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16 janvier 2025 à 16:18:06
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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » Lettre à Monsieur N. [défi de Miro] [mini-explicite] [drogues] [allemand]

Auteur Sujet: Lettre à Monsieur N. [défi de Miro] [mini-explicite] [drogues] [allemand]  (Lu 4850 fois)

Aube

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Version Mammouth :

Lettre à Monsieur. N

“Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : « … »

Ce démon, c’était toi, mon vieux. Toi et ta dégaine de prodige obsolète, brûlant d’un feu neuf à l’horizon d’une époque, à l’aube d’une autre. Toi et ton arrogance immature, celle-là même qui devait guider ta plume tandis que tu inscrivais tes mots-poisons sur quelque vélin.

Ton venin, je l’ai avalé. Il m’est rentré par les yeux et m’a embrasé tout le corps. (Ce qui ne te tue pas te rend plus fort, hein ? A qui l’as-tu volée, celle-ci ?) Ton fiel suffisant, ta sagesse puante, tu me les as crachés à la gueule à travers le siècle qui nous séparait. Le Gai Savoir, que t’a appelé ça. Humour.

“Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : « … »

Je sais ce qu’il me dit, ton démon. Il m’obsède. Il a poussé sur ma cervelle comme un vieux lierre qui force ses vrilles dans les interstices d’un mur de pierre. Une tumeur immonde qui pulse contre mon lobe frontal, juste au-dessus de ces yeux dont je me sers pour voir. A chaque battement de cœur où je ne jouis pas complètement par tous les pores de ma chair, à chaque instant passé à me reposer d’une lassitude réelle ou imaginaire, à chaque petite peur, à chaque petite lâcheté, à chaque futilité, à chaque doute, le démon est là. Et il rigole. Tu entends ça ? Il rigole. Tu sais quoi ? Il a la même moustache que toi. Putain mec, c’est pas permis, même pour toi, d’avoir une moustache comme ça.

“Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : « … »

Ta gueule. J’essaie. Drogué par les volutes d’encens toxique qui envahissent ma chambre, j’étouffe en courant sur les talons de ton ombre. Tout ce que j’y perds, c’est mon temps. Là, à me lamenter. Pitoyable.

Tic. STOP ! Tac. Arrête-toi ! Tic. Arrête ! Tac.

A vingt-et-un ans, la plasticité cérébrale est optimale. C’est le moment ou jamais de « devenir qui tu es ». Tu ne crois pas ?
 
Anoblis-moi tout ça ! Ta vie se résume à une succession d’anxiétés ridicules et de béguins dérisoires que tu glorifies comme des épreuves divines ! Dieu est mort, tu te souviens ? Redresse le buste ! Allez ! Je m’en fous de ton dos tordu et de ta dé-figure. Je m’en fous. Tu sais ce que c’est ? Ces souvenirs ? Ces victoires ? Ce sont des jauges biologiques. Endorphine. Noradrénaline. Déréglées par papa et maman. Tu sais ce que tu es ? Tu es un putain d’animal. Tu es gouverné par les paramètres que la nature t’a attribués, que la culture t’a foutraqué. Tu es persuadé d’être exceptionnel ? Regarde-toi. Le moindre acte de courage te demande une demi-heure de suées, de chamades et de pulsions grégaires. Dépêche-toi ! BOUGE ! Marque-la, cette putain d’Histoire, marque la ! Marque la avec tes mots, grave ton nom dans l’acier du monde. Qu’est-ce que t’attends ? Je vais te la dire, moi, la vérité crue. Demain, tu seras seul chez toi. Tu te réveilleras en fin de matinée. Tu vivras un peu plus d’une heure de cette dernière journée. Et tu crèveras en dix minutes d’une anomalie cardiaque, comme maman le redoute depuis que t’as giclé de son ventre… Ouais c’est ça, va te fœtaliser sur ton lit. Tu seras prêt pour le recommencement…


Merci, mon vieux, pour la voix dans la tête. Merci de tout cœur.

“Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : « … »

C’est à cause de toi, que je fume. J’ai une drôle de façon de fumer, que ce soit un pétard ou une clope. Je m’approche et je demande, comme si c’était normal. Je prends bien garde à ne pas montrer que j’en crève d’envie autant que j’en ai peur. Je fais comme si j’avais pris l’habitude. «Juste une taf. » On me la file. Je la saisis entre l’index et le majeur pour la porter immédiatement à mes lèvres. J’attends que mon cœur batte une fois (tic-tac) pour profiter de la vie comme elle était avant de commettre l’irréversible. Un peu plus saine. Et j’aspire. J’aspire jusqu’à ce que mes côtes me fassent mal, que mes poumons brûlent et s’encrassent dans la moindre alvéole. J’aspire encore. J’aspire jusqu’au signal : les premières braises chaudes qui me brûlent la langue à travers le filtre, s’il y en a un. Sinon, c’est quand le feu me touche le palais.

Je ne veux pas mourir.

Je retire la clope, le plus loin possible de mon trou-à-vie, à bouffer, à parler, à sucer, à mâcher, à vomir, à embrasser, à crier, à cracher, vers la hanche gauche. Dans un grand arc de cercle, parfait, régulier, de mes lèvres, jusqu’à la hanche gauche.

Et je souffle toute la fumée, brûlante, qui couve dans ma poitrine, en une seule longue fois. Je la regarde se déliter dans la nuit. Là, ça tourne. Je m’assois, je rigole un coup, puis je regarde avec toute la reconnaissance d’un homme porté au sommet de son existence celui ou celle qui m’a permis de faire taire le rire du démon que tu m’as légué.

Oui, mon vieux, ce moment où je crache ma vie, je ne le regretterai pas. J’en suis là. C’est ce que tu m’as donné, à travers le siècle d’horreurs qui nous sépare. C’est tout ce que j’ai retenu de ta saloperie de bouquin.

Attends juste que je trouve une seringue. Tu verras.

Ja, ich weiß, woher ich stamme,
Ungesättigt gleich der Flamme
Glühe und verzehr’ ich mich.
Licht wird alles was ich fasse,
Kohle alles, was ich lasse,
Flamme bin ich sicherlich.

Je t’avais entendu la première fois.

C’est drôle, tout de même. Te connaissant, j’aurais dû savoir que la route que tu avais empruntée était une impasse. Mais tu m’as séduit, poète. Tu me ressemblais trop. Je ne me suis pas détourné de ton sillage, j’ai même eu l’ambition de terminer ta route. Tu t’es effondré devant un cheval battu, à Turin, l’esprit fracturé, consumé. J’ai failli faire pareil, bien plus tôt que toi, mon vieux. T’inquiète je sais.

T’avais pas compris un truc, ami. On est pas des flammes. On est des putains de bougies.

“Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait :
” Cette vie, telle que tu la vis et l’a vécue, il te faudra la vivre encore une fois et encore d’innombrables fois ; et elle ne comportera rien de nouveau, au contraire, chaque douleur et chaque plaisir et chaque pensée et soupir et tout ce qu’il y a dans ta vie d’indiciblement petit et grand doit pour toi revenir, et tout suivant la même succession et le même enchaînement – et également cette araignée et ce clair de lune entre les arbres, et également cet instant et moi-même. Un éternel sablier de l’existence est sans cesse renversé, et toi avec lui, poussière des poussières !”


***

Je sais que tu voulais que je sois le meilleur, papa. T’avais pas besoin de te faire pousser cette moustache ridicule pour me le dire.

-Non, fils, tu te méprends. Mon souhait est que tu sois le meilleur possible.

Je sais, papa. On m’a donné une puissance de monstre, mais ma faiblesse est bien plus immense. Elle est si grande, tu sais… Parfois, je suis tellement faible que je ne peux même pas me lever.

-Ce n’est pas grave, fils, ça arrive.

Je sais papa, mais cette façon désinvolte de répondre, je la connais tu sais. Tu es déçu, mais tu m’aimes trop pour me le montrer.

-Non, fils. Si tu penses ça, c’est que tu es fou. Reprends tes médocs.

Ils me font dormir, papa. Trop longtemps.

-Alors ne les prends pas.

Là, tu as ce regard désolé. Tu veux que j’aille plus loin que toi. J’irai simplement ailleurs. On s’enverra des lettres si tu veux.

***

Oh, tu sais, il est pas si terrible ce démon. Il est terrible si on est seul, comme toi. Moi, je ne le suis plus.

J’ai lu tes mots-poisons sur le banc du couloir blanc, à l’université. J’étais seul et malheureux. Mon cœur portait le nom de la maman de Jésus, brûlé au fer rouge, depuis des années. Il était fatigué. Ton démon, il a bondi hors du papier et il m’a tenaillé le visage. Il a forcé ma mâchoire de ses griffes et s’est glissé dans ma gorge. Là, il a creusé la chair jusqu’à trouver, au fond, mes vertèbres, qu’il a escaladées. Tout sanglant, il a planté ses crocs dans ma cervelle et a aligné ses yeux derrière les miens et m’a fait tourner la tête, vers l’avant. L’arrière, je veux dire. Tu as compris. Et là, il a rigolé longtemps.

