[Fred Pollux]

Ève et Adam avaient bien vite fait le deuil du paradis duquel Dieu les avait exclus, pour une incompréhensible histoire de pomme. Le couple avait aménagé un petit F3 très fonctionnel, quartier calme, proche toutes commodités, 4ème étage ascenseur, peu de vis à vis, chauffage individuel au gaz. Ève avait découvert le plaisir de s'habiller de mille autres manières qu'avec une simple feuille de vigne. Adam, de son côté, oublia les fruits à noyaux ou à pépins des vergers célestes dès qu'il eut goûté à une entrecôte saignante, sauce béarnaise, accompagnée de frites dorées et d'une bière bien fraîche. Finies les soirées à regarder d'interminables couchers de soleil sur le monde naissant. Dégagés de ces ennuyeuses obligations, ils avaient d'abord passé leur temps à procréer et avaient abondamment peuplé la Terre. Puis ils avaient occupé leurs soirées avec de passionnantes séries télévisées, émissions culinaires ou reportages animaliers.
Dieu, contemplant son Œuvre, se déclara satisfait, malgré la tournure inattendue de Sa Divine Punition. "C'est exactement ce que je voulais faire", fit-Il graver dans l'un de Ses nombreux ouvrages (note pour l'auteur : vérifier s'il s'agit de "La création pour les nuls", " Tout réussir avec un seul doigt" ou "Un monde parfaitement parfait"). Malgré ce bilan enthousiaste, Il décida de mettre le couple à l'épreuve. Non pas pour se soulager d'une quelconque aigreur, évidemment, mais simplement parce qu'il en allait de Son droit divin.

Il leur fit cadeau d'un chat.

Ève et Adam accueillirent Belzébuth avec joie. Il était beau, drôle, avait le poil doux et était propre. Mais ce qui est mignon ne le reste jamais bien longtemps. Et la petite boule de poils si adorable devint vite agaçante. Il ne répondait jamais lorsqu'on l'appelait. Ingrat, il ignorait avec mépris ses bienfaiteurs, se montrant exigeant pour tout. Il vomissait fréquemment d'abjectes boules de poils, de préférence sur le tapis. Mais, pire que tout, il sema la discorde. Ève commença à reprocher à Adam de lui laisser trop souvent la corvée de litière. Celui-ci accusa Ève de ne jamais ramasser les régurgitations. Ève contre-attaqua en faisant remarquer que si ce n'était pas elle qui remplissait la gamelle de Belzebuth, celui-ci serait mort de faim depuis longtemps. Adam s'offusqua de cette accusation de maltraitance et accusa Ève d'avoir voulu tester une nouvelle marque de croquettes, ce qui avait provoqué des diarrhées dont ses chaussures avaient été les principales victimes. La tension montait, aggravée par les réveils nocturnes imposés par la Bête, réclamant à toute heure de sortir sur le balcon, puis rentrer, puis sortir et rentrer à nouveau.
Ève et Adam, au bord de l'épuisement nerveux, submergés par de sombres sentiments sur la fragilité de leur couple et sur la dureté de la vie, se mirent alors à rêver à leur paradis perdu.
Et c'est ainsi que, dans l'espoir d'un retour à l'Eden, les enfants de Dieu construisirent synagogues, cathédrales et mosquées.
Devant tant de dévotion spontanée, Dieu se déclara satisfait, et se resservit une part de quiche en gloussant d'aise.

[Boreec]

Bonjour,

Ève et Adam accueillir Belzébuth

L'infinitif devrait être remplacé par du passé simple dans cette phrase :

Ève et Adam accueillirent Belzébuth

[Fred Pollux]

Merci Boreec. Une vilaine faute d'inattention...

[Feather]

Très sympathique, l'humour te définit bien.
Quel comble de se voir répudiés puis adorés par un Dieu gourmand!
La bête à bon Dieu ne sera jamais à la hauteur des aspirations de ce couple finalement voué à la discorde. Quel réalisme!

[Fred Pollux]

Merci Feather.
"Dieu a fait l'Homme à son image", c'est bien ça ? Donc oui, il est certainement gourmand, orgueilleux, injuste et de mauvaise foi... 

[Léilwën]

Hello! 

J'ai souri à la satyre.
Il y a 2-3 fautes qui traînent et quelques phrases qui pourraient couler mieux (je peux relever si tu as prévu de corriger/améliorer ton texte), mais dans l'ensemble, ça se lit bien.

J'ai juste eu du mal avec l'anachronisme : ils passent directement du jardin d'Eden au F3 (petit, mais qui leur permet quand même de peupler toute la Terre... ) et ça fait bugger mon cerveau très terre à terre qui se dit tout le long du texte "mais enfin, s'ils viennent de sortir du jardin d'Eden, les F3 n'existent pas encore !"
Et le chat est très mal élevé...

