[Balbuzar]

Je touche ma peur, mon cœur qui tambourine
J’entends le grondement qui enfle, s’emporte
J’entends le bois qui craque, celui qui me porte
Le plancher vibre, le sel sature mes narines

J’avance, courbé, la tête encapuchonnée, en bélier
Le vent en rafales claque les toiles des fiers drapeaux
Qui s’accrochent là haut dans l’air glacé aux poteaux ployés
Je serai ce pas de plus, jeté, propulsé. À l’assaut

J’irai là-bas, jusqu’au garde-fou qu'harcèlent les eaux
J’irai là-bas, mon pantalon trempé plaqué sur la peau
J’irai là-bas, sourd et aveugle, alourdi par ma croix
Non par celle qui sur ma poitrine enfonce ma foi

Mais par celle de mon accorte promesse qui m’exhorte
Qui crie dans mes tempes, résonne toujours plus forte
Qui me fait tenir malgré le fracas des éclairs à venir
Qui m’offre une lueur dans la noirceur de cet avenir

Entre les planches, des gerbes jaillissent et s’envolent
Lourdes et blanches, les gouttes se font dentelles folles
Toujours plus proches, toujours plus vives, menaçantes
Quand elles tombent, explosent par vagues tonitruantes

J’irai cueillir les mots qui décrivent et délivrent
Ces vives sensations, la beauté de ce monde ivre
Au bout du ponton, j'irai pour Henriette, la mer : sa Vie
Et celle de son mari, parti dans le silence d’une nuit

Dans sa maison de retraite, le regard aveugle à la fenêtre,
Assise, elle espère demain, notre rituel et mes lèvres pleines
De l’eau ruisselante, des pieds glissants, du corps frêle qui peine
De tous ces souvenirs qui résonneront dans le creux de son être


V2

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Texte original :

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[NourK]

Bonjour,

voilà beau texte et fort mystérieux à la fois !

Il y a juste un vers de la 5ème strophe, dans lequel la répétition n'est pas forcément heureuse à mon avis :
De gouttes lourdes et blanches, sautent et ressautent

La 1ère partie est très rythmée, on est bien emmené.es au coeur de la tempête.
2 images m'ont particulirement marquée : Je touche ma peur et  le regard aveugle à la fenêtre
Puis un vers fantastique : Le vent en rafales claque les toiles des fiers drapeaux 

[Angieblue]

Bonsoir,

Je trouve ce poème magnifique, la description est visuelle, sonore et rythmée.
J'aime beaucoup toutes ces assonances en "an" qui apportent de la musicalité.
Bravo aussi pour la richesse des rimes, je sais le travail et la technique que ça demande.
La répétition de "J'irai là-bas" amène également beaucoup d'âme, de détermination. C'est poignant avec ce futur de certitude comme dans le poème de Victor Hugo "Demain dès l'aube".

Et puis, il y a un sens, un but à cette description d'une tempête en mer, la promesse faite à cette vieille dame qui attend dans sa maison de retraite. On devine que le narrateur est son fils.

Il y a beaucoup d'émotion qui se dégage de ce poème. C'est vraiment beau, riche en images et complet.

Je trouve ce texte parfait! et je suis sous le charme.

J'aime tout, mais mes passages préférés sont:

"J’avance, courbé, la tête encapuchonnée, en bélier
Le vent en rafales claque les toiles des fiers drapeaux
Qui s’accrochent dans l’air glacé aux poteaux ployés"

"J’irai là-bas, sourd et aveugle, alourdi par ma croix
Pas par celle qui sur ma poitrine enfonce ma foi"

"Mais par ma promesse qui me brûle et m’exhorte
Qui crie dans mes tempes, résonne toujours plus forte
Qui me fait tenir malgré les fracas et les éclairs à venir
Qui m’offre une lueur dans la noirceur de cet avenir"

"J’irai là-bas, cueillir les mots qui décrivent et délivrent
Ces éléments, ces sensations, la beauté de ce monde ivre"

Bravo et merci pour ce texte qui m'a touchée et ravie. J'ai hâte de connaître votre identité car je suis déjà fan.

[Balbuzar]

Bonjour NourK et Angieblue,

merci beaucoup pour vos commentaires. Savoir que mon poème résonne et touche me fait énormément plaisir.

