[Arsinor]

Bonjour, un texte froid, censé renfermer des volcans. Je l'aime beaucoup, c'est un de mes préférés et espère qu'il recevra des lecteurs. Tous les commentaires sont attendus, une ligne d'encouragement, une analyse d'un passage.

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Léonard de Vinci : Qui n'aime pas la vie ne la mérite pas.

Le directeur de PME : Qui n'aime pas la vie n'a rien à faire chez moi.

La DRH : Qui n'aime pas la vie peut rester au lit, c'est un poids mort de plus pour cette société de gauchistes et d'assistanat. Je suis désolée.

Le conférencier : Qui n’aime pas la vie présente un profil tout à fait exploitable. Deux leviers en management moti-vent ce profil : la terreur et la pression. Il y a 80 pages dans mon livre à ce sujet, vous verrez, c’est fantastique.

Le métallurgiste : Qui n’aime pas la vie, je ne sais pas. Qu’il finisse son travail !... Ensuite il ira en congés, au vert, s’il y a possibilité. Sinon, le soir, il y a les bistrots éventuellement, avec des billards, ça fait voir du monde…

Le pilote de formule 1 : Qui n'aime pas la vie ne la risque pas.

Le caporal qui a protégé la patrie : Qui n'aime pas la vie, je lui fous mon poing dans la gueule.

Le nietzschéen : Qui n'aime pas la vie en est venu à ce degré de négation de soi qui consiste à suivre le troupeau fasciné par le christianisme, nihilisme corrupteur par lequel l'huma-nité a inversé les élans vitaux en pulsion malade pour abou-tir à la médiocrité outrancière de la société allemande. Il doit atteindre la surhumanité et transcender sa catégorie so-ciale.

Le marxiste : Qui n'aime pas la vie doit contribuer à organi-ser la révolte de sa classe pour confisquer les moyens de production, instaurer par la dictature du prolétariat puis la société égalitariste. Les privilèges tombés, chacun exercera des activités selon ses capacités et apportera le produit de son travail à la collectivité comme monnaie d’échange.
 
Le freudien : Qui n'aime pas la vie peut désormais pratiquer une introspection pour donner une formulation à des trau-matismes primitifs, clivants, en général familiaux, inhérents à la petite enfance. Une fois conscientisée, l'unité du sujet est restaurée : il peut alors aimer et travailler. C'est l'achè-vement de la cure.
 
Le psychiatre : Qui n'aime pas la vie, on peut lui proposer différents types d'antidépresseurs voire une hospitalisation sans contrainte si j’ose m’exprimer ainsi qui lui permettra de retrouver un cadre adapté et une hygiène de vie j’allais dire « normale », bien que je n’aime pas ce mot. Il faut savoir qu'on n'enferme pas les gens sans raison en France.
 
L’antipsychiatre : Qui n’aime pas la vie peut examiner une piste qui consiste à évaluer le degré de perversité de son en-tourage. Sous couvert de fraternité et d'amitié, les pires har-cèlements sont commis. Il s'agit d'aider la victime à sortir de l'accusation de folie, de l'extraire de son entourage et de l'aider à construire sa vie dans un environnement nouveau.

Le girardien : Qui n'aime pas la vie se trouve dans le cas ré-pandu d’une soumission aux affres des passions mondaines. Tout désir en effet étant la copie d'un autre désir, les hommes se disputent les mêmes objets. La dispute se dé-tache alors de son prétexte pour devenir elle-même mimé-tique, jusqu'à l'oubli de l'objet-prétexte, et jusqu’à la haine. Il reste au sujet la seule et difficile issue du sacrifice de son orgueil.
 
Le lafayen : Qui n’aime pas la vie doit revoir son alimenta-tion et son hygiène de vie, arrêter de faire des efforts inu-tiles pour se conformer à un modèle imposé par la société et se donner des objectifs personnels et réalisables en termes de mieux-être corporel. Le plus simple est d’acheter les trois manuels : le vert pour les exercices de musculation, de sou-plesse, d'endurance et de respiration, le jaune pour la mé-thode d’alimentation, qui transcende la notion de régime, et Turbo.
 
Le méritocrate : Qui n'aime pas la vie a la possibilité dans un pays libéral d'atteindre un niveau de consommation et de statut socio-professionnel susceptible de répondre à ses be-soins de base et à ses besoins en termes de reconnaissance sociale, Cf. la pyramide de Maslow. La réussite de chaque étape fournit le carburant nécessaire à la conquête de la sui-vante et contribue à constituer des cercles vertueux. Il faut déterminer un projet personnel en phase avec les aspirations véritables, se fixer des objectifs réalistes en fonction de ce projet, avec des objectifs intermédiaires et idéalement une feuille de route, dresser un tableau forces/faiblesses en in-terne et menaces/opportunités en externe, et poser les bonnes questions : qui ? quoi ? quand ? où ? pourquoi ? comment ? combien ? La vie est une aventure.
 
