posture me fit songer derechef à notre frère noir qui, au même moment, à des centaines de lieues de moi et de cet édifice érigé dans le ciel, se trouvait certainement dans la même position, le regard perdu comme le mien. Je tentai aussitôt une question au père prieur, question bien hasardeuse, tu en conviendras.

— Auriez-vous connaissance, mon père, d'un vôtre frère bénédictin qui voyagerait d'une abbaye l'autre pour y porter son don d'enlumineur ?
Sa robe noire bousculée par le vent du large, il se tourna vivement vers moi, en proie à une forte émotion.
— Vous avez des nouvelles de frère Camille ? Mais ce ne peut être un hasard, plût à Dieu, si vous l'évoquez de l'endroit précis où il aimait à passer des heures entières de prière et d'humilité.
— Les saintes pierres, le ciel et le vent m'ont peut-être parlé de lui, ici-même, et notre Seigneur aussi, sans doute. Peut-être les nues, le vent et ces pierres sacrées en attendaient-ils des nouvelles de moi... répondis-je troublé.

Je lui narrai donc comment nous avions recueilli en notre monastère celui qui désormais avait retrouvé un nom, et une histoire. Quoiqu'elle dût à tout jamais me rester incomplète, cette histoire d'exil et d'errance. Le père Abbé me raconta lui-même un récit tronqué de la vie de frère Camille. « Il est entré dans les ordres assez tard, renonçant au siècle qui l'avait fort déçu, mais sans rien révéler des causes de cette amertume. Il était extrêmement doué pour l'enluminure, et nous lui devons certaines des pages les plus belles de notre bibliothèque, je vous en montrerai. Ses lettrines contournées sont d'une si grande finesse et de couleurs inédites, et sa délicatesse au pinceau chantait chaque jour la gloire de Notre Seigneur. Il était aussi excellent pédagogue et il a appris à moult jeunes frères l'art de la miniature, transmettant son goût pour le dessin et l'imagination dans la foi. Puis un jour il a demandé à s'entretenir avec moi. Il semblait bouleversé par quelque chose qu'il ne me révéla pas. Il me demanda la permission de quitter notre communauté. Il avait une mission, me dit-il, un voyage à faire, peut-être en lui-même. Il devait partir, et il ignorait s'il reviendrait. C'est donc avec un immense regret que je l'ai détaché de notre abbaye, dans l'espoir qu'il s'en retourne très vite. Son visage lors de son départ me convainquit que c'était à une pénitence qu'il se contraignait, et je n'avais aucune idée de ce qu'il pouvait avoir à se faire pardonner... »

Guillaume, mon fils, plus d'une fois pendant mon séjour en belle Normandie le père Abbé et moi nous interrogeâmes sur ce qu'il convenait de faire de frère Camille. Nous finîmes par admettre ensemble qu'il était sage qu'il demeure chez nous, puisque Dieu l'y avait mené et, quel que puisse être Son dessein, il nous fallait le respecter.

Dès mon retour, quelques mois plus tard, je rejoignis frère Camille dans le cloître, décidé à tenter de le faire revenir à la conscience. Je m'assis donc auprès de lui dans la galerie ouest où, à son habitude, il était installé. Il avait posé sa jambe de bois sur ses genoux et la caressait pensivement, le regard vide.
« Camille, mon frère, je te connais un peu à présent, sais-tu ? Écoute-moi. Je reviens de la Terre Normande. Je suis allé à la belle abbaye, au Mont de Saint-Michel. Est-ce que tu t'en souviens ? Te souviens-tu la mer, que tu admirais du haut de ce reliquaire de pierre ? Le vent, les goélands dans le ciel du cloître, le sable et les marées ? Et Dieu partout au-dessus de tout cela ! Et partout en-dessous aussi, jusqu'aux confins des chapelles souterraines, et dans le chant-même de ce granit érigé par la foi des hommes. Camille, te souviens-tu ces arches ouvertes sur la baie, les moutons sur l'estran herbu, les aléas maritimes qui font sur le sable comme draps mouillés que l'on glisse ? »

