Le Monde de L'Écriture
Salon littéraire => Salle de lecture => Essais, documents => Discussion démarrée par: Windreaver le 30 janvier 2007 à 13:02:56
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Voilà un petit texte
écrit par Nietzsche, qui critique le langage. Non pas que je veuille
vous imposer son point de vue, mais c'
est un point de départ
intéressant pour une discusson sur le langage.
« Au
commencement il y avait cette grande erreur néfaste qui considère la
volonté comme quelque chose qui agit, — qui voulait que la volonté soit
une faculté... Aujourd’hui nous savons que ce n’est là qu’un vain
mot... Beaucoup plus tard, dans un monde mille fois plus éclairé, la
sûreté, la certitude subjective dans le maniement des catégories de la
raison, vint (avec surprise) à la conscience des philosophes : ils
conclurent que ces catégories ne pouvaient pas venir empiriquement, —
tout l’empirisme est en contradiction avec elles. D’où viennent-elles
donc ? — Et dans l’Inde comme en Grèce on a commis la même erreur : «
Il faut que nous ayons demeuré autrefois dans un monde supérieur (au
lieu de dire dans un monde bien inférieur, ce qui eût été la vérité !),
il faut que nous ayons été divins, car nous avons la raison ! »... En
effet, rien n’a eu jusqu’à présent une force de persuasion plus naïve
que l’erreur de l’être, comme elle a par exemple été formulée par les
Éléates : car elle a pour elle chaque parole, chaque phrase que nous
prononçons ! — Les adversaires des Éléates, eux aussi, succombèrent à
la séduction de leur conception de l’être : Démocrite, entre autres,
lorsqu’il inventa son atome... La « raison » dans le langage : ah !
quelle vieille femme trompeuse ! Je crains bien que nous ne nous
débarrassions jamais de Dieu, puisque nous croyons encore à la
grammaire... » (source wikipédia)
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euh ... traduction
??
Je révèle Wind : traducteur français / philosophie ^^
!
Parce que là, j'ai du mal ...
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Fallait le dire si
vous vouliez que je fasse une explication de texte... Je me demandais
pourquoi personne ne poste.. Vous ne pourriez pas préciser quels mots ,
voire quelles expressions je dois expliquer ? ça m'évitera de
faire 10 pages ^^
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empirisme ??
Eléates ??
Et j'ai
mieux compris mais je voudrais une petite aide un petit + qui révèle le
sens général (je demande pas dix pages lol)
merci !!
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L'empirisme est une doctrine philosophique qui dit que toute
connaissance provient de l'expérience sensible (et non pas de la
raison). Elle est née dans l'Antiquité, et a été reprise par les
Anglais au 18è.
Les Eleates sont par exemple Parménide, cité
dans le post sur les présocratiques. Nietzsche parle bien ici de
l'être, et rappelez vous que Parménide est le penseur de
l'Être.
Ce texte de Nietzsche explique qu'en gros,
ce n'est pas parce qu'on met un mot sur une chose que la
chose existe. Le langage n'est pas quelque chose de rationnel, il
peut très bien y avoir des mots qui sont vides et ne correspondent à
aucune chose (comme ici l'Être).
Il critique aussi les mondes
métaphysiques ("un monde supérieur"), constitués d'Idées
(comme chez Platon par exemple), le fait que la raison soit une marque
du créateur (Descartes), etc.
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Texte très intéressant sur l'art, que je vous montre ici. J'en avais vaguement parlé à Marygold, et ce texte énonce une série d'ivresses qui conduisent à la création artistique. Il n'est pas bien difficile à comprendre je pense, mais si vous bloquez sur un mot, demandez :P
Pour qu'il y ait de l'art, pour qu'il y ait une action ou une contemplation esthétique quelconque, une condition physiologique préliminaire est indispensable : l'ivresse. Il faut d'abord que l'ivresse ait haussé l'irritabilité de toute la machine : autrement l'art est impossible. Toutes les espèces d'ivresses, fussent-elles conditionnées le plus diversement possible, ont puissance d'art : avant tout l'ivresse de l'excitation sexuelle, cette forme de l'ivresse la plus ancienne et la plus primitive. De même l'ivresse qui accompagne tous les grands désirs, toutes les grandes émotions; l'ivresse de la fête, de la lutte, de l'acte de bravoure, de la victoire, de tous les mouvements extrêmes; l'ivresse de la cruauté; l'ivresse dans la destruction; l'ivresse sous certaines influences météorologiques, par exemple l'ivresse du printemps, ou bien sous l'influence des narcotiques; enfin l'ivresse de la volonté, l'ivresse d'une volonté accumulée et dilatée. — L'essentiel dans l'ivresse, c'est le sentiment de la force accrue et de la plénitude. Sous l'empire de ce sentiment on s'abandonne aux choses, on les force à prendre de nous, on les violente, — on appelle ce processus : idéaliser. Débarrassons-nous ici d'un préjugé : idéaliser ne consiste pas, comme on le croit généralement, en une déduction, et une soustraction de ce qui est petit et accessoire. Ce qu'il y a de décisif c'est, au contraire, une formidable érosion des traits principaux, en sorte que les autres traits disparaissent.
