Bonjour. J'ai beaucoup étiré ce récit. Encore imparfait. Besoin de vous pour :
- le schéma narratif. L'intrigue. Pas trop chiant ?
- la concordance des temps (j'ai repéré pas mal d'erreurs...peut-être pas toutes!)
-...
Merci d'avance et bonne lecture j'espère. (en postant, je découvre plein de petites fautes...oups...je vais corriger au max) J'ai toujours eu un problème avec le travail et je viens enfin de comprendre pourquoi : j'adore aller chez Pôle Emploi. L'agente d'accueil toujours aimable, couleurs chatoyantes sur les murs et un mobilier arrondi du plus bel effet. J'ose dire qu'il y a une atmosphère de
revenez-y. J'espère que cela ne changera pas, car la nouvelle charte graphique de France Travail laisse à désirer.
La dernière fois que j'y suis allé, dans la salle d'attente, j'ai relevé une affiche disant "l'armée recrute des réparateurs de parachute" (il faut le voir pour le croire.) Sous cette dernière, pendante car mal scotchée, il y avait un jeune, la vingtaine, vautré sur une chaise, casque Bluetooth crachant une gutturale comptine qui allait bien avec le squelette en flamme floqué sur son tee-shirt trop grand. J'ai assez d'expérience en
observation de mes contemporains pour affirmer que c'était sa première fois et qu'il n'avait pas envie d'être là. J'ai eu envie de lui dire « Ne t'inquiète pas jeune Padawan, tu es là où il faut être, l'Etat-Providence va t'accompagner en douceur afin que tu te propulses dans la Grande Vie; ils feront des efforts pour ton confort... Peut-être même qu'un jour, il y aura un... Distributeur de friandises dans cette salle, et tu pourras choisir... Des M&M's... Des dragibus...». Je n'ai pas eu le temps d'étirer ma pensée que Mme Minkowski, devancée par son Guerlain, est apparu.
— Monsieur Duc, c'est à nous !
Je me suis levé et je l'ai suivie dans un alignement de bureaux, tous ouverts, tous communicants, pour des raisons de sécurité, j'imagine. J'ai trouvé la démarche de ma conseillère fébrile. Elle avait fortement maigri. Derrière un foulard en soie, j'ai pu apercevoir une minerve en mousse.
— Mettez-vous assis. J'ouvre votre dossier...
Elle m'a dit ça tout en tirant difficilement sur le fil de sa souris qui était entravé dans le trou de son bureau. Son cou la faisait souffrir, son regard était fixe. J'ai remarqué qu'elle avait changé de lunettes, passant de petites rondes à grandes carrées, lui façonnant un visage plus strict, plus "formel". Cela ne veut rien dire, je conçois. Disons, que j'avais la sensation que ma conseillère, jadis joviale et bien en chair, avait, par ses mouvements cervicaux et son nouveau regard, presque une apparence de robot. Elle doit être, comme le reste, de la société : en transition ! Pis, il faut que je m'habitue, d'ici dix ou quinze ans (voire moins, putain), ce sera sûrement un AI-conseiller qui se grattera le circuit imprimé devant la mélasse de mon CV. Là, n'était pas la question. Pas encore. À cet instant T, cet amas de molécules, avait l'air de souffrir. Quelques hypothèses fumeuses sur sa blessure s'étaient répandues le long de mes synapses. Hypothèse petit a) Vu que c'est une femme, son mari doit la frapper... b) Vu qu'elle est CSP +, elle doit faire de l'équitation et un cheval, c'est imprévisible... Et, plus plausible, le petit c) Vu qu'elle travaille avec un public dit difficile, on a dû lui claquer une porte au visage... - j'aurais pu ajouter petit d) juste un torticolis, mais ce serait trop simple et je suis comme tout le monde, j'ai un penchant pour le drame.-
— ... Ça y est ! Enfin ! Vendredi, 15 h, La Bête est fatiguées.
Elle a dit ça, blasée, tout en tapotant le bord latéral droit de l'écran d'ordinateur. Comme réponse, le pied triangulaire de celui-ci a couiné.
— Alors... Alors... Je vois sur votre doss... Démission ! Comme d'hab...
— Oui, et, là, je suis parti pendant la période d'essai.
— J'ai bien l'impression, Monsieur Duc, que votre ambition première n'est pas l'obtention de la Médaille du Travail.