C’était juste sa façon de me dire bonjour, finalement. Je l’avais mal pris, à l’époque. Encore aujourd’hui, il a le don pour me faire péter un câble.

Ce jour où je l’ai rencontrée, merveille parasitaire, idée-virus, aiguille de feu, voici ce qu’elle m’a dit :

« Saute dans le prochain gouffre que tu trouveras, s’il-te-plaît. Au mieux, tu mourras et le monde sera un peu moins pathétique. Au pire, des ailes d’ange te pousseront. »

Alors tu sais, mon vieux, j’ai sauté. C’était pas un petit gouffre. C’était un abysse, horrible. Ses rebords béaient comme la gueule d’un molosse. Une gueule pleine d’ombre et de noir, le genre de ténèbres où, sans prévenir, tu redeviens un enfant. Le genre de nuit qui grouille d’insectes et de vers, de poissons aveugles et gluants, qui pue la mort à des lieux à la ronde.

Ben mon vieux, j’ai voulu en finir grâce à toi, j’ai sauté. J’ai vu l’ombre défiler, uniforme, dérangée çà et là par la silhouette d’une dent de roche. Mon estomac décroche et mes glandes vomissent leur adrénaline qui rush en hurlant dans mes veines.

Bah, c’est pas si différent de quand tu parles à une fille qui te plait, tu sais.

Un abysse, c’est profond. Tu as de très longues minutes pour regretter ton geste, mais aussi pour t’habituer à la situation. Ton sang se calme, tes viscères s’habituent à la vie en apesanteur. Tu regrettes un peu et tu te mets à réfléchir.

Le truc con, c’est que si ça arrive vraiment (ta connerie d’éternel retour, là), je serais bloqué dans une boucle pathétique qui finirait par mon suicide à chaque fois. Je me dis que c’est sûrement ça, l’enfer. C’est pas pour les méchants, c’est pour les faibles. Je m’apaise, résigné. Je profite du paysage, des nuances de noir et de roche. Ma chute a duré si longtemps que vers la fin je savais distinguer un ébène mat d’un suie poudreux, un corbeau (mon préféré, noir parfait avec une pointe de ciel) d’un ivoire minéral. Encre, jais, velours, tous les noirs ont leur texture et leur goût. L’air hurlant contre mes tympans, je me surpris à sourire, ivre de ma cécité polychrome. Puis j’arrivai vers le fond du gouffre. Le noir se teinta d’or.

Au fond, il y avait le feu. Des coulées de magma ardent qui sinuaient dans le froid rocheux. Ruisseaux, mares, flaques de flammes fluides et paresseuses. Elles repoussaient, presque avec tendresse, la nappe d’ombre d’où je fusais. L’or et l’orange, souffre et nacarat, flamboiement, tissaient leurs motifs sur la roche que je voyais à présent bistre et lisse. J’en fus très ému, mais de ne pouvoir partager cela avec personne... le démon s’était tenu coi depuis que j’avais sauté.
En pleurant et en riant à l’intérieur, je me préparais à éclater ma viande contre l’obsidienne qui s’approchait.

C’est grâce à la lumière indolente de la lave que je l’aperçue. Une forme blanche et recroquevillée, nue sur la roche noire et froide, proche d’un delta de feu fluide. Elle était proche de mon futur point de chute. Malgré l’imminence du trépas, je décidai de dédier mes derniers… je décidai de dévisager… d’épier, d’évaluer… de…

J’observai, et plus j’observais, plus je tombais, plus je m’approchais de sa silhouette blanche.

Sa peau était perle. C’était une fille. Elle était toute nue, toute menue. Elle avait du rouge qui coulait des poignets, vraiment beaucoup. Et elle pleurait. De ses épaules saillaient des perches sanglantes et brisées, auxquelles pendouillaient quelques plumes brûlées. Elle était là, entre la nuit et la nuit, recroquevillée. Elle pleurait encore plus qu’elle ne saignait, et ça faisait du rouge sale sur la roche lisse.

Tu sais, vieux, elles ont poussé, mes ailes. J’ai pas réfléchi, j’ai foncé comme un fou. J’avais pris une sacrée vitesse, alors quand elles ont pris le vent, ça m’a presque arraché le dos. Ça s’est tendu comme une toile de peau et ça m’a fait un mal de chien, mais ça m’a bel et bien ralenti. J’ai piqué pour prendre de la vitesse, j’ai failli m’écraser dans un petit lac de lave, j’ai redressé juste assez tard pour que ça sente la cigarette. En plané, j’ai pris une trajectoire presque parallèle à la roche noire, pour la rejoindre. Quand je suis arrivé à peu près, peu ou prou, de proche en proche, au-dessus d’elle, je me suis laissé tomber de trop haut.

J’ai glissé sur la roche lisse comme du verre brut, puis je me suis éclaté la gueule proprement. Mon aile droite s’est cassée, mais ça ne m’a pas trop fait mal. La fille me regardait, avec la lueur incrédule de ceux qui ont beaucoup prié dans le noir et qui voient leur vœu s’exaucer.

Là, je me suis tout de suite dit que si je l’avais pas vue, je serai devenu une flaque de sang pleine d’esquilles et de morceaux luisants.

La suite je vous la passe, par pudeur, parce que oui, on a baisé comme des fous. On avait du sang partout, le mien et le sien, mais on s’en foutait. On a crié le plus fort possible, pour que ça rebondisse dans tout ce canyon noir et or, que toutes les saloperies qui nous regardaient depuis leurs niches dans la paroi nous entendent.  Ah merde, j’ai raconté finalement.

J’ai pas regretté d’avoir sauté finalement. C’était mieux qu’une taf de cigarette.

On a habité le gouffre pendant un moment, puis on a voulu remonter. Ses moignons d’ailes étaient inutiles, je les lui ai cassés comme on casse du bois sec, et j’ai tiré pour les enlever de son dos, en essayant de pas trop lui faire mal, parce que ça la gênait trop pour dormir, marcher ou faire l’amour. Les miennes nous ont porté sur quelques lieues de hauteur, avant d’être trop fatiguées. Celle que je m’étais froissée nous faisait aller de biais, et on s’est écrasés ensemble contre la paroi. On a eu peur de tomber sur un poisson aveugle ou un ver gluant, mais on s’est juste mangé la pierre noire en pleine face, on a glissé et on s’est écorchés contre la roche, puis on a trouvé des prises pour nous arrêter. Ça a tiré fort sur nos bras malingres, mais on s’est hissés, mètre après mètre, souffle après souffle, sans s’arrêter. On a grimpé pendant des années. On a mangé mes ailes cassées pour survivre, et quelques poissons aussi. Puis un jour, on en est sortis.

Après un truc comme ça, la réhabilitation sociétale n’est pas évidente. On a décidé de s’installer ensemble, et puis on a lutté contre les souvenirs. Nos corps étaient couverts de marques, de cicatrices, nos os s’étaient mal ressoudés. Mais on avait une force nouvelle aussi, des années de grimpe ça vous marque, on avait la viande plus robuste, le bras ferme, le torse solide. Je ne sais pas comment elle a géré tout ça de son côté, mais pour moi ça n’a pas été facile.
J’avais toute cette force, mais, mon vieux, qu’est-ce que j’étais crevé. Je pouvais pas forcer sur un muscle sans rouvrir une plaie, et vas-y que ça pisse le sang, et vas-y que ça chiale. Là, ton démon est revenu. Il se foutait de ma gueule. Je pouvais pas sortir de chez nous sans tanguer comme une épave, sans tituber comme un infirme.

Je suis allé voir le docteur. Il m’a donné les médocs. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. Je me suis réveillé d’un seul coup, frappé par une révélation de taille. C’était la première fois que je dormais de ma vie.

J’étais reposé.

Le seul truc, c’est que le médecin m’a dit, droit dans les yeux, « N’arrêtez JAMAIS de prendre ces médicaments. »

Moi j’ai flippé, et j’ai pas arrêté les médicaments, du coup.

Bon là, tu recolles avec le début, quand j’ai piqué ma petite crise. Je ne regrettais rien, mais j’étais une bougie toute fondue et le démon que tu m’avais collé dans le crâne me gueulait dessus tous les jours. Ce fut l’époque des tic-tacs cardiaques, du temps qui file entre les doigts et des joints.

PS : va te faire foutre.



Version complète non-corrigée :

Bonsoir ! J'ai terminé ton défi Miro ! C'était vachement chelou à écrire comme texte. Si vous lisez, allez-y franchement sur les commentaires, j'ai vraiment envie de m'améliorer et d'être éditable, un jour, dans longtemps.

Aussi, je suis désolé de poster des textes et de ne (presque) jamais commenter les textes des nouveaux et ceux des copains. :( J'arrive pas à trouver le temps.

Bon allez, à plus, j'ai 12 jours pour commencer et finir mon mémoire. (mais je serai plus que ravi d'accumuler encore plus de retard en répondant à vos commentaires !)