À plus !

[Fred Pollux]

Hello Léilwën
Merci pour ton commentaire. J'ai effectivement fait le choix de l'absurde. Il est certain que cette histoire, de la pomme du début à la quiche finale, n'a pas grande valeur historique... 
Je suis bien sûr intéressé par tes conseils de correction et reformulation.

[Léilwën]

Les voici, donc

4eme étage avec ascenseur

=> il manque l'article "au" en début de groupe nominal (vu que tu as mis des articles dans tous les éléments d'énumération) et "4ème"

peu de vis à vis, chauffage individuel au gaz

=> il manque un "avec" avant "peu de vis à vis" et j'aurais remplacé la virgule par un "et".
Globalement ici, si tu n'harmonises pas, ça sonne bizarre. Je te montre pour l'exemple :
- soit tu laisses comme tu avais commencé et ça donnerait : "un petit F3 très fonctionnel, dans un quartier calme, proche de toutes commodités, au 4ème étage avec ascenseur, avec peu de vis à vis et chauffage individuel au gaz"
- soit tu enlèves tous les articles et prépositions pour faire un style "petite annonce", ce qui donnerait : "un petit F3 très fonctionnel, dans un quartier calme, proche de toutes commodités, 4ème étage, avec ascenseur, peu de vis à vis, chauffage individuel au gaz"
Ceci ne reste évidemment que mon avis^^

dès qu'il eût goûté

=> "eut", c'est du passé simple (dès que + indicatif)

d'interminables coucher de soleil

=> couchers

contemplant son Oeuvre

=> Œuvre

vérifier s'il s'agit de "La création pour les nuls", " Tout réussir avec un seul doigt", ou "Un monde parfaitement parfait"

=> pas de virgule avant le "ou"

mais simplement parce que c'était Son droit divin

=> vu que le ton est un peu pompeux, pour rester dans le ton j'aurais dit "parce qu'il en était de Son etc"

Il vomissait fréquemment une abjecte boule de poils

=> vu que j'imagine qu'il n'en a pas vomi qu'une, il faudrait plutôt mettre : "Il vomissait fréquemment d'abjectes boules de poils"

J'ai rigolé à plein d'endroits (le changement de croquettes et ses conséquences, les histoires de fruits et bien d'autres que je n'ai pas relevé )

En espérant que ça te soit utile. N'hésite pas à me dire ce que tu penses de tout ça !

[Fred Pollux]

Merci Léilwën!
Toutes tes remarques ou corrections sont très pertinentes! Je vais en tenir compte et reprendre mon texte.
(Pour ta deuxième remarque, mon intention était effectivement de prendre un style "petite annonce" - bien vu! )
Merci encore, et au plaisir de te lire.

[flulu]

La satyre est plaisante, les phrases souples et fluides.
le texte se lit avec facilité et un certain plaisir.
L'humour est toujours agréable et détend les zygomatiques.
Mais à force de légèreté l'ensemble manque de vigueur.
C'est dommage car la chute méritait d'un peu plus de puissance.
 

[Fred Pollux]

Merci Flulu. Effectivement, c'est léger, absurde et un peu grotesque. C'était plutôt un choix de ma part, mais peut-être un peu trop appuyé?
Pour ce qui concerne la fin, c'est volontaire également : je voulais que ça tombe mollement, un peu comme un pétard mouillé, pour faire sentir l'indifférence de Dieu dès lors qu'il eut satisfait son caprice.
Mais ça se discute...

[Dieter]

Bonjour Fred 

Ève et Adam accueillirent Belzébuth avec joie. Il était beau, drôle, avait le poil doux et était propre.

Tiens ? Le notre s'appelait Lucifer... Mais la fin de l'histoire est différente : Ève s'est barrée avec le plombier 

[Fred Pollux]

 
Oui, Dieter. Les chats, les plombiers et les garagistes sont des êtres malfaisants...

[Dieter]

Le chat n'était pas si méchant que ça. Au décès de Lucifer (un soir de Noël !), je l'ai fait incinérer. Pour le maître de l'enfer, ça s'imposait. Depuis, l'urne trône dans mon bureau, juste au-dessus de mon écran d'ordinateur...

[Fred Pollux]

Lucifer rendit l'âme un soir de Noël, quelle tragique ironie ! 
En tous cas, travailler en compagnie des cendres de Lucifer, j'imagine que ça doit être une émouvante source d'inspiration...
Dieter, ton histoire me touche profondément, et je peine à retenir mes larmes (de rire).