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Auteur Sujet: Libres personnages  (Lu 1471 fois)

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Libres personnages
« le: 16 janvier 2020 à 16:56:20 »
Libres personnages
Ouais heu en fait, y'a encore un éternel débat je crois, mais je ne veux pas y participer, juste m'y reposer pour mon questionnement...

VIVRE ou ECRIRE ?
mais surtout pourquoi écrire ?

Moi je penche honnêtement et sans artifice, du côté qui affirme que toute expression artistique est le fruit d'un enfermement quelconque, intérieur autant que social, et qu'il s'exprime par les normes codées de ce qui se fait de toléré dans l'intolérable de l'expression humaine.

Oui, il y a les écrivains qui écrivent la vie qu'ils ont vécu, c'est un témoignage plus ou moins halluciné... Oui, il y 'a les écrivains qui écrivent la vie qu'ils voudraient avoir vécu, c'est un rêve plus ou moins incarné...

Mais au final je reste convaincu : il n'est pas d'écrivain dont le personnage ne le surpasse sur le point névralgique de son ambition artistique. Je veux dire : chaque personnage est plus libre que son auteur, sur les points que son auteur voudrait voir chez lui. C'est typiquement psychologique, comme questionnement je crois. Donc à celui qui rêve encore de suivre ses passions sans sécurité rationnelle, passez direct à autre chose...
Mais là où je veux en venir pour l'instant, c'est que je me demande s'il est une forme de valorisation commune à ce qui se fait des caractères humains, que les écrivains développent dans leur imaginaire. Alors je vais pas me mentir, je pense ça parce que je me suis inspiré moi-même des fictions qui m'ont portées, pour me construire. Ne serait-ce qu'inconsciemment. J'ai déjà répliqué 'à la manière de' ou même répété des interventions, notamment filmiques, et je me dis donc que ce truc qui m'a inspiré, qui est devenu 'moi', bin c'est sorti d'un imaginaire qui le voulait pour lui et qui a préféré le donner à plein de gens plutôt que l'incarner tout seul.
Sans me questionner sur qui 'incarne' le mieux, entre celui qui donne un caractère et celui qui le réutilise, je ne sais... Et la question est complexe !
Mais j'ai une certitude qui n'est pas inébranlable... Celle qui affirme que les personnages, tous en tant qu'êtres fictifs, les personnages de récits donc, les personnalités et caractères et psychologies qu'on se figure d'un nom assigné à un individu dans la narration de quelque chose...

Eh bien, ces personnage là sont libres.
Plus libres que leurs auteurs.
Plus libres que les lecteurs.


C'est même un principe sans lequel tout spectatorat serait inutile... Mais allez expliquer ce que nous cherchons dans la fuite du réel que constitue notre propension à aimer subir les visions d'artistes...
De fait, je crois me raccrocher à des références parlantes sur cet aspect ontologique d'un questionnement qui dépasse même le domaine de l'art, puisqu'il s'agit là de me demander si l'humain n'en serait pas à une pré-période de lui-même, où socialement se manifeste un rêve qu'il tente d'incarner, et qui donc est tout sauf de la liberté d'individu...

En gros, ma pensée approximative :
L'humain personnage n'est que la manifestation d'un projet d'incarnation humaine, et le jour où nous serons libres en tant que personnes, nous n'aurons même plus besoin de personnages à écrire... Plus rien à rêver par l'écriture, la lecture ou la vie qu'on écrit ou qu'on lit, mais tout à incarner.

A qui voudrait parler d'apocalypse de l'imaginaire...
"i don't care if your world is ending today
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Re : Libres personnages
« Réponse #1 le: 16 janvier 2020 à 19:10:45 »
Mon cher Dot Quote,


En gros, ma pensée approximative :
L'humain personnage n'est que la manifestation d'un projet d'incarnation humaine, et le jour où nous serons libres en tant que personnes, nous n'aurons même plus besoin de personnages à écrire... Plus rien à rêver par l'écriture, la lecture ou la vie qu'on écrit ou qu'on lit, mais tout à incarner.

 :lecon: N'y aurait-il pas un petit relent d'utopisme dans ce beau principe ? ...


J'aime bien l'idée de parler de la liberté de l'écrivain, je ne sais pas si on avait déjà un sujet là-dessus (parce que ce n'est pas forcément une question nouvelle), mais je dois dire que tu abordes cette thématique avec originalité !