(Nietzsche)
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ah la fureur poétique, "le long et raisonné dérèglement de tous les sens"
...cela nous invite à nous poser la question de la naissance de l'ivresse, qui ne me semble pas surgir DU sentiment mais rejoint plutôt l'idée de la contradiction ; comme si l'ivresse était finalement une alliance de sentiments souvent opposés, et pas simplement un sentiment, profond, violent, unique.
par exemple, lorsque Nietzsche parle d'ivresse devant un phénomène météorologique, l'ivresse ne naît pas simplement de la beauté ou de la force du spectacle ; elle résulte d'une hésitation entre la crainte et l'admiration.
de même, l'ivresse de la cruauté, mélange du plaisir et de dégoût pour l'objet maltraité.
la lutte mêle espoir de victoire et peur de la défaite
la sexualité également mêle crainte et plaisir, plaisir du don de soi et crainte de la perte de soi etc etc...
l'art naîtrait donc dans la contradiction ? oui, probablement, puisque l'art tente de répondre à des questions que l'homme se pose à lui-même : la mort, le miracle du Beau, le mystère de l'indicible, par exemple. Et l'homme n'est que contradiction.
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Pour reprendre l'explication de Windreaver, je veux juste corriger deux choses :
Le langage est par définition rationnel, puisqu'il fait partie pour Nietzsche de la sphère de la représentation vitale,
c'est-à-dire cette capacité qu'a l'organique et plus spécifiquement l'homme à falsifier la réalité, créer l'espace, le temps,
découper, distinguer, mettre en forme, etc.
En gros, on transforme la réalité pour mieux pouvoir l'exploiter, et cette transformation rend toute production humaine (langage, pensées, etc.)
impropre à une description adéquate de la réalité. L'idée de réalité, de monde en soi, est même bannie chez Nietzsche. Il peut s'en servir,
mais ce n'est pas pour en parler justement, mais seulement pour élaborer des raisonnements qui sortent des pensées classiques et donc y font référence.
Bref, de la subversion quoi.
Le second point que je voulais soulever : il ne critique pas les arrière-mondes (Par exemple Descartes, les chrétiens, etc.) uniquement parce qu'ils sont rationnels,
mais surtout parce qu'ils sont nés d'une dépréciation du monde expérimenté par les hommes. En gros, on a pas accès à la réalité, mais l'interface vie/homme n'est pas des plus joyeuses, alors on se crée des paradis artificiels.
Vala.
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Texte très intéressant sur l'art, que je vous montre ici. J'en avais vaguement parlé à Marygold, et ce texte énonce une série d'ivresses qui conduisent à la création artistique. Il n'est pas bien difficile à comprendre je pense, mais si vous bloquez sur un mot, demandez :P
Pour qu'il y ait de l'art, pour qu'il y ait une action ou une contemplation esthétique quelconque, une condition physiologique préliminaire est indispensable : l'ivresse. Il faut d'abord que l'ivresse ait haussé l'irritabilité de toute la machine : autrement l'art est impossible. Toutes les espèces d'ivresses, fussent-elles conditionnées le plus diversement possible, ont puissance d'art : avant tout l'ivresse de l'excitation sexuelle, cette forme de l'ivresse la plus ancienne et la plus primitive. De même l'ivresse qui accompagne tous les grands désirs, toutes les grandes émotions; l'ivresse de la fête, de la lutte, de l'acte de bravoure, de la victoire, de tous les mouvements extrêmes; l'ivresse de la cruauté; l'ivresse dans la destruction; l'ivresse sous certaines influences météorologiques, par exemple l'ivresse du printemps, ou bien sous l'influence des narcotiques; enfin l'ivresse de la volonté, l'ivresse d'une volonté accumulée et dilatée. — L'essentiel dans l'ivresse, c'est le sentiment de la force accrue et de la plénitude. Sous l'empire de ce sentiment on s'abandonne aux choses, on les force à prendre de nous, on les violente, — on appelle ce processus : idéaliser. Débarrassons-nous ici d'un préjugé : idéaliser ne consiste pas, comme on le croit généralement, en une déduction, et une soustraction de ce qui est petit et accessoire. Ce qu'il y a de décisif c'est, au contraire, une formidable érosion des traits principaux, en sorte que les autres traits disparaissent.
(Nietzsche)
c'est dans quel livre cette citation?
intéressant en tout cas
la fin est un peu surprenante ou bizarre : je m'attendais à lire "apparaissent", et c'est disparaissent. erreur? ou idée que j'ai pas compris? ou lapsus calami?
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C'est dans Le crépuscule des idoles de Nietzsche, aphorisme 8 je crois des flâneries
et c'est bien "disparaissent" il parle à la fin d'idéaliser, donc je pense qu'il veut dire érosion des traits principaux pour les débarrasser des autres traits (donc disparition)