NourK, pour la répétition "De gouttes lourdes et blanches, sautent et ressautent", je voulais marquer cette répétition des vagues entre les planches. Peut-être est-ce trop... Deux autres possibilités me viennent pour l'instant :
1. "De gouttes lourdes et blanches, trésautent et sautent", mais on change le mouvement.
2. "De gouttes lourdes et blanches, sans cesse, sautent" mais je trouve que le sans cesse fait un peu "meuble" dans la mesure ou il y a un "toujours" dans le vers d'avant.
Je vais continuer à réfléchir. En attendant, je suis preneur d'autres avis sur cette répétition.

[Angieblue]

Il faut peut-être chercher vers quelque chose de ce genre:


Entre les planches, des gerbes jaillissent en masse
Des gouttes lourdes et blanches qui sans répit s'amassent

[Balbuzar]

Merci, tu as raison, il faut retourner le problème.
Du coup, j'ai pensé à :

Entre les planches, des gerbes jaillissent et s’envolent
Lourdes et blanches, les gouttes se font dentelles folles

[Angieblue]

Excellent!
Tu as vraiment le sens de l'image poétique visuelle et originale.
"gerbe" comme "dentelle folle" pour décrire l'eau qui jaillit en bouquet, c'est vraiment bien imaginé!
Bravo!
Je trouvais déjà ton poème brillant et parfait, maintenant je le trouve parfait+++ .

Edit: Pour le dernier vers du passage, je me demande s'il ne faudrait pas mettre "Elles barrent" ou "Barrant"...
A la lecture, j'ai l'impression qu'il manque un truc...

[Gros Lo]

Salut !

Le vent en rafales claque les toiles des fiers drapeaux
Qui s’accrochent dans l’air glacé aux poteaux ployés

J'ai bien aimé ces vers

Je trouve qu'il cherche un compromis étrange, ton poème... Tu te tiens à la contrainte des rimes, en revanche le nombre de syllabe des vers varie tout le temps, je pense que si tu bossais là-dessus ça donnerait plus de nerf à ton poème, ça claquerait beaucoup plus.
Braver la pluie avec ce fil rouge de la promesse, c'est pas une mauvaise idée, mais j'ai pas trop compris qui était Henriette, enfin tu nous donnes des pistes ("maison de retraite") mais ça arrive tardivement, du coup je ne sais pas quel était l'effet que tu recherchais, émotion peut-être ? mais je crois pas que ça ait marché sur moi...
Voilà, y a des vers ou des morceaux de vers que j'ai trouvés intéressés, mais l'ensemble ne m'a pas séduit de ouf... Esthétiquement j'ai pas réussi à bien identifier ta démarche ; par moments il y a un rythme anaphorique comme le refrain d'une chanson, par moments la syntaxe se complique et cherche je trouve à imiter une poésie plus classique. Je vais aller lire les commentaires précédents et tes réponses, ça me donnera peut-être une clé.
Merci pour ton poème !

[Balbuzar]

Edit: Pour le dernier vers du passage, je me demande s'il ne faudrait pas mettre "Elles barrent" ou "Barrant"...
A la lecture, j'ai l'impression qu'il manque un truc...

En effet, tu as raison Angieblue. J'ai repris le vers tout en essayant d'en harmoniser la structure comme suggéré par Lo.
J'espère que la nouvelle version te plaira tout autant.

le nombre de syllabe des vers varie tout le temps, je pense que si tu bossais là-dessus ça donnerait plus de nerf à ton poème

J'ai repris mon poème en ce sens. J'ai harmonisé (sauf oubli/erreur de comptage) en 15 l'ensemble des vers à l'exception de la dernière strophe, "sorte d'épilogue", qui est en 18.

j'ai pas trop compris qui était Henriette, enfin tu nous donnes des pistes ("maison de retraite") mais ça arrive tardivement, du coup je ne sais pas quel était l'effet que tu recherchais, émotion peut-être ? mais je crois pas que ça ait marché sur moi...

Tout poème cherche à créer une émotion...
Je ne voulais pas faire un simple poème descriptif et j'ai donc inséré un court récit avec son jeu classique de questions réponses. L'arrivée tardive des éléments sur Henriette est normal. Si je les avait amenés plus tôt, il aurait fallu que le poème se termine autrement (par l'atteinte du but - le bout du ponton - ou au contraire sa non atteinte ; ce qui me paraît moins élégant).
Je suis désolé Lo si cela ne t'a pas touché, je ne pense pouvoir agir sur ce point.
Merci d'avoir pris le temps de me lire et pour ton retour très utile.

[Angieblue]

Ouf! j'ai eu peur que tu me réécrives tout en alexandrin et que je ne retrouve plus ce qui m'avait séduite dans ton texte. C'est quand même un de mes préférés de l'AT, pour ne pas dire mon préféré....

