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Auteur Sujet: Le chien d'Occident  (Lu 15307 fois)

Hors ligne Gros Lo

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Le chien d'Occident
« le: 25 décembre 2008 à 23:30:13 »
J'aime les vacances, je veux qu'elles se fassent contaminer par un trou noir et qu'elles n'aient plus de fin...

Bon, j'ai écrit un texte-pas-trop-court, mais pas assez long pour figurer dans les romans-feuilletons. Je pense que c'est à peu près de la longueur du texte numéroté de Milora sur Bonhomme. Un peu moins peut-être, à peine 15 pages Word. Je le poste par chapitre, y en a six, dans six jours ce sera tout posté. Je mettrai des liens en reprenant le fonctionnement réussi de QG.

C'est un peu long donc j'vous en voudrais encore moins que pour un autre texte si vous abandonnez :-¬? c'est assez dense et p't-êt' pas toujours très clair. Et y a plein de trucs maladroits, hasardeux, qu'il aurait fallu revoir avant de poster... bon le voilà.







LE CHIEN D’OCCIDENT.
_______







Chapitre 1
L’homme qui expirait



Il marchait sous les hautes frondaisons de cuivre. Les feuillages se déchiraient à son passage, lui livrant d’autres clairières, d’autres vallons. Il avait le pas lent et la respiration vive. Il partait en quête d’une source sulfureuse à laquelle abreuver sa foi, s’égarait dans les sous-bois et finissait par écorcher sa peine en traversant d’épais ronciers. Les feuilles rousses animaient les sous-bois d’instincts fauves. Il aimait l’esquive, c’était quand l’obstacle inondait ses bottes ou éraflait ses jambes que la forêt verte et vive le saisissait au cœur ; alors, il tressaillait, hoquetant parfois lors de l’étreinte, ne sachant s’il fallait rire ou mourir – trop faible pour faire l’un ou l’autre ; puis, la brise s’entêtant à le ressusciter aux sous-bois, il se tapissait dans les fourrés. Se contentait de louer la blessure, d’en recueillir le sang. Toujours sa promenade s’étirait entre les colonnes d’écorce et il oubliait pourquoi il était entré dans la forêt. Ce jour-là, il n’y eut rien qui troubla son rituel quotidien.

Ma flânerie n’avait depuis quelque temps ni queue ni tête. C’était un fait, chaque soir je poussais la porte et me faisais l’amer constat. Je m’étais promené à loisir, insouciant et absent, sans jamais m’attarder, aveugle et sourd aux rousses froissures automnales, et mon insensibilité me jetait dans des douleurs muettes. Je ne trouvais plus les mots pour exprimer cette soudaine aversion qui me chamboulait du cœur à la tête, qui laissait mon poignet débile et tremblant ; je me perdais à regarder la danse rouge qui animait l’âtre de lueurs folles, j’imaginais les démons qui pressaient mon cœur comme on presse un agrume, un citron acide et desséché, et ma torpeur s’assoupissait, ma tête flanchait, des rêves effrontés s’accaparaient mes sens.

Ce jour-là ne fut qu’une redite des veilles douloureuses. Quand il tourna le dos à la forêt et sa vie qui sourd, quand il fut ramené devant le portail de fer qui griffait les nuages, il ne se rappela plus les ruisseaux adamantins. La forêt gardait ses trésors, lui n’était qu’un tire-laine ingénu et grossier ; elle reprenait un à un les souvenirs d’humus, pêchant dans sa mémoire engrossée de la riche collecte, lui laissant l’esprit vide. Et il y fouillait en vain, tirant des décombres quelque exsangue réminiscence qu’il jetait enfin au feu, perdu et résigné. L’âtre dévorait tout.

Parfois, lorsque je n’avais que de la bile à vomir, carcasse amnésique et faible, lorsque je cherchais à me défendre de la forêt avare venant rechercher ses biens, je songeais à demander de l’aide. Je savais comment faire, je n’avais qu’à partir. Dans ces moments, de violentes gerbes d’enthousiasme me traversaient de part en part et j’arpentais le manoir, courant presque, dévalant les escaliers, me heurtant aux portes massives, gagnant la bibliothèque aux senteurs musquées d’encre et de papier. Mon regard fiévreux sautait de reliure en reliure comme une mère compte ses petits ; de temps à autres, je caressais une couverture sombre, brusque et gauche, rêvant d’autres lieux et me méprenant sans cesse, touchant une peau de femme là où il y avait le cuir. La réponse se trouvait dans ces volumes chauds et lourds, elle flottait autour d’eux comme un parfum obsédant. J’avais besoin d’une femme pour m’aider à conjurer le mauvais sort, c’était elle qui persuaderait la forêt de laisser son empreinte cuivrée sous ma peau ; si elle essuyait un refus narquois, encore couverait-elle la rage des femmes de sa contrée. Y en avait-il de plus fielleuses, de la dame aux serpents jusqu’à la magicienne égorgeuse ? La mienne forcerait la main de cette canopée avare de souvenirs. Trouver une femme qui dompte la forêt, voilà ce que me chuchotaient les pages des grimoires.

Il attribuait au vélin une confiance aveugle. Chaque matin, la brume de désespoir se déchiquetait, un coin d’espoir jetait des taches de lumière folles sur sa morosité ; tourmenté, n’osant encore considérer sa journée sous ce souffle nouveau, il déjeunait à la va-vite, frugalement, les nerfs à fleur de peau, feuilletait quelques livres – la poussière le faisait éternuer – et les laissait en pile sur un guéridon. Et passait en trombe dans le vestibule, le veston à la main, tout à ses sylvestres pensées. Il rejoignait les frênes, s’attardait. Le soleil tombait sous la terre. La silhouette était courbée quand elle franchissait le seuil du manoir. La forêt lui avait fait régurgiter ses souvenirs, un à un, imperceptiblement, dès le moment où il avait dépassé la lisière. Alors il s’effondrait dans un fauteuil, au coin du foyer, et s’évertuait à retrouver trace du chemin qu’il avait pris, des fougères qui s’écartaient, des branchages enchevêtrés. Une fois, il trouva des gouttes ambrées dans un repli de son veston. La soirée s’égrena entre balbutiements et hoquets, et sa mémoire suintait l’incompréhension, ne trouvait en elle nul souvenir de la sève collante et colorée.

