Le Monde de L'Écriture

Coin écriture => Poésie => Discussion démarrée par: Alan Tréard le 04 mars 2019 à 18:22:44

Titre: Le Refuge
Posté par: Alan Tréard le 04 mars 2019 à 18:22:44
De retour d'une plongée en mers étrangères, humide de ma récente coulée, je me promenais sur une route aux égards perdus. J'explorais les environs, tête ailleurs yeux lassés, lorsque j'aperçus sept grands Rocs qui dépassaient de l'horizon.

Aussi me souvins-je de ces vers de Rollinat :

« Groupés là comme un tas de monstrueuses bêtes,
Ils veillent tristement, les horribles rochers,
Que le soleil les brûle ou qu'ils soient accrochés
Par les feux zigzagueurs et grondants des tempêtes ! »

Il ne m'en fallait
Pas plus
Pour faire de cet observatoire un refuge.

Refuge où se tient mon âme en mal de
Poésie
Lascive
Dont les curieux inspirateurs se glissent dans
Les méandres de l'inclination d'une pente.

Ils sont présents ici au milieu des Rocs
Les inventifs et les heureux
Possesseurs d'une conscience
Où se transportent poèmes et incipit
Et font
Tour à tour
Une lecture contrastée du
Temps
Qui passe à chercher toujours
Le secret des aïeux.

Je ne ressentais nullement la froideur de la matière, ce n'était pas un pur exercice de physique.

Ô porteurs d'espoir, de vertu et d'existence
Que pensez-vous de moi ?
De mes mots et de mes sentences ?
Ma plume glissée à l'abri de ces Rocs
S'en va chercher dans l'inspiration effacée
La couleur de la pierre
Passants, passants qui vous-mêmes
Rentrez des baignades fécondes
Que voyez-vous sur votre passage ?
Quelle peinture saurez-vous tirer de ma retraite ?

Je trouve ceci en les plongeurs qu'ils n'ont jamais plus d'une étude en main : celle que leur regard noyé leur réserve, celle de l'intonation du silence marin.

Seule la faim me fit sortir de cette rêverie
Elle est en moi ce qui
Pousse
La créativité
Cette famine qui pose vers à vers
La continuité de mes aspirations.

Il m'en fallut peu pour rentrer
Mon chez-moi redevenait l'écart
De trop entre
Là où j'avais su trouver
Refuge
Et où je me disposais à redonner naissance
À mon curieux sentiment.

Pas à pas, la randonnée ne fait qu'un avec le marcheur, son retour n'est jamais répété : œuvre de la spontanéité.

Pourtant je ne mangeai pas, il semblait
Alors
Que quelque chose me maintenait dans cette pensée naissante.

Mon domaine, mon abri, ma retraite paisible.

Je trouvais bien sous la main
La pierre à aiguiser
Celle qui eût pu reposer
Cette imagerie sensible
Telle marotte dont j'abreuve les
Effets
Bien, il ne m'en aurait pas fallu plus
Pour aller prendre congé
Dans des draps d'une chaleur enchantée.

Pas de falaise pourtant ici présente.

Encre, encre, je ne plongerai pas dans tes eaux
Seul en moi ressurgira la volonté de dompter ta santé
Viens, encre, viens que je te porte à la page
Celle que mon cœur est en droit
De porter.

Aujourd'hui je trouve la force de profiter
De ce refuge où mes compagnons se trouvent
Leur proximité n'est point un
Mauvais présage
Cette approche est celle de la joie des lettres
L'humanité des correspondances
L'accueil, ô réception
De tout ce qui se lit
De ce que l'on découvre
Que l'on cueille d'une main lettrée
Avec inquiétude ou en pleine curiosité
Voici ce que je transmets dans l'immédiat :

Combien donc avez-vous dénombré les entêtes ?
Les ébauches ? Veillé comme des maraîchers
Sur les légumes neufs ? Tel refuge aux archers
Dont les publications nourrissent nos ascètes.
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Lavekrep codaraque le 04 mars 2019 à 23:34:05
Bonsoir Alan,
Comme je suis malheureux d'être à ce point ignorant. :-[
J'espère que je vais réussir à me faire comprendre.
J'ai relu plusieurs fois ta poèsie et elle me laisse la même frustration que la musique pop-rock-anglaise dont je raffole.
Comme je suis plus que nul en anglais, je ressens la musique mais je suis incapable de comprendre les paroles et je ne peux pas dire que ce soit la faute aux anglais. Alors je reste là au bord de mes lacunes.
Bonne soirée

Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Alan Tréard le 05 mars 2019 à 10:22:21
Bonjour Lavekrep,

Eh bien, il semblerait que tu te sois perdu mon petit, peut-être viens-tu à la recherche d'un chaleureux refuge ? Qui sait ce que tu trouveras sur ta route ?

