C'est par le plus grand des hasards que je me retrouvais en Père Noël. Le plus grand et le plus malheureux des hasards. Maudit hasard !
J'avais été invité par la famille de Marie ma copine, ma nouvelle copine, et comptait bien le soir même lui offrir le plus beau des cadeaux, déposer aux pieds de son sapin le plus turgescent des présents. Aussi, c'est devant le regard implorant de sa mère et les promesses érotiques de sa fille que j'acceptais d'endosser le ridicule costume du vieux vinaire (blanc-rouge), non sans montrer combien ceci m'étais une torture histoire d'assurer ma prise affective sur l'une et l'exclusivité de son jardin pour l'autre.
Les Gypte ont sept enfants, sept filles. Sept petits monstres pondus tous les deux ans selon un rythme si métonymique que les questions budgétaires semblent le disputer aux hormones de Madame : toutes sont nées en Décembre, autour du 25 Décembre. Une façon comme un autre de faire des économies.... ou de succomber aux élans du printemps. Bref, les Gypte ont sept filles, sept merdeuses et chiantes de filles : les sept plaies des Gypte.
Autant Marie est belle, autant ses autres sœurs sont moches. Moches et insupportables. Déjà passé le sempiternel et répété "c'est ton amoureux ? ils sont amoureux, nananère..." (à la puissance six, imaginez l'ambiance), je me demandais si je n'allais pas en baffer une ou deux, mais dans les yeux de Marie je vis alors combien fatale aurait été l'erreur et nécessaire veuve poignet. Je prenais donc sur moi.
Mes défenses en berne, j'avais tant enduré qu'en définitive la supplique des Gypte ne me paru pas tant affreuse que ça, qui de ces petits monstres me libérerait, du moins temporairement. Et si en tant que Père Noël je pouvais user d'un peu de vengeance, l'affaire serait (presque) satisfaisante. C'est donc l'air soumis mais réfléchissant déjà aux moyens de calmer les six filles et exciter la septième, que je m'affublais du bien connu déguisement.
A ce stade du récit, une chose importante qu'il vous faut considérer si par mésaventure vous vous retrouvez dans la même situation : prenez du déodorant ! Il fait une chaleur pas possible là-dessous. Si l'on peut se passer des bottes (mais maman Gypte est une traditionaliste et je n'eus pas cette liberté), difficile de faire pareil avec le bonnet et la barbe. 21 degrés dans la maison, pour peu, avec un feu de cheminée qui fait monter le tout à 23 (et par où il est sensé être arrivé, le vieux ?), vous atteignez facilement les 40. 40 degrés, en hiver, à l'intérieur, avec six folles à lier... Nonobstant la septième (à lier aussi...), peu peuvent y résister; peu peuvent en témoigner tant ils en sont morts ou en ont honte (ou les deux).
C'est donc pas frais et pas dispo du tout que je me présentais dans le salon, arrivé par "on" ne sait où (moches, chiantes,... et connes, je vous dis), pour aller je savais dans quoi. D'abord les cris, l'hystérie qui vous vrille les tympans et vous fait demander si vous ne vivez pas vos derniers instants auditifs. Ensuite,... le carnage,... la défaite. Croyez-moi, rien ne sert de lutter, n'essayez pas de rester attentif : abandonnez. Prenez votre plus beau sourire, vos plus graves "hon! hon!" ("ho! ho!" marche aussi) et faites œuvre de facteur, sans plus. Sortir un cadeau, lire le nom, le donner,.. et ainsi de suite jusqu'à épuisement du stock (et du postier) : rien de mieux pour supporter l'épreuve, s'en sortir sans (trop de) dommages.
Mais avant de partir, n'oublie pas de te couvrir, etc... mon cul ! Non, non, avant de partir, une seule chose compte. Deux en fait.
La première : ne pas croiser de miroir, ne pas "se" regarder, de peur de mourir du ridicule, ou de fondre en larmes.
La seconde, plus plaisante, vous permettra de satisfaire un instinct trop longtemps refoulé, et ce sans mettre en péril l'instinct que plus tard vous souhaitez défouler : la photo. Avant de partir, il est de tradition de faire une photo avec "le Père Noël qui est venu apporter les cadeaux" (comme s'il avait que ça à foutre...). Ok, les plus grands s'en excluent généralement, et l'on comprend pourquoi, mais pour ce qui est des petites pestes, des merdeuses qui depuis le début de la soirée vous tapent sur les nerfs.... Voilà l'occasion rêvée de vous venger. On prend la pose, on sourit, et qui d'une main baladeuse pince un bras, qui d'un doigt négligent tire des cheveux (c'est ça qui est bien avec les emmerdeuses : leur longs cheveux; et plus ils sont longs plus elles sont emmerdantes, vous avez remarqué ?), qui d'un regard affable et souriant devant l'objectif venge son ego... La photo, une sacrée bonne idée pour nous les déguisés contraints, les opprimés de la tradition, une sacrée bonne occasion pour tout ceux qui subissent ou vont subir cette odieuse forme de bizutage qu'est de faire le Père Noël. Même si le soir-même....
PS :
Des huitres, on a mangé des huitres... et vomi des huitres... Et tout le reste.
Pas de jardinage le soir dans le lit, mais beaucoup de compostage, beaucoup d'engrais.
Espérons que la fleur n'en sera que plus belle...
PS2 :
Y'a pas de Père Noël au Nouvel An... J'suis pas invité.