Ah oui, la consigne du défi c'était : "écrire un texte avec les mots " pétard " et "pétale" dedans. Si les flexions plurielles comptent, j'ai gagné. Sinon j'ai perdu :) Pétale est au pluriel dans le texte :)

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Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : « … »

Ce démon, c’était toi, mon vieux. Toi et ta dégaine de prodige obsolète, brûlant d’un feu neuf à l’horizon d’une époque, à l’aube d’une autre. Toi et ton arrogance immature, celle-là même qui devait guider ta plume tandis que tu inscrivais tes mots-poisons sur quelque vélin.

Ton venin, je l’ai avalé. Il m’est rentré par les yeux et m’a embrasé tout le corps. (Ce qui ne te tue pas te rend plus fort, hein ? A qui l’as-tu volée, celle-ci ?) Ton fiel suffisant, ta sagesse puante, tu me les as crachés à la gueule à travers le siècle qui nous séparait. Le Gai Savoir, que t’as appelé ça. Humour.

Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : « … »

Je sais ce qu’il me dit, ton démon. Il m’obsède. Il a poussé sur ma cervelle comme un vieux lierre qui force ses vrilles dans les interstices d’un mur de pierre. Une tumeur immonde qui pulse contre mon lobe frontal, juste au-dessus de ces yeux dont je me sers pour voir. A chaque battement de cœur où je ne jouis pas complètement par tous les pores de ma chair, à chaque instant passé à me reposer d’une lassitude réelle ou imaginaire, à chaque petite peur, à chaque petite lâcheté, à chaque futilité, à chaque doute, le démon est là. Et il rigole. Tu entends ça ? Il rigole. Tu sais quoi ? Il a la même moustache que toi. Putain mec, c’est pas permis, même pour toi, d’avoir une moustache comme ça.

Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : « … »


Ta gueule. J’essaie. Drogué par les volutes d’encens toxique qui envahissent ma chambre, j’étouffe en courant sur les talons de ton ombre. Tout ce que j’y perds, c’est mon temps. Là, à me lamenter. Pitoyable.

Tic. STOP ! Tac. Arrête-toi ! Tic. Arrête ! Tac.

A vingt-et-un ans, la plasticité cérébrale est optimale. C’est le moment ou jamais de « devenir qui tu es ». Tu ne crois pas ? 


Anoblis-moi tout ça ! Ta vie se résume à une succession d’anxiétés ridicules et de béguins dérisoires que tu glorifies comme des épreuves divines ! Dieu est mort, tu te souviens ? Redresse le buste ! Allez ! Je m’en fous de ton dos tordu et de ta dé-figure. Je m’en fous. Tu sais ce que c’est ? Ces souvenirs ? Ces victoires ? Ce sont des jauges biologiques. Endorphine. Noradrénaline. Déréglées par papa et maman. Tu sais ce que tu es ? Tu es un putain d’animal. Tu es gouverné par les paramètres que la nature t’a attribués, que la culture t’a foutraqués. Tu es persuadé d’être exceptionnel ? Regarde-toi. Le moindre acte de courage te demande une demi-heure de suées, de chamades et de pulsions grégaires. Dépêche-toi ! BOUGE ! Marque-la, cette putain d’Histoire, marque-la ! Marque-la avec tes mots, grave ton nom dans l’acier du monde. Qu’est-ce que t’attends ? Je vais te la dire, moi, la vérité crue. Demain, tu seras seul chez toi. Tu te réveilleras en fin de matinée. Tu vivras un peu plus d’une heure de cette dernière journée. Et tu crèveras en dix minutes d’une anomalie cardiaque, comme maman le redoute depuis que t’as giclé de son ventre… Ouais c’est ça, va te foetaliser sur ton lit. Tu seras prêt pour le recommencement…

Merci, mon vieux, pour la voix dans la tête. Merci de tout cœur.

Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : « … »

C’est à cause de toi, que je fume. J’ai une drôle de façon de fumer. Que ce soit un pétard ou une clope. Je m’approche et je demande, comme si c’était normal. Je prends bien garde à ne pas montrer que j’en crève d’envie autant que j’en ai peur. Je fais comme si j’avais pris l’habitude. « Juste une taf. » On me la file. Je la saisis entre l’index et le majeur pour la porter immédiatement à mes lèvres. J’attends que mon cœur batte une fois (tic-tac) pour profiter de la vie comme elle était avant de commettre l’irréversible. Un peu plus saine. Et j’aspire. J’aspire jusqu’à ce que mes côtes me fassent mal, que mes poumons brûlent et s’encrassent dans la moindre alvéole. J’aspire encore. J’aspire jusqu’au signal : les premières braises chaudes qui me brûlent la langue à travers le filtre, s’il y en a un. Sinon, c’est quand le feu me touche le palais.

Je ne veux pas mourir.

Je retire la clope, le plus loin possible de mon trou-à-vie, à bouffer, à parler, à sucer, à mâcher, à vomir, à embrasser, à crier, à cracher, vers la hanche gauche. Dans un grand arc de cercle, parfait, régulier, de mes lèvres, jusqu’à la hanche gauche.

Et je souffle toute la fumée, brûlante, qui couve dans ma poitrine, en une seule longue fois. Je la regarde se déliter dans la nuit. Là, ça tourne. Je m’assois, je rigole un coup, puis je regarde avec toute la reconnaissance d’un homme porté au sommet de son existence celui ou celle qui m’a permis de faire taire le rire du démon que tu m’as légué.

Oui, mon vieux, ce moment où je crache ma vie, je ne le regretterai pas. J’en suis là. C’est ce que tu m’as donné, à travers le siècle d’horreurs qui nous sépare. C’est tout ce que j’ai retenu de ta saloperie de bouquin.

Attends juste que je trouve une seringue. Tu verras.

Ja, ich weiß, woher ich stamme,
Ungesättigt gleich der Flamme
Glühe und verzehr’ ich mich.
Licht wird alles was ich fasse,
Kohle alles, was ich lasse,
Flamme bin ich sicherlich.

Je t’avais entendu la première fois.

C’est drôle, tout de même. Te connaissant, j’aurais dû savoir que la route que tu avais empruntée était une impasse. Mais tu m’as séduit, poète. Tu me ressemblais trop. Je ne me suis pas détourné de ton sillage, j’ai même eu l’ambition de terminer ta route. Tu t’es effondré devant un cheval battu, à Turin, l’esprit fracturé, consumé. J’ai failli faire pareil, bien plus tôt que toi, mon vieux. T’inquiète je sais.

T’avais pas compris un truc, ami. On est pas des flammes. On est des putain de bougies.

Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait :
« Cette vie, telle que tu la vis et l’a vécue, il te faudra la vivre encore une fois et encore d’innombrables fois ; et elle ne comportera rien de nouveau, au contraire, chaque douleur et chaque plaisir et chaque pensée et soupir et tout ce qu’il y a dans ta vie d’indiciblement petit et grand doit pour toi revenir, et tout suivant la même succession et le même enchaînement – et également cette araignée et ce clair de lune entre les arbres, et également cet instant et moi-même. Un éternel sablier de l’existence est sans cesse renversé, et toi avec lui, poussière des poussières ! »

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Je sais que tu voulais que je sois le meilleur, papa. T’avais pas besoin de te faire pousser cette moustache ridicule pour me le dire.

-Non, fils, tu te méprends. Mon souhait est que tu sois le meilleur possible.

Je sais, papa. On m’a donné une puissance de monstre, mais ma faiblesse est bien plus immense. Elle est si grande, tu sais… Parfois, je suis tellement faible que je ne peux même pas me lever.

-Ce n’est pas grave, fils, ça arrive.

Je sais papa, mais cette façon désinvolte de répondre, je la connais tu sais. Tu es déçu, mais tu m’aimes trop pour me le montrer.

-Non, fils. Si tu penses ça, c’est que tu es fou. Reprends tes médocs.

Ils me font dormir, papa. Trop longtemps.

-Alors ne les prends pas.

Là, tu as ce regard désolé. Tu veux que j’aille plus loin que toi. J’irai simplement ailleurs. On s’enverra des lettres si tu veux.
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Oh, tu sais, il n’est pas si terrible ce démon. Il est terrible si on est seul, comme toi. Moi, je ne le suis plus.

J’ai lu tes mots-poisons sur le banc du couloir blanc, à l’université. J’étais seul et malheureux. Mon cœur portait le nom de la maman de Jésus, brûlé au fer rouge, depuis des années. Il était fatigué. Ton démon, il a bondi hors du papier et il m’a tenaillé le visage. Il a forcé ma mâchoire de ses griffes et s’est glissé dans ma gorge. Là, il a creusé la chair jusqu’à trouver, au fond, mes vertèbres, qu’il a escaladées. Tout sanglant, il a planté ses crocs dans ma cervelle et a aligné ses yeux derrière les miens et m’a fait tourner la tête, vers l’avant. L’arrière, je veux dire. Tu as compris. Et là, il a rigolé longtemps.