Le confucéen : Qui n’aime pas la vie doit respecter ses pa-rents et faire fructifier ses affaires. Ainsi, il satisfera aux dé-sirs de l’empereur et sera correctement lié à la société.

Le taoïste : Qui n’aime pas la vie devrait apprendre à ne rien faire. Plus il pratiquera le non-agir, plus il sera heureux.

Le bouddhiste : Qui n’aime pas la vie doit se détacher de ses désirs mondains, à l’origine de la souffrance ; seul le dé-tachement le conduira au Nirvana.

Les amis Facebook : Qui n'aime pas la vie ferait mieux de se secouer. Il y a tant de choses merveilleuses à faire dans ce monde si immense, si immense ! Moi, j’ai 54 ans, bientôt grand-mère, merci, j’ai les bras grands ouverts à l’horizontale et je prends de plein fouet la diversité des so-ciétés. Loin de m’offusquer, l’altérité m’enrichit et m'ap-prend à m'ouvrir aux autres. Parfois il suffit d'un sourire dans le bus. Le seul fait de changer la couleur de sa brosse à dents est profitable.

Les amis Facebook des amis Facebook : Qui n'aime pas la vie, il ne faut jamais lui dire "Secoue-toi" donc excuse-moi de faire s'effondrer ta vision des choses mais tu fais une er-reur dès le départ. Et c’est comme ça pour tout, gilets jaunes y compris. Il ne manquerait plus que le gouverne-ment bombarde la Corée du Nord.

L'expert en développement personnel : Qui n'aime pas la vie est invité à suivre 21 règles d'or, à commencer par cesser de se comparer aux autres et de projeter les jugements dont on croit qu'ils nous les attribuent. Il faut se délivrer de ce cou-vercle. Faites passer le livret d'exercices.

Le gourou : Qui n'aime pas la vie doit acheter les Neuf San-ta-Blamstadjas Parfumés, tous les jours jusqu'au stade du Taj-Panavalé Grandiose.

Satan : Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Arrête ! Il aime pas la vie ! Putain mais arrête ! File-moi ton mouchoir j'en peux plus ! Ah ! Ah ! Ah ! Mais arrête je te dis j'en peux plus !!!

Rafzan : Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Il aime pas la vie et il sait plus où il habite ! Il est revenu dans sa chambre ! Il sait plus où aller ! Attends, mais prends une photo ! Tu l’as mis où ton appareil ? Ha ! Ha ! Ha !

Gofzan : Ha ! Ha ! Ha ! T’es en train de marcher dessus, ton appareil ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Il s’est photographié le pied ! Ha ! Ha ! Ha !

YHWH : YHWH.

Jésus-Christ : Qui n’aime pas la vie, qu’il aime ses ennemis. Alors il suivra le chemin. Soyez le sel de la terre afin de vous tenir à ma droite à la fin du temps dans le royaume que j'ai préparé depuis la fondation du monde.
 
Le Chat dans le couloir : Qui n'aime pas la vie, je bondirai par surprise devant son regard d’individu et miaulerai presque doucement pour le contraindre à me toucher les oreilles afin de l'envoûter de mon empire jusqu'à ce qu'il s'assoie sur la marche de l’escalier de la résidence ; je mon-terai sur ses genoux et poserai des pattes de Sphinx sur un pull agréable à déchirer pour lui lécher son drôle de nez, une à trois fois selon mon humeur, avant de faire tinter la clo-chette de mon collier en cuir corroyé que mon adjointe a fait venir de Chine par la route océane, et d'honorer le pail-lasson du premier étage de ma présence altière.
 
Le Chien dans l'appartement : Qui n’aime pas la vie ? Viens ! Viens ! Hop ! Hop ! Regarde ! Je fais des bonds ! Regarde ! Regarde ! Tu as vu ? Regarde ! Hop ! On va cou-rir dehors ! Viens ! Hop ! Dehors !
 
Le Serpent dans la montagne : Trouve les deux phénix et romps la Coruscance : et la corne d’Olympe qui frappe tout caprice et l’ascenseur des voltes au caducée courbé des Ma-riannes aux Rocheuses, des canyons aux étoiles, par les vents et par les routes. Dès que le temps éclate, encercle passionné à l’équinoxe 2 le luminaire diurne d’une crinière d’abîme extrêmement dorée. Que je te morde. Meurs. Tu règneras, deux phénix.

