Bonjour, une nouvelle que j'avais postée dans texte court et que je n'avais pas terminé.
Et si les sorciers, ensorceleuse, exorcistes, jeteuses de sorts, possédés existaient vraiment. Aux confins de l’histoire des hommes, les monstres ont toujours rodé aux alentours des habitations. Et parmi toutes ces bêtes de l’obscurité, on dénombre : les croque-mitaines, les farfadets, les trolls, les gargouilles, les loups-garous, les vampires…
Lycanthropie Travailler comme inspecteur à la criminelle, c’est éprouvant et exercer en plus ce métier de nuit dans une grande ville comme Paris, requiert des nerfs à toute épreuve et une santé de fer. Je n’ai jamais rien gagné au jeu de hasard. L’expression bateau :
« malheureux en amour, heureux au jeu » ne s’applique pas à moi. En ce qui me concerne, je suis pitoyable dans les deux cas. Pourquoi en ce début de récit, aborder mon manque de chance et avouer être un piètre amoureux me direz-vous ? Elle me permet de rebondir sur l’affaire que je viens d’hériter. Il s’agit d’une enquête tellement horrible qu’en comparaison, l’histoire de Jack l’Éventreur serait à reléguer au rang de fait divers anodin.
Un appel sur ma radio de bord vient de m’informer qu’une patrouille de nuit vient de retrouver le cadavre d’un homme nu gisant sur le trottoir. Dès mon arrivée sur les lieux, je constate que ma partenaire, la sergente Amélie Vaulin est déjà présente. Elle se tient à proximité de la victime qui est enveloppée dans une bâche. Je ne descends pas immédiatement de mon véhicule. J’observe ma partenaire en m’interrogeant. « Pourquoi donc, une si brillante policière, belle, intelligente et jeune de surcroît, accepte-t-elle de faire équipe avec un vieux loser comme moi ? Ce n’est pas pour mes compétences mes antécédents à la brigade criminelle sont loin d’être élogieux et de plus, je ne suis pas vraiment apprécié par ma hiérarchie ».
Brièvement, je m’attarde sur le reflet que me renvoie le rétro plafonnier. Je détaille ce visage aux traits tirés par la fatigue, les yeux enfoncés dans leurs orbites et rougis par le manque de sommeil. Je hausse des épaules, je marmonne en déplorant. « Non, tête de con, ce n’est pas pour ta tronche délavée que cette superbe femme fait équipe avec toi. Ne te fais pas d’illusion et rembarre ton excès de virilité. Tu as dépassé la période de garantie ».
Il ne me faut que quelques enjambées pour parcourir la distance me séparant de ma partenaire. La blancheur de la pleine lune cumulée à l’éclairage de l’unique réverbère ne suffit pas à illuminer la scène du crime. La police scientifique a installé des projecteurs. Ils délivrent un abus de lumière qui donne à cette rue parisienne anodine une mise scène théâtrale et macabre. Le corps recouvert par une bâche opaque ne me permettant pas l’observation, je me tourne vers ma partenaire.
— Bonsoir, Amélie, c’est le même mode opératoire que d’habitude ?
— Salut, Louis, non pas vraiment, il y a une variante. La mort est, disons… plus conforme à la normale.
— Que veux-tu dire ?
— Le décès est dû à une blessure par balle à la tête.
— Et comment conclus-tu qu’il s’agit de la même affaire ?
— Sur l’asphalte du trottoir, la scientifique à relevé des traces de pattes d’un très gros chien. Ils sont formels, ça corrobore aux empreintes canines retrouvées sur le double crime du bois de Vincennes.
— Eh bien, le médecin légiste doit-être content. Rajoutais-je, ayant encore en mémoire le jeu de puzzle auquel se livrèrent les spécialistes en récupérant les différents morceaux des corps retrouvés des deux victimes.
Ma coéquipière dézippe la fermeture éclair et découvre le torse cireux enfermé dans la toile, puis m’informe.
— Il est nu comme un ver. Je me demande bien pourquoi le meurtrier a pris soin de le dévêtir avant de le tuer ?
— Qu’est-ce qui te rend aussi affirmative, il l’a peut-être déshabillé après.
L’officière me montre de la main le trafic encore dense à cette heure-ci de la nuit et me répond.