Le sommeil enracina ma résolution. Le lendemain, elle s’était fait une place de choix entre les parois de mon crâne douloureux. J’allais trouver une femme qui m’accompagnerait dans la forêt. Elle cracherait un venin fumant qui ferait grésiller l’humus ; couperait les doigts sylvestres cupides de souvenirs, ces doigts-branches qui écorchaient ma mémoire et retenaient mes impressions. J’irais chercher cette femme et tous deux cheminerions jusqu’aux arbres aux souvenirs pendus ; nous terrasserions ensemble la mousse et la sève qui happait et engluait ma mémoire. Mon manoir était froid, la femme embraserait l’air, sa présence étoufferait toute amertume ; elle serait mon second corps, elle serait une autre peau, d’autres doigts, penserait de même et penserait autre chose à la fois, et je m’accrocherais éperdument à elle, l’un sombrerait dans les chairs et les songes de l’autre, comme une bougie noyée dans sa cire. Je pourrais enfin faire des choses. Nous les ferions ensemble. Je l’imaginais le teint brasillant, exaltant l’atmosphère froide de cette lugubre enfilade de pièces, et sa toison auburn s’imprègnerait du parfum des vieux livres.

La nuit suivante, il ne parvint à s’échapper vers des lieux sans souffrance. Il ne pensait qu’à elle. Il la sentait au pied de son lit, il la fantasmait rampante à son chevet, les yeux luisants d’une envie de chair et de sous-bois. « Bientôt, ma belle, bientôt tu seras mienne », susurrait-il alors aux ténèbres. Il croyait voir des courbes dans les ombres du baldaquin, des membres charnus, des lèvres quémandeuses, une toison cuivrée. Il se raidissait à chaque chuintement du vent, sentant une haleine sur sa nuque, et son bas-ventre redoublait de vigueur. Il passa une nuit agitée, ne s’endormit qu’à potron-minet dans ses draps trempés. Déjà, l’aurore poudrée de rose humectait les hautes cimes. Il n’alla pas en forêt ce jour-là.







« Modifié: 01 janvier 2009 à 19:23:07 par Loredan »
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Re : Le chien d'Occident
« Réponse #1 le: 25 décembre 2008 à 23:56:59 »
des broussailles d’épineux pour écorcher sa peine.
ça se dit sûrement
c'est sustantivé ? "d'épineux"
j'ai trouvé ça bizarre, mais ça se dit peut-être
sinon j'aime bien l'idée, le jeu de mot

Il aimait l’esquive, c’était quand l’obstacle inondait ses bottes ou éraflait ses jambes que la nature verte et vive le transfigurait ;
là, c'est transigurer que je trouve bizarre, t'entends quoi exactement ?

 "il" puis "je"   ????   changement de personne ?
c'est.... quelqu'un d'autre ou un simple changement de point de vue ?
faudrait peut-être faire une transition plus nette

Je ne trouvais plus les mots pour exprimer cette soudaine aversion qui me chamboulait du cœur à la tête,
idem pour chambouler.... hm.... faudrait.... je sais pas... c'est pas trop le même registre... je sais pas :-[

quand il fut ramené devant le portail de fer qui griffait les nuages,
joli!

j’arpentais le manoir,
lol, je l'imaginais dans une cabane

courant presque, dévalant les escaliers, se heurtant aux portes massives, 
me, nan ?


dans l'ensemble, sincèrement, j'ai pas trop accroché :-[
je trouve ça un peu complexe... un peu trop...
et puis... j'aime pas la nature :P
alors les descriptions, c'est sûrement très bien, mais en fait c'est pas trop mon truc

j'ai plus aimé le truc avec la femme et l'image des souvenirs-arbres, enfin bref, tu le dis mieux que moi

et le changement de point de vue, j'ai trouvé ça très bizarre

voilà ><
"Je crois qu'il est de mon devoir de laisser les gens en meilleur état que je ne les ai trouvés"
Kennit, Les Aventuriers de la Mer, Robin Hobb.

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Re : Le chien d'Occident
« Réponse #2 le: 26 décembre 2008 à 00:06:08 »

Chouette :mrgreen:


Heu oui, "me".

Oui, des épineux, ça s'dit bien j'crois... ?


Citer
là, c'est transfigurer que je trouve bizarre, t'entends quoi exactement ?
ça l'exalte au plus haut degré. Comme s'il voyait Dieu (et qu'il y croyait).

Oui, juste un changement de point de vue, c'est toujours le même.

Citer
Citer
Je ne trouvais plus les mots pour exprimer cette soudaine aversion qui me chamboulait du cœur à la tête,
idem pour chambouler.... hm.... faudrait.... je sais pas... c'est pas trop le même registre... je sais pas :-[
ouais j'avais relevé mais flemme de corriger, j'vais chercher. "qui m'ébranlait" ?



Citer
lol, je l'imaginais dans une cabane
raté :P



Citer
dans l'ensemble, sincèrement, j'ai pas trop accroché :-[
je trouve ça un peu complexe... un peu trop...
et puis... j'aime pas la nature :P
hah tu vas être servie :P non c'est sûrement le chapitre qui en parle le plus. Après ça se glauquise.


j'ai plus aimé le truc avec la femme et l'image des souvenirs-arbres, enfin bref, tu le dis mieux que moi

Citer
et le changement de point de vue, j'ai trouvé ça très bizarre
ouais... je sais pas s'il se poursuivra dans la suite (lectures et relectures, je sais plus où j'en suis... xD)


Ben... si t'as le courage de continuer, j'posterai la suite dmain aprèm :-¬? p't-être que quand on lit tout d'un coup, ça va mieux. Je sais pas.
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Hors ligne Matt

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Re : Le chien d'Occident
« Réponse #3 le: 26 décembre 2008 à 10:34:45 »

Bonjour,

Un texte fort intéressant. J'ai relevé ceci :

Citer
Il marchait sous les hautes frondaisons de cuivre.

