L’homme entra dans la loge qui sentait le renfermé ; de nombreux meubles surchargeaient la pièce rose. Les yeux de l’homme s’arrêtèrent sur la coiffeuse en désordre. Il se regarda dans le miroir, toujours surpris par sa grande taille. Ses yeux finirent par s’arrêter sur le lit à sa droite. La jeune femme qui dormait dessus commençait à gesticuler.
Elle se réveilla pleine de question et de vie, lorsqu’elle aperçut un homme debout au pied du lit. N’ayant pas conscience de sa propre existence, elle se leva rapidement et se jeta affectueusement au cou de l’inconnu, puis, après avoir relâchée son étreinte, lui dit, hésitante :
« Je vous ai déjà vu ? ».
L’homme, surpris, ne répondit pas.
« C’était l’autre soir, si je me souviens bien j’ai dansé avec vous lors du bal… Comme je suis heureuse de vous voir » dit-elle les deux mains sur les genoux en penchant sa tête en avant de manière à dévisager l'homme et impolie, d’un ton sincèrement enjoué.
L’homme ne dit toujours rien.
« Vous sembliez tellement perdu… je veux dire l’autre soir » dit-elle en se redressant et en croissant les bras.
L’homme toujours surpris n’avait pas le temps de parler. Il observait avec délice ce petit bout de vie brun, radieux, se mouvant, tout en restant neutre. Il se remémorait l’autre soir, le fameux bal. Il était resté dans un coin, comme à son habitude, quand ce bel ange est venu l’inviter à danser. Jamais dans sa vie il n’avait été autant troublé que pendant cette danse.
« Vous êtes étudiant en médecine si j’ai bien compris ? Vous êtes venu sauver ma mère ?» dit la jeune femme pleine d’enthousiasme.
L’homme ne dit rien, rêveur et ne voulant pas dévoiler la raison de sa présence dans cette ville.
« Euh, je me rends compte que je ne me suis pas présentée, je m’appelle Eléonore… Vous savez vous pouvez parler »
L’homme sortit de sa rêverie et lui dit enfin :
« Oui, je suis étudiant en médecine. On m’a dit que vous savez où se trouve le professeur Strauss. Pouvez-vous me conduire à lui ? ;
- Effectivement, le professeur Strauss est mon père, répondit-elle en oubliant ses soucis, j’ai peur de vous décevoir, tout le monde sait bien que le professeur Strauss est parti depuis belle lurette ;
- Mais alors comment se fait-il que des articles sont édités ici par le professeur Strauss ? ;
- Euh, comment vous le dire. C’est moi qui les publie, dit-elle en faisant des ronds au sol avec son pied droit, les mains jointes derrières son dos et en baissant la tête ;
- Comment ça ? ;
- Euh, comment vous le dire... il fallait que j’attire un médecin en ville pour sauver ma mère… » répondit-elle en relevant la tête après avoir marqué un temps.
Une cloche sonna dans la loge. Eléonore se tourna vers la coiffeuse, vérifia que tout était en ordre et dit :
« Ça va bientôt être à moi, se retournant vers son visiteur, il faut que je finisse de me préparer. »
L’homme souffla un grand coup et sortit de la loge.