Guillaume, il n'y eut pas de choc, de révélation, d'éveil brutal. Mais les yeux de frère Camille se sont alors remplis de tant de larmes qu'elles ont coulé sur son visage, et sont tombées à gouttes sur sa jambe de bois prise dans ses doigts crispés, et l'eau des larmes a empli les gravures du bois patiné, parcouru les lettrines, les arabesques et les fleurs comme aux canaux s'écoule l'eau, quand le meunier ouvre ses vannes. Au début je fus plein d'espoir, devant ce qui semblait un retour de conscience. Puis je fus mortifié, mon fils, car frère Camille n'a cessé de pleurer sans bruit tout le reste du jour... Le lendemain, après la collation matutinale, il retourna face au cellier et plus jamais ne sembla entendre ou comprendre quoi que ce fût.

Voilà tout ce que je puis te dire sur notre frère noir, mon fils. Il repose depuis cinq années sous les dalles du collatéral gauche de notre église, près de la statue de Saint-Michel. Avec lui sont enfouis tous ses mystères et ses secrets, et sa si grande douleur.




Il se passa bien des années après ce récit du prieur, après que lui-même eût gagné la fraîcheur sous les dalles où à chaque heure il prie pour nous, j'en suis convaincu. Bien des années d'offices, de liturgie, de prières, de fraternité, de foi. Puis un jour je partis moi-même pour Le Mont Saint-Michel, avec la bénédiction du père Abbé Christophe. Je trouvai l'abbaye telle qu'elle m'avait été décrite. Un joyau de pierre, posé en équilibre dans le ciel. Quant au cloître, et sa fenêtre ouverte sur l'immensité... J'eus vraiment l'envie de m'asseoir et de passer le reste de mon existence à en contempler l'espace. Parce que je suis convaincu que ce que l'on y discerne, c'est l'un des visages de Dieu. D'ailleurs, le premier jour, il fallut toute l'insistance austère du frère qui m'accompagnait, pour que je quitte ma place et gagne l'office de none.



Le soir de mon retour à l'abbaye, alors que je traversais le cloître à la hâte pour gagner l'office de complies, il me sembla dans la pénombre apercevoir une pénombre plus profonde encore, dans la galerie ouest. J'ignorais s'il y avait eu des travaux en mon absence, mais il me sembla de loin qu'une bâche avait été disposée sur un chantier quelconque, des outils ou des pierres. Je courus vers l'église et n'y pensai plus. Au matin, devant le premier repas, j'interrogeai mon voisin, frère Hugues, au sujet de ce désordre, et compris à sa réponse étonnée que l'obscurité avait dû me tromper la veille, puisqu'il n'y avait pas le moindre travail en cours à cet endroit-là me dit-il, les sourcils froncés. J'y allai dès que possible et ne pus que constater ma méprise, tout y était intact.



Quelques jours plus tard, traversant le promenoir dans la fin d'après-midi pour puiser de l'eau, j'aperçus le dos drapé de sombre d'un inconnu assis devant le cellier. Je ne savais pas qu'il y avait ce jour-là un visiteur à l'abbaye, mais du reste les pèlerins ne manquaient pas, et nous accueillions aussi bien parfois des vagabonds. Comme il faisait chaud ce soir d'été, je m'approchai de lui pour lui proposer à boire et constatai qu'il s'agissait d'un moine vêtu d'une coule noire, les cheveux en bataille autour de sa tonsure. Il ne répondit pas à mon appel, ni ne bougea à mon approche. M'avançant encore de deux pas,  je découvris, posée sous une colonne de pierre, une jambe de bois, cirée, gravée d'autant de motifs que le lierre en dessinerait sur une stèle... Ressentant à la fois une stupeur croissante et un froid soudain, puis discernant dans l'ombre de la galerie le regard bleu de l'inconnu, j'étouffai de ma main un gémissement, et m'enfuis en courant, horripilé de tout mon corps. Me retournant avant de quitter la cour, je constatai que j'étais seul et que ma course ainsi que mon geignement étaient bien vains...


