Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

29 mars 2024 à 06:42:44
Bienvenue, Invité. Merci de vous connecter ou de vous inscrire.


Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » fêlure

Auteur Sujet: fêlure  (Lu 1362 fois)

Hors ligne camdailclot

  • Calligraphe
  • Messages: 147
  • gourmand de mots
fêlure
« le: 10 octobre 2009 à 08:00:27 »
J'ai toujours été scandalisé par la faiblesse des peines infligées aux assassins de la route, voilà, "that's all folks !"

Fêlure

   Ce matin trois novembre en ouvrant ma boite aux lettres j'ai trouvé une enveloppe de papier craft à mon nom. Je connaissais l'écriture, c'était celle de mon ami Paul. Je l'ouvrais fébrilement, il y avait une lettre et plusieurs coupures de presse. Je vous les livre sans commentaires, je n'ai pas la force d'en ajouter un.
      « Je marche vers la mort, c'est la seule porte de sortie qui me paraisse acceptable après cet immense gâchis qu'est devenu ma vie. Cette lettre est destinée à mes amis, pour qu'ils comprennent clairement ce qui m'est arrivé et qu'ils n'ajoutent pas le doute aux autres souffrances que va générer cette lamentable histoire »

   À cet endroit il y a la première coupure de presse :

« Drame de la route à Chevassu en Coulanges » Sur la départementale 13 au lieu dit « la croix des chasseurs » Une Golf noire a percuté de plein fouet dans la ligne droite une Clio qui arrivait en face.  Les passagers de la clio sont morts sur le coup, il s'agissait de Madame Virginie Lesage et de sa fille Alice. Le conducteur de la Golf, monsieur Hugues Roucand s'en est sorti avec seulement quelques blessures sans gravité. D'après les premières constations faites par les gendarmes de Coulanges, monsieur Roucand conduisait en état d'ivresse, et facteur aggravant il utilisait son téléphone portable.…. »

   La fin de l'article avait été déchirée. Une autre coupure de presse suivait, plus récente celle là :

« Après un procès houleux et les manifestations bruyantes de diverses associations qui militent contre la violence routière nous avons enfin eu connaissance du verdict dans le procès qui  opposait Monsieur Lesage partie civile et le procureur de la république à monsieur Roucand. ( lire plus bas un rappel des faits ) Monsieur Roucand a été condamné à six mois de prison avec sursis et une injonction thérapeutique..... »

   Voici la suite de la lettre de mon ami Paul :