C’était juste sa façon de me dire bonjour, finalement. Je l’avais mal pris, à l’époque. Encore aujourd’hui, il a le don pour me faire péter un câble, t’as qu’à lire la crise que je lui ai faite plus haut.

Ce jour où je l’ai rencontrée, merveille parasitaire, idée-virus, aiguille de feu, voici ce qu’elle m’a dit :

« Saute dans le prochain gouffre que tu trouveras, s’il-te-plaît. Au mieux, tu mourras et le monde sera un peu moins pathétique. Au pire, des ailes d’ange te pousseront. »

Alors tu sais, mon vieux, j’ai sauté. C’était pas un petit gouffre. C’était un abysse, horrible. Ses rebords béaient comme la gueule d’un molosse. Une gueule pleine d’ombre et de noir, le genre de ténèbres où, sans prévenir, tu redeviens un enfant. Le genre de nuit qui grouille d’insectes et de vers, de poissons aveugles et gluants, qui pue la mort à des lieux à la ronde.

Ben mon vieux, j’ai voulu en finir grâce à toi, j’ai sauté. J’ai vu l’ombre défiler, uniforme, dérangée çà et là par la silhouette d’une dent de roche. Mon estomac décroche et mes glandes vomissent leur adrénaline hurlante qui rush dans mes veines.

Bah, c’est pas si différent de quand tu parles à une fille qui te plait, tu sais.

Un abysse, c’est profond. Tu as de très longues minutes pour regretter ton geste, mais aussi pour t’habituer à la situation. Ton sang se calme, tes viscères s’habituent à la vie en apesanteur. Tu regrettes un peu et tu te mets à réfléchir.

Le truc con, c’est que si ça arrive vraiment (ta connerie d’éternel retour, là), je serai bloqué dans une boucle pathétique qui finirait par mon suicide à chaque fois. Je me dis que c’est sûrement ça, l’enfer. C’est pas pour les méchants, c’est pour les faibles. Je m’apaise, résigné. Je profite du paysage, des nuances de noir et de roche. Ma chute a duré si longtemps que vers la fin je savais distinguer un ébène mat d’un suie poudreux, un corbeau (mon préféré, noir parfait avec une pointe de ciel) d’un ivoire minéral. Encre, jais, velours, tous les noirs ont leur texture et leur goût. L’air hurlant contre mes tympans, je me surpris à sourire, ivre de ma cécité polychrome. Puis j’arrivai vers le fond du gouffre. Le noir se teinta d’or.

Au fond, il y avait le feu. Des coulées de magma ardent qui sinuaient dans le froid rocheux. Ruisseaux, mares, flaques de flammes fluides et paresseuses. Elles repoussaient, presque avec tendresse, la nappe d’ombre d’où je fusais. L’or et l’orange, souffre et nacarat, flamboiement, tissaient leurs motifs sur la roche que je voyais à présent bistre et lisse. J’en fus très ému, mais de ne pouvoir partager cela avec personne... le démon s’était tenu coi depuis que j’avais sauté.
En pleurant et en riant à l’intérieur, je me préparais à éclater ma viande contre l’obsidienne qui s’approchait.

C’est grâce à la lumière indolente de la lave que je l’aperçue. Une forme blanche et recroquevillée, nue sur la roche noire et froide, proche d’un delta de feu fluide. Elle était proche de mon futur point de chute. Malgré l’imminence du trépas, je décidai de dédier mes derniers… je décidai de dévisager… d’épier, d’évaluer… de…

J’observai, et plus j’observais, plus je tombais, plus m’approchais de la silhouette blanche, plus voyais.

Sa peau était d’un blanc perle. C’était une fille. Elle était toute nue, toute menue. Elle avait du rouge qui coulait des poignets, vraiment beaucoup. Et elle pleurait. De ses épaules saillaient des perches sanglantes et brisées, auxquelles pendouillaient quelques plumes brûlées. Elle était là, entre la nuit et la nuit, recroquevillée. Elle pleurait encore plus qu’elle ne saignait, et ça faisait du rouge sale sur la roche lisse.

Tu sais vieux, elles ont poussé mes ailes. J’ai pas réfléchi, j’ai foncé comme un fou. J’avais une sacrée vitesse de chute, alors quand elles ont pris le vent, ça m’a presque arraché le dos. Ça s’est tendu comme une toile de peau et ça m’a fait un mal de chien, mais ça m’a bel et bien ralenti. J’ai piqué pour prendre de la vitesse, j’ai failli m’écraser dans un petit lac de lave, j’ai redressé juste assez tard pour que ça sente la cigarette. En plané, j’ai pris une trajectoire presque parallèle à la roche noire, pour la rejoindre. Quand je suis arrivé à peu près, peu ou prou, de proche en proche, au-dessus d’elle, je me suis laissé tomber d’un peu trop haut.

J’ai glissé sur la roche lisse comme du verre brut, puis je me suis éclaté la gueule proprement. Mon aile droite s’est cassée, mais ça ne m’a pas trop fait mal. La fille me regardait, avec la lueur incrédule de ceux qui ont beaucoup prié dans le noir et qui voient leur vœu s’exaucer.

Là, je me suis tout de suite dis que si je l’avais pas vue, je serai devenu une flaque de sang pleine d’esquilles et de morceaux luisants.

La suite je vous la passe, par pudeur, parce que oui, on a baisé comme des fous. On avait du sang partout, le mien et le sien, mais on s’en foutait. On a crié le plus fort possible, pour que ça rebondisse dans tout ce canyon noir et or, que toutes les saloperies qui nous regardaient depuis leurs niches dans la paroi nous entendent.  Ah merde, j’ai raconté finalement.

J’ai pas regretté d’avoir sauté. C’était mieux qu’une taf de cigarette.

On a habité le gouffre pendant un moment, puis on a voulu remonter. Ses moignons d’ailes étaient inutiles, je les lui ai cassés comme on casse du bois sec, et j’ai tiré pour les enlever de son dos, en essayant de pas trop lui faire mal, parce que ça la gênait trop pour dormir, marcher ou faire l’amour. Les miennes nous ont porté sur quelques lieues de hauteur, avant d’être trop fatiguées. Celle que je m’étais froissée nous faisait aller de biais, et on s’est écrasés ensemble contre la paroi. On a eu peur de tomber sur un poisson aveugle ou un ver gluant, mais on s’est juste mangé la pierre noire en pleine face, on a glissé et on s’est écorchés contre la roche, puis on a trouvé des prises pour nous arrêter. Ça a tiré fort sur nos bras malingres, mais on s’est hissés, mètre après mètre, souffle après souffle, sans s’arrêter. On a grimpé pendant des années. On a mangé mes ailes cassées pour survivre, et quelques poissons aussi. Puis un jour, on en est sortis.
 
Après un truc comme ça, la réhabilitation sociétale n’est pas évidente. On a décidé de s’installer ensemble, et puis on a lutté contre les souvenirs. Nos corps étaient couverts de marques, de cicatrices, nos os s’étaient mal ressoudés. Mais on avait une force nouvelle aussi, des années de grimpe ça vous marque, on avait la viande plus robuste, le bras ferme, le torse solide. Je ne sais pas comment elle a géré tout ça de son côté, mais pour moi ça n’a pas été facile.

J’avais toute cette force, mais, mon vieux, qu’est-ce que j’étais crevé. Je pouvais pas forcer sur un muscle sans rouvrir une plaie, et vas-y que ça pisse le sang, et vas-y que ça chiale. Là, ton démon est revenu. Il se foutait de ma gueule. Je pouvais pas sortir de chez nous sans tanguer comme une épave, sans tituber comme un infirme.

J’suis allé voir le docteur. Il m’a donné les médocs. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. Je me suis réveillé d’un seul coup, frappé par une révélation de taille. C’était la première fois que je dormais de ma vie.

J’étais reposé.

Le seul truc, c’est que le médecin m’a dit, droit dans les yeux : « N’arrêtez jamais de prendre ces médicaments. »

Moi j’ai flippé, et j’ai pas arrêté les médicaments, du coup.

Bon là, tu recolles avec le début, quand j’ai piqué ma petite crise. Je ne regrettais rien, mais j’étais une bougie toute fondue et le démon que tu m’avais collé dans le crâne me gueulait dessus tous les jours. Ce fut l’époque des tic-tacs cardiaques, des joints et du temps qui file entre les doigts.

Pour terminer cette petite lettre, mon vieux, j’ai pris deux instantamots que je te mets en pièce-jointe. C’est pour te rassurer un peu, que tu ne penses pas que tout est aussi noir que cette police de caractère.