— Dans une rue aussi fréquentée. Ça me paraît peu probable… Et, même en supposant que ça soit l’endroit du délit. Où sont les vêtements ? D’ailleurs, le technicien scientifique lui aussi table sur un autre secteur qu’ici pour situer l’origine du meurtre.
Je m’accroupis et observe les traces de pieds entourées à la craie, puis s’en lâcher du regard les empreintes de pas, je demande à ma partenaire.
— Ce sont les mêmes marques que celles relevées lors des deux premiers homicides, c’est sûr et certain ?
— La police scientifique n’est pas formelle à cent pour cent inspecteur. Le trottoir bitumé ne facilite pas l’identification. Néanmoins, les corrélations sont troublantes.
— Il faut vraiment être cinglé, se mettre des chaussures imitant des pattes de loup. Celui-là, quand on l’aura coffré, il faudra le catalogué comme le champion des frappadingues dans le GUINNESS des records.
Je reste songeur en observant les empreintes de pas hors normes. Quand l’élévation de voix derrière mon dos me fait sursauter.
— Il y a quand même quelque chose qui cloche, inspecteur Alberti. Dans la mise en scène du crime. Le meurtrier cette fois-ci ne s’est pas acharné sur le corps.
Je me retourne vers le médecin légiste qui vient de m’interpeller et j’acquiesce ses propos.
— Je suis entièrement de votre avis docteur. Nous sommes en présence d’un crime prémédité. Mais pourquoi le tueur a -t-il laissé ces traces de pattes de loup ?
— Peut-être pour brouiller les cartes. Me rétorque le légiste en haussant les épaules.
— Est-ce que quelqu’un a assisté à la scène ? Je demande à ma partenaire.
— Pour l’instant personne ne s’est manifesté. Il faudra lancer un appel à témoin on ne sait jamais. Réplique-t-elle en soufflant.
— Je vois ! Bon, même si il est peu probable que ça donne des résultats qu’on interroge les services de la voirie. Eux travaillent toute la nuit, ils auront peut-être remarqué quelque chose. Après un bref coup d’œil sur ma montre. J’interpelle ma partenaire. Je pense qu’on n’apprendra rien de plus cette nuit. Inutile de traîner plus longtemps ici. Rendez-vous demain au poste, sergent.
J’envie les personnes qui arrivent à faire le vide et laisser sur le paillasson de la porte d’entrée leurs soucis professionnels. Cette affaire me pose des problèmes et m’empêche de dormir. Je piétine et ce qui ne devait-être au début qu’une simple affaire de routine commise par un déséquilibré vient de prendre la tournure tortueuse d’un Serial-Killer méthodique.
Quand j’ai commencé la procédure d’enquête après le double homicide commis sur un jeune couple dans le bois de Boulogne. Le début des investigations avait conclu à l’attaque par une meute de chiens enragés. Ce n’est que quelques jours plus tard après la remise des premiers rapports d’autopsies que ceux-ci démontrèrent l’impossibilité d’une telle hypothèse. De plus sur le sol du terrain boisé, on ne releva qu’un seul type d’empreinte de pattes. Donc, par déduction, il ne pouvait s’agir que d’un seul animal. La scientifique en déduisit que l’enfoncement du pas dans le sol correspondait au poids d’une bête d’environ cent vingt kilos. Un expert vétérinaire écarta la piste canine ou de toutes autres races animales connues.
Finalement pour donner à cette affaire une certaine logique, on en déduisit qu’il s’agissait sans doute de méfaits commis par un homme aux mensurations hors normes. Un déséquilibré se prenant dans des crises de délire pour un loup sanguinaire jusqu’à en adopter le comportement. Comme on trouva dans les annales de la police, des précédents historiques. On pu référencer l’affaire énigmatique. De mon côté, il ne me restait plus qu’à épingler le givré cannibale.
Je suis en retard. Je n’ai pas entendu le réveil, c’est le soleil dardant ses rayons sur mon visage à travers la vitre qui m’a fait bondir du lit. Je choisis vraiment mon jour pour arriver en retard. C’est ce matin que je dois m’entretenir au sujet de ce fichu triple homicide avec le divisionnaire. En m’apercevant à mon entrée dans le hall, du commissariat Amélie fait de grands signes de la main en faisant une moue significative, puis me désigne la pendule d’un mouvement de tête.