L’Aigle au-dessus des métropoles : De routes et de ma-chines, ferrailles sublimes : milliards de rutilances méca-niques ! Quelle créature, que le Chat lui-même admet sur son territoire, pousse les trains et fabrique les avions, érige des pyramides et des tours ? Que je te rencontre, afin d’admirer l’architecte de ces merveilles récentes.
 
La Colombe sur le rebord de la fenêtre : Vois, car je suis ar-rivée. Tout à l'heure, ton tourment a pris fin. Je suis la col-line adoucie de tes printemps contristés. Sais-tu les nuages, pluie du cœur de mon pays ? J'entends déjà les fleurs per-cer, sanglots de ta joie retrouvée. Mille pas ont couru sur le sentier que tu n’avais jamais oublié. Les peaux ont été re-fermées. La vie nous a donnés une petite part, déposée dans le creux de nos mains adelphales, et la maison s’est réunie.

La Grenouille dans la tourbière : Je ne comprends pas le dé-but de la phrase.
 
L’Araignée qui dansait sur l’eau : Moi non plus. Qu’est-ce que c’est ?
 
Les molécules d’eau : Qu’est-ce que c’est ?

Les vers de Terre dans le cadavre, ensemble : L’homme !
 
Le Cosmos : Homme.
 
Le Chaos : Viens, homme.
 
Le Néant : Où ?

[Charivari]

Salut Arsinor, ici Charivari.... 

Bon, j'ai vraiment beaucoup aimé ton texte, très "oulipo" d'esprit. J'aime beaucoup ce match entre le psychiatre, l'antipsychiatre et le girardien (justement il y a peu je viens de découvrir René Girard, c'est passionnant), puis le confucéen... Et ce que j'ai préféré, c'est cette fin, à partir de Satan, on a de très belles phrases, très poétiques, l'aigle, la colombe, pour finalement rétrécir, versl e batracien, le tétard, le néant... L'être le plus heureux du monde serait-il le molusque parce qu'il n'a pas à se prendre la tête ? Ce serait ma cnclusion personnelle.

Au plaisir de te lire

[Arsinor]

Bonjour Charivari,

Merci pour ton appréciation. Eh oui, les mollusques n'ont pas de tête donc ils n'ont pas l'occasion de réfléchir... minute et la pieuvre ? 

Que lis-tu de René Girard ?

[Charivari]

Salut. De René Girard, j'avoue, je n'ai rien lu. Par contre j'ai écouté un podcast de 2h il y a peu, sur le mimétisme et le bouc émissaire, très brillant.  (j'aime écouter des confs ou des entretiens sur des sujets divers, sociologie, histoire, psychologie, etc... Tout en faisant le ménage ou en conduisant) Bonne continuation

[Mic Ester]

Je viens de lire ton texte, bel exercice sur un thème donné, pas mal, mais pour moi Il y a chez un peu d’inconfort à la lecture. Le texte est tellement riche et variable dans le propos qu’on a pas le temps de respirer et on passe à côté de quelque chose je pense. Il faudrait peut-être lire en plusieurs fois …
D’ailleurs, ça me fait penser à une chanson où il n’y aurait que des couplets ! un petit refrain pour casser le rythme et laisser reposer le lecteur serait bienvenu. Après, c’est pas si simple.
Tu as réussi à caser une chute bien dégradée pour finir par le néant, bravo !
Je suppose qu’on doit donner son préféré, pour moi c’est « le chat dans le couloir »
Mic

[Arsinor]

Merci Mic pour ton passage.

[DinaEgg]

Bonjour,
en général je suis assez hermétique à ce genre de jeux d'écriture (l'oulipo ne passera pas par moi) mais je reconnais ton talent dans l'exercice! A part les coupures intempestives des mots avec les - (un problème de copier-coller peut-être?) qui m'ont gênées dans la lecture, je me suis laissée entraîner. Très clairement, il me manque certaines références.
En tant que lectrice, j'aurais envie que le texte soit coupé en sorte de chapitres pour être plus digeste.
On imaginerait très bien un atelier d'écriture où l'on dirait aux participants: "continuez avec un gilet jaune, un employé de Mac Do, un styliste, Jacques Séguéla etc."

[Arsinor]

Merci DinaEgg pour ton commentaire. C'est tout à ton honneur de ne pas pratiquer l'oulipo. Après tout, cet ouvroir donne lieu à des choses bien anecdotiques --- à moins bien sûr d'être transcendé par un Georges Perec. Pour les coupures, oups ! je n'avais pas remarqué. Oui, c'est à cause du copier-coller. La prochaine fois, je vérifierai avant de "soumettre".
Introduire des chapitres, pourquoi pas, d'ailleurs ils sont sous-entendus. J'aurais dû simplement les écrire peut-être.
A bientôt sur le monde de l'écriture