Je ne comprends pas bien le sens de cette première phrase.

Citer
des broussailles d’épineux pour écorcher sa peine.

"des broussailes épineuses"

Citer
Ma flânerie n’avait depuis quelque temps ni queue ni tête.

"quelques temps"

Citer
Et il y fouillait en vain, tirant des décombres quelque exsangue réminiscence qu’il jetait enfin au feu, perdu et résigné.

J'aime pas trop la construction de cette phrase avec "quelque exsangsue"

Citer
tout à ses sylvestres pensées.

Je ne comprends pas bien cette phrase.

Les Oeuvres d'Art ont quelque chose d'infiniment solitaire, et rien n'est aussi peu capable de les atteindre que la critique.

Seul l'amour peut les saisir, les tenir, et peut être équitable envers elles.

Rainer Maria Rilke

Hors ligne Spes

  • Calliopéen
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Re : Le chien d'Occident
« Réponse #4 le: 26 décembre 2008 à 11:09:55 »
Citer
Les feuillages se déchiraient toujours ; d’autres clairières, d’autres vallons.

Ça m'a posé ton personnage comme quelqu'un qui ne prête guère attention à la nature, voire même à ce qui vit, puisque j'ai pensé qu'ils se déchiraient sur son passage.. Mais peut-être est-ce l'effet voulu ?

Citer
Les feuilles rousses animaient les sous-bois d’instincts fauves.

Je verrai bien ces feuilles en mouvement..

Citer
alors, il tressaillait, hoquetant parfois sous le coup de luxuriance

Luxuriance dénote un peu, à mon avis

Citer
qui laissait mon poignet débile et tremblant ;

Pourquoi cette mention du poignet ?

En ce qui concerne le changement de narrateur, on le sent avec le passage à la première personne, mais peut-être serait-il judicieux de mettre une différence de forme ?

Citer
si elle essuyait un refus narquois, encore couverait-elle la rage des femmes de sa contrée

Un peu difficile à comprendre, j'ai du faire une pause.. Ainsi, se réserve-t-il le droit de refuser des propositions qui  n'ont pas encore eu lieu ? Et pourquoi la femme rejetée couverait-t-elle cette rage ? Les gens de la contrée sont habituellement plus enragés que les autres ?

Citer
, il déjeunait à la va-vite, frugalement,

Y'a pas d'erreur, mais je m'aperçois à ce moment qu'il n'y a nulle part des saveurs ainsi que peu d'odeurs, du moins selon mon ressenti. D'ailleurs, tu loupes de belles occasions.. tu as déjà goûté de la sève pure ?

Citer
J’allais trouver une femme

J'aurais bien aimé que ton narrateur soit une femme  :-°

Citer
et sa toison auburn s’imprègnerait du parfum des vieux livres.

J'ai beaucoup aimé cette image, l'atmosphère que dégage l'arrivée de cette femme dans le récit, cette chaleur crépitante..

Citer
, et son bas-ventre redoublait de vigueur.

Certes, on comprend qu'il la croie vraiment réelle et palpable, mais je n'ai pas trouvé ça très bien amené


L'impression générale qui se dégage de ton texte est forte et prenante. Les descriptions restent et contribueront sûrement à en créer un souvenir tenace. Si j'étais sûr du terme, je dirais qu'il est poétique.
J'ai plutôt bien accroché, mais avec une telle présentation du personnage, il va falloir que le reste suive.. Enfin, je te fais confiance là-dessus ^ ^
Sinon, n'y aurait-il pas moyen de mettre un passage qui intrigue, révolte, enfin, implique le lecteur, avant ce texte ? On y rencontrerai deux ou trois personnages, qu'on désirerait retrouver par la suite pour régler nos comptes avec eux, peut-être, et l'on saurait que c'est celui du manoir qui va nous permettre de les revoir, donc on s'attacherait davantage à lui..
Je l'avoue, je voudrais de l'action partout x]
Donc, je trouve qu'il y a un problème au niveau du rythme, peut-être un peu trop lent (mais est-ce parce que je le lis comme s'il était une nouvelle ?).. Aussi, cela regorge de mystères..
Je lirais la suite ^^

Ps:  j'ai souvent entendu "des épineux", il me semble que c'est correct
« Modifié: 26 décembre 2008 à 11:35:56 par Spes »

Hors ligne Matt

  • Calame Supersonique
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Re : Le chien d'Occident
« Réponse #5 le: 26 décembre 2008 à 12:52:30 »

Citer
Ps:  j'ai souvent entendu "des épineux", il me semble que c'est correct

Oui c'est correct de dire "des épineux" mais ici je pense qu'il a voulu dire que ces brousailles sont couvertes d'épines.
Les Oeuvres d'Art ont quelque chose d'infiniment solitaire, et rien n'est aussi peu capable de les atteindre que la critique.

Seul l'amour peut les saisir, les tenir, et peut être équitable envers elles.