La porte du bureau de mon responsable est grande ouverte, il m’aperçoit me faisant signe d’entrer. Je m’apprête à m’excuser, mais il anticipe mes paroles et m’interrompt.
— C’est bon, Alberti, nous ne sommes pas des robots votre partenaire le sergent Vaulin m’a tenue informée de votre sortie au beau milieu de la nuit. Il me tend un imprimé posé sur son bureau et poursuit. Inutile de me faire le topo du dernier homicide, elle m’a remis un rapport circonstancié des derniers événements. Elle est très bien cette petite. Me dit-il en me faisant in clin d’œil. J’acquiesce d’un mouvement de tête idiot. Il me sourit et poursuit. Mais venons-en au fait si je vous ai convoqué ce matin c’est pour faire le point sur toute cette sordide histoire de crime en série. Où en êtes-vous rendu avec tout ça ?
— Ça devient scabreux chef, je ne comprends pas pourquoi ce taré a mis à poil sa victime après l’avoir tué.
— Je comptai sur vos lumières pour m’éclairer Alberti. Si cette affaire arrive aux oreilles de la presse, je vois déjà les grands titres des journaux. « La bête du Gévaudan terrorise la capitale. »
— Ce n’est pas un animal, mais un homme qui se prend pour un loup. Nous devons résoudre un cas de Lycanthropie. Scandé-je irriter.
— Un Lycan… Quoi ?
— Un Lycanthrope, un homme qui durant ses crises de délire est persuadé d’être un loup-garou.
— Il m’importe peu que votre lycan… machin, se prenne pour le grand méchant loup, mais, votre bête féroce à changer sa manière de tuer. À présent, il utilise une arme à feu.
Mon responsable a mis le doigt dessus. Un loup-garou pistolero ça n’existe pas dans les annales de la police. Je m’apprête à lui répondre, mais il m’interrompt de nouveau et me tend une enveloppe.
— Voici le retour d’analyse du labo. Je vous conseille de vous y attarder, il y a des détails surprenants.
J’ouvre l’enveloppe et sors les documents. Je délaisse les résultats biologiques et médicaux et comme d’habitude me concentre sur la synthèse en dernière page. Je sursaute en lisant les commentaires et lis tout haut.
— Selon le légiste, son cerveau a été réduit en bouillie et la balistique a identifié la balle extraite de son crâne, c’est du calibre 9 mm et le projectile est en argent massif.
— Vous ne m’apprenez rien, j’ai lu, le rapport. Bon, à présent que cette affaire devient plus routinière, il faut retrouver l’arme et le meurtrier. Euh, une question Alberti. Comment expliquez-vous l’état du cerveau ?
Me demande dubitatif le divisionnaire. Je réponds ce qui me paraît le plus cohérent.
— Il est probable que le meurtrier a injecté avec l’aide d’une seringue de l’acide dans la boite crânienne.
— Ça se tient. Pensez-vous que le lycanthrope soit la victime de cette nuit ?
Me demande mon responsable.
— Difficile à dire en l’état chef ! Il faut attendre les résultats génétiques, puis les comparer avec les traces de morsures retrouvées sur les deux premiers corps pour en avoir la certitude. En attendant, il me son identité ça peut mener à une piste.
— Ne vous donnez pas cette peine. J’ai pris les devants Alberti, il s’agit d’un courtier en assurance un dénommé Didier Chabrier. L’étude de son casier judiciaire démontre qu’il n’a aucun antécédent. J’ai envoyé une équipe perquisitionner son appartement. Le chef regarda sa montre, puis poursuivit. À l’heure qu’il est son ordinateur et au service informatique, ils épluchent le disque dur.
— Est-ce que nous connaissons son profil psychiatrique ?
— Les organismes de santé n’ont rien relevé d’anormal.
Le divisionnaire tapote du bout du doigt le verre de sa montre, puis frappe dans ses mains, et crie.
— Bon, au boulot ! Je veux des résultats positifs dès aujourd’hui. C’est un ordre !
Les paroles du divisionnaire sonnent à mes oreilles comme une sommation avant sanction. Dès que ma partenaire m’aperçoit, elle me rejoint et me demande.
