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Auteur Sujet: 3000 façons de dire je t'aime (Marie-Aude Murail)  (Lu 1534 fois)

anlor

  • Invité
3000 façons de dire je t'aime (Marie-Aude Murail)
« le: 05 janvier 2019 à 14:06:03 »

Trois mille façons de dire je t'aime, Marie-Aude Murail
L'école des loisirs, 2013

Derrière ce titre gnangnan de roman ado pour jeune fille en fleur (<- ciblage), se cache en réalité un chouette livre sur trois jeunes un peu paumés qui vont tout à la fois découvrir le théâtre et le polyamour, en gros, et en mal dit.

La quatrième de couv :
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Chloé, Bastien et Neville ont eu en cinquième une professeure de français qui n’aimait que les livres qui finissent mal. Un soir, elle les a emmenés pour la première fois au théâtre voir une représentation de Dom Juan de Molière. Cette soirée a changé leur vie. C’est décidé, ils seront comédiens !
Six ans plus tard, leur désir de monter sur scène est intact et ils se retrouvent au conservatoire d’art dramatique de leur ville. Le professeur le plus réputé, Monsieur Jeanson, les prend tous les trois dans son cours.
Chloé va devoir concilier les cours de théâtre avec le rythme intensif de la classe préparatoire qu’elle vient d’intégrer. Bastien, prêt à tout pour faire rire, pense qu’il suffit de regarder une vidéo de Louis de Funès pour apprendre la tirade d’Harpagon. Le beau et ténébreux Neville a peur de se donner les moyens de son ambition, d’être un autre pour savoir enfin qui il est. Comment le théâtre va-t-il lier pour toujours la jolie jeune première, le valet de comédie et le héros romantique que Jeanson a su voir en eux ?

Je l'ai fini tout à l'heure, lu en deux jours environ ; ça faisait quelques temps que je n'avais pas réussi à entrer comme ça dans un bouquin. Y a un truc rigolo dans la narration de ce livre. Pas que je trouve le style de Marie-Aude Murail à tomber par terre, mais il y a quelque chose dans sa façon de dessiner des choses dans une seule petite phrase qui claque que je trouve fascinant. Il y a aussi cette façon d'utiliser le "nous" dans tout le roman, sans qu'on sache (sauf à la fin, hé) qui est le vrai narrateur. On a cet espèce de trio amoureux qui ne forme qu'un tout au long du récit, et c'est assez fou.

Côté personnages, ce sont des caricatures, mais touchantes. Je sais pas vraiment si on peut parler d'évolution, plutôt de recherche de soi par le théâtre et la relation qu'ils créent tous les trois. En dehors des grands moments de bravoure type "han, j'ai lu la tirade de Lorenzo, tout s'est éclairé, j'ai enfin compris que le drame de ma vie était l'absence de mon père", Marie-Aude Murail arrive à créer des moments que j'ai trouvé justes, dans cette intimité du trio, ou dans certains comportements/réactions. Il y a quelque chose aussi dans ce trio amoureux qui ne bascule jamais dans le dilemme "mais comment vais-je choisir entre les deux" ; les trois s'aiment, c'est comme une évidence du début à la presque fin, et c'est chouette de lire ce genre de chose dans de la littérature pour ado.

En bref, j'ai passé un très chouette moment à lire ce roman. Ce sera sans doute pas le bouquin qui changera votre vie ; mais si vous avez un petit bout de temps pour le feuilleter, je crois vraiment que ça vaut le coup.

Un extrait :
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Cette année-là, notre professeure de français était la célèbre madame Plantié, considérée comme folle par ses élèves et comme très compétente par les parents. Cette femme énergique et souriante était atteinte d'une allergie curieuse, elle ne supportait pas les romans qui finissent bien, qu'elle pensait écrits pour les imbéciles et les Américains. Tandis que nous autres, qui avions douze ou treize ans, des boutons d'acné, des règles douloureuses et des parents chiants, nous nous enfoncions dans la dépression de l'hiver, madame Plantié s'épanouissait en nous lisant La Mort d'Olivier Bécaille. C'était une histoire abominable où un pauvre type, enterré vivant, essayait de soulever le couvercle de son cercueil. Et un beau jour (beau pour madame Plantié, donc avec un ciel bas et lourd), notre professeure nous apprit que la prochaine séquence pédagogique serait consacrée au théâtre. Nous pouvions craindre le pire, car elle ajouta, avec des étoiles dans les yeux, que le but du théâtre était de nous faire sentir le tragique de la condition humaine. Elle avait essayé d'avoir des places au théâtre de la ville pour nous emmener voir Le roi se meurt. C'était une abominable histoire où un pauvre type, à qui on annonçait : « Tu vas mourir dans une heure vingt-cinq minutes », mourait sur scène après une agonie d'une heure et vingt-cinq minutes. Par chance pour nous, ce spectacle affichait complet, et madame Plantié dut se contenter de Dom Juan. Je crois qu'elle se consola en pensant que c'était la seule comédie de Molière qui finissait mal.
Aucun de nous trois n'était jamais allé au théâtre.
« Modifié: 05 janvier 2019 à 14:07:53 par anlor »

 


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