   « Lorsque brutalement on m'a annoncé la mort des êtres qui m'étaient les plus précieux au monde je suis resté un long moment incrédule. Ces choses là dans mon inconscient, ne pouvaient arriver qu'aux autres, tout se rangeait dans la rubrique « la faute à pas de chance » « cruauté aveugle du destin » et puis cela finissait dans la rubrique « faits divers » et dans l'oubli. Ce jour maudit du 3 octobre c'est moi et personne d'autre que le sort avait frappé. Après l'incrédulité c'est le chagrin qui envahit tout. J'étais amputé dans ma chair, dans mon âme, je vacillais dans une douleur proche de la folie. Bien sûr j'ai été très entouré et aidé, par mes proches et par les médecins aussi. La chimie moderne fait des miracles sur les cerveaux endoloris. Et puis le temps passe, les amis se lassent, les médecins aussi. La vie reprend ses droits comme on dit. J'ai progressivement cessé de prendre les médicaments. En apparence j'allais bien. Je me suis un peu abruti de travail, ça aide. Mais ce qui m'a donné la force de ne pas sombrer c'est la confiance que j'avais dans la justice de mon pays. J'avais la certitude que la loi avait les moyens de punir l'assassin de ma famille. Des associations contre la violence routière m'ont proposé de m'aider et éventuellement de se porter partie civile. J'ai refusé. La confiance cela ne se fragmente pas. L'attente a été longue, la justice est lente, faute de moyens sans doute.
   Le deuxième choc est venu avec le verdict. J'avais réussi avec le temps à accepter de ne plus jamais serrer dans mes bras ma femme et ma fille. Je rêvais encore d'elles, je pleurais encore leur absence et de tous les moments de bonheur que l'on ne pourrait plus partager. C'était très difficile mais j'avais assimilé dans ma chair cette réalité. Mais lorsque j'ai vu le peu de cas que la justice faisait de ces deux vies à jamais perdues j'ai connu instantanément la brûlure de la haine. Une explosion interne, dévastatrice et irréversible. J'ai réussi à ne rien montrer et à repousser la meute des journalistes avides de piller mes émotions, désolés messieurs pas de larmes chères à vos audimats pour vos caméras de voyeurs.
   Je me suis fermé au monde. Je ne parlais presque plus, ni à mes amis ni à mes collègues de travail. J'ai réussi à éviter les médecins et surtout les psychiatres. L'âme humaine n'est pas un foie ou un pancréas, je n'avais pas envie de les laisser disséquer cette haine qui était devenue ma raison de vivre.  J'ai attendu le temps qu'il fallait, pour que tout le monde s'indigne et s'intéresse à d'autres affaires. Ça n'est pas ce qui manque, des accidents aussi tragiques que celui qui a détruit ma famille il en arrive presque tous les jours.
   Les verdicts tombaient toujours les mêmes. D'où vient cette clémence pour les assassins du volant ? De quoi avez vous peur messieurs les jurés et messieurs les juges ? Sans doute de vous retrouver dans le box des accusés à votre tour ! Vous aussi vous prenez le volant avec des verres en trop, vous aussi vous répondez au téléphone en conduisant, moi même je le faisais, avant...... Alors vous ne punissez pas les coupables, cette indulgence vous la donnez à tous pour qu'un jour on puisse vous l'offrir à vous même, au cas où !
   Tout le monde a fini par m'oublier. Ma haine restait vivante, et froide elle était encore plus forte et tenace. Pendant des mois j'ai étudié la vie de l'assassin des miens. Je l'ai suivi inlassablement, j'ai étudié tous ses trajets et tous ses itinéraires, avec méthode et précision. Et un jour j'ai pris ma décision. Je ne pouvais éviter d'agir, j'en avais un besoin que je croyais vital »

   À cet endroit de la lettre il y avait une autre coupure de presse.

« Drame de la route sur la départementale 13 au lieu dit « la croix des chasseurs » Une Golf noire a percuté un chien de plein fouet dans la ligne droite. Le chauffeur monsieur Hugues Roucand a perdu le contrôle de son véhicule, la chaussée était très glissante à cet endroit à cause d'une plaque de fuel. L'automobile s'est encastrée dans le calvaire de pierre et a pris feu...... »

   Paul continuait sa lettre :

   « J'étais présent, tout s'était passé comme prévu, une chance si l'on peut dire. Le chien avait traversé la route juste devant la golf lorsque je l'ai lâché, j'avais répandu le fuel au bon endroit et j'avais aidé l'auto à prendre feu. Pendant quelques jours cela m'a apaisé. J'avais calmé cette haine qui me taraudait. Et puis, plus tard, peu a peu, un immense vide m'a envahi. Je n'avais plus ce sentiment de vengeance pour m'aider à vivre. La mort de ce chauffard ne m'a pas soulagée. Bien au contraire je commençais à avoir du dégoût pour ce que j'avais accomplis. Au final je ne valais guère mieux que l'assassin des miens. Je perdais chaque jour un peu plus l'envie de vivre. Alors j'ai pris la seule décision qui me paraissait logique, j'allais mettre fin à mes jours.….
C'est pour ce matin, je vais aller avec ma voiture là où tout a commencé, je sais où est la plaque de mazout, il me suffira de freiner à fond. Adieu mes amis, j'ai perdu ma foi en la vie. »

   J'ai gardé la lettre et j'ai ajouté une dernière coupure de presse :