Niveau métrique, c'est comme dans une chanson, à une ou deux syllabes près, ça ne change rien au rythme et à la musicalité. De même qu'un passage peut avoir une métrique totalement différente et fonctionner comme une sorte de pont ou de refrain.

Moi, quand je suis arrivée sur le forum, je proposais des poèmes un peu comme les tiens avec des vers qui variaient d'une ou deux syllabes ou qui avaient parfois des rimes qui n'étaient pas totalement identiques. Je n'avais des remarques que sur la rigueur métrique, alors qu'à l'oreille ça ne posait aucun problème, et j'ai dû ensuite préciser que c'était du vers libre (enfin, semi-libre) pour que l'on me fiche la paix.
Dans la chanson, on ne respecte pas non plus la règle des "e" muets ou non, et ça passe très bien, niveau rythme...Les poèmes qui fonctionnent, niveau métrique, comme une chanson, je trouve cela assez moderne. Je pense que c'est ce qu'a fait Houellebecq dans ses poèmes, il a pris quelques libertés sur la métrique classique, enfin c'est à vérifier...

Enfin, peu importe! Mission réussie pour ton poème. Je n'ai pas remarqué les changements, sauf au niveau de la strophe dont on avait discuté, j'ai retrouvé toutes les images et formulations que j'aimais, donc pour moi c'est parfait!

Bravo et encore merci pour ce texte!

[Balbuzar]

Parfait si tu n'as pas vu les changements et que tu aime autant.
Tout à fait d'accord avec toi.
J'ai voulu voir ce que cela donnait en essayant d'avoir une harmonie dans les syllabes. Cela ne me semble pas le dénaturer outre mesure alors je vais laisser comme ça pour l'instant.
Merci beaucoup pour tes commentaires et ton soutien.

[NourK]

Entre les planches, des gerbes jaillissent et s’envolent
Lourdes et blanches, les gouttes se font dentelles folles

J'aurais trouvé bien la proposition précédente "sautent et trésautent",
mais je suis d'accord avec Angieblue, ta dernière proposition est magnifique
(ça me rappelle certaines scènes de Microcosmos )

[Ari]

J'ai bien aimé ce poème !
Je me suis sentie emportée par le ton, envie de lâcher un peu prise sur ma compréhension parfois trop littérale et trop rigide des phrases. A la fois l'écriture me semblait suffisamment libre, et en même temps, retraçant une histoire claire et précise (et qui m'a plu, notamment par sa fin). Ici je n'ai que rarement eu l'impression que les rimes étaient forcées ! La météo est retranscrite de façon très vivante et parfois de belles images émergeaient. Le rythme, comme dit précédemment, m'a bien emportée (et ses variations sont pour moi justement dosées), aucune envie de compter les syllabes, ça filait pour moi avec beaucoup de fluidité. Voilà, dans l'ensemble, seuls quelques passages m'ont fait légèrement sortir du poème (j'ignore si c'est personnel ou si c'est dû à une faiblesse du texte). Merci pour ce partage .

[Helbert]

Très joli!
Il y a des petites faiblesses (ex. des bouts de phrase inutiles comme "je le sais" au début), et il y a des choses que je n'ai pas comprises même après plusieurs lectures ("entre les planches"?) mais je pinaille. Ma critique sur ces détails reflète le fait que c'est un texte immédiatement accessible, pas prétentieux, et qui va droit au but (et au coeur).

[Balbuzar]

Merci beaucoup NourK, Ariane et Helbert pour vos commentaires et compliments. Je suis très heureux(se) que ce texte vous est touché et parlé.

seuls quelques passages m'ont fait légèrement sortir du poème

Lesquels ? cela m'intéresse toujours de savoir ce qui coince même si cela peut être propre à la sensibilité de chacun.e

Il y a des petites faiblesses (ex. des bouts de phrase inutiles comme "je le sais" au début)

Merci, je vais y réfléchir. Pour moi cela avait son utilité. La certitude d'y parvenir. En plus de l'abnégation des "j'irai là-bas" mais peut-être effectivement superflus...

il y a des choses que je n'ai pas comprises même après plusieurs lectures ("entre les planches"?)

Pour moi (je précise car on est libre de voir autre chose), l'homme marche sur un ponton de bois. Le sol est fait de planches. Il y toujours un petit jours entre elle. Et l'eau quand, elle vient se briser contre les poteaux d'un ponton s'envolent et sautent à travers les jointures, arrose le malheureux qui passe à cet instant.