Le lézard

Un combat, c’est la façon la plus saine de te soulager temporairement du poids de ta conscience d’Homo Sapiens. Enterrée sous la toile emmêlée de tes neurones, tu as une boule de nerfs primitifs qui compacte l’essentiel des instincts qui ont permis à tes lézards d’ancêtres de pas crever face aux scorpions géants avec qui ils se disputaient les premières terres habitables de l’histoire de notre monde. Tu orientes toute l’énergie synaptique vers ce noyau primal, ton cerveau reptilien. Il réagira plus vite que ton centre décisionnel made-in-macaque, bien plus vite. Tu débranches le reste, ta pupille se contracte, tu passes en mode survie. Tu es un guerrier, crois-moi. Ta cervelle sait quoi faire, elle est aux commandes : adrénaline pour accélérer les réflexes et doper les muscles, endorphine pour combattre la douleur, sueur pour rafraîchir la peau. Tu n’as presque rien à faire. Tu déconnectes tout ce qui t’empoisonne la vie : pensées abstraites, systèmes de croyances, créativité, mémoire, cognition sociale. L’énergie phénoménale que tu employais pour satisfaire ton narcissisme, trancher tes cas de conscience, suivre ton instinct de reproduction, est alors redistribuée dans tes circuits sensori-moteurs avec un seul but : survivre. Derrière toi, en file indienne, se tiennent tes ancêtres. Tous, jusqu’aux putain de lézards en passant par toute la ribambelle des macaques. Tu vas utiliser les mêmes mécaniques multimillénaires, forgées et affinées par des millions d’années d’évolution, qui leur ont permis de survivre et, à terme, de te larguer ici. Bas-toi, singe nu. Tu n’es plus Sapiens. Tu es fibres musculaires, veines gorgées de sang, ventricules-métronomes, tendons, réflexes, yeux, oreilles, dents, ongles.

Tu ne sais plus rien. 

Un combat, c’est du solfège pour tout le corps. Un orchestre polyphonique musculaire. C’est un morceau de musique, mais tu l’as pas dans les doigts, tu l’as partout.

N’éteins pas tout de suite ta pensée abstraite. Tu en as besoin une seule fois pour te souvenir de ce qu’est une arme. Il en a une ? Si oui, cours ou meurs. Même si c’est un couteau. Si non, fonce pour tuer. Tu peux éteindre.

Reptilien. Fixe ton regard sur le plexus, tes yeux capteront les mouvements de ses jambes et de ses bras. Tes ancêtres ont listé pour toi la liste des zones à attaquer. Rien à retenir, tu as juste à écouter ton propre corps pour le savoir. Tempes-Yeux-Nez-Gorge. Plexus-Mains-Coudes. Foie-Aine-Genoux. Oreilles. Éteins tout je te dis ! Tout est déjà archivé, le lézard sait quoi faire.

C’est parti, avance le pied droit, tends tes mains devant le visage, comme si tu voulais éviter le combat. S’il avance, balance la droite. Pas un coup de poing, non. Tu raidis les doigts, pliés, tu vas vers les yeux, tu pousses et tu griffes. Avant même qu’il ne crie, tu avances ton pied, tu te souviens, il est déjà devant, entre ses jambes, et tu remontes brutalement, tendu, pour que ton tibia rencontre ce qu’il a entre les cuisses, quoique ce soit. Là, il va plier, tu auras sa tête au niveau de ta poitrine. Tu reprends appui avec ton pied avant, tu pivotes les hanches vers la droite, tu lances ton coude contre sa tempe, sa mâchoire ou son oreille. Tu as gagné. Deux secondes. Tu débutes. S’il bouge encore (le coude était faiblard, il a touché la mâchoire), tu shootes dans sa tête comme dans un ballon de foot, le plus vite possible pour ne pas qu’il agrippe ta jambe et t’amène au sol.

Tu rebranches le cerveau. T’as le palpitant affolé, c’est normal. L’adrénaline est toxique pour l’organisme à haute dose, tu vas être fatigué. Tu vas avoir mal à des muscles que tu n’auras même pas utilisés.

Trois fois par semaine, c’était l’entraînement. Le plus dur quand tu commences, c’est de porter les coups à puissance réelle, tout en amortissant au dernier moment pour ne pas blesser ton partenaire. J’avais déjà un peu d’expérience avec le dojo, mais ici c’était encore plus nécessaire. On s’entraînait sans protection. On rigolait bien, les gens étaient vraiment sympas et on ne se blessait jamais.

On était tous très différents, de tous les âges. Un point commun : on voulait être prêts, on avait quelque chose à protéger. Au fur et à mesure du semestre, c’est devenu plus dur. Les exercices de musculations étaient plus exigeants, j’étais en train de décrocher. J’ai passé le grade haut la main, performance honnête pour un débutant, mais je ne me souvenais plus pourquoi j’étais là.

Je suis pas un lézard.

Métastase

J’ai rêvé d’elle. C’est la phase deux du coup de foudre. Dommage. J’ai cru à la rémission jusqu’au bout. On l’avait pris à temps, ça ne s’était pas trop métastasé de partout, j’ai fait ce qu’il fallait. Mais bon, ce sont des choses qui arrivent, parfois, une cellule malade survit et se multiplie dans un silence morbide. Si j’en suis au stade du rêve, c’est que c’est bien avancé.

Je l’ai vue une seule fois.

Sa beauté était intolérable. Elle m’a frappé en plein front et a coulé dans tous mes vaisseaux.

Force vulnérable, immense ! Yeux cernés, sombres, brillants, vifs, doux, oiseau de nuit, insomnie, lutte, peur, courage. Teint clair, on voit le pourpre vivant qui anime son visage, le masque transparent et sincère de la vie. Cheveux coupés courts, défi, assurance, riposte. Guerrière. Lèvres alizarine, provocatrice, gourmande, effrayée ? Visage fin, doux, taille menue, jambes longues, collants noirs, robe de laine blanche, chapeau. Lutte pour exister. Sœur d’arme, Sœur d’âme, Sœur. Sa gorge… Douceur, tendresse, compassion. Mordante, pointue, une touche d’arrogance. Insupportablement belle.

Neuf mois après, j’ai rêvé d’elle. Un rêve-démon en gestation dont j’ai accouché à l’improviste.

Ça m’a mis de mauvaise humeur. J’ai raté mon train, perdu ma carte bleue. Je te tiens au courant de l’évolution. Pour l’instant, j’ai des pétales de nénuphar plein les poumons.

PS : c’est dommage que tu sois mort sexiste.


« Modifié: 05 septembre 2017 à 18:34:20 par Aube »

Hors ligne Nacas

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Bonjour, Aube.

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t’as qu’à lire la crise que je lui ai faite plus haut.
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(ta connerie d’éternel retour, là)
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Ah merde, j’ai raconté finalement.
Citer
Après un truc comme ça
Ça, je déteste.


Bien, c'est noté, commençons donc. En coup de vent, par limitation matérielle, et par ordre :

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corbeau (mon préféré, noir parfait avec une pointe de ciel)
Le meilleur noir est l'oiseau, Oui.

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je me préparais à éclater ma viande contre l’obsidienne qui s’approchait.
"...que j'approchais" serait quand même tellement plus classe.

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Elle était proche de mon futur point de chute.
Tu piétines.

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J’avais une sacrée vitesse de chute, alors
"Vitesse de chute" fait un peu artificiel.

Citer
lisse comme du verre brut,
Un peu gratuite, la comparaison.

Citer
Mon aile droite s’est cassée, mais ça ne m’a pas trop fait mal.
"...pas fait trop mal" est carrément plus sympa.

Citer
(de) ceux qui ont beaucoup prié dans le noir et qui voient leur vœu s’exaucer.
Comme l'impression qu'il manque un mot, pour compléter le beau.

Citer
Là, je me suis tout de suite dis que si je l’avais pas vue
Mauvais.

Citer
La suite je vous la passe, par pudeur, parce que oui, on a baisé comme des fous.
J'aime pas ça. Puis c'est hyper voyant, comme prétérition.

Citer
" C’était mieux qu’une taf de cigarette."
Moyen.

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Ses moignons d’ailes étaient inutiles, je lui ai cassé comme on casse du bois sec, et j’ai tiré pour les enlever de son dos,
Bof.

Citer
Les miennes nous ont porté sur quelques lieues de hauteur, avant d’être trop fatiguées. Celle que je m’étais froissée nous faisait aller de biais
Bof. x2

Citer
On a eu peur de tomber sur un poisson aveugle ou un ver gluant, mais on s’est juste mangé la pierre noire en pleine face, on a glissé et on s’est écorchés contre la roche, puis on a trouvé des prises pour nous arrêter.
Bof. x3

Citer
pour survivre
Complètement malvenu d'après moi, pour plusieurs raisons : 1- c'est pas beau ; 2- sérieusement ? Une note de réalisme ? ; 3- lieu-commun.

Citer
Je pouvais pas forcer sur un muscle sans rouvrir une plaie, et vas-y que ça pisse le sang, et vas-y que ça chiale. Là, ton démon est revenu. Il se foutait de ma gueule.
Bof. x4

Citer
Bon là,
Bof bof bof. "Et là,", ça glisserait déjà mieux.

Citer
Sapiens
Pas convaincu par la majuscule et l'italique.

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(le coude était faiblard, il a touché la mâchoire)
Arrête ça.

Citer
métastasé
Rappel du titre assez superflu je trouve.

Citer
Insupportablement belle
Lieu-commun, attention.