Rainer Maria Rilke

Verasoie

  • Invité
Re : Le chien d'Occident
« Réponse #6 le: 26 décembre 2008 à 13:18:54 »
Dans l'ensemble j'ai bien accroché au style, mais j'ai eu une méprise au début du texte : je croyais qu'il n'allait en forêt qu'en pensée. Du coup ça a changé mon interprétation ensuite (j'ai cru que la "libération" qu'il trouvait dans les livres était l'évasion de la lecture, par exemple). Enfin, c'est peut-être voulu...? Si non, voilà ce qui m'a mis sur une mauvaise piste :
Citer
. Il trouvait toujours une source sulfureuse à laquelle abreuver son cœur ; un ruisseau échevelé et son lit de terre molle à franchir en pensée,
"abreuver son coeur", étant donné que c'est une métaphore... et aussi "franchir en pensée", après coup je vois qu'il est à côté du ruisseau et s'imagine le franchir, mais du coup je croyais qu'il n'était pas en forêt du tout. J'imaginais un peu comme Fitz en Oeil-de-nuit, peut-être, je sais pas trop. Enfin comme personne n'a relevé, c'est probablement moi qui cherchais à me compliquer les choses ^^

Citer
Je m’étais promené à loisir, insouciant et absent, sans jamais m’attarder, aveugle et sourd aux rousses froissures automnales, et mon insensibilité me jetait dans des douleurs muettes. Je ne trouvais plus les mots pour exprimer cette soudaine aversion qui me chamboulait du cœur à la tête, qui laissait mon poignet débile et tremblant
Ah, zut, voilà qui me fait douter à nouveau. En fait, il écrivait cette promenade? (Si c'est ça oublie mes remarques sur la "dématérialisation" (mdr ça fait Code Lyoko xD) de la promenade au dessus. Enfin, je suppose qu'il écrivait puisque tu fais une allusion au poignet, comme Spes l'a mentionné... peut-être que tu devrais mentionner un papier, une plume, pour que le lecteur en soit sûr, si c'est cette interprétation?

Citer
quand il fut ramené devant le portail de fer qui griffait les nuages, il ne se rappela plus les ruisseaux adamantins.
J'aime beaucoup cette phrase, avec l'image "griffait les nuages". Et puis l'adjectif "adamantin" a je-ne-sais-quoi de charmeur, enfin, j'trouve ce mot très beau ^^ (plus subjectif, tu meurs. XD)

Hop, je suis un peu plus loin dans la relecture, je crois tenir le bon bout : il se promène en forêt réellement et veut (d)écrire cela ensuite?

Pour le changement de point de vue, pour ma part il ne me perturbe pas, si ce n'est que je n'en vois pas (pas encore?) la signification...

Voilà, j'ai fini la relecture, et j'aimerais bien lire la suite :mrgreen: Tu as un style soutenu comme toujours, mais à la fin du texte cela ne gêne pas du tout la compréhension, j'aime beaucoup les passages à partir du moment où tu mentionnes la femme, ça fait très réel. Pour le début je ne pense pas que ce soit le style qui gêne mais le fait qu'on ne sait pas trop ce que fait ton personnage, s'il rêve ou si c'est réel... on continue de se poser la question, en fait, ou on saute d'une interprétation à l'autre, enfin, c'est bizarre. Le changement de point de vue laisse présager quelque chose de ce genre aussi, donc...

Bref, voilà pour mon conseil, de préciser ce qu'il en est au début ^^

Hors ligne Gros Lo

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Re : Le chien d'Occident
« Réponse #7 le: 26 décembre 2008 à 16:04:19 »
Oh, que de réponses.

MATTHIEU

Citation de: Matthieu
Citer
Il marchait sous les hautes frondaisons de cuivre.

Je ne comprends pas bien le sens de cette première phrase.
ça part mal :mrgreen: il marche dans la forêt, sous la voûte des feuilles, et c'est l'automne, donc la forêt est cuivrée.


Pour "broussailles d'épineux", j'aurais pu dire "dans la forêt de résineux", c'est dans cette idée de construction-là.


Citer
Citer
Ma flânerie n’avait depuis quelque temps ni queue ni tête.

"quelques temps"
ah ça pas sûr du tout... t'as un dico qui te le dit ?


Citer
Citer
Et il y fouillait en vain, tirant des décombres quelque exsangue réminiscence qu’il jetait enfin au feu, perdu et résigné.

J'aime pas trop la construction de cette phrase avec "quelque exsangsue"
oui celle-là j'exclus pas de la revoir.


Citer
Citer
tout à ses sylvestres pensées.

Je ne comprends pas bien cette phrase
tout à ses pensées de forêt


Merci d'avoir lu si rapidement :) et merci de ta précision.


SPES


Citation de: Spes
Citer
Les feuillages se déchiraient toujours ; d’autres clairières, d’autres vallons.
Ça m'a posé ton personnage comme quelqu'un qui ne prête guère attention à la nature, voire même à ce qui vit, puisque j'ai pensé qu'ils se déchiraient sur son passage.. Mais peut-être est-ce l'effet voulu ?
arf, non c'est pas du tout voulu. "déchiraient" c'est juste pour dire qu'il se fraie un chemin... il y prête une attention toute particulière au contraire, faudra que j'insiste peut-être.


Citer
Citer
alors, il tressaillait, hoquetant parfois sous le coup de luxuriance

Luxuriance dénote un peu, à mon avis
ce passage est juste trop hideux, mais j'trouve pas moyen de le modifier... j'pense que je vais ouvrir un doc Word vierge et que je vais réécrire le premier paragraphe, avec les souvenirs de l'ancien mais avec les formulations qui me viendront. Ce sera sûrement mieux... j'espère.


Citer
En ce qui concerne le changement de narrateur, on le sent avec le passage à la première personne, mais peut-être serait-il judicieux de mettre une différence de forme ?
j'pense que ça ferait trop coupure si à chaque fois j'mettais en italique les passages à la 3ème personne... j'préfère laisser comme ça, en cherchant un autre moyen de pointer le changement du doigt !


Citer
Citer
si elle essuyait un refus narquois, encore couverait-elle la rage des femmes de sa contrée

Un peu difficile à comprendre, j'ai du faire une pause.. Ainsi, se réserve-t-il le droit de refuser des propositions qui  n'ont pas encore eu lieu ? Et pourquoi la femme rejetée couverait-t-elle cette rage ? Les gens de la contrée sont habituellement plus enragés que les autres ?
refuser des propositions... ? il se doute que la forêt ne va pas se laisser faire. Et il connaît beaucoup de choses sur celle qu'il cherche, notamment la rage que peuvent couver les femmes de sa contrée... en fait ouais c'est vraiment chaud parce que c'est une nouvelle mais c'est trop long à poster d'un coup, et en même temps il faudrait le lire d'une traite... arf.


