Le Monde de L'Écriture

Coin écriture => Textes courts => Discussion démarrée par: flulu le 29 octobre 2019 à 17:39:55

Titre: Cruelle désillusion
Posté par: flulu le 29 octobre 2019 à 17:39:55
Cruelle désillusion

C’était au début du mois de juin. La période des examens dans toutes les facs. J’étais « enchaîné » à ma table de travail en cette fin d’après midi devant une liasse de graphiques parlant de biologie moléculaire.
C’était une période difficile pour moi. Pour gagner mon indépendance j’avais trouvé un job dans un hôpital de la grande couronne. Je ne pouvais donc pas assister aux cours magistraux.
Je ne fréquentais que les travaux pratiques qui étaient notés et obligatoires.
Je n’avais donc eu accès aux enseignements théoriques que par le truchement de polycopiés rébarbatifs.
Je compensais par un travail plus intensif.
L’obtention du diplôme de fin d’études m’était indispensable.
Cela signifiait pour moi une ouverture définitive vers la liberté de construire ma vie comme je l’entendais.

Éline frappe trois petits coups à ma porte puis elle entre.

J’avais à cette époque une tendre inclinaison pour elle, qui semblait réciproque.

Elle vient vers moi , s’assied sur mes genoux, m’enlace et m’embrasse. Elle avait un corps menu, des yeux de jade, des cheveux courts, le visage maquillé à la perfection (c’était son job), une peau douce  au grain de soie, un parfum léger de ceux qui vous font voyager.
Ce soir là elle portait un chemisier de coton bleu pâle si léger que sa nudité eut été plus pudique.
Je ne peux résister au plaisir de glisser ma main sous l’étoffe gracile pour caresser son dos.
Elle émet un petit soupir qui fait monter mon désir encore d’un cran. Elle enfonce ses doigts dans ma chevelure et presse encore plus fort ses lèvres contre les miennes.
Elle essaye de manœuvrer pour me chevaucher et ce faisant elle fait tomber par terre les feuillets qui encombraient mon bureau.
Je retiens in extremis un cri de rage. Je l’écarte et me penche pour ramasser les précieuses pages éparpillées sur le sol. Je les pose sur mon plan de travail. Tout le stress des révisions me saute à la gorge. Je me tourne vers Éline et lui demande précipitamment :
- Accorde moi deux heures. Je te rejoins dès que j’ai fini pour te faire l’amour comme jamais nous ne l’avons fait.
Elle me regarde en silence. Elle affiche un petit sourire mutin que je n’ai jamais su interpréter, puis elle s’en va.
Je me replonge dans la biologie moléculaire. Un gros coef pour mes exams.
Deux heures plus tard je replie mes polycopiés et je quitte ma chambre pour aller rejoindre ma belle.
Je marche lentement un peu crevé dans l’interminable couloir qui longe les portes de toutes les chambres.
J’arrive devant celle d’Éline, je frappe… Point de réponse. j’entre lentement, personne !
Je sors et revient sur mes pas, me maudissant d’avoir repoussé mon amoureuse.
En passant devant la troisième porte j’entends des petits cris familiers.
Je m’arrête et très indiscrètement je colle mon oreille à la paroi. Les murs de nos piaules sont minces comme du papier à cigarette, ils ne protègent pas notre intimité.
Et là j’entends plus nettement les petits miaulements de plaisir qui m’ont toujours rendu fou lorsque je fais l’amour avec Éline.
Une douleur brûlante me terrasse. Je me laisse glisser le long du mur jusqu’à m’affaler sur le sol glacé du couloir. Je ressemble à un tas de chiffons sales.
Je reste inerte un temps que je ne saurais mesurer. J’entends des pas qui montent l’escalier de fer. Je sursaute, me lève et quitte l’immeuble par une autre issue.
Je titube jusqu’à ma voiture qui est garée dans la grande cour bordée par les bâtiments de l’internat.
j’entre dans l’habitacle, les clefs sont sur le contact. Personne ne songerait à voler ce tas de ferraille dans l’enceinte d’un hôpital.
Je démarre et m’engage dans les allées. Je tourne vers la grande ligne droite qui longe les pavillons.
J’accélère à fond en fermant les yeux. Au bout, je le sais, il y a une falaise qui domine le lac.
Au dernier moment j’écrase le frein. La guimbarde gémit et fait crisser les graviers dans un spectaculaire tête à queue. Je m’effondre sur le volant en pleurant.

