Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

16 avril 2024 à 09:07:55
Bienvenue, Invité. Merci de vous connecter ou de vous inscrire.


Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » Heureux qui, comme Ulysse...

Auteur Sujet: Heureux qui, comme Ulysse...  (Lu 1381 fois)

Hors ligne Pommelive

  • Buvard
  • Messages: 3
Heureux qui, comme Ulysse...
« le: 23 juillet 2019 à 21:21:30 »
Bonjour !

 
Voici une très courte nouvelle de ma composition, que je me permets de poster ici dans l'espoir de recevoir des conseils et remarques. S'il y a des choses que vous ne comprenez pas à propos de ce texte, n'hésitez surtout pas à commenter. J'espérerais notamment des remarques sur la qualité littéraire de l'écrit, parce que l'histoire en elle-même n'est pas incroyablement frappante d'originalité  :mrgreen:

Heureux qui, comme Ulysse…

 
Elle semblait pleuvoir partout, couler le long des anciennes poutres blanchies par la poussière, suinter des murs en vieilles pierres blanches, noyer les vapeurs de renfermé. Dans une onde clapotante, elle venait humecter ses oreilles, couler dans son dos frissonnant, le long d’une nuque tannée à longueur de journée par le Soleil brûlant. Elle faisait sourdre de partout un tremblement incontrôlé, incontrôlable, disparu aussi vite qu’il était venu, pour l’assaillir encore dès que le flot reprenait. L’averse faisait tout disparaitre pour prendre toute la place.
   Et la musique continuait de se déverser dans la pièce à moitié vide, réduisant presque au silence les rires gras et le choc des chopes d’alcool. De tout façon, elle ne les entendait pas, elle ne goûtait que lui, remettant parfois en place, d’une main fébrile, sa chevelure flamboyante dérangée par une journée de travail harassant. Le luth ne cessait pas de lancer son crachin de notes furieuses çà et là, mais c’était elle qui l’embrassait tout entière, inondant absolument son être brûlant dans l’embrun musical. Fiévreuse, son regard sombre ne pouvait se détacher de l’instrument, du luth qui emprisonnait ses yeux noirs, et son corps tressaillait sans pouvoir s’arrêter, attendant, avec un peu d’appréhension, que la musique cesse.
   Des mains délicates caressaient voluptueusement les cordes, les faisant gémir des mélodies parfumées ; elles exhalaient les amours malheureuses, les confiances brisées, les trahisons évitables. Et cette bouche, rose et fine sur une mâchoire carrée, fredonnait d’un voix grave et douce toutes ces tragédies avec la facilité d’une connaisseuse, tandis que des bras entraînés tenaient l’instrument avec toute la délicatesse d’une mère. Alors que la chanson disparaissait peu à peu, il sembla à l’auditrice qu’elle s’éteignait d’une mort des plus douces, et elle se détendit à mesure que le luthiste élaborait les derniers accords de sa mélopée fatale. Elle entendit alors à nouveau les fracas des verres et les éclats de rire, qui reprirent leur place légitime dans la taverne. Le temps avait repris son cours.
   Passant une main hésitante dans ses cheveux roux à moitié détachés, elle s’approcha de l’artiste pour lui tendre quelques pièces. C’est à ce moment précis qu’elle remarqua qu’il ne l’avait pas lâchée du regard ; c’était à elle qu’il s’était adressé durant sa chanson, en quelque sorte. Il se jaugèrent là, comme deux amants sur le point de se dire adieu, et ce pendant quelques secondes. Personne ne faisait attention à eux, pas encore. Il saisit les pièces, avant de hocher la tête en signe de remerciement. Rattachant sa chevelure feu d’une main plus légère, les joues légèrement rosies, elle se détourna pour aller chercher le panier plein de ses achats au marché qu’elle avait laissé sur une table.
   Elle revint plusieurs fois dans cette taverne, après avoir travaillé dans les champs. Le luthiste continua d’y jouer longtemps, d’emplir l’établissement de sa voix enchanteresse, de gratter les cordes de son instrument avec justesse, de chanter des amours fausses et malheureuses. Elle avait toujours l’impression que l’atmosphère se liquéfiait à chacun de ses couplets, chacun de ses refrains. Et cette bruine abreuvait un sentiment nouveau, qui bourgeonnait en elle à la manière des buglosses ou des chrysanthèmes, et qui faisait paraître le feu de ses cheveux bien fade. Ils n’avaient pas besoin de se parler, ni même de se regarder. La vague des accords les liait plus fortement que les mots, et à chaque fois que la musique commençait à se terminer, elle atteignait un état d’épanouissement absolu, comme si elle touchait du pied le sol du paradis avant de redescendre lentement sur la terre des mortels. Comme enchantée, elle se mit à le chercher partout, tout le temps, quand elle n’était pas à la taverne ; mais il ne semblait se trouver nulle part dans le village où elle vivait avec ses parents.
   Un jour, il se mit à chanter des légendes heureuses, des amours épanouies, des réconciliations. La voix grave avait quelque peu vacillé, comme transpercée par l’émotion, et ses yeux l’avaient évitée toute la soirée. Ses cheveux roux, qui n’avaient jamais été aussi flamboyants, s’étaient brusquement détachés durant la représentation, et aucun homme ne la lâcha du regard.  Ce soir-là, elle ne donna pas d’argent.
   Le lendemain, il était parti, aussi vite qu’il était venu, marchant gaiement, le luth au poing, sur les sentiers abimés de la campagne. Sifflotant comme une sirène ayant eu son repas, tandis qu’au village, on jasa, on critiqua, on prit Eve pour Lilith.

