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Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » Mémoires de la Baleine à 52 hertz

Auteur Sujet: Mémoires de la Baleine à 52 hertz  (Lu 644 fois)

Hors ligne Enfant Lune

  • Buvard
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Mémoires de la Baleine à 52 hertz
« le: 25 janvier 2020 à 00:39:48 »
« Il fut un temps où les Océans ne faisaient qu’un avec le Ciel. Leurs couleurs bleutées se confondaient dans la douce brise des mondes. Et les étoiles éclairaient les profondeurs des flots de sel. Nous autres, gardiennes de ces mers, voyageaient à travers les univers. Des eaux terrestres aux cieux, nous traversions la planète entière. Malheureusement, les eaux, devenues impures, ont caché la magie des océans loin de l’humanité. Alors que le monde connaît la colère des sept mers, laissez-moi vous chanter comme je les connais, la féerie des profondeurs anciennes et la sauvagerie humaine.
Au-delà des mers, écartés de toute civilisation, existaient les Ulunder*, le peuple des flots. Habitantes des eaux les plus anciennes, ces majestueuses baleines avaient une taille dépassant toutes celles que vous connaissez, et un chant si pur qu’il en dépassait les lois naturelles de ces mêmes mammifères. Ces créatures bienveillantes assuraient la protection des profondeurs, du plus petit être inoffensif au plus grand monstre marin. Vagabondant à travers les nuages et les vagues, nous étions les passerelles de ces deux mondes aux mystères infinis. Quand nos nageoires devenaient nos ailes, nous volions au-dessus de vos citadelles. Les Ulunder traversaient les continents, assurant paix et sérénité dans les mondes aquatiques. Nous étions les mères des océans, les fondatrices de ce milieu qui n’est plus.

De là où je me trouvais en ce dernier jour de ma vie, je ne pouvais qu’observer l’immensité du Ciel, avec pour faible espoir de pouvoir retrouver les miens. Aujourd’hui, l’Esprit des eaux m’a ramenée à ces étendues de sable chaud. Après avoir vécu l’enfer, l’Univers m’offre enfin la mort au plus près de ma terre.
Je sens mon esprit se détacher de mon corps et parcourir toute ma vie passée. Je peux voir les énormes bateaux, envahissant nos eaux des ténèbres nauséabondes. Je sens la puanteur de ces grandes machines parcourant les flots à la recherche de poisson. Blessant mes compagnons de route avec leurs nombreux harpons, mes larmes coulent encore pour les âmes anéanties de ce combat déloyal. Malgré la nature imparfaite de ce monde, j’avais donné naissance à une merveille qui s’est trop vite évaporée. Je peux revoir la disparition de mon unique enfant, s’effaçant des mers et des cieux. Esquivant vos grandes épées de fer, je vis mon enfant fuir vos barbaries. De notre superbe taille, je ne pensais jamais redouter un être aussi ridicule. Qu’avons-nous fait pour mériter notre disparition, humains ? Vous qui naviguez sur nos mers pour embrocher nos peuples marins, que méritez-vous ?
Sous cette pluie rouge de membres, les cris stridents de ma patrie résonnaient encore dans mon cœur. Nous étions les purificatrices des eaux salées, les cristaux de ces flots salis par l’Homme.

Je revois la belle tortue verte étouffant par l’emprise de votre plastique. Et le dauphin gris amoché par vos horribles filets, nageant au fin fond des profondeurs. Ces algues autrefois étincelantes des couleurs du monde, qui ne vivent plus à cause des encres noires de vos monstres marins. Et cet énorme requin à qui vous avez pris l’aileron, qui ne peux plus nager dans son propre récif. Face aux conséquences de votre égoïsme, j’ai été la spectatrice des extinctions. Nous étions les monuments de ces mers, les historiennes de plusieurs ères.
Au-dessus des océans, vos appareils volants et bruyants se font encore entendre. Vos bombardements incessants étouffaient mon chant d’appel à mes très chères consœurs. En mer comme dans le Ciel, le paysage de notre bel univers était massacré par vos erreurs. Je ressens ce mal intérieur qui m’a hanté toute ma pauvre vie. Je revois encore les eaux noircir, les cieux s’assombrir. Et ce paysage autrefois magique, disparaître au fin fond de mes souvenirs. En mer comme dans le Ciel, j’étais une survivante de mon merveilleux peuple, une rescapée de vos désastres terrestres.
J’ai parcouru ce long périple toute ma vie, j’ai visité ces lieux tous différents les uns des autres. Les rayons du Soleil brûlaient comme la chaleur du feu, et les eaux étaient aussi froides que les glaciers. Aujourd’hui, les eaux sont à perte de vues, et les glaciers fondent un peu plus chaque jour. Je revis, encore une fois, la chute des glaces. La chaleur était devenue insolite dans ces pays glacés. Et l’odeur aspirait la mort des animaux sans habitat. Je peux ressentir le dégoût que celle-ci m’a inspiré. Je revois aussi l’assèchement des océans, la disparition de mon foyer, et les étendues de sable s’allongeant de jour en jour. Je repense à ces moments où je comptais mes jours de vie, qui me paraissaient de plus en plus courts. J’étais habitée par l’errance même, une souffrance devenue immortelle.

