Bonjour, troisième et dernier (pour l'instant) instantané de la vie d'une REP. Bonne lecture.
Instantané n°3
Putain, j'ai mal. Terriblement mal. En plus, j'ai la mémoire qui flanche, j'me souviens plus très bien. Que s'est-il passé ? Pourquoi suis-je allongée au sol, avec un goût métallique dans la bouche, et que ma jambe gauche fait un angle bizarre ? J'ai les oreilles qui sifflent, mais j'entends nettement des pas approcher.
J'ai perdu connaissance. J'ouvre les yeux et je le vois. Il est accroupi près de moi et il me regarde en souriant. Il est jeune, environ vingt-cinq ans, les yeux vert, chauve, des tatouages sur les bras et surtout, surtout, un code barre au niveau du cou. En temps normal, j'aurais peut-être pu le scanner, mais là, j'en suis tout à fait incapable. Je suis fatiguée, j'ai des nausées et une forte envie de pisser.
– Impressionnant ! Tu es toujours vivante.
– T'es qui ? J'arrive à articuler.
– La relève, ma chérie.
Je grimace et je ferme les yeux sous les coups de boutoir de la douleur, mais j'arrive à lui demander ce qu'il veut dire par,
la relève.
– L'évolution, la révolution, l'avenir. La perfection ! Désolé de ne pas pouvoir poursuivre plus longtemps cette conversation, mais il faut que je prenne ton MMSP (Module Mémoriel Sériel Permanent).
Cela me fait comme un coup de fouet. Mon MMSP, c'est ma mémoire profonde, ma vie, ma personnalité, et si j'osais, mon âme. Sans elle, je ne suis plus rien !
Il se relève et passe derrière moi, puis commence à palper ma nuque, à la recherche de la trappe, où se trouve mon MMSP.
Soudain, un claquement de rayon disrupteur résonne dans la pièce et l'homme qui voulait voler ma vie s'écroule sur moi, un énorme trou dans la tête. Une épaisse fumée noire en sort pendant qu'un crépitement strident se fait entendre et que son corps est parcouru de soubresauts frénétiques. Une forte odeur d'ozone et de plastique brûlé me soulève le cœur et je crois bien que je ne vais pas tarder à invoquer Raoul. C'est alors que je vois Babapoule se précipiter vers moi. Il s'agenouille et me sourit. Je lui souris à mon tour, puis lâche prise et perds connaissance.
J'ouvre les yeux, mais il fait noir. Où suis-je ? Je ne ressens plus rien. Pourquoi n'ai-je plus aucune sensation ? J'ai le sentiment de flotter entre deux eaux. J'arrive à pousser un râle et aussitôt, j'entends Babapoule venir près de moi.
– Chuut, calme-toi, tout va bien, tu es en sécurité. Tu es reliée à
la Machine. Ne t'inquiète de rien, je m'occupe de toi et dans pas longtemps, tu seras de nouveau opérationnelle.
J'ai horreur de ce mot, ''opérationnelle''. Cela me ramène à ma condition de machine sophistiquée. Je ne suis pas une caisse enregistreuse ! En même temps, lorsque c'est Babapoule qui le dit, ce n'est plus insultant et je ne lui en veux même pas.
– Je vais lancer le protocole de réassignation électro-sensitive, afin de réétalonner tes capteurs sensoriels. J'ai été obligé de les rebooter. Désolé, mais je ne peux pas faire autrement et je sais que ce n'est pas agréable.
Cela commence toujours par le pied droit. Pourquoi le pied droit ? Je n'en sais rien du tout et je m'en fous. D'abord, la plante du pied, puis les doigts de pied et les impulsions remontent la jambe pour ensuite continuer le long du côté droit de mon corps. Bras droit, côté droit du crâne et ça y est, mon œil refonctionne. Il a dû me mettre sous analgésique bio électronique, car je ne sens aucune douleur, même lorsque mon côté gauche redevient opérationnel.
– Maintenant, je suis obligé de faire un redémarrage complet de tous les services afin de finaliser la procédure.
– Y compris les senseurs cognitifs ? je demande, inquiète.
– Affirmatif, je suis désolé pour la gêne que cela va occasionner.
– J'ai le temps d'aller aux toilettes ?
– Même pas en rêve !
Bon ! J'aurais au moins essayé.