Bon, mis à-part ceux-là, et aussi quelques autres, c'est un putain de bon texte ; et j'aurais carrément pu être tellement fier de l'avoir écrit, parfois.
Mais tu sais bien que cela n'est pas mis à-part.

Pas fan du titre.


Bref, Aube, c'est hyper propre. Ça gondole de phrases puissantes, et vraiment. Par bien des fois, c'est Beau.
C'est dire si c'est dommage qu'il y ait ces laideurs.

J'ai failli subir un coup du coeur ; bravo.
Merci.



Et maintenant c'est à toi, Miro ;
Nacas.
« Modifié: 09 juin 2017 à 14:53:05 par Nacas »
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Hors ligne Pyjsa

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(réponse contextualisée)

“Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : « … »

-Tu fumes la poussière des ailes de ta copine. Mais le feu, c’est moi qui vous l’ai donné pour les réduire en cendres. Avant la mort de Dieu, avant Papa, avant Maman, j’avais vu tes côtes s’enfler, pas autrement : celui-là est pour un pétard.

Aube

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Yop Nacas ! Je t'ai vu zoner sur le forum récemment et je guettais ton com', à vrai dire j'ai été ravi que tu me commentes en premier, tu es toujours très pointu et incisif, c'est super.

Et puis ton avatar de la couv' de Coeur de Canard, ça envoie du lourd.

Les passages que tu cites en premier, je suis ok pour la première. Pour les autres j'aimerais que tu m'expliques mieux. La parenthèse superflue ? C'était pour ceux qui, n'ayant pas les références de philo, n'auraient rien compris depuis le début. Pour la chute de la prétérition, ça alourdit cette figure déjà grossière ? J'ai essayé de la rattraper en mode naturel en fait. Et pour le "Après un truc comme ça" c'est le lexique générique ?

Merci beaucoup pour les relevés, suggestions et corrections, je suis d'accord pour la plupart et je corrigerai dès mon prochain edit.

Tu as beaucoup relevé dans le passage de l'abysse, tu trouves qu'il est en décalage avec le reste ? C'est rigolo parce que le premier retour que j'ai eu (hors forum) était plus mitigé sur le début du texte et beaucoup plus détendu à partir de la narration qui s'engage dans l'abysse.

Le "pour survivre" est mal interprété je pense (à moi de le faire mieux passer chez le lecteur). Point de considération terre à terre ou nutritionnelle, nul réalisme, juste c'est important que le perso n'ait plus d'ailes quand il remonte et le fait de les avoir bouffer était pour moi plaisant dans la symbolique, ça rappelle Icare en plus gore, j'aime bien. Qu'est ce qui t'a tant choqué sur la forme de l'énoncé ? Je peux peut-être l'améliorer ?

Enfin dans le mini-texte Le lézard, tu pètes un câble sur la parenthèse, qu'est-ce qu'elle a ? :)

Tout le reste je prends je prends je prends.

Content de t'avoir touché, c'était vraiment une prise de risque ce truc ^^ Je suis heureux que ça ait marché à peu près, et je vais le polish dans la semaine.
Le titre, soit ça vient, soit c'est moche... Là je suis bien ouvert aux suggestions parce que je l'ai pondu uniquement pour le post du forum, ce titre.

Merci beaucoup de la lecture, à + :)

@Pyjsa

Merci de ce commentaire aussi bref que sibyllin, et de ta lecture. Fais attention à toi dans la vie et tout :)


Hors ligne Nacas

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Salut, Aube

Ce ravissement est le mien, je t'en assure. Chacun son avatar ; celui-là est partout le mien. M'enfin, toujours plu de plaire.

Les premiers passages, ce sont tous ceux où tu parles du texte. Précisément, c'est une chose qui me désagréable.

Je reviendrai relire à ta demande, alors.

Je trouve que le passage de l'abysse tombe plus souvent dans le banal, qu'il est plus souvent moins bon, moins intéressant. Mais ce n'est pas tant le passage en lui-même que ses écarts, qui m'ont chagriné.

En fait c'est simplement ce "pour survivre" qui pourrait être supprimé sans remord, je pense ; il enlève plus qu'il n'apporte. Je vois que tu as enlevé sa virgule d'enclave ; c'est mieux, mais pas encore au mieux d'après moi. "pour manger", par exemple, serait, je crois, ravissant.

C'est un peu pour la même raison que pour les premiers cités que je n'aime pas cette parenthèse, en fait. Je trouve désagréable d'avoir droit à un paratexte entre parenthèses en un endroit comme là où la note pourrait très bien s'incorporer au récit pour de bon. Cette parenthèse me sort du paragraphe.


Sans prise de risque, on ne prend généralement pas grand chose...
Pour le titre, "Lettre à Nonsieur", ce ne serait pas chouette ?

Je passerai m'aguicher à ton comptoir plus souvent, je pense.


Nacas.
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Hors ligne Miromensil

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Tu ne m’attendais surement plus, mais me voilà  :huhu:

Citer
Si vous lisez, allez-y franchement sur les commentaires, j'ai vraiment envie de m'améliorer et d'être éditable, un jour, dans longtemps
C’est donc parti pour essayer de commenter dans cette optique o/

Citer
“Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude
espace après les guillemets (à chaque fois)
solitude est peut-être un pléonasme de solitaire ? m’enfin les deux vont bien ensemble avec le « soli » -j’avais jamais remarqué d’ailleurs

Citer
Ce démon, c’était toi, mon vieux.
je l’ai lu 2-3 fois avant de le commenter donc je sais que le tu = Nietzsche mais au début je savais pas… ça créé un flou, pas désagréable ma parole, d’autant qu’on comprend vite à qui la lettre s’adresse. enfin moi il me semble que j’ai plus eu trop de doutes au bout d’un moment

Citer
Toi et ta dégaine de prodige obsolète, brûlant d’un feu neuf à l’horizon d’une époque, à l’aube d’une autre.
Depuis septembre j’ai bossé un DM sur Nietzsche, donc je fais spontanément de multiples liens entre tout ce que j’ai lu le concernant et ton texte mais bon… ça sortirait du présent commentaire de commenter en plus toutes les références à son oeuvre. Mais je suis contente de le voir ici, qu’on se le dise

Citer
Ton fiel suffisant, ta sagesse puante, tu me l’as crachée à la gueule à travers le siècle qui nous séparait.
j’aurais mis : « tu me les as crachés » ? parce que c’est le fiel + la sagesse le sujet je dirais

Citer
Le Gai Savoir, que t’as appelé ça.
(aphorisme 278 x) mais faudrait que je lise en entier, je l’ai pas lu en entier celui-là)

Citer
Il a poussé sur ma cervelle comme un vieux lierre qui force ses vrilles dans les interstices d’un mur de pierre
« dans » ma cervelle ne serait pas encore plus fort ?

Citer
juste au-dessus de ces yeux dont je me sers pour voir.
c’est nécessaire de dire que tu te sers de tes yeux pour voir ? ^^

Citer
A chaque battement de cœur où je ne jouis pas complètement par tous les pores de ma chair
idem, c’est nécessaire de préciser que tu parles des pores de la chaire ? je pense qu’on s’en doute, mais peut-être que tu précises tout ça pour une raison qui m’échappe

Citer
Tout ce que j’y perds, c’est mon temps. Là, à me lamenter. Pitoyable.
Aïe

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C’est le moment où jamais de « devenir qui tu es ».
« ou » je pense

Citer
Marque la, cette putain d’Histoire, marque la !
marque-la… mais je suis pas certaine

Citer
Tu seras prêt pour le recommencement…
^^

Citer
J’aspire jusqu’à ce que mes côtés me fassent mal,
côtes ou côtés ?

Citer
Dans un grand arc de cercle, parfait, régulier, de mes lèvres, jusqu’à la hanche gauche.
c’est hyper visuel.. c’est pas la seule phrase, mais c’est une force du texte

Citer
******************************************************************************************************
je suis sure que tu peux faire une transition plus élégante. pourquoi pas juste 3 étoiles ?

Citer
On m’a donné une puissance de monstre, mais ma faiblesse est bien plus immense.
^^

Citer
Ton démon, il a bondit hors du papier et il m’a tenaillé le visage
bondi

Citer
« Saute dans le prochain gouffre que tu trouveras, s’il te plaît.
s’il-te-plaît ?

Citer
Mon estomac décroche et mes glandes vomissent leur adrénaline qui rush en hurlant dans mes veines.
je trouve que ta phrase serait plus forte/frappante si tu choisissais entre rush et hurlant

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Le truc con, c’est que si ça arrive vraiment (ta connerie d’éternel retour, là), je serai bloqué dans une boucle pathétique qui finirait par mon suicide à chaque fois. Je me dis que c’est sûrement ça, l’enfer. C’est pas pour les méchants, c’est pour les faibles. Je m’apaise, résigné.
je pense bien que ce sont parmi mes phrases préférées du texte

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L’or et l’orange, souffre et nacarat, flamboiement, tissaient leur motifs sur la roche que je voyais à présent bistre et lisse.
leurs

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je me préparais à éclater ma viande contre l’obsidienne qui s’approchait.
qui approchait ?