Il est vrai que ma poésie est un peu haut perchée, elle vient d'inspirations d'un profond sentiment d'humilité, un quelque chose de peu naturel, j'en conviens, elles sont souvent l’œuvre d'un certain regard, la signature d'une certaine appréciation du monde.

Merci pour ton gentil passage, à bientôt surtout !

 :)
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Dieter le 05 mars 2019 à 12:16:57
Hello Alan,

Il est très rare que j'investisse cette section du forum, n'ayant jamais rien compris au domaine de la poésie, mais de mon esprit toujours agité de théories surgit une question :
j'aperçus sept grands Rocs qui dépassaient de l'horizon.
-> Pourquoi sept ?
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Alan Tréard le 05 mars 2019 à 12:41:07
Bonjour Dieter,

Oui, je souhaitais évoquer la mystérieuse relation qui se crée entre le poète et les éléments ; oh ! bien sûr j'entends que certains curieux puissent ressentir la même attirance pour les secrets que nous laisse la nature çà et là, mais je crois que c'est un penchant spécifique à la poésie de vouloir s'étendre ainsi dans les environnements les plus insondables et éternels.

Remarquons que les philosophes aiment également contempler les œuvres de la nature, comme un acte de la continuité des choses telle qu'elle échappe à l'éphémérité de la vie.

Sept est le chiffre de l'ouverture et du regard sur l'inconnu, comme un mystère que l'on observerait dans le plus grand secret.
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: elisabeth beaudoin homps le 06 mars 2019 à 10:29:02
  Bonjour Alan
ce texte est un peu hermétique mais la couleur est annoncée avec le 7  ;)
personnellement, sur le fond, j'y ressens la description d'un moment contemplatif où le sujet et l'objet se confondent. De son refuge, le scripteur semble ici ne faire qu'un  avec un environnement qui semble s'animer pour lui répondre.
Je me permets de faire une petite sélection de mes images préférées dans le fond et la forme
 
Citer
Passants, passants qui vous-mêmes
Rentrez des baignades fécondes
Que voyez-vous sur votre passage ?
Quelle peinture saurez-vous tirer de ma retraite ?
J'aime beaucoup cette image

 
Citer
celle que leur regard noyé leur réserve, celle de l'intonation du silence marin
Celle là est très belle aussi
Citer
Pas à pas, la randonnée ne fait qu'un avec le marcheur, son retour n'est jamais répété : œuvre de la spontanéité
.
Ah oui, c'est une jolie trouvaille sur le sens de la marche, tout est dit en peu de mots

Citer
Encre, encre, je ne plongerai pas dans tes eaux
Seul en moi ressurgira la volonté de dompter ta santé
Viens, encre, viens que je te porte à la page
Celle que mon cœur est en droit
De porter.
Ce passage encré est joli aussi

 Merci pour le partage
 
 
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Alan Tréard le 06 mars 2019 à 11:52:11
Bonjour elisabeth,

Oui, le chiffre sept ne manque pas de susciter mystères et mythes, je ne regrette pas d'avoir fait ce choix, j'en suis vraiment très satisfait.

Citer
Passants, passants qui vous-mêmes
Rentrez des baignades fécondes
Que voyez-vous sur votre passage ?
Quelle peinture saurez-vous tirer de ma retraite ?
J'aime beaucoup cette image

[...]

Citer
Encre, encre, je ne plongerai pas dans tes eaux
Seul en moi ressurgira la volonté de dompter ta santé
Viens, encre, viens que je te porte à la page
Celle que mon cœur est en droit
De porter.
Ce passage encré est joli aussi

 :) Yep ! Ces deux passages s'adressent à un destinataire en particulier : l'un parle aux passants, l'autre à l'encre.