— Çà c’est bien passé inspecteur ?
Elle m’observe en attente d’une réponse. Je hausse les épaules pour toutes réponses, je lui donne les documents de résultats d’analyses.
Je démarre le véhicule, puis j’enfonce la pédale d’accélérateur, sur le toit le gyrophare tourne au même tempo que la sirène. Je slalome entre les véhicules en direction du domicile de la victime. Ma partenaire totalement absorbée dans la lecture du rapport de l’autopsie se tourne soudainement vers moi et m’informe.
— Cette histoire de loup-garou a eu des cas précédent inspecteur dans l’histoire de notre pays !
Les paroles de ma partenaire me prennent aux dépourvus sans me laisser le temps de réagir, elle poursuit.
— Au moyen âge un certain Gilles Garnier reconnu coupable de cannibalisme a été brûlé vif après avoir été officiellement identifié comme loup-garou.
— Vous voulez dire qu’il avait la capacité de se transformer en bête féroce à la tombée de la nuit.
— Absolument, c’est prouvé par les archives des autorités de la police normande, mais comme la créature du Gévaudan, la plupart des procès-verbaux officiels de l’époque ont été détruits ou sont enfermés sous scellés au Vatican.
— Je n’en crois pas un mot sergent ! réponds-je.
N’aimant pas la tournure que prend la conversation. Je décide de changer de sujet. Vous ne m’avez pas encore demandé ce que nous allions faire dans le logement de la victime.
— Chercher des indices démontrant que l’homicide a été commis dans l’appartement.
— Exactement, Amélie, pour la bonne raison que je ne pense pas que le courtier en assurance ait été assassiné à l’endroit où l’on a découvert le corps.
— Qu’est-ce qui vous fait croire ça ?
— Parce que faire un carton en logeant une balle entre les deux yeux sur une cible mouvante à fortiori de nuit ça n’arrive que dans les westerns spaghettis. Je pense que tout bonnement, il a été mis en joue à son domicile, puis tué à bout portant et ensuite méthodiquement, le tueur, la déshabillé et injecté par l’orifice laissé par la balle l’acide avec une seringue.
— C’est vraiment horrible toute cette affaire, inspecteur. On en viendrait presque à avoir de la compassion pour l’assureur.
— Il n’y a vraiment pas de quoi. Je reste persuadé que Didier Chabrier est bien notre cannibale forcené. Mais ce qui me tracasse le plus dans toute cette affaire, c’est pourquoi, le tueur se donne-t-il autant de mal pour nous persuader que nous sommes face à un loup-garou.
Je prémédite la réponse de ma partenaire. Je la recadre en scandant. Je ne veux surtout pas entendre que nous avons à faire à un loup-garou, vous m’avez compris !
Le restant du trajet se fait dans un mutisme. J’ai des rancunes, d’avoir eu à élever la voix… Je me gare à proximité du porche d’accès de la résidence. Après avoir franchi l’obstacle du digicode, nous nous retrouvons dans l’étroitesse d’un vieil ascenseur en ferronnerie d’art. Je suis ébloui quand nous arrivons sur le perron de l’étage. Les gravures en bois noble mis en valeur par la moquette écarlate et les moulures dorées nous transportent par son architecture luxueuse à l’époque napoléonienne.
Dès notre entrée dans le vestibule du logement, je remarque le contraste avec les escaliers. L’ameublement est contemporain de styles vintage, sa décoration chatoyante revêt des couleurs à la Andy Warhol. Ma partenaire en découvrant l’intérieur s’étonne.
— On a du mal à imaginer que l’on se trouve à l’intérieur de la tanière… Euh ! Enfin, je veux dire du logement d’un déséquilibré.
— Il ne faut pas oublier que notre homme est lunatique. En ce qui me concerne, je ne demande qu’à être convaincu que nous sommes face à un loup-garou, mais vous allez à voir du mal à m’en persuader. D’ailleurs, j’ai remarqué un détail qui ne va pas dans ce sens-là, lorsque j’ai observé le corps nu de l’assureur la nuit dernière.
— Lequel est-ce, inspecteur ?