Deux mois plus tard je me rends à une fête organisée pour fêter la fin des examens et les diplômes. J’ai eu le mien avec une mention bien.
Ma future fiancée m’accompagne. Elles est rayonnante à mon bras. Sa chevelure rousse met en valeur le bleu outremer de ses yeux. Elle porte un tailleurs très classe, je ne l’avais jamais vue aussi élégante. Quelques minutes après être entrés j’aperçois Éline dans la foule. Je ne l’avais pas revue depuis cette triste soirée.
Elle a immédiatement compris en nous voyant. J’ai cru entrevoir quelques larmes perler sur ses joues et ruiner son maquillage. Très lâchement j’ai tourné la tête.
Je n’ai plus jamais entendu parler d’elle. Mais chaque fois que j’y pense le souvenir me brûle.

Titre: Re : Cruelle désillusion
Posté par: Rémi le 29 octobre 2019 à 23:36:51
Salut flulu :)

Au fil du texte :

Citer
J’étais « enchaîné » à ma table de travail en cette fin d’après midi devant une liasse de graphiques parlant de biologie moléculaire.
les guillemets ne me semblent pas nécessaires
après-midi
"parlant de" n'est pas top

Citer
C’était une période difficile pour moi.
le petit paragraphe précédent commen aussi par "c'était"

Tu as beaucoup de retour ligne dans ce premier paragraphe, qui créent des sous paragraphes par forcément judicieux à mes yeux.

Citer
Éline frappe trois petits coups à ma porte puis elle entre.

J’avais à cette époque une tendre inclinaison pour elle, qui semblait réciproque.

Elle vient vers moi , s’assied sur mes genoux, m’enlace et m’embrasse. Elle avait un corps menu,
je ne suis pas convaincu par les changements de temps
espace en trop après "moi"

Citer
Ce soir là elle portait un chemisier
soir-là
(et j'aurais bien vu une virgule)

Citer
Je retiens in extremis un cri de rage. Je l’écarte et me penche pour ramasser les précieuses pages éparpillées sur le sol.
me semble exagéré

Citer
- Accorde moi deux heures. Je te rejoins dès que j’ai fini pour te faire l’amour comme jamais nous ne l’avons fait.
accorde-moi
et le dialogue ne me semble pas hyper naturel (surtout après la "rage" du dessus)

Citer
Je marche lentement un peu crevé dans l’interminable couloir
j'aurais mis "un peu crevé" entre virgules

Citer
Et là j’entends plus nettement
virgule après "là" ?

Citer
j’entre dans l’habitacle, les clefs sont sur le contact.
J'

Citer
j’entre dans l’habitacle, les clefs sont sur le contact. Personne ne songerait à voler ce tas de ferraille dans l’enceinte d’un hôpital.
je vois pas trop l'intérêt de ce détail raconté par le narrateur, dans ce moment

Citer
Deux mois plus tard je me rends à une fête
virgule après "tard" ?

Citer
Elles est rayonnante à mon bras.
elle

(bientôt fiancé, à peine deux mois après cet événement traumatisant qui est le coeur du texte ?)

Citer
Elle porte un tailleurs très classe
tailleur

Citer
Quelques minutes après être entrés
pas top le "entrés" pour dire qu'ils sont entrés
(une virgule aussi ?)



Les changements de temps sont assez perturbants, je ne sais pas si tu souhaitais leur donner un sens dans ce texte. Le titre "cruelle désillusion", ainsi que l'épisode en voiture ont un côté dramatique très fort, mais j'ai eu du mal à y croire, à me sentir vraiment concerné par le sort du narrateur. L'entame est assez froide (contexte des examens, présentation de la situation assez externe) et Éline arrive dans l'histoire de façon abrupte, sans que l'on ressente de l'amour entre elle et le narrateur. Ensuite, la tromperie et le recasage du narrateur vont très vite. Peut-être qu'en développant un peu, en faisant ressentir un peu plus d'amour au début, en caractérisant un peu mieux aussi la nouvelle relation... Pourquoi cette brûlure ? me suis-je demandé à la fin.
Bref, ça me semble un peu expéditif sur la forme. Le passage plus visuel (dans l'internat et la voiture) est ce qui fonctionne le mieux, je trouve.

A+
Rémi
Titre: Re : Cruelle désillusion
Posté par: Bruno le 30 octobre 2019 à 00:54:03
Salut,

Joli texte.

Je suis d'accord avec les commentaires "au fil du texte" de Rémi ; j'ajouterai seulement deux choses :

1)

Éline frappe trois petits coups à ma porte puis elle entre.

J’avais à cette époque une tendre inclinaison pour elle, qui semblait réciproque.

Elle vient vers moi , s’assied sur mes genoux, m’enlace et m’embrasse. Elle avait un corps menu, des yeux de jade, des cheveux

Là, pour ma part, il y a une grosse incohérence (que Rémi a relevée en soulignant le temps des verbes) : même en faisant abstraction du passage au présent, on dirait qu'il manque un passage. En tant que lecteur, je lis : "J’avais à cette époque une tendre inclinaison pour elle, qui semblait réciproque. " et ce que je comprends c'est que le narrateur et Eline ne se sont pratiquement jamais parlés (l'inclination semblait réciproque, écris-tu). Puis, on passe directement à une scène où ils se jettent l'un sur l'autre : ça ne fait pas sens.