Je ne m'adresse pas toujours aux objets et aux gens avec une telle impétuosité, je dois dire que j'essayais de faire ressentir dans ces passages une forme de regard sur soi transmis par un élément extérieur révélateur de quelque chose d'animé. C'est comme une force qui chavire et qui renvoie vers les plus grandes sincérités, les confidences intimes, celles que je porterais de tout cœur.

Parfois la parole est plus forte que l'homme, prend le dessus sur lui et s'adresse à qui l'entend.

Un agréable passage que voici, merci à toi !! ^^
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Angieblue le 06 mars 2019 à 16:52:37
Bonjour,

Ce texte me semble très inégal.   Il y a un sens poétique, mais les images ont du mal à se structurer. Je relève des répétitions (par exemple "se glissent" l. 7 et 12, et plus bas dans le texte avec "porter" dans le passage où vous parlez de l'encre) ou des incohérences syntaxiques, par exemple, la phrase qui commence par "dont" à la ligne 8, je ne vois pas à quel nom elle se rattache.

Ensuite, le passage avec la "marmotte" et la "pierre à aiguiser" n'est pas non plus très clair, ni celui avec l'"encre". Pour ce dernier, il y a une contradiction, vous dites avec un futur de certitude que vous ne plongerez pas dans ses eaux, puis ensuite, vous l'invoquez "Viens encre".

"Pas de falaise pourtant ici présent". Ne manquerait-il pas un "e" à "présent"?

Par contre, j'aime beaucoup tout le passage qui commence par "ô porteurs d'espoirs", ainsi que celui où vous parlez de la faim.

En somme, il y a du bon et du moins bon. Vous gagnerez peut-être à faire des textes un peu plus courts. Il est bon de laisser parler son inspiration mais pas au détriment du sens et de la rigueur syntaxique.
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Alan Tréard le 06 mars 2019 à 17:33:35
Bonjour Angieblue,

J'ai pris l'habitude de répondre aux lecteurs en colère dans mes précédentes pérégrinations, or je dois admettre que c'est plus facile de pouvoir répondre à des gens que je connais plutôt qu'à des inconnu.e.s. Je vais donc essayer d'apporter un retour sur ce commentaire qui puisse être satisfaisant à qui ne connaîtrait pas mon parcours.

D'abord le texte est volontairement inégal à l'image du fond qui fait écho à un égarement premier et un refuge ensuite : c'est une rupture qui est constructive, entreprenante, et je suis très heureux que ce soit l'effet ressenti à la lecture, même si je peux admettre que cela en soit légèrement désagréable (parfois il faut savoir souffrir pour explorer la beauté...).

Concernant les répétitions, il y a effectivement un effet de continuité recherché, peut-être manque-t-il un fil conducteur : de cette façon, je fais le choix de remplacer la première répétition par « où se transportent poèmes et incipit » qui permet par la suite d'introduire la répétition de « porter » qui signifie quelque part élever et soumettre.

Concernant le dont, cela demande un léger exercice intellectuel, mais je pense qu'il en vaut la peine !

Relativement à la « marmotte », elle met le chocolat dans le papier d’alu ;  cependant la marotte qui consisterait à aiguiser ses couteaux pour mieux manger se veut une des facettes de la vie quotidienne et des mœurs culinaires, un refuge en soi pour tout consommateur. Chacun ses petites habitudes.

 ;)

L'encre n'est pas ce qu'on explore mais ce qu'on prend en main (contrairement au refuge ou aux eaux), elle est le signe que l'ouvrage prend son premier envol, l'image du travail à l'écriture. À l'instant où le poète se penche sur son encre (ou son clavier pour les modernes !), il met en œuvre ce pourquoi il s'est construit, il donne naissance à l'exercice de son activité de poète.

J'ai enfin corrigé la falaise ici présente.

En somme, il y a du bon et du moins bon. Vous gagnerez peut-être à faire des textes un peu plus courts. Il est bon de laisser parler son inspiration mais pas au détriment du sens et de la rigueur syntaxique.