Citer
Citer
, il déjeunait à la va-vite, frugalement,

Y'a pas d'erreur, mais je m'aperçois à ce moment qu'il n'y a nulle part des saveurs ainsi que peu d'odeurs, du moins selon mon ressenti. D'ailleurs, tu loupes de belles occasions.. tu as déjà goûté de la sève pure ?
jamais non, c'est bon ? xD ouip, il faudra que j'ajoute des sensations. Méthode hobbienne, en plus.


Citer
J'aurais bien aimé que ton narrateur soit une femme  :-°
désolé :P


Citer
Citer
et sa toison auburn s’imprègnerait du parfum des vieux livres.

J'ai beaucoup aimé cette image, l'atmosphère que dégage l'arrivée de cette femme dans le récit, cette chaleur crépitante..
haan voilà le mot que je cherchais à un moment pour la décrire xD crépitant xD merci :huhu:


Citer
Citer
, et son bas-ventre redoublait de vigueur.

Certes, on comprend qu'il la croie vraiment réelle et palpable, mais je n'ai pas trouvé ça très bien amené
arf... tu verrais quoi ?


Citer
Sinon, n'y aurait-il pas moyen de mettre un passage qui intrigue, révolte, enfin, implique le lecteur, avant ce texte ? On y rencontrerai deux ou trois personnages, qu'on désirerait retrouver par la suite pour régler nos comptes avec eux, peut-être, et l'on saurait que c'est celui du manoir qui va nous permettre de les revoir, donc on s'attacherait davantage à lui..
Je l'avoue, je voudrais de l'action partout x]
ouais mais en fait y a vraiment très peu de personnages et pas beaucoup d'action... j'ai essayé de faire pour une fois une sorte d'évolution psychologique plus qu'autre chose... mais bon je pense que le chapitre 1 est celui où il se passe le moins d'choses, donc peut-être que le rythme va arriver...


Merci de t'arracher les plumes sur c'texte ^^



VERASOIE


Citation de: Verasoie
j'ai eu une méprise au début du texte : je croyais qu'il n'allait en forêt qu'en pensée. Du coup ça a changé mon interprétation ensuite (j'ai cru que la "libération" qu'il trouvait dans les livres était l'évasion de la lecture, par exemple). Enfin, c'est peut-être voulu...? Si non, voilà ce qui m'a mis sur une mauvaise piste :
Citer
. Il trouvait toujours une source sulfureuse à laquelle abreuver son cœur ; un ruisseau échevelé et son lit de terre molle à franchir en pensée,
"abreuver son coeur", étant donné que c'est une métaphore... et aussi "franchir en pensée", après coup je vois qu'il est à côté du ruisseau et s'imagine le franchir, mais du coup je croyais qu'il n'était pas en forêt du tout. J'imaginais un peu comme Fitz en Oeil-de-nuit, peut-être, je sais pas trop. Enfin comme personne n'a relevé, c'est probablement moi qui cherchais à me compliquer les choses ^^
ah ouais c'était un danger en effet... je vais revoir le passage pour qu'on comprenne qu'il y est vraiment. En plus j'me rends compte que y a des passages dans la suite qui font un peu Fitz-OEil-de-Nuit ><


Citer
Citer
Je m’étais promené à loisir, insouciant et absent, sans jamais m’attarder, aveugle et sourd aux rousses froissures automnales, et mon insensibilité me jetait dans des douleurs muettes. Je ne trouvais plus les mots pour exprimer cette soudaine aversion qui me chamboulait du cœur à la tête, qui laissait mon poignet débile et tremblant
Ah, zut, voilà qui me fait douter à nouveau. En fait, il écrivait cette promenade? (Si c'est ça oublie mes remarques sur la "dématérialisation" (mdr ça fait Code Lyoko xD) de la promenade au dessus. Enfin, je suppose qu'il écrivait puisque tu fais une allusion au poignet, comme Spes l'a mentionné... peut-être que tu devrais mentionner un papier, une plume, pour que le lecteur en soit sûr, si c'est cette interprétation?
les précisions arrivent petit à petit en fait. En tout cas, il l'a vraiment vécue, cette promenade. Si les doutes persistent, di(te)s-le moi.


Ouais "adamantin" c'est toujours classe hein :P


Citer
Hop, je suis un peu plus loin dans la relecture, je crois tenir le bon bout : il se promène en forêt réellement et veut (d)écrire cela ensuite?
c'est que disons, ça en fait se pourrait bien ^^


Citer
Pour le changement de point de vue, pour ma part il ne me perturbe pas, si ce n'est que je n'en vois pas (pas encore?) la signification...
elle va pas venir tout de suite, en fait à partir du 3ème chapitre, ce sera en voyant la fréquence et tout qu'on comprend j'pense petit à petit. C'est lié à l'intrigue aussi.



Merci pour tes conseils, en tout cas, il ne rêve pas. Enfin si, quand il pense coucher avec la fille, il rêve. Mais pas pour la forêt.


Bon ben je relis le chap 2 et je le poste, merci d'avoir lu, tous ! :)
« Modifié: 26 décembre 2008 à 16:05:57 par Loredan »
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Hors ligne Matt

  • Calame Supersonique
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Re : Le chien d'Occident
« Réponse #8 le: 26 décembre 2008 à 16:18:19 »

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ah ça pas sûr du tout... t'as un dico qui te le dit ?

En faite on peut écrire les deux, mais je me suis trompé car ici c'est plutôt pour dire "un certain temps" et non plusieurs donc laisse "quelque temps", c'est correct !
Les Oeuvres d'Art ont quelque chose d'infiniment solitaire, et rien n'est aussi peu capable de les atteindre que la critique.

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Re : Le chien d'Occident
« Réponse #9 le: 26 décembre 2008 à 16:24:08 »
Ok merci !

Bon. A partir de maintenant, les titres seront un peu étranges... mais essayez pas de chercher ce que ça veut dire, sinon tout est foutu :mrgreen: je vous le dirai en temps et en heure... bon, 2ème chapitre donc, un peu plus long. Il se passe un peu moins rien. :-¬?