Peut-être ai-je perdu la raison. Peut-être le récit lointain du père François Bathélémie a-t-il fini par graver en moi un sillon aberrant. Peut-être le voyage à Saint-Michel a-t-il réveillé une obsession qui y couvait depuis ce lointain après-midi sous les platanes, et que j'avais été alors profondément impressionné par le destin de cet homme mystérieux. Car frère Camille m'apparaît souvent, désormais, et je suis le seul à le voir, j'en suis certain, j'en ai fait l'expérience plus d'une fois. Au début il me faisait peur, au début je faisais un large écart pendant la promenade. Au début, un frisson me remontait le long de l'échine dès que je tournais l'angle. Au début... mais frère Camille repose depuis si longtemps sous les dalles du latéral gauche, près la statue de Saint Michel, et son spectre immuable m'est familier à présent... Je prie pour lui à chaque instant. Pour qu'il trouve enfin le repos et qu'il puisse enfin détacher son regard bleu de ces arches ouvertes sur la mer. Cette ouverture qui lui fait encore si mal qu'il en préfère, même au-delà de la mort, ce substitut qu'il trouva chez nous autrefois.



$$$



Je me décale un peu vers le mur du cellier, l'obscurité gagne, la fraîcheur est prégnante à présent.   Frère Dominique dodeline à trois pas, son odeur me réconforte, dans le désarroi qui me prend ce soir. Frère Camille a les yeux remplis de larmes.






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Re : Cloître
« Réponse #1 le: 19 juillet 2023 à 07:35:08 »
Bonjour,

d'abord une remarque facile, bien apprécié ce petit côté "nom de la rose" , même le nom du moine "frère Guillaume". Joli clin d'œil.

La syntaxe est juste assez "vieillie" pour que ça passe, que ça crée une ambiance, une tonalité. On s'intéresse à ces moines, on les voit, même si on substitue parfois des images du film ( c'est inévitable).
Je me suis interrogé sur les deux dernières lignes ?
Le texte est-il terminé ?

Des bricoles

B
PS : pas mal les dollars pour marquer les paragraphes dans  un texte sur des moines, ça remplace les croix, remarque quasi la même chose

Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.
« Modifié: 19 juillet 2023 à 07:37:34 par Basic »
Tout a déjà été raconté, alors recommençons.

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Re : Cloître
« Réponse #2 le: 19 juillet 2023 à 12:56:49 »
Salut Basic !

C'est sympa d'être venu lire ce texte un peu long et peut-être aride.

Je suis rassuré que le ton passe, malgré sa poussière. Je me suis aussi inspiré de l'atmosphère des romans policiers Cadfael qui nous plongent justement de manière efficace dans la vie d'une abbaye d'un lointain passé.

Le récit est terminé. Les deux dernières lignes soulignent la tristesse inextinguible de frère Camille, même après la mort et le temps passé.

Je veillerai à scruter les rares passages où tu as achoppé.
En tout cas merci encore pour ton commentaire et je le répète, je suis rassuré que le récit t'ait plu.
Au plaisir !
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Hors ligne Basic

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Re : Cloître
« Réponse #3 le: 19 juillet 2023 à 14:02:05 »
Peut-être pour les deux dernières lignes, un poil plus, histoire que l'on comprenne bien que l'on boucle avec le début... presque rien, nous replonger dans la déambulation... un truc comme ça.

B
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Re : Cloître
« Réponse #4 le: 19 juillet 2023 à 15:42:21 »
Bonjour gage,


J'ai découvert ce texte avec un certain plaisir, sans pour autant que ce soit ma lecture préférée.

Le plaisir vient d'abord du fait que tu publies un quelque chose de concret avec un fond et une intrigue. Quand bien même j'apprécie beaucoup les lectures poétiques uniquement basée sur la forme, c'est vrai que ça apporte un plus de trouver un quelque chose de plus profond qui va chercher dans des émotions et des tons plus ternes et plus percutants. C'est réussi, dans le sens où tu nous plonges dans un lieu hors du temps, et que ça nous fait sacrément changer d'air.