Peut-être une dimension t'a échappé dans le texte : c'est celle de la profonde dignité à pénétrer le refuge comme un mystère fait des multiples impressions. Cette image peut effectivement paraître éloignée d'une conscience innocente, elle est justement le modeste regard de ce que l'on aperçoit depuis le refuge : des étrangers et des nouveaux citoyens en grand nombre, leur anonymat peut parfois perturber les réfugiés, mais c'est aussi une part de ce qui fait la puissance de ce lieu. Cette profonde dignité est celle qui motive en tout temps les initiatives et les participations, elle est ce qui construit un édifice en pleine effervescence.

Il faut adopter un refuge pour en être l'un des éléments.
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Angieblue le 06 mars 2019 à 20:13:05
Bonsoir,

Si tu remplaçais le fameux "dont" par "où", ça me semblerait plus correct grammaticalement, et plus cohérent.

Sinon, il n'y avait pas de colère dans mon commentaire, je donnais juste mon avis en toute objectivité.

Pour ce qui est de tes réponses, et notamment celle portant sur le passage avec l'encre, je ne suis pas plus éclairée, mais bon, je ne vais pas contrarier davantage ton génie incompris ;).

Bonne soirée, et au plaisir de te lire à nouveau.
Titre: Re : Re : Le Refuge
Posté par: Alan Tréard le 06 mars 2019 à 20:44:47
Tu sais, Angieblue, je suis quelque part amusé que tu places ton propre commentaire au cœur de mes préoccupations personnelles ; saches que je ne m'en réfère pas uniquement à des inconnus lorsque j'écris, j'ai ici des amitiés sensibles à mes vers qui m'ont apporté bien des choses dans ce long parcours qu'est la poésie. Aujourd'hui j'expérimente, et j'en profite pour sortir des sentiers battus. Je crois  que toi-même tu trouves un certain intérêt à discuter à propos de mon écrit, à le faire tien à ta façon, c'est tout à fait naturel.

D'ailleurs tu as peut-être remarqué les quelques corrections ou transformations que j'ai faites, les autres passages qui pourraient t'échapper sont effectivement un peu haut perchés, cela dépend parfois de la sensibilité des uns et des autres, cela demande une certaine affinité lyrique.

Si tu remplaçais le fameux "dont" par "où", ça me semblerait plus correct grammaticalement, et plus cohérent.

Ce sont les curieux inspirateurs à la fois d'une poésie et d'un refuge, l'utilisation du dont est bien correcte dans les formes.

Sinon, il n'y avait pas de colère dans mon commentaire, je donnais juste mon avis en toute objectivité.

J'ai vraiment perçu un sentiment proche de l'indignation dans ton commentaire, peut-être une interprétation trompeuse : j'y suis tout à fait sensible, j'ai ressenti cela comme si tu te sentais exclue d'une imagerie riche et inaccessible, comme si j'avais élevé ces vers trop haut à ton bras, et je suis à l'écoute de ce type de ressenti, très à l'écoute, autant que j'en ai la disponibilité.

Pour ce qui est de tes réponses, et notamment celle portant sur le passage avec l'encre, je ne suis pas plus éclairée, mais bon, je ne vais pas contrarier davantage ton génie incompris ;).

Je ne m'inquiète pas pour me faire comprendre, j'ai plus d'un ami par ici avec lesquels je partage des passions communes et des lectures intenses. Ceux-ci m'inspirent beaucoup, je les en remercie.

À bientôt, alors.
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Max74 le 06 mars 2019 à 21:17:28
Je trouve très intéressant ce poème.

Je n'arrive pas à saisir l'effet de la prosodie.

Il ne m'en fallait
Pas plus
Pour faire de cet observatoire un refuge.

Refuge où se tient mon âme en mal de
Poésie
Lascive
Dont les curieux inspirateurs se glissent dans
Les méandres de l'inclination d'une pente.

Ils sont présents ici au milieu des Rocs
Les inventifs et les heureux
Possesseurs d'une conscience
Où se transportent poèmes et incipit
Et font
Tour à tour
Une lecture contrastée du
Temps
Qui passe à chercher toujours
Le secret des aïeux.


Il me semble que les rimes suivantes n'ont pas d'effet "du", "font", "de", "plus"...

Je n'arrive pas à m'imaginer une lecture du poème.

J'aimerais bien en savoir un peu plus sur les intentions de l'auteur.

