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  • Plumelette
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Combattre, sauver, soigner, une histoire de fourmis
« le: 21 janvier 2024 à 20:49:36 »
Combattre, sauver, soigner, une histoire de fourmis
Erik T. Frank
CNRS éditions
 
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été fasciné par les fourmis.
Au tout début mes interactions avec elles étaient somme toute assez basiques.
C'est surtout la roue avant de mon vélo qui interagissait avec elles quand je roulais sur leurs nids, le contenu de mes gourdes d'eau quand je les noyais pour voir si elles savaient nager ou encore les pétards que j'introduisais dans les entrées du nid pour les faire exploser de l'intérieur.
Avec le temps j'ai fini par me pencher un peu plus, toujours plus près du sol, plus près d'elles, mais cette fois-ci c'était pour les regarder vivre et non plus pour les regarder mourir.
Dès lors tout a changé, notre relation n'allait plus jamais être la même, je ne le savais pas encore mais ces petites fourmis allaient m'accompagner toute ma vie.

A 52 ans maintenant, je peux dire que j'en connais un rayon sur elles (mais non, pas la roue de mon vélo...), je possède toute la littérature scientifique traduite en français à ce jour (me parlez pas de Bernard Werber et sa trilogie "Les fourmis" par pitié...), j'ai élevé plusieurs espèces en récoltant les gynes (reines) lors des essaimages près de chez moi ou en m'en faisant envoyer par d'autres passionnés qui avaient la chance de côtoyer des espèces que je ne trouvais pas dans ma région.
Les observer in Natura ou lire des bouquins est une chose, mais élever une gyne seule, assister à ses premières pontes, voir naitre la première ouvrière, innover et s'adapter sans cesse pour leur fournir les meilleures conditions possibles pour que cette fondation devienne à terme une colonie mature et populeuse a vraiment été une révélation pour moi, la matérialisation de ma passion.

Mais bon dieu quel challenge...

Offrir le gîte et le couvert à une reine et ses premières ouvrières n'est pas bien compliqué (encore que la fondation soit une étape très critique) mais ça se corse sérieusement lorsque la colonie grandit encore et toujours.
Gérer la place dans nid, la température, l'hygrométrie, l'élevage d'insectes nourriciers (ça bouffe une colonie de fourmis...) empêcher les évasions, les mettre en diapause durant la saison hivernale et tout le reste n'est pas une mince affaire mais c'est aussi ce qui fait tout le charme de ces élevages.
C'est en partant de zéro et en voyant tout ce petit monde se développer sous mes yeux que j'ai vraiment pris conscience de la richesse et de la complexité de leurs sociétés.
Le terme "insectes sociaux" n'est vraiment pas galvaudé. 

 Mais bref, revenons-en au bouquin sujet de mon post de ce jour.
Ce livre sorti il y a environ deux ans n'est pas un livre comme les autres car en effet, pour la première fois depuis bien des années, il y est fait mention d'une nouvelle observation, d'un nouveau comportement encore inconnu parmi les plus de 16 000 espèces de fourmis recensés dans le monde.

1/ Combattre : 

Rien de nouveau sous le soleil, les fourmis sont des guerrières ça tout le monde le sait et les bastons avec leurs ennemis de toujours, les termites, ont été maintes fois documentées.
Next !

 
2/ Sauver :

Là c'est déjà moins courant, beaucoup moins courant même.
Comme dans chaque bataille il y a des pertes et les termites sont loin d'être des mickeys de plage quand il s'agit de se fritter.
Les fourmis Matabele dont traite cet ouvrage ne se nourrissent que de termites et forcément si elles veulent bouffer il faut foncer dans le tas et vous l'aurez deviné, il y a de la casse des deux côtés.
Là où l'étude devient intéressante, c'est qu'il a été constaté par les chercheurs sur place que les fourmis blessées lors de l'affrontement sont récupérées par leurs congénères pour être rapatriées au nid.
Alors pas toutes les blessées, seules celles qui sont considérées comme sauvables et encore utiles à l'avenir de la colonie, il ne faut pas déconner quand même.
Et là c'est déjà passionnant car le livre relate comment les fourmis valides effectuent le tri entre les sauvables et les foutues.
A ce stade ce bouquin est déjà une pépite en soit mais ce n'est pas fini, la troisième partie est juste magique.
 

3/ Soigner : 

Jamais dans l'étude des fourmis, ou encore dans l'étude des insectes sociaux, voir même dans le règne animal, un tel phénomène n'avait été observer.
Je vous passe les détails, la méthodologie ou encore la chronologie de l'étude, mais vous l'aurez deviné, les fourmis blessées ramenées au nid ont été observées un peu plus tard participant à d'autres raids sur des termites, preuve que non seulement elles étaient encore en vie mais qu'en plus elles étaient de nouveau aptes au combat.
Elles avaient donc bien été soignées, ce qui a pu être scientifiquement prouvé par la suite sur des colonies élevées en laboratoire.*
C'est tout bonnement hallucinant et pas seulement pour le passionné que je suis, mais aussi potentiellement pour l'humanité car les études se poursuivent et il n'est pas impossible qu'elles débouchent sur la découverte d'un nouvel antibiotique efficace sur l’homme.

 
En conclusion ce livre est une petite pépite, le meilleur que j'ai lu sur les fourmis depuis bien des années.
Je suis juste un peu triste de l'avoir déjà terminé car les publications sur le sujet sont tellement rares que je sais que je ne suis pas prêt d'en ouvrir une autre avant bien longtemps.

 Si vous avez eu le courage d'aller au bout de ce texte, j'espère à l'avenir que vous regarderez ces petites bêtes avec un œil nouveau car oui elles nous emmerdent quand elles s'incrustent chez nous, oui elles nous font chier quand elles élèvent leurs pucerons dans nos rosiers, mais qui sait ce qu'elles pourraient nous apporter demain.

Elles semblent m'avoir pardonné toutes les atrocités que je leur ai fait subir étant gamin, alors je suis persuadé qu'elles peuvent aussi vous pardonner si comme moi vous acceptiez de vous pencher un peu plus, toujours plus près du sol, plus près d'elles, mais cette fois-ci pour les regarder vivre et non plus pour les regarder mourir...
On ne se méfie jamais assez de ce que l'on méprise...

 


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