J'ai souri. J'aimais l'humour de Mme Minkowski. Je la retrouvais bien là. On parle le même langage. Avant elle, j'avais comme conseillère une taiseuse, l’œil suspicieux, et des doigts martyrisant les touches du clavier. J'avais demandé à changer et elle avait transféré mon dossier, avec plaisir, à sa collègue, une psychologue de travail. Depuis, j'avais trouvé chaussure à mon pied. Les rendez-vous avec Madame Minkowski étaient longs, constructifs, on frôlait les débats métaphysiques parfois. Toujours un plaisir de la voir. Je pense... Je pensais que c'était réciproque.
— Monsieur Duc, je vais être franche, les choses changent par ici, sur mon écran, votre dossier vient de passer de l'orange au rouge. Il va falloir...
Elle n'a pas eu le temps de m'éclaircir sur les camaïeux bureaucratiques, qu'un son strident nous a coupé. Derrière elle, derrière la fenêtre qui donnait sur le parking, des ouvriers étaient en train de dévisser l'enseigne oxydée
Pôle Emploi. Elle a tourné difficilement la tête vers eux. J'ai tenté l'ironie :
— Si je savais comment mettre l'option dé-visseuse sur ma perceuse, j'aurai postulé, il va y avoir du taf dans l'hexagone, s'il faut remplacer toutes les enseignes de toutes les agences de France métropolitaine... et des DOM-TOM.
Le wakouwa à foulard venait de revenir dans la position initiale et n'a pas ri. Je me suis enfoncé dans les deux centimètres de lapis-lazuli expansé, les pieds de la chaise ont crissé. Elle a toussoté en appliquant sa paume gauche sur la nuque :
— On dit DROM-COM aujourd'hui, Monsieur Duc, vous n'êtes plus à jour !
Elle a enchaîné, tout en tournant, vers moi, l'écran de l'ordinateur, qui résistait.
— Nous avons un salon sur les métiers de la logistique. Cela embauche pas mal. Il reste quelques places. J'ai pensé à vous. Je vous inscris ?... Parce qu'il va bien falloi...
Soudain, un gros boum (décidément, c'était bruyant ce jour-là.). Dans la pièce à côté. La vitre a tremblé sous les regards interloqués des ouvriers. "Vous ne comprenez R... zéro indemnité... Rien à branler de votre forma... Connasse de sous-fifre babylonienne". La porte a claqué. Un rouleau de scotch a roulé. Jusqu'à mon talon. On entendait les pleurs de la conseillère du bureau contigu. Manifestement, le candidat (bien moins candide et docile que les autres, je m'inclue dedans) a exprimé son désaccord, en lançant un objet contre la vitre. On se rapproche de l'hypothèse
petit c. Et ça m'attristait.
Mouvements lents, automate à l'émotion contenue, Madame Minkowski a pris son paquet de mouchoirs, son dévidoir pour scotch et l'a amené à sa collègue meurtrie.
— Je reviens. Je vous laisse réfléchir à la formation que je vous propose...
Ses yeux étaient comme deux grosses olives noires emprisonnées dans des cubes de glace.
Une formation en logistique ? Pourquoi pas ! Mais mes rêves, mes projets, mes illusions romantiques... C'est de leur faute tout ça ! Je m'explique : La première fois que je suis allé dans une agence pour l'emploi, ça s'appelait A.N.P.E.. Il y avait un amoncellement d'offres d'emploi punaisées sur les murs, un mobilier austère, du bruit, une clim mal réglée et des odeurs inédites pour moi. J'avais dix-huit ans, je venais d'arrêter la fac après deux mois à vider ma bourse dans la machine à café et il fallait bien s'inscrire quelque part. J'étais suivi par un vieux conseiller hippie-coco qui m'avait dit texto "il faut suivre vos rêves, vous êtes trop jeune pour les voies de garage". Je ne me souviens plus ce que je lui ai répondu, mais je suis persuadé que si j'avais émis le souhait de devenir astronaute, il m'aurait répondu " faites cosmonaute, c'est plus authentique, je vous inscris pour un stage d'immersion à Baïkonour".
Le temps passe, la barbichettes marxiste est loin, sûrement en retraite, sûrement en road-trip, réchaud et douche portative dans le coffre de la R21 Nevada. Mes chimères ont dû faire la diète pour passer dans l'entonnoir. En prenant le relais, la patience Minkowskienne a réussi à tamiser quelques-unes de mes valeurs, et, là, maintenant, je me retrouve, les mirettes dans les fissures du mur, sans vis-à-vis sur l'univers des possibles. Les successions d'enseignes, de coloris, de design, ce n'est peut-être pas fait pour que l'on revienne. La réalité comme un coup de pelle. Fatalement, j'ai répondu :
— Logistique. OK.