Citer
J’observai, et plus j’observais, plus je tombais, plus m’approchais de la silhouette blanche, plus voyais.
j’aurais enlevé le « plus voyais »

Citer
On a décidé de s’installer ensemble, et puis on a lutté contre les souvenirs. Nos corps étaient couverts de marques, de cicatrices, nos os s’étaient mal ressoudés. Mais on avait une force nouvelle aussi, des années de grimpe ça vous marque, on avait la viande plus robuste, le bras ferme, le torse solide. Je ne sais pas comment elle a géré tout ça de son côté, mais pour moi ça n’a pas été facile.
là y a un truc un peu contradictoire non ? s’ils vivent ensemble, il devrait savoir comment elle l’a vécu de son côté, je dirais

Citer
Le seul truc, c’est que le médecin m’a dit, droit dans les yeux, « N’arrêtez JAMAIS de prendre ces médicaments. »
j’aurais mis deux points après yeux, et pas de virgule ni de majuscule

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du temps qui file entre les doigts et des joints.
si tu mettais soit des/des, soit les/les, ça serait mieux je pense

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Lèvres alizarine
alizarines ?

Bon bon. A partir de « Ce jour où je l’ai rencontrée, merveille parasitaire » ça se lit très vite et très bien, je trouve. Enfin y a un changement de rythme. Je suis peut-être plus sceptique quant au passage sur le lézard par rapport au reste… ça introduit une rupture, il m’a semblé ; mais après m’être attachée à l’histoire des 2 protagonistes, spontanément, j’ai eu envie de lire la suite les concernant. Donc lors de mes 2 premières lectures, j’ai lu plus vite ce passage-là parce qu’il ne concernait pas les protagonistes, pour tout te dire x) Ca m’arrive parfois dans les bons romans de faire ça. C’est une coupure pour mieux mettre en relief le reste ? Note que tu ne l’as sans doute pas voulue comme telle.

Je vais pas être hyper objective parce que j’avais déjà bien aimé le texte que tu avais posté l’an passé (Comment je suis devenu fou). J’espère qu’un commentateur plus assidu passera par ici. J’ai bien bossé le truc de l’éternel retour, je voulais essayer de comprendre ce qu’il y a derrière, et pourquoi que tout cela, donc mon point de vue est biaisé sur le texte pour cette raison-là aussi. J’ai franchement bien aimé, défi relevé haut la main. Mais il n’a pas du être évident à écrire, par contre. Je m'en veux un peu d'arriver après la bataille, de pas avoir commenté au moment où tu l'as posté, mais c'était une période un peu tendue de mon côté aussi  :-[

Hors ligne Sophie131

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Bonsoir Aube (ça me fait rire je sais pas pourquoi)

J'ai noté les quelques fautes que j'ai vues

Ton démon, il a bondit hors du papier : bondi
plus m’approchais de la silhouette blanche, plus voyais : c'est pas très beau sans les sujets (genre vraiment pas)
Ça c’est tendu : s'est
jusqu’aux putain de lézards : putains
T’as la palpitant affolé : je pense que tu voulais mettre le

Et sinon :
c'était vachement bien.
Genre bordélique, je suis pas sûre d'avoir tout compris mais le voyage que tu proposes vaut le détour
Le passage avec le lézard, il était bien, mais j'ai pas compris le rapport (du coup pourquoi ?), à part ça, c'est du high level bravo :)

Hors ligne barnacle

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Hey :)

Si vous lisez, allez-y franchement sur les commentaires, j'ai vraiment envie de m'améliorer et d'être éditable, un jour, dans longtemps.

Je sais pas si c'est éditable, mais ma réaction lors de la lecture a été de l'ordre du "j'ai pas envie d'en critiquer grand chose". Mais pour développer sur ce pas grand-chose :
Il y a deux grandes forces je dirais. La première est de réussir à mêler du très imagé avec un style fluide et naturel. Il reste quelques petits endroits où ça marche moins,  où l'imagerie tombe lourde, souvent parce qu'isolée, non amenée ("Drogué par les volutes d'encens toxique qui envahissent ma chambre, j'étouffe en courant sur les talons de ton ombre.").
Il y a aussi malgré la fluidité des trucs à fignoler, comme toujours. J'ai buté sur ça :
Citer
Tu vivras un peu plus d’une heure de cette dernière journée.

J'étais pas sûr de comprendre "un peu plus d'une heure de cette dernière journée" à la première lecture de la phrase, d'abord, mais surtout j'ai l'impression qu'elle sous-dit ce qu'elle veut dire.

L'autre force est la volonté de creuser dans l'intime et le faut-pas-le-dire.
(je me suis peut-être demandé si je t'avais déjà passé une clope et j'arrive pas à m'en souvenir, et c'est embêtant)
Je vois un risque qui va avec, de retomber dans du convenu par confort. Et si on m'avait décrit le passage du gouffre sans que je le lise, je me serais attendu à quelque chose de super convenu. Mais ça va. J'ai l'impression que c'est fait sans honte, qu'il s'agit d'utiliser l'image plutôt que de prétendre l'avoir inventée.
(je me dis aussi que c'est une image qui revient facilement parce que c'est difficile de ne pas la ressentir vraie quand on est dedans)

Autre chose : en lisant le texte, j'étais convaincu qu'il devait y avoir une histoire de "lézard" dans le défi lancé parce que j'ai vraiment ressenti un gros décrochage au début de cette partie.
On peut faire un lien, et le texte gagne à cette structure de triptyque inégal, mais... mouais. Ça ne clique pas très bien avec le reste pour moi.

Et vite fait, des petits trucs :
Marque la -> Marque-la
tes mot-poisons -> mots-poisons ?
vers l'avant. L'arrière, je veux dire -> je comprends pas.
je lui ai cassé (les moignons d'ailes) -> je (lui) les ai cassés ?
pour te souvenir ce qu'est -> de ce qu'est ?


En fait, ce qui m'est surtout venu à l'esprit en lisant dans l'optique "pistes d'amélioration", c'est l'enjeu des tics, des habitudes faciles que ton style pourrait amener. Mais faudrait plus de textes pour voir ça.
S'il faut réfléchir en terme d'"éditable", la question qui me vient est vraiment plus "Qu'est-ce qui vient après ?" que "Qu'est-ce qui ne pas avec ce texte-là" (parce que ce texte-là va très bien tout seul).
Voilà. Il y a toujours matière à se tracasser si on creuse, mais mon vrai sentiment c'est que c'est très bon et je voudrais que tu continues.
« Modifié: 25 juillet 2017 à 19:20:40 par barnacle »

Hors ligne kokox

  • Grand Encrier Cosmique
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Salut Aube,  :)

Un texte tip-top, aux petits oignons découpés façon scalpel, indéniablement puissant.
Pas trop envie de rentrer dans les détails. On se prend ou on ne se prend pas tout pleine poire !
J'avais adoré "Comment je suis devenu ouf de chez ouf", celui-là restera également gravé dans ma mémoire.
Tiens, je sais que j'ai pas droit, mais je place le lien ci-dessous pour celui que ça chatouillerait d'aller zyeuter tes autres extravagances :
http://monde-ecriture.com/forum/index.php/topic,19565.msg316317.html#msg316317
Bon bah, me reste plus qu'à finir sobrement mon compliment en te disant ceci : "Quand Aube se lève, le soleil se couche !" :)

Que le diable t'emporte !
Bien à toi, démon ! :)

Hors ligne Milora

  • Trou Noir d'Encre
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  • Championne de fautes de frappe
Hello, Aube !

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Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : « … »
Elle est classe, cette entrée en matière !

Citer
Il a poussé sur ma cervelle comme un vieux lierre
:coeur:

Citer
juste au-dessus de ces yeux dont je me sers pour voir.
Joli aussi

Citer
Ja, ich weiß, woher ich stamme,
Ungesättigt gleich der Flamme
Glühe und verzehr’ ich mich.
Licht wird alles was ich fasse,
Kohle alles, was ich lasse,
Flamme bin ich sicherlich.
:putainlafaute: Je sais que tu avais mis un avertissement pour "allemand" dans le tag, mais ça m'a quand même choquée.
Désolé, vous n'êtes pas autorisé à afficher le contenu du spoiler.


Citer
j’ai même eu l’ambition de terminer ta route.
C'est joli, ça aussi !

Citer
******************************************************************************************************
Comme Miro, je trouve que ces transitions ne sont visuellement pas super élégantes (je vote aussi pour les trois astérisques centrées, ou une seule, ou que sais-je, mais un truc qui fasse moins Courrier new  :D )

Citer
Là, tu as ce regard désolé. Tu veux que j’aille plus loin que toi. J’irai simplement ailleurs. On s’enverra des lettres si tu veux.
C'est joli aussi !

Citer
Oh, tu sais, il n’est pas si terrible ce démon.
Vu le style plutôt oral (avec des "oh", de l'argot et tout ça), je trouve que le "n' " est de trop.