Largo Sensu

  • Invité
Re : Heureux qui, comme Ulysse...
« Réponse #1 le: 24 juillet 2019 à 01:15:34 »
Bonsoir,
J'ai été happé dès les premières lignes pour être charmé jusqu'à la dernière.
J'ai aimé la pluie métaphorique, figure de la musique, ancrée dans la durée intérieure, fugitive du présent, retirée du temps, qui s'échappe, qui s'enfuit. « Le temps avait repris son cours. ». La dualité des éléments, l'eau et le feu, fertiles comme le sec et l'humide faisant bourgeonner la vie, l'amour...
Bravo, et merci.

Hors ligne BAGHOU

  • Prophète
  • Messages: 687
  • Reflet de l'humeur du moment
Re : Heureux qui, comme Ulysse...
« Réponse #2 le: 24 juillet 2019 à 09:07:54 »
Bonjour,

Mi-figue, mi-raisin ;), j'ai aimé l'histoire écrite toute en subtilité. Le premier paragraphe m'a un peu déconcertée, j'ai failli lâcher la lecture et puis le déclic, le reste coule bien et mon imaginaire est parti au quart de tour.  :noange:
J'ai relu les premières lignes, plusieurs fois même, cela reste à titre personnel un peu bancal, mais cela n'a pas gâché le plaisir ressenti pour le reste. 8)

Bravo.
"La critique, art aisé, se doit d'être constructive." Boris Vian dans l'Herbe rouge.

Largo Sensu

  • Invité
Re : Heureux qui, comme Ulysse...
« Réponse #3 le: 24 juillet 2019 à 12:55:08 »
Tout n'est pas parfait en effet, quelques remarques et suggestions :

Citer
disparu aussi vite qu’il était venu, pour l’assaillir encore dès que le flot reprenait
« qui disparaissait aussi vite qu'il venait, pour l’assaillir encore dès que le flot reprenait »

Citer
Et la musique continuait de se déverser (...)
De tout façon, elle ne les entendait pas, (...)
Ici, le changement de sujet n'est pas évident.

Citer
c’était elle qui l’embrassait tout entière
« c’était elle qu'il embrassait tout entière »

Citer
fredonnait d’un voix grave et douce
« fredonnait d'une voix grave et douce »

Hors ligne Pommelive

  • Buvard
  • Messages: 3
Re : Heureux qui, comme Ulysse...
« Réponse #4 le: 24 juillet 2019 à 19:52:16 »
Merci pour vos remarques !