 :)
Titre: Re : Re : Le Refuge
Posté par: Alan Tréard le 06 mars 2019 à 21:44:23
Bonjour Max74,

Merci pour ton gentil retour, je vais essayer de te répondre comme je peux, tu poses des questions très précises sur le rythme où l'inspiration qui a mené à l'écriture de ce poème.

Je n'arrive pas à saisir l'effet de la prosodie.

[...]

Il me semble que les rimes suivantes n'ont pas d'effet "du", "font", "de", "plus"...

Alors, je n'ai effectivement pas travaillé sur les rimes mais sur le rythme, je suis allé rechercher quelque chose qui se rapproche de la dynamique plutôt que quelque chose de rimé. C'est une certaine prise de risque, mais je dois dire que c'est l'objectif de cette expérimentation.


Je n'arrive pas à m'imaginer une lecture du poème.

Tu veux dire que le rythme n'est pas ressenti à la lecture ou plutôt entends-tu « interprétation du poème » par « lecture » ?


J'aimerais bien en savoir un peu plus sur les intentions de l'auteur.

Alors, question intéressante.

Dans un premier temps, l'expérimentation est le cœur de ma démarche, tout ce qui peut être inhabituel m'intéresse, et je cherche donc à travailler les images et les sens au plus près de la créativité. Dans un premier temps, c'est donc l'intention de vouloir revisiter le mythe de la créativité tel qu'il porte en lui-même tous les sens de l’œuvre poétique, de l'origine de l'inspiration à sa réalisation, puis au travail et au partage (à la réception faite par la lecture et la correspondance).

Ensuite, à travers l’œuvre de la créativité, c'est le refuge aux lectures que j'ai voulu mettre au cœur de l'intention afin que celui-ci puisse être pleinement l'ouverture de ce à quoi nous assistons à l'instant : l'accueil d'étrangers dont les sentiments sont ceux du partage et du refuge, où la poésie devient un média pour la transmission et l'expression des sentiments les plus diversifiés. La découverte et l'échange sont les premiers moteurs d'un espace commun. Le poème est en soi un écho à ce refuge dont bénéficie le poète, il est donc un symbole de cette rencontre, de cet abri et de cet accueil qui nous est si cher.

J'essaie de t'orienter au mieux au gré de la lecture, cela demande un certain effort de synthétisation, j'espère ne pas être trop concis.
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Angieblue le 06 mars 2019 à 21:48:24
"dont" introduit une proposition subordonnée relative.
Quel est son antécédent? Quel nom placé devant reprend-il???
ça n'est pas "refuge" car, dans ce cas, la relative serait incorrecte!
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Alan Tréard le 06 mars 2019 à 22:05:36
 :\? Ah ! Au vu des points d'interrogation que tu utilises, tu sembles assez exaspérée par cette éventuelle erreur. Remarque : la grammaire mérite une sincère considération, je pourrais moi-même me mettre en colère pour moins que ça, je comprends tout à fait.

Alors, je vais te dire ce que j'entends par l'expression du « dont », tu me diras si ça te semble correct.

Pour moi : je souhaite parler des inspirateurs d'un refuge.

Ces inspirateurs d'un refuge, refuge dont ils sont les inspirateurs ; je dis donc : « refuge [blablabla blablabla] dont les curieux inspirateurs... »

Peu importe qu'ils viennent de ce refuge ou qu'ils l'aient inspiré, ils en sont les inspirateurs.

Je reste à ton écoute, bien entendu.
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Angieblue le 06 mars 2019 à 22:37:18
D'accord pour les curieux inspirateurs du refuge.
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Alan Tréard le 06 mars 2019 à 22:53:01
Très bien, je te remercie pour ton retour, c'est toujours une richesse en plus, j'en suis conscient.
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: B.Didault le 07 mars 2019 à 08:40:00
Bonjour Alan,

je te lis beaucoup, mais te commente peu.
Je n'analyse pas pourquoi, je n'en suis pas vraiment capable.
Je laisse naviguer mes yeux, mon esprit, mes sentiments avant de les laisser tenter de s'exprimer par mes doigts et jouer avec les touches du clavier.
Je préfère me laisser influencer par ton riche vocabulaire.

