salut !
j'ai lu imperium de lordon.
lordon, ex économiste, devenu plus ou moins philosophe (en tout cas, son rattachement disciplinaire désormais c'est la philo).
dans imperium, il parle des "corps politiques".
c'est un long livre qui revisite la question "qu'est-ce que c'est un groupe social, un groupe politique", avec les outils de spinoza.
donc il parle des groupes politiques comme étant un corps, un corps qui a des affects, une puissance, etc. bref il applique les concepts de spinoza aux groupes politiques.
au total ça donne un truc assez convenu. il n'invente pas la poudre. il se retrouve page 200 et quelques à nous dire que les groupes quels qu'ils soient reproduisent des normes (merci frédo on savait pas) ; que il faut tendre vers l'horizontalité tout en sachant qu'on n'arrivera jamais à l'atteindre complètement. etc. que il faut faire en sorte que la puissance d'un corps social soit bien agencée pour que chacun de ses membres, de ses organes, en soit positivement affectée. etc.
le but de son ouvrage c'est de dire que les anar ont bien raison de vouloir une société horizontale mais que il ne faut pas se raconter d'histoires, il y a nécessairement dans un corps social quel qu'il soit une puissance immanente, une puissance qui "remonte" (il parle d'une puissance immanente) et qui en retour affecte les membres, leur impose des choses ; et que en outre il y a forcément un processus de captation de cette puissance par certains membres du corps. qu'il y a production d'une excédence, par le corps, que cette excédence devient une force qui "pèse" sur les membres, etc. (bref, pour ceux qui ont fait de la socio: il nous dit avec ses mots spinoziens à peu près exactement ce que marx disait (quand il parlait d'aliénation, de fétichisation, de superstructure et d'infrastructure, d'idéologie) et durkheim (quand il parlait du tout qui est supérieur à la somme des parties, des normes qui s'imposent aux individus, etc.).
bref l'impression d'ensemble du livre est un peu désagréable je trouve : lordon des choses 100% vraies. et assez évidentes. et assez banales. et il met 350 pages pour nous les dire. et il nous les dit avec plein de mots latins. et il se répète énormément, sa réflexion avance à pas de tortue.
énormément de métalangage (on pourrait jouer à compter les phrases du genre "répétons le ici" "il n'est pas besoin de rappeler que" (et là il rappelle le truc :---)), "encore une fois" (et là on a envie de lui dire "ah ben effectivement ça tu nous l'as déjà dit quarante fois"), "il faut redire ici à quel point" (ben pourquoi faut le redire ? tu nous l'avais pas déjà dit?), etc etc.
franchement, cette réflexion de lordon aurait pu (pourrait !) faire une excellente brochure d'une quinzaine de pages.
en tout cas espérons que lordon sera plus concis dans son prochain bouquin - et qu'il s'attaquera à des choses moins balisées. et lui qui aime bien les citations un peu pédante, espérons qu'il pensera à ce que disait tchekhov ("la concision est la soeur du talent").
bref, paradoxe : je suis 100% d'accord avec le contenu de ce livre, de même que je serais d'accord avec un auteur qui mettrait cinq cent pages pour me dire "la pluie ça mouille, et d'ailleurs spinoza disait déjà dans l'éthique "la pluie est un corps humide qui imprègne ce qu'il recouvre d'une partie de son humidité" ; et je suis déçu par ce livre qui ne m'a guère stimulé. des évidences, des choses simples dites de manière compliquée (alors que c'est à peu près l'inverse il me semble qu'on attend d'un bon auteur : démêler des choses compliquées, nous aider à les appréhender, etc.).
allez, un bon côté quand même : ça peut éventuellement donner envie de lire du spinoza.