Voici dans un premier temps tout le plaisir que j'ai eu à découvrir cette lecture !


Sinon, j'ai eu le sentiment qu'il y avait besoin d'un petit quelque chose vis-à-vis du langage pour éviter certaines longueurs dans le texte.

Deux exemples :
Citer
Galerie Nord, nous longeons le corps de l'église. Sur la gauche, contre sa muraille, les pierres tombales séculaires dressées dans les niches reçoivent le soleil qui s'insinue par notre droite sous les voussures sculptées. Le dallage est vergé d'or et d'ombre. Dans mon dos renifle frère Benoît qui s'est enrhumé à matines il y a trois jours. L'automne tourne à l'hiver, le potager était fortement givré ce jour-là.
J'ai trouvé trop de directions dans ce descriptif, et je me demande si tu n'aurais pas mieux fait de concentrer l'attention sur un objet ou un détail révélateur ; afin d'éviter justement cette avalanche de précisions parfois très éloignées les unes des autres.

Citer
« Il est entré dans les ordres assez tard, renonçant au siècle qui l'avait fort déçu, mais sans rien révéler des causes de cette amertume. […] Son visage lors de son départ me convainquit que c'était à une pénitence qu'il se contraignait, et je n'avais aucune idée de ce qu'il pouvait avoir à se faire pardonner... »
Ici, beaucoup de jugements ou de considérations superficielles alors que le paragraphe aurait pu être concentré sur l'action : quelques actes du moine, des faits illustres ou des gestes anecdotiques auraient pu être plus révélateurs de sa personnalité.


Au final, je trouve qu'il y a certains passages qui font appel à un même registre pour dire beaucoup de choses très différentes, et ça a eu tendance à me faire perdre le fil de ma lecture.

Pour faire un parallèle, je dirais qu'on peut dire qu'un lieu est à la fois en centre-ville, au sud de tel ou tel lieu, dans une vallée éloignée, en Bretagne, en France, en Europe, sur Terre, mais un seul de ces compléments de lieu peut suffire à ravir son lecteur. Je trouve que ton texte manque parfois de choix sur quoi dire et quoi évincer.


Voici pour un commentaire critique qui, je l'espère, sera à la hauteur de l'attention que tu as accordée à ce texte. L'objectif restant de t'encourager à trouver un certain équilibre. :)

Je te remercie très chaleureusement pour cette lecture et en profite pour te transmettre mes amitiés les plus enthousiastes ! ^^
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Hors ligne gage

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Re : Re : Cloître
« Réponse #5 le: 20 juillet 2023 à 11:06:38 »
Basic :
Peut-être pour les deux dernières lignes, un poil plus, histoire que l'on comprenne bien que l'on boucle avec le début... presque rien, nous replonger dans la déambulation... un truc comme ça.
OK, je comprends, tu voudrais que le retour à la narration au présent soit plus explicite... Pas facile, je vais y réfléchir.

Alan :
Pour ta première remarque, je répondrai que je voulais que le lecteur s'identifie vraiment à ce moine. Du coup je dis quasiment scrupuleusement ce qu'il voit à chaque pas dans ce cloître, ce qu'il sent, ressent et songe au court de cette déambulation. Je comprends très bien que ce soit beaucoup trop riche, voire indigeste... Un peu comme un "épuisement" du lieu.

Pour ta seconde remarque, je la comprends moins. Elle relate et résume le peu que l'abbé sait de Camille, et sa totale ignorance des causes de son départ. D'où ces considérations que tu considères comme superficielles, et qui le sont, en vérité.

Citer
Pour faire un parallèle, je dirais qu'on peut dire qu'un lieu est à la fois en centre-ville, au sud de tel ou tel lieu, dans une vallée éloignée, en Bretagne, en France, en Europe, sur Terre, mais un seul de ces compléments de lieu peut suffire à ravir son lecteur. Je trouve que ton texte manque parfois de choix sur quoi dire et quoi évincer.
C'est intéressant ce que tu dis-là. À moi il semble que justement la manière dont nous pensons, discutons d'un sujet en soi-même ou avec une tierce personne procède justement de ces différentes manières, échelles, d'appréhender ce sujet. Qu'on le cerne de différentes façons, et sous un maximum d'angles de vue. Mais peut-être qu'à l'écrit cela passe moins bien.

