Vous êtes friand de bons sentiments ? Vous pensez que la vie est belle, douce ? Que l'avenir est radieux ? Vous aimez lire de longs poèmes sur l’incommensurable beauté d'une fleur ?
Alors, éviter Cioran
Si par contre vous êtes en pleine phase de dépression, que la joie qui suinte des autres vous énerve et que vous ne voyez pas pourquoi vous devriez vous soumettre à la dictature du bonheur. Si vous êtes pleins de cynisme et de passion triste alors, lisez les Syllogismes de l’Amertume de Emil Cioran .
Emil Cioran, né le 8 avril 1911 à Rășinari en Roumanie, mort le 20 juin 1995 à Paris, est un philosophe et écrivain roumain, d'expression roumaine initialement, puis française à partir de 1949 (Précis de décomposition). Il est interdit de séjour dans son pays d'origine à partir de 1946, pendant le régime communiste.
Il est l'un des derniers représentant du scepticisme et du cynisme. Souvent plus connu pour ces aphorismes, il a également écrit des essais plus longs (que je n’ai encore jamais lu)
Les syllogismes de l’amertume sont un recueil d’aphorismes et de pensée divers et varié
Quelques exemples :
« Shakespeare : rendez-vous d’une rose avec une hache »
« Les “sources” d’un écrivain, ce sont ces hontes ; celui qui n’en découvre pas en soi, ou s’y dérobe est voué au plagiat ou à la critique. »
« Point de salut, sinon dans l’imitation du silence. Mais notre loquacité est prénatale. Race de phraseurs, de spermatozoïde verbeux, nous sommes chimiquement liés au Mot »
« Ce qui nous distingue de nos prédécesseurs, c’est notre sans gêne à l’égard du Mystère. Nous l’avons même débaptisé : ainsi est né l’Absurde »
« Il est incroyable que la perspective d’avoir un biographe n’ait fait renoncer personne à avoir une vie. »
« Chaque pensée devrait rappeler la ruine d’un sourire »
« Le Réel me donne de l’asthme »
« La tristesse : un appétit qu’aucun malheur ne rassasie »
« Pourquoi nous retirer et abandonner la partie quand il nous reste tant d’êtres à décevoir »
« Tu as rêvé d’incendier l’univers et tu n’as même pas réussi à communiquer ta flamme aux mots, à en allumer un seul »
« — Vous devriez travailler, gagner votre vie, rassembler vos forces ? – Mes forces ? Je les ai gaspillées, je les ai toutes employées à effacer en moi les vestiges de Dieu… Et maintenant, je serais pour toujours inoccupé… »
« Ce n’est pas Dieu, c’est,la Douleur qui joue des avantages de l’ubiquité » » qui ne voit pas la mort en rose est affectée d’un daltonisme du cœur »
(et ma petite préférée)
« “Le secret de mon adaptation à la vie ? J’ai changé de désespoir comme de chemises »
Mon avis : Je viens de finir ce recueil, je n’est encore rien lu d’autre de lui, même si j’en avais pas mal entendu parler. D’abord c’est pas parce que c’est un recueil d’aphorismes qu’il n’ya pas une argumentation, une construction. Au contraire. C’est un peu en demi-teinte, on cherche à s’accrocher à une logique, c’est un peu difficile. Mais une fois la dernière page tournée, on prend ce qu’on en a à prendre.
En tout cas moi, c’est un livre qui m’a pas laissé indemne…