Hello nicolasskuhn, merci beaucoup pour ta lecture et ton investissement

Effectivement Beckett est un auteur que j'affectionne particulièrement et qui m'a donné beaucoup d'élan dans l'écriture.
Ce truc du "nous" j'suis assez d'accord je crois, même dans les textes d'après je l'abandonne à peu près totalement, et comme toi je trouve que "on" marche mieux. C'est un tic que je fais assez naturellement quand j'écris, et je n'ai pas trouvé de justifications conceptuelles, juste "c'est". J'aime surtout l'impression de multiplicité que ça donne au narrateur, cette impression d'être peuplé dans la solitude, et les recours sonores que ça offre. C'est un des rares truc que je laisse à la libre interprétation du lecteur.
Effectivement l'incipit est assez gratuit, j'aime pas trop les incipits, j'aime bien justement casser l'ouverture qu'on a tendance à fétichiser par un truc random - ce qui est aussi, en soi, une manière de mettre en valeur l'incipit, dans sa volonté de vouloir le saboter. Une manière que j'aime bien par exemple c'est les ouvertures de Brian Eno, le compositeur, qui jette l'auditeur dans sa musique comme si on la prenait en cours de route, sans intros, sans expositions longues et fastidieuses, et c'est un peu l'idée ici. On est tout de suite jeté dans les réflexions absurdes du narrateur, ses cheminements de pensée tordus et parfois indécents ou improbables. C'était ça l'idée en gros ^ ^
Pour répondre dans le détail :
Je trouve qu’entre le nous et le on, il faudrait choisir – ou alors il faudrait les mettre en exergue de façon plus marquée pour que le lecteur les identifie comme un système et non comme une erreur
La répétitivité du procédé, sa constance sert justement à son identification - je ne me vois pas trop assister le lecteur en marquant les pronoms ; les questionnements sur certains choix stylistiques font partis de l'expérience de lecture (après au lecteur de décider s'il supporte de ne pas tout comprendre au premier texte, et de voir l'œuvre, à force de fréquentation, de macération, à force de petites infos distillées à mesure des textes, et qui n'en sont pas l'objet central, se clarifier peu à peu). Après j'suis d'accord que y'a des moments c'est maladroit, et que comme tu dis certains "nous" pourraient facilement être remplacé, pour que ça paraisse plus naturel.
J’ai beau m’y être pris à plusieurs fois, je n’ai pas pu comprendre ce paragraphe
Oui là typiquement j'ai tenté un rythme à la Claude Simon, avec tout plein de parenthèses etc. Le narrateur parle de "l'aventure" Saint Jean d'Eyraud, la "période" Saint Jean d'Eyraud qu'il perçois seulement comme une espèce de tension dont on comprend que la cause était son frère, en particulier les violences que son frère lui faisait subir - et par les impressions il lui semble que la tension est tellement omniprésente et sous jacente partout qu'elle imprègne la matérialité de la maison. F'in en gros c'est ça l'idée du paragraphe, c'est de traduire des impressions.
je trouve ce paragraphe réussi – j’ai tout compris ! Et l’absence de ponctuation a du sens : vitesse, absence de respiration – par contre, je trouve « fouichus » inutile
Oui en général on aime bien ce paragraphe, cool si tu l'as aimé aussi

T'es le deuxième qui me parle de "fouichus", j'vais me résigner à l'enlever, j'me rend compte que ça mindfuck plus qu'autre chose.
ouh ! Pas mal ça : si je comprends bien la maternelle = la mère ? Dans ce cas, je verrais bien le mot revenir avec ce sens et remplacer plus loin celui de mère
Oui c'est ça ! Je sais pas si je redis la "mère" plus loin ? En tout cas oui ça pourrait être une idée !
les cailloux de Molloy, le retour
Oui c'est effectivement mon inspiration (à peine caché) pour ce passage, qui revient tout au long du texte et montre le désœuvrement du narrateur, et ça capacité à se "fabriquer" des petites aventures, des petits objectifs à partir de rien.
beuark… je me passerais bien de cette image dégueu – je préfère encore les chiures et les merdes… Peut-être mon côté végétarien…
Original d'être d'avantage dégouté par ce qui sort du nez que par ce qui sort du fondement

bien trouvé!
Oui c'est un ami qui m'a permis de trouver cette solution, on y a réfléchit pendant des jours bien sérieusement ^ ^
Je ne crois pas que les tirets quadratins soient nécessaires pour le dialogue ici
Oui j'suis d'accord, c'est aussi un truc qui me gênais, j'vais juste mettre des points à la place.
bien campée l’histoire tragique de cette araignée
Oh cool que t'es réussi à la savourer