Pourquoi pas un truc dans le genre : " Éline frappe trois petits coups à ma porte puis elle entre.

(J’avais eu, l'an passé, une tendre inclinaison pour elle, qui semblait réciproque ; ce qui s'était confirmé quelques mois plus tard après que nous ayons vaincu notre timidité réciproque et soyons devenus amants.)

Elle vient vers moi , s’assied sur mes genoux, m’enlace et m’embrasse. Elle avait un corps menu, des yeux de jade[...] "

Note, en plus, le contraste malheureux (à mon avis) entre l'emploi d'un vocabulaire un peu précieux "une tendre inclination" et le caractère très direct de : "Elle vient vers moi , s’assied sur mes genoux, m’enlace et m’embrasse." A la limite, "j'avais flashé sur elle l'an passé et ça semblait réciproque" donnerait une meilleure concordance de ton.

2)

Je crois que tu pourrais aller plus loin dans ton texte et en faire quelque chose de comique (voire de tragi-comique, ça dépend) si le narrateur se trompait en écoutant à la porte : en fait ce n'est pas Eline, qui n'ayant pas bien compris ce que tu lui as dit, t'attend ailleurs et pense que tu lui as posé un lapin.
On peut ensuite imaginer qu'elle te trompe par vengeance avec un de tes potes pour que tu le saches ; et, là,  tu te méprends encore, félicitant ton ami de sa prise qui, lui, une fois le coup d'un soir passé t'ennuie à se lamenter parce qu'il a trompé sa vraie copine, qu'il aime vraiment, et que d'ailleurs il veut te présenter la semaine prochaine.
Toi, de ton côté, également pour te venger d'Eline, tu la trompes avec une fille choisie au hasard et qui, sans que tu le saches, se trouve être celle que tu as entendue derrière la porte et qui, ce soir là, était avec son copain qui n'est autre que ton pote et, elle, sa "vraie" copine qu'il veut te présenter.
Entre temps, Eline et toi vous rencontrez et le malentendu sur la cruelle soirée se dissipe : vous vous réconciliez (mais sans vous avouer vos tromperies respectives) et, pour marquer, le coup tu lui dis : Jeudi prochain, mon pote va me présenter la femme de sa vie, viens avec moi, on passera une soirée agréable !

 
Titre: Re : Cruelle désillusion
Posté par: txuku le 30 octobre 2019 à 09:22:42
Bonjour

Un texte sympathique mais qui comporte - pour moi aussi - des incoherences....... :)

Citer
par le truchement de polycopiés rébarbatifs.
content de la continuite ! 8)
Citer
elle portait un chemisier de coton bleu pâle si léger que sa nudité eut été plus pudique
le mot nudite peut laisser penser qu elle ne porte qu un chemisier ? :)

Citer
Je ne peux résister au plaisir de glisser ma main sous l’étoffe gracile pour caresser son dos.
chacun son gout !!! :-[
Citer
je colle mon oreille à la paroi. Les murs de nos piaules sont minces
il etait question d une porte juste avant ?
Citer
J’avais à cette époque une tendre inclinaison pour elle, qui semblait réciproque.
Cela ne va guere avec la tentation de suicide ???
Citer
Je ne l’avais pas revue depuis cette triste soirée.
pourquoi ? Elle n est au courant de rien et semble s introduire chez lui sans complexes ???
Titre: Re : Cruelle désillusion
Posté par: flulu le 31 octobre 2019 à 07:27:25
Merci pour toutes vos remarques

Chacun d'entre vous a projeté sur le texte des interprétations différentes

C'est un peu le but, stimuler l'imagination.
À peine couché sur le papier le texte n'appartient plus à l'auteur il devient la proie des lecteurs.

c'est vrai qu'en écrivant je n'ai pas su me dépêtrer des contrastes de temps.
je ne voulais pas me cantonner dans le sempiternel passé simple
l'imparfait descriptif passe mais les sauts dans le présent sont parfois scabreux je l'avoue
J'ai en la matière du mal à trancher

Le peu de temps entre la tentative avortée du suicide ( qui n'est en fait qu'un geste de rage sans intention de tuer) et l'issue finale est inscrite dans l'adolescence à peine quittée,
N'avons nous jamais été amoureux de plusieurs filles à la fois, n'avons nous jamais mis plusieurs fers au feu ?
Et n'avons nous jamais passé sans vergogne d'un minois à l'autre jusqu'à ce que définitivement pris, nous n'ayons plus qu'un seul amour pour tout horizon.

Encore merci pour vos interventions qui me donneront le goût de progresser.