ÉVANESCENCE
TEMPS DIX
CYBERE DONATIEN, JANUS, , EUGENIA
CYBERE
Lorsque la mort entendant mon appel cessera de me rejeter
C’est en terre occitane que je souhaite que mes cendres soient jetées.
DONATIEN
Janus ! Un seul évènement doit occuper vos pensées,
Car, a parler d’Apogène, n’êtes-vous point censé ?
JANUS
Maître, que puis-je dire d’autre que ce trublion abuse son monde,
Pour l’avoir écouté, je sais sur quelle argutie sa politique se fonde
Obstiné, bien mis, sûr de son fait et de lui, il s’échine à la tâche !
Devant un public captif, cent fois ses promesses rabâchent…
D’autant qu’à qui veut l’entendre ce vaniteux député ajoute
Que pour qui l’écoute la victoire de son groupe ne fait aucun doute
CYBERE
Poursuis, mon neveu, poursuis ! Bat-il la campagne ?
Egide dit l’avoir vu en Picardie et en terre de Champagne…
JANUS
La rumeur dit qu’Apogène ajuste ses discours
Au gré du temps du vent et des modes qui courent…
Conteur sans talent, auteur de formules toutes faites,
Il va, revient, encense, se veut stature de prophète.
A l’image de l’astucieuse araignée qui tisse sa toile,
Suivant à qui il parle, un fil de son programme dévoile…
Il dénonce la rouerie politique, dit son objection
Mais tais qu’en élection, lui aussi déborde d’affection.
CYBERE
Je donnerai cher pour savoir ce qu’Apogène prépare !
JANUS
Que dire !? Sachant que sans projet on ne va nulle part !
Aux sans-logis que le froid, la faim et la soif tenaillent,
Il promet jours gras et paillasse bourrée de deux couches de paille.
CYBERE
Me dis-tu que ce bougre progresse à pas de géant ?
D’autant qu’évident je fais figure de fainéant
Dois-je étendre mes largesses ? Les mieux définir,
En ajout de celles réputées impossibles à tenir ?
JANUS
Osez ! Armez-vous ! Usez de ce que la nature confère !
Qui ne maîtrise pas le vocable doit apprendre à le faire.
Oncle, séduire dans la langue qui le plus nous rapporte,
Équivaut à forger les clés qui ouvrent toutes les portes.
Qui vainc est toujours celui que l’on a plaisir à entendre ?
Diantre, peu me chaut la méthode, apprenez à vous vendre !
EUGENIA
Un politique qui ne vaut que par le message qu’il envoie,
Dois savoir que rien n’est gagné avant le décompte des voix…
Moi qui rêve bien avant que n’éclosent les premières rosées
J’apprécie qui ose, sur une muette songerie, une rime posée.
CYBERE
Quel rapport y a-t-il avec le temps, le dépit, l’aura et l’écrit ?
EUGENIA
Aucun pour qui n’a pas compris que ce récit n’est un cri !
Si vous saviez le peu qu’un péon lègue à ses ayants droit,
Vous sauriez pourquoi en l’élu plus personne ne croit.
Maître, si vous appréciez l’élégance du langage cadencé
Revenez au temps où le monde aimait le parler des Français.
Observer que si notre idiome eût été mieux défendu,
Vous ne seriez point tenu de rétablir son prestige perdu.
CYBERE
Veillant à ce qu’à chaque citoyen un même droit soit rendu,
Je m’engage à ce que pauvres et riches y retrouvent leurs dus.
Si, après élection, l’urne de mai, collecteur d’opinions,
Nous révèle que mon nom arrive en première position,
Dès la session, dite d’automne, en séance plénière,
Devant des partisans lier où chacun défend sa bannière,
Avant que l’outil de Voltaire, de citer, ne perde ses droits,
N’oubliant pas non plus ce que les chantres attendent de moi,
Sans a priori aucun, mais évoquant le parler d’autrefois
Attendez-vous à ce qu’usant de mes droits, je dépose une loi !
EUGENIA
Rêver que beaux écrits puisse charmés nos chers députés,
C’est oublier que nombre d’entre eux ne sont guère futés…
CYBERE
Si mes pairs acceptent et si le peuple trouve cela beau,
Sans Rousseau, initions les petiots au sortir du berceau.
Alors, poésie soumise à verdict et projet mis aux voix,
Pour une France au parler retrouvé, bel avenir j’entrevois…
EUGENIA
Augurant qu’un vote favorable intervienne en septembre,
Un décret pourrait-il être signé dès le mois de décembre ?
CYBERE
Eugénia, j’en rêve autant que je l’espère !
Chose faite, observant que la magie opère
Quand la Mort voudra de moi ! M’ordonnera de partir, Ne faites point de moi un héros ou un énième martyr
Conscient d’avoir humainement et fort bien vécu Je m’en irai, fourbu, serein intimement convaincu,
Que notre belle France connue pour sa belle éloquence Ne fût, n’est et ne deviendra jamais le pays du silence… À suivre…