[Chapitre un.]






Chapitre 2
Tépy-djouf



Le crépuscule tomba deux fois et l’homme qui expirait n’était pas sorti. Il se levait tôt, mangeait peu, étudiait. La bibliothèque s’était emplie d’odeurs d’encre et de sueur. Il glosait dans les marges jaunies, griffonnait quelques lignes sur un morceau de papier puis revenait, forcené, à sa lecture. La plume crissait parfois, le niveau de l’encrier ne baissait guère ; mais les ouvrages s’empilaient sur la table de travail, la tranche cassée par les relectures avides, les pages couvertes de larges traits noirs, de signes abscons, d’allusions sourdes. Il dessinait quelquefois ; le parchemin se couvrait alors de spirales grasses et de pentagones biscornus, de croquis de femmes ; il y avait des cheveux et des seins, des triangles sombres, c’était elle, avec toujours aux pieds des feuillages piétinés. Le crayon lui échappait, ses traits s’animaient, ses yeux brillaient d’une fulgurance inquiète : alors il partait s’affairer à travers le manoir, cherchant de l’ocre et du carmin pour ses esquisses, ouvrait les fenêtres, humait l’air froid, contemplait l’orée de la forêt qui verdissait son horizon et s’en retournait l’air grave.

La nuit me tombait sur les épaules, je rangeais hâtivement mon écritoire. L’éteignoir, la gorge prise dans la cire refroidie, n’avalait plus les flammes : je n’avais pas changé les bougies depuis des jours. Je ne veillais plus, ne m’endormais pas même au coin de l’âtre : quand le ciel s’empourprait, j’étais sur le seuil de ma chambre et prêt à dormir. Chaque nuit, je songeais à l’affamée qui s’attardait au portail de fer ; chaque matin, une hâte inconsciente m’éveillait de bonne heure : c’était l’envie partagée de chair et d’encre et de sous-bois qui me dressait sur mon séant et me creusait des cernes. Nulle dame crépitante : il n’y avait que les mâtins pour attendre que la haute grille s’entrouvre.

Dix journées s’étiolèrent ainsi. Il avait le teint pâle et les joues creuses, avec dans l’œil un je-ne-sais-quoi de démence qui ne passait pas. Dans les soubassements du manoir, il se livrait à des rituels saugrenus, faisant brûler de longues tiges d’encens, et restait agenouillé là des heures, traçant à la craie des figures qu’il saupoudrait de cendres. Le onzième jour, il sortit un ouvrage de la bibliothèque et l’emporta dans les caves. Cette nuit-là, il ne dormit pas. Il tâtait la chair en sondant la pénombre, il y embrassait des lèvres, s’enivrait de luxure, enlaçant jusqu’à l’épuisement l’obscurité de la chambre. Quand au matin la lumière fourragea les ténèbres vides, il fut pris de violents tremblements et resta alité jusqu’à une heure avancée. « Je t’aimais… où es-tu, je t’aimais », murmurait-il sans comprendre, et des larmes mouillaient ses cernes et roulaient sur ses joues sales. Lorsqu’enfin il fut levé, son air égaré et son teint blafard disaient tout de son état.  Il voulut descendre dans les caves, hésita, se tenant fébrilement à la rampe de fonte, puis se ravisa. Il partit remplir un seau et le déversa sur les dalles couvertes de cendre et de craie. Un instant passa, il était parti.

Tous les arbres semblaient attirés par la sente qui longeait la lisière. Ils tendaient désespérément leurs branches noires vers le serpent de terre et laissaient les feuilles mortes s’empaler sur les herbes tranchantes. Je voyais ça de loin. Je coupais par les champs, filais comme une ombre vers le vallon embrumé ; longeais le cimetière abandonné, rejoignais la route. Là commençait ma longue marche. Ce n’était pas une promenade, c’était une quête. Je ne voyais qu’elle. Demander de l’aide était si simple : je n’avais qu’à marcher. Elle vivait au bord de la route.

Chaque soir, je revenais au manoir optimiste et enjoué. J’allais toujours un peu plus loin. Pour peu que je comblasse encore une demi-lieue, je trouverais enfin celle qui m’accompagnerait dans la forêt et m’aiderait à garder mes souvenirs. Nous ferions des choses ensemble. Ma vie reprendrait enfin. En rentrant de ma marche quotidienne, j’étais souvent suivi d’un chien errant, noir et efflanqué. Je tentai par deux fois de m’en approcher, mais la bête était peureuse et montrait les crocs. Elle avait le museau allongé et semblait, elle aussi, chercher quelque chose. Elle gardait ses distances, me suivait de loin, comme s’il elle était chargée d’une filature. Nos routes se séparaient entre le cimetière et le gué.

Et leurs quêtes s’entrelaçaient, bon gré mal gré.

Au bout d’une semaine, je n’avais pas renoncé ; au contraire, je redoublais d’ardeur à la tâche. A peine prenais-je le chemin du retour que je sentais souffler en moi de grandes rafales d’impatience : le lendemain, je pousserais plus loin. Je n’avais pas retrouvé l’enthousiasme cependant : elle seule réussirait à m’assoiffer de forêt à nouveau. C’est alors que le chien se montra plus agressif. Il s’approchait toujours davantage et grognait souvent, ses longues oreilles pointées vers moi. En rentrant au manoir, je prenais garde à refermer le portail et j’examinais les trous de la haie d’ifs avec circonspection.

L’accident eut lieu le lendemain. Il s’était levé tard ; il se levait tard depuis qu’il la cherchait hors des figures de craie. Après avoir déjeuné de fruits et de purée de fèves, il s’habilla chaudement pour affronter la morsure de l’hiver ; dehors, le vent sifflait. A peine eut-il franchi la grille que le chien venait à sa rencontre, accourait en grandes foulées silencieuses, ses oreilles effilées et menaçantes semblables à des pointes de sagaie noircies. L’homme prit peur et voulut refermer le portail sur la gueule rouge. Les crocs jaunis lui happèrent la jambe et s’enfoncèrent dans les chairs. Il donna un rude coup de pied et referma violemment le portail, faisant grincer sinistrement les gonds. « La peste soit des chiens ! » éructa-t-il en cadenassant la grille et en boitillant vers le manoir.

