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Auteur Sujet: La vallée esseulée [Tic-Tac 27.10.23]  (Lu 354 fois)

Hors ligne Beglous

  • Calliopéen
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La vallée esseulée [Tic-Tac 27.10.23]
« le: 27 octobre 2023 à 22:06:53 »




C’était une petite cabane nichée au sommet d’une vallée, nous y voyions le lacet d’un cours d’eau se dérouler vers l’orient et le soleil se cacher, certains jours boudeur, se traînant alors lourd derrière de gros nuages. Comme moi.
Lorsque je vivais dans la cabane je boudais parfois, je me hissais alors dans les arbres où mes parents n’osaient monter et finissaient par me laisser tranquille. Ils étaient de bon fond mais souvent incapables. Je ne pouvais rien leur faire remarquer alors je préférais me hisser, laissant à regret mon chien au sol. Le pauvre aboyait un moment puis se couchait au pied de l’arbre, soucieux de garantir ma sécurité, indéfectible loyauté à celui qui le laissait pourtant de côté, à moi.

Depuis les arbres, je voyais l’immensité de la vallée et je pensais comme un chien, je me disais : « ceci est mon territoire, d’aussi loin que mon regard porte, ceci est mien. » Les ballons d’air alentours flottaient parfois afin de récupérer des denrées introuvables en région insulaire. Ils étaient bariolés aux couleurs de l’archipel et sonnaient le cor pour se rassembler, comme des oies sauvages en migration. J’aimais ces ballons dont je ne voyais jamais les passagers. Plus petit, je pensais que les ballons voguaient d’eux même, qu’ils vivaient. Mes parents m’apprirent qu’il n’en était rien, des hommes généraient des flammes qui donnaient l’illusion de vie des ballons. Les hommes les dirigeaient et nous les appelions des dirigeables. Je me dis alors qu’un jour, moi aussi je dirigerai un ballon et qu’ainsi mon territoire s’étendra car ma vue portera plus loin. J’aimais les arbres, mais ils étaient limités, ils ne pouvaient monter et ne pouvaient s’étendre. Un arbre, on ne peut le diriger, il a sa vie propre. Un ballon si, il est sans vie.

Un jour, une femme monta depuis la vallée jusqu’à notre cabane. Elle était toute fripée et sentait la rose mature. Mes parents l’invitèrent à partager notre repas. Le chien la grondait beaucoup aussi le firent-ils sortir. Je me souviens m’en être étonné, car le chien mangeait toujours à nos côtés. Il aboyait fort enfermé dehors. La femme était peu bavarde mais sa bouche était toujours rieuse et des trous noirs à l’endroit des dents me faisaient peur. Quand mes parents lui proposèrent le lit, je décidai qu’il était temps de bouder pour marquer mon opposition. La vieille dame comprit très vite le petit manège qui allait s’enclencher, elle se pencha sur moi, me saisit le bras dans sa main osseuse et sa bouche grommela : « toi qui imposes ta loi au monde, soumets-toi au temps qui gronde, que ton désir de solitude et de grandeur s’enracine en malheur et que désormais tu sois maître en ce lieu. »

Au petit matin, j’allais trouver ma mère pour qu’elle me nourrisse. Mais elle n’y était pas. Je cherchais aussi mon père pour qu’il m’occupe. Mais il n’y était pas. Et mon chien que j’adorais et qui d’ordinaire me suivait partout n’était nulle part. Je me rappelai la femme fripé et édentée mais elle n’était plus parmi nous, enfin, elle n’était plus là. Du reste, il n’y avait personne d’autre que moi. Je sortis à l’extérieur de la cabane et appelais ma famille. Le ciel était pauvre, un soleil sans nuage, pas d’oiseau ni de ballon, juste le vent dans les arbres qui soufflait des paroles incompréhensibles. Je montai dans l’un d’eux pour voir au loin, retrouver les miens. Je les aperçus à quelques pas de la cabane, ils semblaient contempler la vallée. Je descendis et courus vers eux. Ils ne se retournèrent pas, restèrent de marbre et quand je les touchai, leur corps était froid et gris, comme fait de pierre.

Plusieurs jours passèrent. J’avais bien grandi, d’enfant j’étais devenu adulte, rongé par le chagrin. Comme la vie avait disparu, que la faim me taraudait, je quittai à jamais la vallée, et je fis comme le soleil, me traînant lourd derrière de gros nuages gris, errant à tous les vents comme un ballon sans feu, comme un ballon sans passager.
« Modifié: 28 octobre 2023 à 10:35:00 par Beglous »

Hors ligne Luna Psylle

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Re : La vallée esseulée [Tic-Tac 27.10.23]
« Réponse #1 le: 28 octobre 2023 à 12:07:52 »
Salut Beglous !

J'avais lu hier soir, j'avais cru voir des micros fautes, mais je les vois plus ce midi.

Cette histoire m'a fait penser aux contes que mon bonhomme écoute (une histoire de sœurs et de puits, avec une magicienne pour vérifier leurs bons sentiments) et même un peu à l'intro de la Belle et la Bête (le dessin animé). Du coup, ça a touché juste chez moi :)

Une bonne journée à toi !
If the day comes that we are reborn once again,
It'd be nice to play with you, so I'll wait for you 'til then

Hors ligne Beglous

  • Calliopéen
  • Messages: 428
Re : La vallée esseulée [Tic-Tac 27.10.23]
« Réponse #2 le: 28 octobre 2023 à 12:31:20 »
La nuit les a effacées :mrgreen:

J'ai juste rajouté les images ce matin.

Oui, c'est une construction assez typique de conte que j'ai suivie.

Merci pour ta lecture et au plaisir d'une prochaine session ;)

 


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