Du haut des cieux, vos eaux privées et vos nombreux habitats artificiels que vous faisiez pour votre propre bien se multipliaient par milliers. Bien au-delà des bruits des vagues, les cris de mes voisins prisonniers résonnaient comme une horrible alarme. J’entends encore l’otarie qui agonise de porter son nez rouge, le dauphin qui fatigue des sauts acrobatiques, l’orque autrefois majestueux qui se meurt dans vos entraves. Je pleure aujourd’hui leurs tristes vies d’esclave. Pourtant, je vous entends rire aux éclats devant leurs déplorables spectacles. Je peux aussi voir, une nouvelle fois, l’émerveillement de vos enfants devant autant d’animaux que peu de personne puisse voir. Vous avez causé notre rareté, si vous aviez su dans une autre ère ce que vous alliez engendrer, il y aurait peut-être eu plus d’enfants émerveillés aujourd’hui. J’ai été le témoin de vos atrocités.
Cependant, loin de vos rires malsains, certains chants des profondeurs retentissaient dans les profondeurs des flots de sel, autant familiers que différents. Je revois mes cousines amochées, chanter par-delà les mers et les océans. J’entends encore une fois leurs chants, qui ne rejoignaient pas le mien. Ces alliées déformées s’éloignaient de ma sonorité. Je ressens ma tristesse de n’être qu’une simple étrangère. Mes chances d’appartenir à leurs fidèles patries n’étaient qu’une illusion. Alors, mon âme naviguait entre les nuages et les vagues, à la recherche de ma chère famille qui n’était plus. Moi-même je n’étais déjà plus, je n’étais qu’une masse sans espoir.
Je vis bien des choses étranges durant mon long voyage. Je me revois naviguer à travers les nuages, puis, apercevoir en dessous de la brume, une étrange masse immobile sur les chaudes plages. J’aperçois les charognards se poser sur cette immense chose, qui ne se débattait pas, et grignoter celle-ci tels des sauvages. Je peux à nouveau me rapprocher de cet étrange corps délaissé, qui ne fut qu’un nouveau cousin devenu, lui-aussi, une charogne parmi d’autres. Je ressens sa solitude. Je rejoins son décès. Je retrouve son âme délaissée par les vents marins. Enfin, je rencontre mon peuple dans l’Au-delà. Les vents m’élèvent au-dessus des nuages. Je nage jusqu’à atteindre ces étoiles que j’ai toujours aperçues par le passé.
Je suis à nouveau Ulunde, chanteuse des hautes mers, joyaux des cieux. Renaissant des obscurités terrestres, je peux naviguer aux côtés de mon cher peuple, nation des anciens océans. Je revois ce monde peuplé de cristaux étincelants, d’algues marines si colorées, se confondant au bel arc-en-ciel. J’entends le chant de ma patrie, habitantes aux corps immenses, aux âmes fidèles. Si vous pouviez voler, paysans de la Terre, vous sauriez ce que vous avez brisé. Vous pourriez voir les enfants de la mer sauter par-dessus les nuages, sentir l’air frais caressant les nageoires de ce peuple, autrefois respecté autant que vos dieux. Vous pourriez voir la paix qui régnait dans ce monde bien avant votre débarquement, ressentir l’amour de ces peuples, autrefois tellement nombreux que même vos écrits les ignorent. Je pourrais vous chanter les souvenirs de cet univers que vous classez comme « fantaisistes », mais vous nous avez condamné au silence le plus profond de ces terres. Car si vous êtes capables d’anéantir votre propre peuple et de le regarder s’éteindre, il est encore bien trop tôt pour vous dévoiler ce que vous ne voyez pas.

Aujourd’hui, je nage de nouveau aux côtés de mes troupes aquatiques, aussi bien dans le ciel comme en mer, je nage et je chante haut et fort les chants marins de mon peuple. Aussi bien que la fleur qui fane en automne, mais qui refleurie au printemps, le cycle de la vie est et sera toujours immortel. Aujourd’hui j’ai rejoint les défunts de ma race dans l’Au-delà, je ne serai pour autant pas la dernière trace de mon espèce sacrée. Du haut de ce ciel bleu, je ne peux que côtoyer les âmes envolées du passé. Celles du présent me sont accessibles uniquement par le biais de ma mémoire endommagée, de mon cœur serré.