Comme tu l'as peut-être appris dans certains de mes commentaires, en bon (?) cartésien, je suis un adepte de la prosodie, de la chose carrée, planifiée, régulée, dont je n'ai pas souvent la maîtrise. Mais je reste en toute occasion l'esprit ouvert ... (mettre ici le sujet de ton choix : aux autres, aux idées, aux sensations... ou autres  ;D )

Si je peux me permettre un message aux lecteurs qui vivent avec les mêmes règles (carcans ?) que moi :
Avant d'éplucher, décortiquer un texte, laissés-vous bercer par les mots, les rythmes.
Ne chercher pas le signifiant des idées de l'auteur, du moins pas de suite, rechercher les vôtres

Umberto Eco, dans "Les Limites de l'Interprétation" démontre bien que les sensations, les sentiments qu'un auteur met dans ses textes ne seront jamais ceux du lecteur (voir également "Lector in Fabula")

Je reviens maintenant à ton texte.
La présentation déjà mérite un arrêt :
Citer
De retour d'une plongée en mers étrangères, humide de ma récente coulée, je me promenais sur une route aux égards perdus. J'explorais les environs, tête ailleurs yeux lassés, lorsque j'aperçus sept grands Rocs qui dépassaient de l'horizon.
...  :coeur: ... j'attend la suite du roman !

Pour ce qui est du rythme, chose étrange pour un cartésien, j'ai ressenti ta plongée dans les fonds marins, leurs irrégularités, leurs éclats de beauté, leurs douceurs, leurs agressivités et leurs refuges. J'avais la sensation que tes déambulations te ramenaient à nouveau dans les lieux d'où tu avais émergé plus tôt.
Toutes ses images à la vue de sept gardiens de pierre ! (Le 3 du monde de l'Esprit s'ajoute au 4, monde de la matière, pour donner le 7 : Vie intérieure, profondeur d'analyse, spiritualité, mais également manque de confiance.)
Je ne cherche pas à être dans ta tête (je serais perdu !  :D ), mais je reste dans la mienne, dans la partie que l'on n'appelle pas, à tord : le cœur ! Je suis persuadé que le siège des sentiments est dans le cerveau de la machine et non dans la pompe à injection (Ah ! cartésianisme quand tu nous tiens !)

Pour écourter ma diatribe je dirais que mes préférences sont, involontairement, alignées sur celle d'Elisabeth.
Je me permettrai tout de même se "double post" :
Citer
     Encre, encre, je ne plongerai pas dans tes eaux
     Seul en moi ressurgira la volonté de dompter ta santé
     Viens, encre, viens que je te porte à la page
     Celle que mon cœur est en droit
     De porter.
:coeur: Ce passage restera ancré dans ma mémoire.

Grand merci pour ton partage
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Max74 le 07 mars 2019 à 12:56:38
Par exemple :


"Refuge où se tient mon âme en mal de
Poésie
Lascive
Dont les curieux inspirateurs se glissent dans
Les méandres de l'inclination d'une pente."

J'ai du mal à lire le de et le dans, mais avec tes explications le passage me parait plus claire.
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Alan Tréard le 07 mars 2019 à 13:00:45
Merci Max pour ta lecture, j'ai pris en compte ton avis vis à vis de ma propre démarche poétique, ça m'offre un regard particulier qui ouvre de nouveaux horizons !



Bonjour Bernard,

Alors je dois dire qu'avec le sujet de la philosophie cartésienne, tu ouvres une autre dimension du poème que je vais pouvoir développer ci-dessous pour une lecture plus intime et personnelle de ce qui constitue pour moi le parcours poétique.

D'abord, je tiens à insister sur la difficulté de ne s'en référer qu'à Umberto Eco pour cadrer la lecture que l'on pourrait faire d'un poème. Quelque part ce que tu cites est très vrai, mais dans un autre sens je dois dire que je suis toujours satisfait de bénéficier de lecteurs qui dépassent un peu les « limites de l'interprétation » car cela me permet de recevoir des retours diversifiés et même contradictoires.