   Effectivement j'ai fait une faute de frappe sur "un voix". Cependant "qui l'embrassait" n'était pas une erreur. Quant au changement de sujet un peu abscons, je pensais justement en faire un effet recherché, mais s'il est trop complexe et rend la compréhension impossible, je le modifierai.

   Encore merci

Hors ligne Champdefaye

  • Calame Supersonique
  • Messages: 2 477
  • L'éléphant est irréfutable
    • Le Journal des Coutheillas
Re : Heureux qui, comme Ulysse...
« Réponse #5 le: 25 juillet 2019 à 09:42:21 »
Bonjour Pommelive

Le premier paragraphe n'est pas très clair et il faut du temps pour réaliser de quoi il s'agit. Il serait plus simple et plus léger de commencer par "La musique semblait pleuvoir de partout..."

Citer
Le luth ne cessait pas de lancer son crachin de notes furieuses çà et là, mais c’était elle qui l’embrassait tout entière, inondant absolument son être brûlant dans l’embrun musical.
Le luth lance ses notes, mais c'est elle (la femme ?) qui l'embrassait (qui ? la femme ? la musique ?) inondant son être (celui de la femme). Compliqué tout ça, on a du mal à repérer les sujets des subordonnées.

Citer
il sembla à l’auditrice
l'auditrice : pas très joli. Pourquoi pas : la femme ?

Citer
C’est à ce moment précis qu’elle remarqua qu’il ne l’avait pas lâchée du regard ;
A ce moment précis elle ne remarque pas, elle réalise qu'il ne l'avait pas lâchée du regard.

Citer
, en quelque sorte
En trop

Citer
et ce pendant quelques secondes.
Pas très joli ce "et ce"

Citer
le panier plein de ses achats au marché qu’elle avait laissé sur une table.
Plutôt lourd
Citer
à chaque fois que la musique commençait à se terminer
ça aussi

   
Citer
Un jour, il se mit à chanter des légendes heureuses, des amours épanouies, des réconciliations. La voix grave avait quelque peu vacillé, comme transpercée par l’émotion, et ses yeux l’avaient évitée toute la soirée. Ses cheveux roux, qui n’avaient jamais été aussi flamboyants, s’étaient brusquement détachés durant la représentation, et aucun homme ne la lâcha du regard.  Ce soir-là, elle ne donna pas d’argent.
   Le lendemain, il était parti, aussi vite qu’il était venu, marchant gaiement, le luth au poing, sur les sentiers abimés de la campagne. Sifflotant comme une sirène ayant eu son repas, tandis qu’au village, on jasa, on critiqua, on prit Eve pour Lilith.

Je n'ai pas vraiment compris le sens de cette fin. Le musicien part en sifflotant comme une sirène ayant eu son repas (!!!). Aussitôt le village prend la femme pour une mauvaise créature. Cela demande explication.

L'envoutement par la musique, l'attirance de la femme pour le musicien, l'artiste versatile, la femme déconsidérée dans on village, tout cela constitue un thème qui pourrait être captivant, mais, outre les remarques faites plus haut, j'ai trouvé le texte trop confus pour être vraiment intéressant.
Désolé, mais je viendrai voir tes autres textes.
A propos, pourquoi ce titre ?


Largo Sensu

  • Invité
Re : Heureux qui, comme Ulysse...
« Réponse #6 le: 25 juillet 2019 à 14:30:13 »
Le premier paragraphe est brumeux mais il n'est pas opaque. Il pose une énigme, il signifie sans révéler. Il est dense et exigeant, on comprend immédiatement que ce n'est pas de la littérature jeunesse. Il est bien ce premier paragraphe. L'enchaînement avec le second, en revanche, pourrait être plus percutant sans cette conjonction malheureuse : « Et ».

 


Écrivez-nous :
Ou retrouvez-nous sur les réseaux sociaux :
Les textes postés sur le forum sont publiés sous licence Creative Commons BY-NC-ND. Merci de la respecter :)

SMF 2.0.19 | SMF © 2017, Simple Machines | Terms and Policies
Manuscript © Blocweb

Page générée en 0.032 secondes avec 23 requêtes.