« Drame de la route sur la départementale 13 au lieu dit « la croix des chasseurs » . Au même endroit où Hugues Roucand avait trouvé la mort il y a à peine quinze jours de cela, et dans des circonstances similaires, monsieur Paul Lesage a percuté mortellement la croix des chasseurs. Le préfet nous a affirmé qu'il avait envoyé une note à la DDE pour que des travaux soient effectués à cet endroit pour éviter qu'à l'avenir d'autres drames se produisent. La gendarmerie a ouvert une enquête, tout porte à croire que les deux derniers accidents constatés à cet endroit semblent avoir un rapport avec le drame qui avait coûté la vie à  Madame Virginie Lesage et à sa fille. »

   Je vais tout photocopier et tout envoyer aux médias. Je n'ai pas la certitude que cela fera bouger les choses. Mais au moins j'aurai essayé. C'est pour toi que je le fais Paul, tu ne peux pas savoir comme je m'en veux de ne pas avoir compris ce qui se passait à temps pour t'aider. Tu vas me manquer.
amoureux de littérature et de musique
musicien de jazz, voyageur, aquarelliste
théâtreux par moments
aime la vie
timide et imaginatif
très (trop) sensible

Hors ligne Kathya

  • Grand Encrier Cosmique
  • Messages: 1 271
    • Page perso
Re : fêlure
« Réponse #1 le: 15 octobre 2009 à 11:37:54 »
Coucou ^^

C'est pas mal écrit, mais une fois qu'on sait que Paul a perdu femme et enfant la suite est sans surprise. Peut-être aurait-il fallu placer la coupure de presse sur le procès après le morceau de lettre ? Car une fois qu'on sait le verdict, on devine tout de suite que malgré ce qu'il en espérait, il est pas satisfait, va chercher à se venger, va s'en vouloir, etc... ::)

Le désir de ne pas s'exprimer du narrateur le rend assez distant, au point que je me demande s'il était vraiment utile. ^^"
"Je suis la serveuse du bar Chez Régis ! Ou un leprechaun maléfique barrant l'entrée d'un escalier imaginaire..."

Et puis la Nuit seule.
Et rien d'autre, et plus rien de plus.

Avant l'hiver, Léa Silhol

Hors ligne trompette sournoise

  • Scribe
  • Messages: 90
v
« Réponse #2 le: 15 octobre 2009 à 13:44:46 »
La phrase d'introduction, au dessus de ton texte,  prive le lecteur de tout effet de surprise quant au thème développé dans ton récit. Avant même d'avoir lu un seul mot, nous connaissons déjà l'idée qui va servir de fil rouge.
Ce  n'est pas très aguicheur.


Quant au récit à proprement parler, je trouve que l'auteur de la lettre manque de tripes. Il nous raconte le drame de sa vie, avec des mots simples, d'une voix posée, on pourrait le voir sur un fauteuil confortable (en cuir), sirotant une verveine pour se remettre un peu. La haine est devenue sa raison de vivre. Ok. Montre nous cette haine. Ce sont ces derniers mots, son ultime lettre, et pas un seul écart de langage, pas le moindre emportement, alors que dans 5 minutes il va monter dans sa bagnole et se foutre en l'air dans le décor.

A vrai dire, je crois que tu voulais nous faire passer une idée à tout prix (au point de l'exposer avant tout le reste) et que ton histoire est entièrement tournée en ce sens.  J''aime bien me faire un avis par moi-même, je ne pense pas être le seul.
Ici, le lecteur est spectateur parce que les personnages sont eux-mêmes des pantins sans âme. Des panneaux indicateurs si tu préfères.
Bref, je ne t'ai pas senti si "scandalisé" que ça.

Pourtant c'est assez bien écrit et on arrive au bout sans effort.

Ah, et puis c'est salaud pour le chien. Mais c'estun détail. Peut-être qu'il était déjà malade après tout, ou qu'il s'agissait d'un vulgaire caniche (dans ce cas, ok)




 


Écrivez-nous :
Ou retrouvez-nous sur les réseaux sociaux :
Les textes postés sur le forum sont publiés sous licence Creative Commons BY-NC-ND. Merci de la respecter :)

SMF 2.0.19 | SMF © 2017, Simple Machines | Terms and Policies
Manuscript © Blocweb

Page générée en 0.02 secondes avec 22 requêtes.