La douleur disparut vite. Le sang n’avait d’ailleurs pas coulé. Mes chausses étaient perforées à l’endroit où la gueule de l’animal s’était refermée mais elle avait vraisemblablement dérapé : mon mollet était rouge, ne recelait cependant que d’anciennes égratignures dues aux ronces. Une méchante aigreur m’envahit. Je ne pourrais plus aller à la rencontre de ma salvatrice, si ce chien me guettait à toute heure. J’avais peur. Je craignais horriblement que les sous-bois aient finalement triomphé, qu’il n’y ait pour mes souvenirs plus aucune échappatoire : sans doute avaient-ils à jamais rejoint le giron avare de la forêt. Mes sanglots étouffés meurtrissaient la nuit sereine. J’étais désespéré.

Au matin, son affliction s’était évanouie à son tour. Il s’était convaincu que le chien ne reparaîtrait pas. Ce n’était pas le coup de pied qui l’avait chassé : la botte avait frappé l’air. L’animal avait perçu sa méprise et s’était enfui la queue entre les jambes. Un rapide tour dans la bibliothèque affranchit sa conscience des remords latents. Quand elle serait à ses côtés, il reprendrait ses études avec une ardeur renouvelée. Et ils feraient toutes ces choses auxquelles ses travaux tendaient, et d’autres encore, plus intimes. Ils iraient en forêt et n’auraient plus besoin d’ouvrir les grimoires. La végétation lui faisait recouvrer des sens oubliés ; il n’avait plus besoin que d’elle pour les conserver après la lisière. Grâce à elle il se rappellerait tout. Elle le guiderait pour qu’il puisse enfin retrouver l’usage des souvenirs.

Lorsque je passai aux abords du cimetière, je cherchai le chien, m’attendant presque à ce qu’il vînt gaiement à ma rencontre. Il n’y avait qu’un mur craquelé et des tombes à l’abandon ; je poursuivis mon chemin. Je la chérirais, lui offrirais mille ouvrages et ma bibliothèque, le manoir et ma chambre, nous œuvrerions sur le parchemin et sur la couche. J’en étais assoiffé, voulais m’abreuver enfin à cette source lointaine – et si proche pourtant, à portée des jambes, mon cœur me chuchotait que j’étais sur le point de la trouver. Mais d’autres sentiments me guidaient aussi, une volonté que je n’aurais su définir et qui persuadait peu à peu sa raison. D’autres envies, d’autres devoirs, qui se mouvaient dans l’ombre de mes arrière-pensées et m’effrayaient parfois. Je lui offrirais des vêtements, des étoffes légères qui la protègeraient du froid et qui la conserveraient du vif. Je l’habillerais moi-même, la couvrirais pour qu’elle n’ait pas à en souffrir. La route s’allongeait toujours.

Il oublia la route. Il suivait d’autres chemins. La montagne l’appelait. Il avait besoin de sentir la masse rocheuse sous ses pieds, de se coucher sur les blocs durs ; s’élever, prendre de la hauteur, dominer ses terres. Le soleil déclinait déjà et trempait d’or fondu la pierre granitique. Quand il se réveilla, allongé sur le ventre au sommet d’un monticule rocheux, la lumière baissait vers l’horizon. Un brouillard épais régnait encore sur sa raison, masquant ses sentiments et estompant ses désirs. Il se remit en route. Lorsque les piques de fer de son portail furent en vue, il remarqua au loin les moutonnements sombres de la canopée. Comme aux premiers jours, l’angoisse l’envahit. Rien de ce qu’il vivait dans les sous-bois ne parvenait à l’enthousiasmer en son manoir. Il ne savait comment parler de ces feuillages et ces ruisseaux ; la forêt le muselait comme s’il était un chien hargneux. Puis l’impression se dissipa tandis qu’il remontait l’allée et des souvenirs de son voyage inhabituel affluèrent par saccades. Il était pris dans une tourmente imprévue, se sentait à la fois opulent et efflanqué, desséché mais trempé, ne se souciait plus d’écorce et d’humus et n’avait pas les yeux rivés sur l’épaisse crinière auburn et les mamelons fiers ; se souvenait de soleil et de roche, et de lui, juché sur sa montagne.





CHAPITRE TROIS
« Modifié: 21 octobre 2010 à 20:55:36 par Loredan »
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Re : Re : Le chien d'Occident
« Réponse #10 le: 26 décembre 2008 à 16:54:13 »

Le crépuscule tomba deux fois et l’homme qui expirait n’était pas sorti.
hm.. cette première phrase, je l'aime pas trop
je trouve que "expirait et "crépuscule" ne vont pas avec la simplicité de "sorti"


Dix jours eurent bientôt passé depuis sa dernière promenade.
idem, j'aime pas "eurent", pourtant ça rappelle "hurlent", une idée de violence qui irait avec le "pâle " ensuite, mais.... et j'ai l'impression que la phrase est pas finie

 « La peste soit des chiens ! » éructa-t-il en cadenassant la grille et en boitillant vers le manoir.
j'aime pas du tout

J’avais les idées tout à ça.
hum... trop simple et pas très beau

. Pour peu que je comblasse encore une demi-lieue,
voilà, alors il faut que tu choisisses parce que "comblasse", ça fait archi soutenu

