Au Pays des Mille CollinesIl faut que je vous raconte l’histoire des Tutsi
Et des Hutu. C’est le contraire d’une démocratie.
Après les colons allemands en 1891 arrivent les colons belges.
Ils ne sont pas noirs mais leur peau plutôt beige.
Ils donneront alors aux Tutsi beaucoup d’avantages au début.
Ces derniers rapidement demandent leur indépendance bien entendu.
Alors les belges prennent parti pour les Hutu, changent de camp.
L’Eglise Catholique, ses missionnaires, remettent en cause l’équilibre politique d’avant.
Commence ensuite contre les Tutsi l’agressivité des Hutu plus nombreux.
Elle fait penser depuis l’antiquité à la haine contre les hébreux.
Ainsi c’est par les belges que commence le génocide
D’une communauté sur l’autre, c’est un massacre fratricide.
En allant en vacances en Belgique, chez ma belle-sœur,
J’étais loin de penser qu’elle habitait dans un pays catalyseur.
Ma belle-sœur si gentille et si gaie, de politique
Ne parlant jamais, c’était une bonne vivante, une cuisinière prolifique.
La campagne était verdoyante, avec des ruisseaux, des forêts profondes.
Dans ce pays j’ai connu mes premières amours vagabondes.
Liliane, Béatrice qui habitait le château près du village.
Sur les tombes du cimetière, le soir, on n’était pas sage.
Je dévorais des tartes au riz et beaucoup de frites.
Ainsi l’amour, la mort, la gourmandise, là, étaient fortuites,
Tandis qu’au départ, avant, la Belgique avait déclenché le processus
Au Rwanda. Non, ma belle-sœur ne faisait pas partie du consensus.
Ensuite la France avec ses présidents embraye le pas.
D’abord un qui jouait de l’accordéon à tour de bras,
L’autre qu’on appelait le Sphinx, ne laissant jamais voir ses intentions.
Mais on découvrit qu’il envoyait des armes, sans modération,
Aux Hutu, au motif qu’il ne fallait pas laisser les américains
Mettre leurs pattes dans la fourmilière. C’était du baratin.
Mais tout s’accélère quand le président du Rwanda dans son avion
Reçoit un missile. Il meurt. Sa femme, vite, par précaution,
En France court se réfugier. Elle dirigeait des milices
Préparant le génocide. Tout s’agite follement dans les coulisses.
Non, ce n’est la faute à personne si le fils
De ma belle-sœur était soldat. De face et de profil,
Elle en garde toujours la photo. Pour les casques bleus,
Sur le terrain, à l’époque, encore, les souvenirs sont affreux.
La population hutue est enrôlée pour participer aux tueries,
Armée de machettes, de fusils, de matraques, c’est une furie.
Un million de morts en cent jours. Viols, tortures, assassinats.
Des mères tuent leurs enfants parce que leur père est un Tutsi scélérat.
Tuer devient un plaisir et un devoir. Chacun, chaque jour,
Doit battre son record de morts. Demain, à qui le tour ?
Cela fait une cadence de 10000 assassinés par 24heures.
Les cibles prioritaires sont distribuées aux bandes de tueurs.
Brûlés vif, découpés en morceaux, éventrés au bout d’une lance,
Poursuivis jour et nuit pour finir dans d’atroces souffrances.
Se cacher dans les toilettes, être bouffés par les chiens,
Rassemblés dans les stades, les églises, on fusille pour un rien.
Les morts partout s’entassent. Les survivants sentent le cadavre.
Le fils de ma belle-sœur raconte tout, sur un ton grave,
A sa mère. Des casques bleus aussi ont été massacrés.
Une opération française joliment nommée « turquoise », devant se consacrer
A l’apaisement du conflit, fut diligentée par le Sphinx de l’époque.
Aujourd’hui, je mange un gâteau au riz un peu mastoc,
Chez ma belle-sœur. Sur son buffet, la photo d’un soldat,
Au sourire bien européen, fait oublier les bazookas.
Au Pays des Mille Collines, aujourd’hui, dans les rues,
Les victimes croisent leurs assassins, tout le monde se salut.
Trente ans après, un sentiment d’impunité flotte encore dans l’air.
La lenteur de la justice française patauge dans cette affaire.
Ma belle-sœur, doucement sans bruit, est sortie au jardin.
Elle s’est mise à fumer pour dissiper son chagrin.