Ainsi, nous autres, Ulunder, serons les guides du futur de ma descendance, les souvenirs du passé de mon enfant, et les regrets de son présent. Que mon enfant, bien vivante, puisse nager aussi loin qu’elle le souhaite, qu’elle puisse voler aussi haut qu’elle le désire. Qu’elle puisse affirmer sa différence en paix, autant dans les pleurs que dans le rire. Et qu’elle puisse observer les étoiles chaque soir, tout au long de sa vie. Du haut des cieux, moi, mère Ulunde, la protègerai de votre cruauté humaine. Je la guiderai dans ces longs périples, dans n’importe quel pays. Je peux la voir, naviguer seule en quête du monde suivant. Je peux nager encore à ses côtés dans ces eaux salées. J’observe son envol vers l’horizon, son reflet dans l’eau clair de la mer, j’entends sa mélodie familière. Mon corps est peut-être mort aujourd’hui, mais mon âme continuera de vivre dans le cœur de mon seul enfant. Alors, l’heure venue, elle vous chantera, elle aussi, la féerie oubliée des profondeurs. Parce qu’elle se doit, comme pour nous tous, de ne jamais oublier cette ère de ce monde, où les Océans ne faisaient qu’un avec le Ciel. »

*La baleine à cinquante-deux hertz : surnommée « la baleine la plus seule au monde », cette baleine possède un chant dont la fréquence équivaut à 52 hertz. Ainsi, ayant une fréquence de chant trop élevée par rapport aux autres baleines, celle-ci déserte seule les océans. Certains disent qu’elle est l’unique représentante de son espèce. Les chercheurs l’ont détecté pour la première fois dans le Pacifique en 1989 et serait toujours en vie actuellement. De plus, ils ont également observé un trajet migratoire complètement différent par rapport aux autres trajets migratoires connus, ce dernier s’étend du Mexique jusqu’à l’Alaska.
*Ulunder : de l’étymologie « ulunde » qui signifie « flot » dans l’elfique Tolkien, ici le terme signifie donc « le peuple des flots ». J.R.R Tolkien, écrivain du célèbre roman Le Seigneur des anneaux, est également le créateur (ou l’interprète selon les avis de chacun) de cette langue appartenant au peuple elfique de l’œuvre littéraire. Certains parleront d’une langue qui a été purement imaginée, d’autres inspirée de faits historiques. Malgré ces incertitudes, des cours détaillés sont mis à la disposition de chacun, si certains souhaitent apprendre l’elfique Tolkien.

Hors ligne Colin

  • Scribe
  • Messages: 88
Re : Mémoires de la Baleine à 52 hertz
« Réponse #1 le: 25 janvier 2020 à 07:12:18 »
Salut,

L'empathie écologique dont tu fais preuve est une perspective sensible. La forme a ce je-ne-sais-quoi d'aquatique et céleste, épousant donc le fond de ton récit, grâce à un rythme indolent et à la douceur des mots.
C'est intéressant d'avoir créé une cosmogonie en t'inspirant de la différence de cette baleine.

Merci du partage.

Hors ligne Loïc

  • Vortex Intertextuel
  • Messages: 8 795
  • Prout
Re : Mémoires de la Baleine à 52 hertz
« Réponse #2 le: 25 janvier 2020 à 16:46:48 »
Salut salut

Citer
Leurs couleurs bleutées se confondaient dans la douce brise des mondes. Et les étoiles éclairaient les profondeurs des flots de sel.

Pourquoi ce point ? une virgule irait bien !

Citer
Nous autres, gardiennes de ces mers, voyageaient à travers les univers

voyagions (puisque nous)

Citer
ont caché la magie des océans loin de l’humanité.

"caché loin" je trouve pas ça très beau, ni très évident à comprendre. "à l'humanité" ?

Citer
vous chanter comme je les connais, la féerie des profondeurs anciennes et la sauvagerie humaine.

si tu tiens à ta virgule à connais, il en faut une à chanter

Citer
toutes celles que vous connaissez

toutes celles reprend les baleines ? C'est pas très clair.

Citer
Vagabondant à travers les nuages et les vagues, nous étions les passerelles de ces deux mondes aux mystères infinis.

c'étaient "elles" la phrase d'avant

Je ne comprends pas comment elles peuvent être fondatrices des océans.

Citer
Je peux voir les énormes bateaux, envahissant nos eaux des ténèbres nauséabondes.

je ne comprends pas ce que tu veux dire

Citer
de ce combat déloyal.

dans ou par, mais pas de

Citer
par l’emprise de votre plastique.

sous l'emprise/par l'entremise
Dans tous les cas, ce n'est guère beau

Citer
La chaleur était devenue insolite dans ces pays glacés.

C'est quoi "ces pays glacés" ?

Bien trop de phrases qui commencent par "et" à mon gout.

Citer
l’orque autrefois majestueux

majestueuse

Citer
l’émerveillement de vos enfants devant autant d’animaux que peu de personne puisse voir.

Bug ?

Citer
Je revois mes cousines amochées, chanter par-delà les mers et les océans.

virgule de trop

Je ne suis guère convaincu par le texte qui, à mon avis, tourne beaucoup en rond et ne récite que des faits, certes importants, mais sans vraiment aller chercher plus loin. Du coup le rendu est un peu plat à mon gout.

Attention à tes temps, tu m'as l'air hésitante par moments.
"We think you're dumb and we hate you too"
Alestorm

"Les Grandes Histoires sont celles que l'on a déjà entendues et que l'on n'aspire qu'à réentendre.
Celles dans lesquelles on peut entrer à tout moment et s'installer à son aise."
Arundhati Roy

 


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