Mon esprit est mi-vieil comme de la mimolette, avant qu'il soit cassant et qu'il tombe en miettes, je voudrais vous parler d'un sujet qui m'inquiète.
Pour de bons, soyons clair, je m'en fous si je meurs. La mort peut bien venir, à quoi bon avoir peur, c'est le prix à payer du passage sur terre. Et comme on dit chez nous, toute peine mérite salaire.
Un cauchemar dérangeant me tourne hors raison, une pensée fanée, rabougrie, hors-saison. Puisqu'il semblerait, d'après les statistiques, que la vie maintenant est comme l'élastique,
Expliquez-moi pourquoi tout au long de mes rêves, je cueille des coucous que j'effeuille en chantant :
“J'oublie, un peu, beaucoup, souvent, à la folie, j'oublie tout.”
Cette foutue ritournelle ne me laisse aucune trêve.
Perdre mes souvenirs, c'est perdre tour à tour, le visage et la vie de tous ceux qui m’entourent, de ceux que j’ai aimés et ceux que j’aime encore.
Mon cœur jusqu'à présent attrape à bras-le-corps, les rires, les chagrins, les sourires d'enfant créant les grands espaces aux nouveaux sentiments.
Cet organe admirable en tous points surprenants, à force de douceur, infiniment, grossit.
Si l'oublie le rabote, le bouffe à petit bout, si mon âme perdue s'envole à tout jamais, alors à quoi ça sert d’avoir le cœur qui bat. Avoir les sens qui coulent dans de veines pensées, c’est comme ces mots d’amour qu’un homme garde pour lui en regardant partir sa jolie fiancée. L’avenir ne sert plus qu’à nourrir l’inutile.
Je sais que quelques mots m'échappent déjà, mais le pire des grands maux, c’est la perte d’aimer.
D'aimer le goût du vin et le parfum des fleurs, l'histoire du ruisseau et du roi qui se meurt laissant derrière lui un fils devenu fou, amoureux d'Ophélie, préparant son courroux.
D'aimer être entre amis, même un jours de disette, se contenter de l'eau ou de pâtes dans l’assiette.
D'aimer sentir ses mains, ses baisers, ses caresses quand la lumière éteinte invite à la tendresse.
Avant qu'il soit cassant et qu'il tombe en miettes, avant mon cœur trop vieux, comme de la mimolette, je voulais vous parler d'un sujet qui m'inquiète.
Mais ce n'est pas le jour, mon cœur est à la fête. Noyons dans le Marguaux tous nos futurs affronts face à la pluie du temps creusant les rides au front. Oublions pour ce soir, du moment profitons. Et, si ma connerie revient à l'abordage, Plongez-moi dans le fût du plus bel Hermitage afin que mon esprit redevienne hors du sage.