Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

19 avril 2024 à 05:36:18
Bienvenue, Invité. Merci de vous connecter ou de vous inscrire.


Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » Edgar Picorin, aviateur

Auteur Sujet: Edgar Picorin, aviateur  (Lu 653 fois)

Hors ligne PaulCahin

  • Calligraphe
  • Messages: 120
  • Ami des bêtes, mais pas des cons
Edgar Picorin, aviateur
« le: 14 octobre 2019 à 15:32:43 »

Edgar est un aviateur. Enfin... un aviateur-maquettiste, de ceux qui a bout de bras font voltiger leur engin, à grand renfort de ouinnng et de vroummmg, et qui dans un criiing salvateur le font atterrir sur la table du salon. Un tabouret, pour Edgar, un simple tabouret. C'est qu'Edgar Picorin est à l'image de ses maquettes, à l'image de son monde : un model réduit.

C'est à l'age de 6 ans que l'on diagnostiqua la maladie, le mal qui d'Edgar fera pour toujours le "petit Edgar", par comparaison avec son falot de cousin. Une tristesse pour les Picorin mère et père, une affliction, qui de parents les feront à jamais nourrices, à toujours anticiper le pire, se préparer au désastre et feront d'Edgar un enfant sur-protégé pour, le jour de leur brutale disparition, le laisser désemparé et sans ressources.
Petit Edgar a 12 ans quand Tata Picorin vient lui annoncer la nouvelle. Edgar son fils, le "normal et grand Edgar", l'accompagne, qui derrière son dos n'est qu'insultes et grimaces, méchanceté et idioties. De falot il est devenu lourdaud, 40kg de graisse et d'arrogance, le mépris fait homme, mais qui pour Petit Edgar figure un géant, un monstre. Un ogre.
Il ne comprend pas, le regard perdu il écoute mais ne comprend pas. Papa ?... Maman ?... La voiture...
- Dis Tata, quand est-ce qu'ils vont rentrer papa et maman ?
Le grand Edgar rigole. Et trop content d'achever sa honte de cousin, il lâche un assassin "Jamais !" qui aux oreilles du petit Edgar sonne la fin de l'insouciance, de l'amour et de la liberté pour le projeter sans ménagement dans le monde des grands. Des très grands.
Edgar pleure. Edgar pleure et son cousin sourit. Tata... Tata se détourne, fait les gros yeux à son fils, mais ne s'en éclipse pas moins pour autant, déjà à la recherche de ce qui pourra être sauvé, déjà en tête ce qui sera gardé, le reste devant être vendu pour assurer les frais de pensionnat du petit Edgar. Dans un établissement "normal", inadapté, où Edgar devra subir les affres de sa condition, de sa pauvre et petite condition, car Picorin n'est point Crésus et c'est avec bien peu que sa Tante devra assurer "son" avenir dorénavant. Mais ça, Edgar ne le sait pas encore, qui réfugié dans son petit lit est tout à son grand malheur, entouré de ses peluches, de ses maquettes et de Zozo son clown sauteur qui n'en finit pas de rigoler. Alors Edgar sombre, Edgar n'en finit pas de s'enfoncer et c'est hagard et absent qu'il suivra quelques heures plus tard sa tante, une tante tout sourire et les mains toutes chargées, de bibelots, de vêtements.... De souvenirs. Tout comme son costaud de fiston.

A 14 ans, petit Edgar n'est que l'ombre de lui-même, un souffre-mépris empreint de douleur qui sans cesse subit les invectives de ses "petits" camarades. Il n'est pas jusqu'à certains Professeurs qui ne lui fassent du mal. Ici par une remarque. Là par une totale indifférence. Ou pire ailleurs : des punitions iniques dont les oreilles et le petit postérieur d'Edgar gardent longtemps après le souvenir. A 14 ans Edgar est déjà brisé, un enfant perdu, et s'il pensait que sa petite taille pourrait le protéger et susciter aide et compassion, il comprend maintenant que jamais ça ne sera le cas, que toujours il devra subir, et que vivre dans ces conditions n'est point vivre.
Alors il s'échappe.

D'abord la nuit, dans ses rêves, où passée les moqueries et brimades habituelles viennent le visiter papa et maman. Puis la journée, jouant  de sa petite taille pour trouver refuge là où personne ne pourra le surprendre. Le plus dur est de se nourrir, mais il est aisé pour lui de se servir aux cuisines, tandis que dès le matin s'activent la brigade. Et puis.... et puis, on ne mange pas la même quantité que les autres, quand son corps n'en fait que la moitié. Alors souvent il se lève tôt le matin, chaparde ce qu'il peut et part se terrer dans la partie boisée du pensionnat. Là, là il a ses habitudes, là il a maintenant ses trésors, qui de brindilles en petit bouts de bois progressivement prennent corps. Un avion, un bateau, la voiture à papa, le peigne de mam... Des souvenirs, des évocations douloureuses, mais c'est à ce prix qu'Edgar peut tenir, à ce prix seulement. Il y a même son fidèle Zozo, tout de papier et ficelle armé, et si aujourd'hui il ne peut plus sauter ni rire, il n'en reste pas moins le trésor préféré d'Edgar.
A la tombée de la nuit, Edgar cache tout ça, et secrètement rejoins son dortoir.
Encore un jour de gagner.