Merci en tout cas à toi, Alan, qui ne manque jamais de venir voir ce que j'écris, et donner ton avis plein d'acuité et de bon sens éclairé, et merci pour tes encouragements !

En toute amitié, au plaisir de te recroiser !
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Hors ligne Alan Tréard

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Re : Cloître
« Réponse #6 le: 20 juillet 2023 à 12:18:11 »
Tout le plaisir est pour moi, gage.

Au plaisir de découvrir à nouveau ces belles lectures dont tu nous fais profiter de temps en temps.
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Hors ligne HELLIAN

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Re : Cloître
« Réponse #7 le: 22 juillet 2023 à 21:34:43 »
Je me suis régalé à la lecture de cette nouvelle finement ciselée à la manière de l'un de ses chapiteaux dont le Mont-Saint-Michel est riche. Tout y est, le vocabulaire choisi comme il convie et sans maniérisme, l'ambiance lente et profonde des monastères et le mystère mystique de cet homme étrange.

Bref, je n'entrerai pas dans un commentaire détaillé tant il est vrai qu'un beau texte doit laisser pantois son lecteur ; c'est l'effet sidérant de l'émotion que suscite ton écrit.

Ce commentaire étend le produit d'une reconnaissance vocale peut probablement comporter des erreurs orthographiques dont je vous prie de m'excuser. Je ne peux malheureusement pas y remédier en raison d'une vision hautement altérée.
cent fois sur le métier...

Hors ligne gage

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Re : Cloître
« Réponse #8 le: 29 juillet 2023 à 22:56:04 »
Bonjour Hellian, je découvre ton commentaire à mon retour de vacances.

Je t'en remercie, il est bien trop élogieux.

Si tu as été sensible à l'ambiance, et à cette histoire un peu obscure d'un moine dont on ne saura pas grand-chose finalement, j'en suis très heureux.

Bon dimanche à toi, et merci encore !
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Hors ligne Lock Lamora

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Re : Cloître
« Réponse #9 le: 31 juillet 2023 à 18:29:27 »
Bonjour Gage,

très beau texte, qui m'a embarqué tout de suite dans l'espace et le temps.
Bel hommage au cloître du Mont. Effectivement, je ne connais pas de lieu plus propice à la méditation, et à l'élévation.
Belle écriture, ciselée comme un bas relief, qui nous fait rentrer dans la peau du personnage et son époque, avec en toile de fond le Nom de la Rose évidemment.
Peut-être un descriptif architectural trop précis, qui pourrait perdre le lecteur s'il n'avait pas autant l'envie de connaître la suite.
La lecture des sensations et émotions des personnages est très plaisante, grâce à leur descriptif "dans le jus" du champ lexical de l'époque.
Merci pour cette immersion salutaire dans la fraîcheur de ce cloître, la fraîcheur d'esprit de ce novice, et la fraîcheur de cette époque médiévale et spirituelle.
Au plaisir de te relire, amitiés
François

Hors ligne gage

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Re : Cloître
« Réponse #10 le: 31 juillet 2023 à 23:06:56 »
Salut François !

Je suis fort flatté par ton commentaire.

Et très heureux que mon texte ait résonné en toi. Je le trouve plus proche des aventures de Cadfael que de l’œuvre emblématique de Umberto Éco, mais je prends cette allusion comme un grand compliment.

Je suis d'accord, au sujet du descriptif introductif, mais c'est justement une présentation du lieu qui donne son nom au texte, alors j'ai voulu être précis. Je comprends néanmoins que cela puisse rebuter le lecteur. Et oui, comme le cloître de Saint Michel est somptueux, voire envoutant !

Merci beaucoup pour ton passage sur les dalles fraîches. Au plaisir également !
"Tous ceux qui survenaient et n'étaient pas moi-même
Amenaient un à un les morceaux de moi-même". Apollinaire

 


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