— La victime était totalement épilée. Vous ne trouvez pas ça cocasse. Qu’on est affaire à un loup-garou glabre.
Ma partenaire fait une moue rébarbative, puis en fronçant les sourcils me rétorque.
— Vous n’êtes pas drôle inspecteur.
Je m’assois dans l’un des deux en cuir au design Seventies, puis j’observe la pièce principale.
— Tout est rangé et à sa place, dans un ordre parfait. Je commence à douter qu’un crime, et pu avoir lieu dans cet appartement. Je me tourne vers ma partenaire et l’interroge.
— Quand pensez-vous sergent ?
— Nous sommes dans le lieu d’habitation principale de monsieur « Propre ». Me répond-elle avant d’ajouter. Voulez-vous mon ressentiment inspecteur ?
— Je vous écoute.
— Notre meurtrier a fait le ménage de fond en comble. Et, vu le temps imparti, ça ne peut s’expliquer qu’avec une complicité.
— Exact Amélie ! réponds-je. Il est impossible qu’un seul homme ait pu commettre l’assassinat et dans un laps de temps aussi court ranger l’appartement. De plus porter seul un corps de plus de quatre vingt kilos sans se faire remarquer par les caméras de télésurveillance paraît difficilement envisageable.
— Ce qui expliquerait, le manque d’empreintes et d’indices découverts par les policiers scientifiques lors des investigations dans l’appartement. Rajoute ma partenaire.
Amélie vient de faire un relevé édifiant qui me met immédiatement la puce à l’oreille. Elle doit le remarquer à mon regard stupéfié. Je me mets une claque sur le front et targue.
— Le meurtrier ou son complice a dû formater le disque dur de l’ordinateur, mais avec un peu de chance, ils n’ont pas pensé à effacer ses empreintes digitales sur le clavier et la souris.
La jeune officière me fait fit une moue révélatrice, puis répond.
— Non, inspecteur, les seules empreintes digitales relevées sont celles de l’assureur.
— C’est comme la télésurveillance ? Je rajoute.
— Exact, rien de probant. Même le facteur ne monte pas à l’étage.
— Et, je suppose que le témoignage des voisins est du même acabit ?
— Le seul immeuble mitoyen de l’appartement est à vocation commerciale. Personne n’a rien vu ni entendu. Déplore la jeune sergente.
Je me lève, puis me tournant vers ma partenaire, je lui lance à bout d’arguments.
— S’il y a eu complicité, elle n’a pu survenir qu’à l’extérieur de l’immeuble.
Ma partenaire acquiesce d’un hochement de tête, puis me suit en direction de la rue.
Assis au volant, je me tourne vers ma partenaire et lui confie.
— Le chef ne va pas être content on n’a pas avancé d’un iota.
— Je ne suis pas d’accord inspecteur, nous avons acquis la certitude qu’il y a une deuxième personne.
— Ouais ! Mais nous n’en avons pas la preuve. Et, puis c’est plutôt maigre comme marge de progression.
Dès mon entrée au poste j’aperçois le commissaire au bout du couloir qui me fait de grands signes de la main. Je marche à sa rencontre sans empressement, j’appréhende sa réaction après le fiasco de la matinée. Il ne me laisse pas le temps de m’exprimer et me surprend même par son propos.
— Foncez ! À votre bureau Alberti. Il y a un suspect que vous devez entendre. Il a avoué le meurtre de l’autre cinglé d’assureur.
La sergente Amélie Vaulin qui ne m’a pas lâché d’un mètre m’attrape le bras, puis m’adressant un sourire radieux me lance.
— La chance nous sourit enfin inspecteur.
Je hausse les épaules en soufflant par dépit, et lui réponds.
— Ne vous emballez pas trop vite, il s’agit peut être d’un gugusse qui veut faire le buzz. Gardons la tête froide, sergent. « La prudence est mère de toutes les vertus. » Concluais-je.
Dès mon entrée l’homme assis à côté de mon bureau se tourne vers moi. Il est menotté et un policier en uniforme le surveille. Dès mon entrée l’agent se met au garde à vous et m’informe.
— J’ai déposé la déposition écrite du suspect sur votre bureau inspecteur.
— Parfait ! Brigadier. Vous pouvez disposer.