Et puis... et puis vient le jour fatidique : son trésor a disparu, il ne trouve plus rien, il était pourtant là ! Que... Un bruit, le jardinier du pensionnat qui derrière lui s'est approché. Accompagné... accompagné de La Teigne, la terreur du pensionnat, le pire des pensionnaires.
- Je vous l'avais bien dit, non ? Je vous avais bien dit qu'il cachait tout ça ! Je...
- La ferme !... Dis moi, "petit", c'est à toi tout ça ? C'est toi qui a fabriqué tous ces...
- ... Oui. Rendez-les moi, s'il vous plait. C'est à moi, c'est...
- Tttttt ! Que non, nabot, oh que non. Tiens, La Teigne, fais-en ce que tu veux, moi, je m'en lave les mains, je m'en lave les... nains. Ah ah, quelle est bonne : les mains, les nains.... Ah Ah Ah ! Allez, et finis-en vite avant que je revienne. Tu a un quart d'heure.
Il n'en faut pas autant pour que le monde d'Edgar bascule à nouveau. D'abord le bateau, qui dans un craquement fini éparpillé sur le sol. Puis... puis c'est la voiture de papa, que La Teigne écrase d'un puissant coup de pied, après l'avoir pourtant si délicatement posée à terre. Et puis.. c'est le tour de l'avion, qui vole, qui vole et fini par s'écraser contre l'arbre sur lequel La Teigne l'avais si violemment projeté.
Des petit tas de bois, des miettes, voici ce qui reste des trésors d'Edgar. Edgar reste de marbre, ne pas pleurer, ne pas lui donner cette satisfaction. La Teigne comprend que cette victoire il ne la remportera pas, alors lentement il met le peigne dans la poche arrière de son pantalon, lentement il se retourne pour s'en aller et au dernier moment fracasse sauvagement Zozo sur le premier arbre à sa portée.
Des petit tas de bois, des miettes. Et des morceaux de papier. C'est à ce moment-là, et uniquement à ce moment-là, qu'Edgar se permet de pleurer, de pleurer et de se convaincre.
Il doit s'échapper. Tout entier. Finis les rêves, finis les cachettes : il doit quitter le pensionnant, quitter ce monde d'ogres. Partir.
Demain Edgar à 15 ans.

Alors il prend le petit couteau dont il se sert pour ses maquettes, un peu de ficelle et deux morceaux de bois, et déjà voilà que revit son avion. Il lève bien haut ses petites mains, il tourne, il ouinnng, il est aviateur. Il retourne, il vroummmg, il est pilote. Puis après l'avoir délicatement posé dans un léger criiing sur une imaginaire table de salon, il s'ouvre les veines.

S'échapper.
Partir.
Ne plus...

Restent deux morceaux de bois ficelés à la va-vite, tenus serrés au creux de son giron, qui lentement se teintent de rouge.

Demain, Edgar aurait eu 15 ans.
_______________
Paul Cahin de Troyes

Hors ligne Rémi

  • ex RémiDeLille
  • Modo
  • Trou Noir d'Encre
  • Messages: 10 135
Re : Edgar Picorin, aviateur
« Réponse #1 le: 15 octobre 2019 à 21:51:31 »
Salut :)

Le détail, les coquilles :

Citer
de ceux qui a bout de bras
à

Citer
qui de parents les feront à jamais nourrices,
pas convaincu par le choix de "nourrice" (j'avais pas anticipé le sens avant la suite)

Citer
Petit Edgar a 12 ans quand Tata Picorin vient lui annoncer la nouvelle. Edgar son fils, le "normal et grand Edgar",
deux soeurs (belles-soeurs ?) ont donné le même prénom à leur fils ?

Citer
Papa ?... Maman ?... La voiture...
j'enlèverais les suspensions après les points d'interrogation

Citer
Le grand Edgar rigole. Et trop content d'achever sa honte de cousin, il lâche un assassin "Jamais !"
me semble exagéré

Citer
déjà à la recherche de ce qui pourra être sauvé, déjà en tête ce qui sera gardé, le reste devant être vendu pour assurer les frais de pensionnat du petit Edgar.
pareil, si on est au moment de l'annonce, les parents sont morts depuis quelques heures, j'imagine ; un peu tôt pour ce genre de considérations malsaines

Citer
n'en finit pas de rigoler. Alors Edgar sombre, Edgar n'en finit pas de s'enfoncer
n'en fini x2, pas fan

Citer
Il n'est pas jusqu'à certains Professeurs qui ne lui fassent du mal.
pourquoi la majuscule ?