Citer
Il a forcé ma mâchoire de ses griffes et s’est glissé dans ma gorge. Là, il a creusé la chair jusqu’à trouver, au fond, mes vertèbres, qu’il a escaladées. Tout sanglant, il a planté ses crocs dans ma cervelle et a aligné ses yeux derrière les miens et m’a fait tourner la tête, vers l’avant.
C'est gore ! :D

Citer
je serai bloqué dans une boucle pathétique qui finirait par mon suicide à chaque fois
Bug de temps : soit : "si ça arrive... je serai bloqué... qui finira" soit "si ça arrivait... je serais bloqué... qui finirait"

Citer
J’observai, et plus j’observais, plus je tombais, plus m’approchais de la silhouette blanche, plus voyais.
Je comprends pas la disparition des "je". Elle semble délibérée mais je trouve pas que ça rende super bien.

Citer
Tu sais vieux, elles ont poussé mes ailes.
Bug de virgules : tu sais, vieux, elles ont poussé, mes ailes. (sinon c'est fautif)

Citer
j’ai redressé juste assez tard pour que ça sente la cigarette.
Je comprends pas bien cette image

Citer
Quand je suis arrivé à peu près, peu ou prou, de proche en proche, au-dessus d’elle, je me suis laissé tomber d’un peu trop haut.
peu x2

Citer
Là, je me suis tout de suite dis que si je l’avais pas vue
dit

Citer
On a eu peur de tomber sur un poisson aveugle
Vu que tu construis tout l'image de l'abysse autour du feu, de la lave, de l'enfer, je trouve que l'image du poisson aveugle tombe un peu comme un cheveu sur la soupe

Citer
J’suis allé voir le docteur.
j'aime pas le "j'suis", je trouve que ça fait caricatural du texte oralisé, alors que jusqu'ici, tu avais vraiment le ton juste (oral mais travaillé). Le "j'suis" ça va dans un dialogue où on donne la parole à un vieux paysan du XIXe siècle, on va dire :kei: Mais ça sonne faux, dans ton texte, il me semble.

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Il m’a donné les médocs. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. J’ai dormi. Je me suis réveillé d’un seul coup, frappé par une révélation de taille. C’était la première fois que je dormais de ma vie.
J'aime beaucoup la répétition du "j'ai dormi" !



Alors alors.
Il est dur à commenter, ce texte.
Déjà, pour le style, la poésie désespérée de tes bouts de phrases, les images qui portent le texte : c'est vraiment, vraiment réussi. On s'y sent, on suit tes métaphores qui partent vachement bien mais qui laissent toujours un fil conducteur auquel s'accrocher pour ne pas être éjecté du texte. C'est joli, bien maîtrisé, et ça transmet vraiment des sensations.
Par contre, là où je suis dubitative, c'est pour la structure globale du texte. Jusqu'à la remontée du gouffre par le narrateur et la fille aux ailes brisées, je trouve ça super bien mené. Limite ça aurait pu s'arrêter là, avec peut-être juste un ou deux paragraphes en plus pour bien boucler l'histoire.
Mais ensuite... j'ai pas compris. Comme Sophie131, je trouve le passage du lézard certes réussi mais je vois pas du tout le lien. Quant au passage intitulé "métastase", là ça m'a fait penser que j'avais rien compris depuis le début : il a juste parlé une fois avec la fille, finalement ? Toute la métaphore du gouffre, c'était dans sa tête, il a jamais vécu avec elle, tout ça ? Je comprends pas bien.
Et j'ai pas du tout compris le "PS", j'avoue.

Bref, j'ai trouvé le texte bien écrit, le style réellement porteur, le thème touchant, mais j'ai l'impression que ça part en vrille après le passage du gouffre, ça me chafouine...  :-\
Il ne faut jamais remettre à demain ce que tu peux faire après-demain.

Hors ligne Loïc

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Salut salut !

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Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans ta plus solitaire solitude et te disait : « … »

Chouette entrée en matière.

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J’ai une drôle de façon de fumer. Que ce soit un pétard ou une clope.

Le point me semble une rupture trop forte.

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Là, tu as ce regard désolé. Tu veux que j’aille plus loin que toi. J’irai simplement ailleurs. On s’enverra des lettres si tu veux.

Tout le dialogue est très fort, cette phrase le finit superbement.


Boooooooooooooon.
Comme d'habitude dans tes textes, y a cette force et cette maitrise qui font que même s'il y a un ou deux détails qui m'ont fait sortir, je replonge aussitôt, attrapé dès le début et jusqu'à la fin, je pouvais pas lâcher le texte pour équeuter les haricots.
(Je m'en suis sorti quand même).

Merci !
"We think you're dumb and we hate you too"
Alestorm

"Les Grandes Histoires sont celles que l'on a déjà entendues et que l'on n'aspire qu'à réentendre.
Celles dans lesquelles on peut entrer à tout moment et s'installer à son aise."
Arundhati Roy

Aube

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Re : Lettre à Monsieur N. [défi de Miro] [mini-explicite] [drogues] [allemand]
« Réponse #11 le: 03 septembre 2017 à 20:08:11 »
Bonsoir tout le monde et excusez-moi de cette réponse tardive ! Je vous remercie tous pour vos commentaires qui étaient tous très pertinents, et j'ai appliqué presque toutes les corrections/propositions que vous m'avez faites. Je suis content que ce texte vous ait plu, comme pour "Comment je suis devenu fou", ça redonne confiance et ça pointe efficacement les points qu'il reste à travailler. Merci à vous toutes et tous pour vos lectures encore une fois, et ceux que je connais IRL j'espère qu'on se croisera bientôt ! :)

Je ne pense pas retoucher ce texte à présent car il provient d'une démarche trop particulière, mais il a formé un exercice très formateur une fois associé à vos critiques sur ce qui était cool et moins cool.

Du coup, la version raccourcie et corrigée de ce texte est en lice pour les coups de coeur. On verra ce qu'il adviendra. ^^

Hors ligne Edel Weiss

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Re : Lettre à Monsieur N. [défi de Miro] [mini-explicite] [drogues] [allemand]
« Réponse #12 le: 05 septembre 2017 à 18:32:28 »
Passage rapide sur la version courte :
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t’as qu’à lire la crise que je lui faite plus haut.

Que je lui ai faite non ?


Je n'ai pas été conquise par cette version, j'irai lire un jour peut-être, si j'ai le temps, la version longue, pour comparer.
J'ai aimé l'idée du démon, de l'obsession de la faiblesse, mais je n'ai pas aimé le langage vulgaire par moment, ni certains passages de l'histoire que je trouve trop décrochés, trop énigmatiques, pas assez situés à mon goût. Le passage avec la conversation avec le père par exemple a été brutal pour moi, alors que j'étais plutôt accrochée au début. Suite à ça, je suis tombée et me suis écrasée. Tout ce qui a suivi cette conversation avec le père a perdu pour moi en charme et en logique (logique narrative j'entends, pas forcément la logique logique ^^). J'ai décroché.

Je n'ai pas lu les autres commentaires et je ne sais pas si ça t'aide, mais voilà mon ressenti.


Edel
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Aube

  • Invité
Re : Lettre à Monsieur N. [défi de Miro] [mini-explicite] [drogues] [allemand]
« Réponse #13 le: 05 septembre 2017 à 18:39:08 »
Salut Edel Weiss, merci de ton passage ! :)

En effet, je comprends tout à fait que ce genre de texte assez... "impressionniste" puisse laisser froid ou du moins ne pas se montrer engageant. Je trouve comme toi qu'il est très, trop déconstruit et que j'avais réussi à faire contrepoids avec les deux hors-sujets à la fin, ne serait-ce que pour donner un rythme qu'on pourrait qualifier d'atypique plutôt que d'erratique. Je ne suis moi-même pas convaincu que ce texte m'aurait plu en tant que lecteur, parce qu'il est trop égocentré, il ne dit rien au lecteur, à part peut-être pour les personnes qui me connaissent. Les avis positifs m'ont surpris et je les comprends également, je voulais justement voir si ce genre d'expérience pouvait toucher au-delà de la barrière de l'anonymat. Apparemment oui mais comme je m'en doutais, pas pour tout le monde. ^^

Merci beaucoup pour le com et la lecture. :)

Hors ligne Edel Weiss

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Re : Lettre à Monsieur N. [défi de Miro] [mini-explicite] [drogues] [allemand]
« Réponse #14 le: 05 septembre 2017 à 19:52:23 »
Citer
trop déconstruit

Je pense que le texte pourrait être amélioré, le côté déconstruit pourrait être mieux mis en oeuvre disons, de mon point de vue. Ici, j'ai du mal à justifier cette déconstruction, je trouve que le texte manque de réponse. Même s'il peut rester en grande partie énigmatique, il l'est un peu trop ou pas assez; en lisant je cherche un sens que je ne trouve pas. Et je ne comprends pas ce qui justifie vraiment cette absence de sens et de construction.
Mon dernier texte : Le Prix d'un coeur [AT]
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