Je suis du regard l’agent et j’attends qu’il referme la porte, puis je détaille l’homme menotté en face de moi. Nos regards se rencontrent, je fronce les sourcils en signe d’autorité. Il baisse la tête en la dodelinant.
J’ai du mal à imaginer que l’individu prostré sur la chaise en face de moi soit un tueur implacable. Il me fait plus penser à un dandy sorti tout droit des salons huppés parisiens.
Habillé d’un costume à petits carreaux de chez Gucci, duquel émerge une cravate fine de couleur verte qui repose sur une chemise jaune d’or en soie. L’homme qui a entre deux âges affiche un visage anormalement apathique. Son regard tendre accentué par le bleu de ses yeux lui prodigue une apparente douceur.
La déposition posée sur mon bureau tient sur une seule page. Je lis à voix haute à l’attention de l’homme, mais aussi de la sergente.
« INTERROGATOIRE DE PREMIÈRE COMPARUTION : le Vendredi 19 mars 2022.
Aux questions : âge, prénom nom, lieu de naissance, profession et demeure.
Il a répondu : 36 ans ; Richard WERNER, agent commercial ; rue des peupliers à la Résidence — les églantines, Paris 12e.
Il a avoué avoir tué par balle la victime de manière préméditée sans nous donner sa motivation. Les faits se sont produits à l’endroit : Av des Bergeronnettes Paris 15e dans la nuit aux environs de 23 h sur le dénommé Didier CHABRIER, courtier en assurance..
l’individu nous a remis, un fusil à lunette infrarouge qui a été formellement identifié comme l’arme ayant servi au crime par la balistique. De plus les balles qu’il nous a remises ont les mêmes caractéristiques que le projectile à l’origine de la mort, elles sont argent massif.
La personne reconnaît faire cette déposition de sa propre initiative et ne veut pas être défendue par un avocat. Il a été informé de ses droits. »
J’abrège la lecture de la déposition et je m’adresse indirectement à ma partenaire tout en regardant l’homme qui me fait face.
— À votre avis sergent, ça va chercher dans les combien un homicide avec préméditation ?
Instantanément Amélie me répond.
— Sans antécédents, c’est au minimum vingt ans.
— Et, si l’on rajoute, la rallonge de peine lorsqu’on prend les forces de police pour des cons.
— Ho là, là ! Ils sont rancuniers ceux-là. Bon, allez, je dirais au bas mot… et c’est encore sans compter les années de mitard qui comptent doubles… Il y a de grandes probabilités qu’il ne revoie jamais la lumière du jour. Il finira certainement carboniser dans le crématorium de la prison de la santé.
— Ouais, quelle perte de temps. Si ça tenait qu’à moi je vous foutrai direct au trou, mais la procédure exige que vos aveux soient consignés noir sur blanc. Alors, commençons par le début Monsieur Werner. Reconnaissez-vous être l’auteur du meurtre sur la personne prénommé Didier Chabrier ?
— Oui ! Je l’ai déjà déclaré précédemment à votre collègue. C’est moi qui l’ai tué sciemment.
Je le reprends en tapant du poing fermement sur le bureau.
— Je dirai plutôt abattu froidement ! Et vous pouvez me donner la raison ?
— Pour le libérer de cette présence démoniaque qui l’obligeait à commettre tous ces crimes horribles.
— Je vois… on nage en plein délire. Je vais vous apprendre une chose, monsieur Werner, la moitié des assassins dans les prisons de ce pays sont des gens qui ont tué des démons et la partie restante est des démons qui ont tué des innocents. Le système de défense qu’adoptent les criminelles pour se faire enfermer dans des instituts psychiatriques. C’est de plaider la folie. Si vous m’expliquiez plutôt comment vous avez pu préméditer le meurtre d’un déséquilibré irréfléchi ?
— En piégeant l’entité malsaine qui possédait l’âme de ce pauvre homme..
— C’est à dire.
— J’ai offensé la bête en priant pour son salut.
— Vous avez insulté le loup-garou ?
— Non, je parle de l’entité démoniaque qui habitait le corps pas de sa forme animale. Il est comme son maître Satan, haineux et vaniteux. Une prière à son attention est la plus grande des offenses qu’on puisse lui faire.