Thomas Pesquet, il est peut-être passé par là, lui aussi. Qui sait ?! Cette dernière boutade, j'ai refusé de la partager à Ma conseillère souffrante. Ses doigts maigres, crispés, l'alliance nageant en orbite autour, elle a validé la suite de ma vie sur sa bécane. Un clic satisfait, un regard placide, elle a fait son job même si je sentais que quelque chose s'était brisé entre nous. Comme ses cervicales pas plus d'une minute après.
— C'est tout bon Monsieur Duc,je vous imprime le compte-rrrrrr...
*
Dans l'abribus, juste devant le bâtiment, le jeune fan de métal, a balbutié quelque chose dans ses trois poils de barbe.
— Pardon ?
— On dirait des Dragibus et des M&M's perdus dans l'espace et qui vont se crasher sur la France.
— Je n'ai pas compris...
— Le logo !
Il a dit ça avec un hochement de tête en direction des ouvriers qui descendaient de l'échelle. La dernière vis de la nouvelle enseigne France Travail venait d'être posée. Des cercles, des couleurs, un hexagone, nouveau logo ! J'ai souligné la pertinence de sa remarque sans pour autant dévoiler que ce logo n'était pas de mon goût :
— Une nouvelle ère...
— Moi, je m'en fous, bientôt, je serai rockstar même si...
Les aspirations, il faut les entretenir. Jeune Padawan est sur la bonne voie. J'espère qu'un jour, sa musique crachera dans les oreilles d'un autre Néo-Chômeur blasé dans la salle d'attente du Nouveau France Travail.
— ... J'ai failli la défoncer cette connasse, je lui ai balancé son putain de dérouleur à scotch qui ne sert à rien... Comme elle !
La violence ne résout pas grand-chose, je l'ai souvent pensé, mais notre future rockstar autoproclamée n'a pas encore reçu ses indemnités et ne peut donc pas se payer de
chambre d'hôtel à saccager pour exprimer sa rage, CQFD...D (le dernier D, c'est pour "Débilement). Sans que je ne puisse répondre, il a mis son casque Bluetooth, berceuse gutturale pour grand rêveur capricieux.
Dans le bus, j'ai repensé aux conseillers, aux conseillères, qui doivent, 7 h par jour, 5 jours par semaine, tourner l'écran pour proposer, à des candidats plus ou moins motivés, des offres, des stages, des formations. Comme a sûrement dit un grand stratège de guerre,
on ne répare pas des parachutes avec du ruban adhésif, on ne peut pas demander à des gens d'œuvrer pour le bien-être général sans l'effort matériel. L'hypothèse de la blessure de Madame Minkowski, c'est très con, cela mérite un petit e) blessée par des mouvements répétés devant un poste de travail mal adapté. Car la scène que j'ai vécue, même un scénariste burlesque n'oserait pas : En cliquant sur "imprimer", le câble de la souris a tiré sur le câble d'alimentation de l'ordinateur, le débranchant. La conseillère consciencieuse s'est mise à quatre pattes pour résoudre ce problème qu'elle connaît bien. En forçant sur la prise, sa tête a tapé la table. J'ai entendu un crack, elle a hurlé. J'ai voulu m'abaisser et l'aider, elle m'a dit qu'elle m'enverrait un mail pour un prochain rendez-vous. En fermant la porte, je l'entendais pleurer. Elle aussi.
De nature impulsive, je suis allé sur Amazon. J'ai commandé un support tournant pour écran et une souris sans fil. Je ne sais pas si ça me permettra de me rabibocher avec Madame Minkowski mais, j'espère (si elle n'est toujours pas en burn-out) que cela lui fera plaisir. Ou sinon je l'offrirai à mon prochain conseiller. À mon tour d'aider la Patrie. Je suis le Chômeur-Providence.
Le lendemain, en plus de recevoir le mail de la synthèse d'échange, j'ai reçu une notification sur mon smartphone, je suis descendu en courant. Personne n'a sonné, le colis était sur le paillasson de l'immeuble. J'ai regardé à droite, à gauche. Personne ! Si rapide ! S'il faut une Moralité à tout ça je me force à une ouverture poético-logistique :
à quoi bon viser la lune quand c'est Amazon qu'a toutes les fusées ?! Il faut que je retienne cette phrase, elle me servira pour faire mauvaise impression à d'éventuels prochains entretiens.