Citer
où passée les moqueries et brimades habituelles
passées

Citer
Encore un jour de gagner.
gagné
(j'aime bien ce paragraphe)

Citer
Tu a un quart d'heure.
as
(et la façon ouverte de saccager, d'inciter au sacage de la part du jardinier me semble peu naturelle, pas très crédible)

Citer
La Teigne l'avais si violemment projeté.
avait

La fin claque bien, ça va vite, ça fonctionne.
J'ai trouvé que certains éléments de mise en place étaient moins bons, moins crédibles surtout.
Autre truc : à partir du moment où il va bricoler dans le coin de forêt, on a beaucoup plus de visuel, ex :
Citer
il est aisé pour lui de se servir aux cuisines, tandis que dès le matin s'activent la brigade.
(s'active, en passant)
Là, on voit l'histoire, comme avec les détails de ses fabrications.

Bref, j'ai bien aimé la deuxième moitié et moins le début.

Merci pour la lecture,

Rémi
Le paysage de mes jours semble se composer, comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J'y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d'instinct et de culture. Çà et là, affleurent les granits de l'inévitable ; partout les éboulements du hasard. M.Your.

Hors ligne Opercule

  • Modo
  • Calame Supersonique
  • Messages: 1 750
  • Nécroposteur aux mains froides
Re : Edgar Picorin, aviateur
« Réponse #2 le: 18 octobre 2019 à 20:19:22 »
Merci pour ton petit conte d'un enfant rejeté pour sa différence.
J'ai été assez touché par cette figure petite, faible et sans défenses, jetée dans le monde immonde après la mort de ses parents.
Quelque chose me chiffonne -- peut-être que c'est un parti-pris, je ne sais pas - mais ton récit est bien trop... biaisé. Trop de méchants. C'est presque une "origins story" d'un vengeur masqué dans un bon comic américain. Le jardinier est sadique, la Teigne est sadique, les profs sont sadiques, son cousin est sadique... il se passe quoi ici ?

Est-ce que le capital sympathie que tu accumules avec ce personnage ne cache pas de grosses lacunes de narration ; entre ellipses et résumé, pour seulement deux scènes réellements narrées : l'annonce, qui est un peu faible : je n'achète pas cet enfant de douze ans, traité et se comportant comme s'il en avait 8 (encore que c'est peut-être la maladie justement, mais ce n'est pas précisé) ; la scène avec la Teigne, plus réussie (sous réserve qu'il ne se comporte pas comme un enfant de 14 ans, toujours).

Tout ça pour dire que la tourmente est passée un peu vite, et est difficilement compréhensible. Toi-même, par Edgar, reconnaît l'incrédulité de la situation ("il pensait que sa petite taille [...]"). Je préfère de loin une construction de personnages un peu plus poussée pour comprendre leurs actes avec deux-trois grands traits, parce que là j'ai l'impression d'avoir un enfant kawaï avec des gros yeux qui pleurent entouré de bonshommes-bâtons avec la mine diabolique. Par exemple, mettons que les professeurs sont surmenés et ne savent pas gérer un enfant spécial ; que la Teigne va bientôt être expulsé à cause de son âge et n'a nulle part où aller et ça lui fait peur (ne sachant pas exprimer/ vivre avec ça, il va harceler un plus jeune) ; je ne sais pas pour le jardinier, disons que c'est le seul vrai sadique (mais de grâce, pas la blague ! ça fait encore plus méchant de film).

Une fin abrupte, une fin romancée, enfantine à cette spirale de douleur et d'exclusion. Mon apport personnel : je ne suis pas sûr qu'un enfant (surtout immature) se suiciderait à la romaine avec 'un couteau' (tu as essayé de couper de la peau humaine ??). Je pense plus à l'étranglement, la pendaison, la défenestration (se jeter de la fenêtre ferait un très bon raccord avec le thème de l'avion, note).
Autre signe (étonnant) de maturité : dire qu'il est "l'ombre de lui-même". Mais... c'est qui lui-même ? il n'y a pas encore de lui-même ! il a toujours été misérable -- juste qu'il ne le savait pas avant. il n'a pas été "grand" (toutes proportions gardées), puis déchu (ce qui est l'acceptation générale de l'expression)

 


Écrivez-nous :
Ou retrouvez-nous sur les réseaux sociaux :
Les textes postés sur le forum sont publiés sous licence Creative Commons BY-NC-ND. Merci de la respecter :)

SMF 2.0.19 | SMF © 2017, Simple Machines | Terms and Policies
Manuscript © Blocweb

Page générée en 0.021 secondes avec 22 requêtes.