Je poursuis ma lecture, bien attrapé par l'écriture et l'univers.
Et la poursuivant, si le Molloy de Beckett continue de voisiner quelque part dans mes évocations personnelles, je me remémore également de plus en plus le Jérôme de Jean-Pierre Martinet. C'est sa solitude - voire sa déréliction - mais aussi sa noirceur, son inquiétude, ses penchants pour la mort, qui m'y font penser... L'humour (noir) également.
Connais pas du tout Jean Pierre Martinet, mais effectivement les qualificatif que tu lui prêtes sont absolument dans mes intentions d'écritures - et cool que t'es capté l'humour noir/absurde, souvent on passe à côté.
Merci aussi pour les fautes, comme dans le titre même du deuxième texte ^ ^
vaginalement? puisqu’il semble que le narrateur ne fuie pas la sensualité habituellement
Oui c'est vrai... à réfléchir...
Merci encore pour ce retour !
@marécage
Ouais j'ai conscience de l'influence que Beckett a sur mon écriture, sur "l'esprit" des textes, et je comprend le reproche. Après, pour défendre mon bout de pain quand même, j'ai envie de dire que toute écriture prend ses racines dans une autre (je ne conçois pas une écriture détaché de toute influences, faire "sa propre soupe", être son propre puit et initiateur d'une écriture nouvelle par la seule force de son intériorité est à mon avis une vision fantasmé de l'écriture - je sais pas si c'était ta take, mais ta critique laconique et sans plus d'explications m'a fait penser à ça), dans "d"autres" écritures même, comme je pense que c'est le cas ici ; ça m'étonnerait que Beckett écrive des trucs comme le dernier paragraphe de mon premier texte, par exemple, ou des choses aussi charnelles et imagées que mon deuxième texte, et ça c'est parce qu'il n'y a pas que du Beckett dans ce que j'écris : je m'arrange avec l'influence d'autres auteurs aussi, du Simon parfois dans la longueur et le rythme des phrases, du Proust dans l'approche du souvenir et la restitution de certaines impressions, le format fragmentaire et à peu près diaristique, le courant de conscience qui au final est moins Beckettien que Joycien ou Faulknérien, ou la musicalité de la phrase qui chasse le plus possible les rimes, les assonances, les allitération, les r, les s, que j'essaye plutôt d'emprunter à Flaubert - et oui je peux entendre que tout ça n'est pas encore suffisamment digéré (je dirais qu'il faut laisser le temps à l'écriture : déjà dans le deuxième et troisième texte Beckett est beaucoup moins présent (remplacé par d'autres auteurs j'en conviens), et ça va aller en se mélangeant d'autant plus par la suite), mais je pense aussi que "l'œuvre" a une direction assez personnelle, assez viscérale quand bien même elle use d'influences extérieures. Aussi, et c'est un autre débat (et c'est pas pour justifier les influences trop marqués de mes textes dont je suis moi même conscient et que j'ai envie de mieux fondre, de mieux faire mien), mais de remarquer les influences d'un livre (ou même d'un groupe, d'un compositeur, pour parler musique) ne me gêne pas si la force expressive et la qualité esthétique est au rendez vous - je ne place pas l'originalité de l'écriture ou de la musique comme critère numéro un pour la juger, sinon je n'aimerait pas autant Simon qui atteint des trucs sublimes, mais qui a presque tout pompé à Faulkner, ou Ravel qui a beaucoup prit à Debussy, Radiohead à Pink Floyd/Beatles/Can, etc.
Mais oui oui, j'suis d'accord que le début de ce journal montre presque ostensiblement ses influences Beckettiennes, c'est presque de la provocation, avec ce perso marginal, bête, scato, qui se réfugie dans des pensées et des rites infantiles, ce ton indifférent, cet humour absurde, cet environnement stérile, cette dégradation du corps. Mais c'est le point de départ, tout ça évolue déjà dans les deux autres textes et va continuer à se métamorphoser, et y'a déjà les prémices d'obsessions plus personnelles concernant le lieu, le souvenir, les impressions, etc.
Merci à vous deux en tout cas, à plus