— Et comment avez-vous réussi à lui faire parvenir ce psaume en lui envoyant un SMS ? scandais-je excédé par la mythomanie de l’homme.
— Non, inspecteur, je l’ai juste invoqué.
— Ah ! Et comment s’appelle-t-il ? Que j’inscrive son nom au dossier afin qu’il comparaisse lors du procès.
— Il est répertorié dans l’inventaire des démons sévissant sur terre sous le patronyme de « Amon ». Je ne vous conseille pas de l’offenser. Il est très susceptible et son sortilège n’a d’égal que sa nocivité.
Ma partenaire qui jusqu’à présent se tenait à l’écart se manifeste soudain et interpelle l’homme.
— Si vous nous expliquiez en détail le déroulement de toute cette histoire, monsieur Werner ?
— Bien sûr, comme je l’ai déjà déclaré lors de ma déposition antérieure, je n’agis pas de mon propre chef. Je reçois mes instructions de l’AIE ; un organisme spécialisé dans la pratique de l’exorcisme. Mon rôle consiste à éradiquer le monde de toutes ces présences diaboliques.
— Pouvez-vous nous apporter la preuve de ce cas de lycanthropie ?
— Non, je ne peux vous fournir aucune certitude. D’ailleurs mon travail consiste aussi à effacer toutes traces.
— Que voulez-vous dire par là ? demandais-je.
— Il y a des mystères qui doivent le rester. Je vous laisse imaginer les bouleversements qui s’ensuivraient si le monde était convaincu que l’enfer existe. Il nous faudrait donner le change, afin de rééquilibrer la balance entre le bien et le mal et prouver que Dieu existe.
— Bon ! Je pense que nous allons en rester là monsieur Werner. Le psychiatre nommer par la préfecture prendra le reste de votre déposition. Juste une dernière question. Pourquoi avoir utilisé une balle en argent ?
— Seul un projectile en argent massif issu d’un crucifix, tiré dans le cœur ou dans la tête peut libérer l’âme du pauvre damné de l’emprise de « Amon ».
— Je regarde ma partenaire en secouant la tête avant de rajouter.
— Vous n’arriverez pas à me convaincre que vous êtes un bienfaiteur.
— Vous changeriez d’avis si vous aviez vu cette horrible monstruosité. Lorsque je l’ai eu dans le viseur infrarouge de mon fusil, je n’ai pas hésité un instant inspecteur.
— J’imagine. Je réponds en levant les yeux en l’air. Nous allons vous garder bien au chaud en détention provisoire, monsieur Werner, en attendant qu’on nomme un avocat pour votre défense.
Quelques minutes plus tard, je parcours le couloir avec ma partenaire. Je me tourne dans sa direction et lui demande.
— Je peux vous demander un service Amélie ?
— Je vous écoute inspecteur.
— Vous n’auriez pas une pièce pour le distributeur, j’ai une terrible envie de café.
Je vous accompagne, votre envie est contagieuse.
Durant le parcours vers la machine à boissons un vaguemestre me remet une enveloppe Kraft. Je lis l’intitulé inscris sur le recto, m’apprête à l’ouvrir, mais saturé, je renonce et finalement, la donne à Amélie.
— Notre affaire finit en « Cold-case ». Me lance-t-elle en sortant les imprimés de l’enveloppe.
— On n’est pas comme le lieutenant Colombo Amélie. Il y a des points de détails qui ne peuvent être résolus. Un jour s’est-on jamais avec les progrès de la science…
Je tends le café à ma partenaire, elle pose les feuilles qu’elle lisait sur ses genoux et lève ses yeux vers moi. Dans son regard, je décèle un mélange d’incompréhension et de stupeur. Elle me fixe sans rien dire. Le gobelet que je tiens me brûle les doigts. Après des secondes anormalement longues, elle finit par me dire.
— Les résultats des analyses génétiques faites sur les traces de morsures du couple du bois de Vincennes. Elles confirment que l’ADN appartient bien à Didier Chabrier.
Je reste stoïque un instant, puis fini par répondre d’une manière faussement détendue.
— C’était le scénario que nous avions envisagé.
À son visage fermé, je vois que ma réponse ne la satisfait pas, je lève le gobelet et lui dis.
— Tenez, il va finir par refroidir.