 Elle avait le museau allongé et semblait, elle aussi, chercher quelque chose.
durant un moment, j'ai cru que tu parlais de la fille, je sais pas si la confusion ( bon ok, avant tu dis la bête) est voulue mais c'est amusant

ses traits s’animaient, ses yeux brillaient d’une fulgurance inquiète : alors il partait s’affairer à travers le manoir,
mouais, le alors après les deux points :-¬?
tu veux pas plutôt mettre un point virgule ? ( ça ferait Saint-Simon, xD)


dans l'ensemble, je trouve que c'est mieux que le premier envoi, mais ça ne stimule pas encore :D
son idée de la femme c'est intéressant
mais en fait, j'ai vraiment un problème avec le changement de point de vue :-[
il m'énerve ce changement, ça fait comme avec Diderot, je peux pas m'attacher au perso, il faut pouf que tu changes de direction :mrgreen:
en fait, il me fait penser à Dessar, ce qui n'aide pas :-¬?
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Re : Re : Re : Le chien d'Occident
« Réponse #11 le: 26 décembre 2008 à 17:02:25 »

Arrête de dire que t'aimes pas Dessar, tu dirais pas à quelqu'un "j'aime pas ton fils, il est stupide et juste naze", ça ne se fait pas xD


Oui pour "comblasse" j'l'ai mis juste pour le fun :mrgreen:


Citation de: ernya
Le crépuscule tomba deux fois et l’homme qui expirait n’était pas sorti.
hm.. cette première phrase, je l'aime pas trop
je trouve que "expirait et "crépuscule" ne vont pas avec la simplicité de "sorti"


Dix jours eurent bientôt passé depuis sa dernière promenade.
idem, j'aime pas "eurent", pourtant ça rappelle "hurlent", une idée de violence qui irait avec le "pâle " ensuite, mais.... et j'ai l'impression que la phrase est pas finie

 « La peste soit des chiens ! » éructa-t-il en cadenassant la grille et en boitillant vers le manoir.
j'aime pas du tout
pour ça donc, j'attendrai un peu les autres avis. Mais je note :P


Citer
J’avais les idées tout à ça.
hum... trop simple et pas très beau
pas faux


Citer
Elle avait le museau allongé et semblait, elle aussi, chercher quelque chose.
durant un moment, j'ai cru que tu parlais de la fille, je sais pas si la confusion ( bon ok, avant tu dis la bête) est voulue mais c'est amusant
lol xD


Citer
ses traits s’animaient, ses yeux brillaient d’une fulgurance inquiète : alors il partait s’affairer à travers le manoir,
mouais, le alors après les deux points :-¬?
tu veux pas plutôt mettre un point virgule ? ( ça ferait Saint-Simon, xD)
euh... ouais peut-être...



Citer
il m'énerve ce changement, ça fait comme avec Diderot, je peux pas m'attacher au perso, il faut pouf que tu changes de direction :mrgreen:
à partir du chapitre suivant, il y aura moins de changements. Ce sera + "tout l'un et parfois l'autre"

voilà... je vais attendre un peu avant d'poster la suite quand même hein ;D mais elle frétille, elle est relue, reste qu'à la poster. Bon alors ça s'améliore un peu ? c'est toujours ça.
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Re : Le chien d'Occident
« Réponse #12 le: 26 décembre 2008 à 17:40:27 »

Alors, alors, que dire sur le titre ?  :) (j'en sais absolument rien, un message codé ?)

Sinon, voici ce que j'ai relevé au cours de ma lecture. (j'ai sûrement oublié des choses...)

Citer
Le crépuscule tomba deux fois et l’homme qui expirait n’était pas sorti.

Il y a deux lunes et deux soleils ? lol, pourquoi deux et pas ouit ?  :D

Citer
il y avait des cheveux et des seins, des triangles sombres, c’était elle, avec toujours aux pieds des feuillages piétinés.

Elle ou elles ? dans la phrase d'avant tu dis "les femmes".


Citer
mon écritoire. L’éteignoir

Effet poétique, miam !

 
Citer
J’avais les idées tout à ça.

Même remarque que ernya.

 
Citer
Il s’était levé tard ; il se levait tard

J'ai beau réfléchir là dessus je ne vois pas pourquoi les deux jouent sur un temps différent.

Citer
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Voilà, tchuss !
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Re : Re : Le chien d'Occident
« Réponse #13 le: 26 décembre 2008 à 17:51:33 »


Citation de: Matthieu
Citer
Le crépuscule tomba deux fois et l’homme qui expirait n’était pas sorti.

Il y a deux lunes et deux soleils ? lol, pourquoi deux et pas ouit ?  :D
lol, parce que c'est le pouvoir du narrateur de décider de la chronologie de son histoire >:D



Citer
Citer
il y avait des cheveux et des seins, des triangles sombres, c’était elle, avec toujours aux pieds des feuillages piétinés.

Elle ou elles ? dans la phrase d'avant tu dis "les femmes".
en fait il dessine plein de femmes, mais c'est toujours la même.


Citer
Citer
J’avais les idées tout à ça.

Même remarque que ernya.
ouaip j'vais changer.


Citer
 
Citer
Il s’était levé tard ; il se levait tard depuis qu'il la cherchait hors des figures de craie

J'ai beau réfléchir là dessus je ne vois pas pourquoi les deux jouent sur un temps différent.
le second précise, et ça sonne mal "il s'était levé tard depuis que", non ? l'imparfait est... requis, non ? c'est aussi pour insister/rappeler le début du chapitre avec "il se levait tôt". Changements, revirements rapides, chelous.


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Citer
Elle le guiderait pour qu’il puisse enfin retrouver l’usage des souvenirs.

C'est pas mieux si tu dis "de ses souvenirs" ?
j'trouve que ça fait un peu plus lourd, là j'aimais bien le fait que ça puisse s'adresser à chacun : "retrouver l'usage des souvenirs". J'aimais bien la formule >< ch'ais pas...


Merci ! finalement, plutôt mieux, moins bien, pas d'évolution ? le rythme s'améliore ou pas du tout ?
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  • Calame Supersonique
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Re : Le chien d'Occident
« Réponse #14 le: 26 décembre 2008 à 17:57:50 »

Eh bien je préfère le deuxième chapitre par rapport au premier. Mais il faudrait que je relise pour t'en dire un peu plus sur le rythme car c'est assez complexe ce que tu écris, pas trop mais un peu.
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