En fait, si tous les lecteurs ne s'en référaient qu'à Umberto Eco, ils auraient toutes & tous la même lecture des œuvres qui nous peuplent, or je crois qu'il est de bon ton que tu puisses offrir ta propre lecture à toi des publications sur ce forum (inspirée par Umberto Eco) tout en envisageant que tu es le porteur d'une tendance en particulier, d'une lecture avertie et cultivée que ne pourront pas nécessairement apporter d'autres lecteurs. C'est cette force de t'en référer à des penseurs de la littérature qui te permet de constituer ta propre expression, d'ailleurs je m'intéresse beaucoup à ce que tu y trouves, c'est un véritable enrichissement. C'est mon regard sur la diversité des retours que l'on peut trouver en un même espace, c'est, je crois, le cœur de la littérature : sa multiplicité dans les rapports au langage et aux mœurs.

Bref, ceci mis à part, j'en reviens au poème : si je devais faire un parallèle avec le cartésianisme, alors sûrement n'es-tu pas sans savoir que Descartes préconisait de partir d'une certitude inébranlable pour porter à sa connaissance de nouvelles découvertes qui soient des savoirs « véritables » (ou tout simplement des savoirs cartésiens : « je ne crois que ce que je vois »).

Ici le refuge joue ce rôle.

À l'instant même où je découvre ce périmètre désigné par les Rocs, je l'adopte en tant que refuge dont mon esprit s'inspirera progressivement pour construire sa pensée et sa poésie.

De cette façon, métaphoriquement parlant, les Rocs joueraient ce rôle de certitude sur laquelle l'esprit constitue une progression cartésienne. Il y a dans ce poème un cheminement savamment transposé. Le poète s'attache à cette certitude, cette image du refuge, pour approfondir progressivement sa connaissance poétique.

Le parallèle avec Descartes n'est donc pas du tout hors propos.

La citation de Rollinat joue ce rôle en tant que point d'ancrage de l'évolution du poème, la suite évoque une progression dans la démarche d'écriture, et tout ce qui l'entoure.

C'est l'accueil de cette démarche qui est au cœur du refuge, une puissance naissante, un esprit qui se développe progressivement aussi loin que la certitude le permettrait. J'y trouverais alors un nouveau point de repère, telle une cité qui gagnerait en territoire jour après jour.
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: B.Didault le 07 mars 2019 à 13:26:00
Alan,

Encore une fois je suis très satisfait de tes commentaires.
J'ai la chance d'être à l'âge où l'on est conscient de ses faiblesses et de ses méconnaissances, tout en sachant comprendre le langage de certains érudits tel que toi.

Je ne mentionnais le cartésianisme qu'au sens "primaire", c'est à dire ce qui présente des caractères de bon sens, de sérieux, un sens plus proche des mathématiques que de la philosophie. Mes piètres études ne m'ont pas amené si haut. Mais, je te remercie d'avoir apporté tes lumières à mes sombres connaissances.

Cependant en ce qui concerne l'ami Umberto : Il démontre justement qu'il n'y a pas de limite à l'interprétation d'un récit.
Si je me réfère au livre, je devrais écrire aux interprétations, en fait.
Dans un de ses ouvrages, il mentionne son intention de faire un roman "non interprétable" en écrivant Le Pendule de Foucault, mais un jour un étudiant est venu lui prouvé que son texte était encore interprétable. Je pense qu'ici l'interprétation à laquelle il se référait était celle de l'écriture, du déroulement des évènements (merci de me donner le terme exact)

Merci pour tous ces développements, mon commentaire fut un bon investissement.
Titre: Re : Le Refuge
Posté par: Alan Tréard le 07 mars 2019 à 13:35:56
Tout le plaisir est pour moi, c'est toujours une richesse en plus.

J'aurai peut-être l'occasion d'écrire un poème sur le thème de l'interprétation un jour, mais ici il n'y a que le passage qu'avait cité elisabeth :

Citer
Ô porteurs d'espoir, de vertu et d'existence
Que pensez-vous de moi ?
De mes mots et de mes sentences ?
Ma plume glissée à l'abri de ces Rocs
S'en va chercher dans l'inspiration effacée
La couleur de la pierre
Passants, passants qui vous-mêmes
Rentrez des baignades fécondes
Que voyez-vous sur votre passage ?
Quelle peinture saurez-vous tirer de ma retraite ?

Qui évoque l'interprétation via la peinture, le peintre qui donne une représentation du paysage ou de l'individu, un certain regard. Ce n'est effectivement pas le cœur du poème, c'en est l'un des éléments.

Alors merci beaucoup, Bernard, c'est très bien tout ça !