De quelles libertés dispose l'autrice ou l'auteur dans sa fiction ? Cette liberté s'arrête-t-elle aux limites de l'imagination ? Et si oui, peut-on envisager élargir cet espace imaginaire ou est-il confiné à une certaine forme de fatalité qui bloque l'écriture ?


Toutes des questions que j'aime me poser quand je suis inspiré, je cherche à explorer mes propres frontières.
Mon carnet de bord avec un projet de fantasy.

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Re : Libres personnages
« Réponse #2 le: 16 janvier 2020 à 19:24:27 »
utopie carrément, mais attention !
dans le sens étymologique du terme et non dans le préjugé hâtif qu'on s'en fait...
je veux dire : un lieu qui n'existe pas... ça peut être un lieu qui n'existe pas... encore
et non ce fatalisme de pensée populaire désignant l'impossible situation à mettre en place !

de fait non, perso mes questions ne sont pas du tout dans la zone des tiennes

je ne cherche pas à savoir ce qui fait de l'oeuvre de fiction quelque chose d'hypocrite par surévaluation du réel, mais plutôt à comment supprimer cette hypocrisie si tant est qu'il soit possible de la contourner... en gros : pourquoi a-t-on besoin de personnages, hauts-en-couleurs et qui vivent des trucs inimaginables, mais dans des univers qu'on ne touchera jamais, et ce pour contenter nos existences plus plates et dont on ne pourrait se départir de cette timidité qui fait qu'on ne vit pas notre vie avec l'emphase d'une fiction ? Je veux dire... Qu'est-ce qui bloque ? Moi je voudrais vivre des trucs comme si j'étais dans un roman ou dans un film, pourquoi j'suis obligé d'écrire pour approcher cette quintessence ?

tu vois ou pas ?
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Hors ligne Milora

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Re : Re : Libres personnages
« Réponse #3 le: 16 janvier 2020 à 20:28:58 »

je ne cherche pas à savoir ce qui fait de l'oeuvre de fiction quelque chose d'hypocrite par surévaluation du réel, mais plutôt à comment supprimer cette hypocrisie si tant est qu'il soit possible de la contourner... en gros : pourquoi a-t-on besoin de personnages, hauts-en-couleurs et qui vivent des trucs inimaginables, mais dans des univers qu'on ne touchera jamais, et ce pour contenter nos existences plus plates et dont on ne pourrait se départir de cette timidité qui fait qu'on ne vit pas notre vie avec l'emphase d'une fiction ? Je veux dire... Qu'est-ce qui bloque ? Moi je voudrais vivre des trucs comme si j'étais dans un roman ou dans un film, pourquoi j'suis obligé d'écrire pour approcher cette quintessence ?

tu vois ou pas ?
Ah c'est plus clair dans ce résumé que dans ton premier post ! (du moins pour moi ^^)

Elle est cool ta question. Je crois que je me la pose depuis que je suis ado, j'ai pas trouvé la réponse :D
Je me dis plusieurs choses à ce sujet :

- le réel a un défaut : y en a qu'un. On ne peut être qu'une seule chose, on est déterminés par l'enchaînement d'éléments de nos vies qui font qu'on ne peut en avoir qu'une. On peut métaphoriquement "changer de vie" mais on est toujours dans la même réalité.
Ecrire (et aussi lire), ça permet d'être plein de choses différentes. Des choses qu'on n'aurait pas pu être dans la vraie vie, pas spécialement parce qu'on ne la vit pas à fond (il y a des livres qui portent d'ailleurs sur des histoires tout à fait ordinaires), mais juste parce qu'on ne peut vivre qu'une seule vie. Du coup cette question de la "liberté du personnage" (je suis pas sûre que ce soit le terme le plus approprié pour ce que tu évoques, d'ailleurs), ce serait pas dû à une limitation matérielle et surmontable de vivre ce qu'on leur fait vivre, mais plutôt à une impossibilité ontologique : on peut pas vivre autre chose que sa propre vie, si ce n'est en pensée...

- y a aussi un autre aspect : une histoire, ça a un sens. Dans les deux acceptions du terme. D'un côté, tout ce qui arrive dans un roman a une raison (le choix de l'auteur -qui est délibéré- et -quand le roman est bien construit- qui sert l'intrigue générale), et de l'autre, tout ce qui arrive dans un roman converge vers quelque chose : la fin. L'histoire est ordonnée, rationalisée, elle a un début, un milieu, une résolution, une conclusion qui la fait former un tout. On n'a pas ça, dans la vraie vie, qui est chaotique, qui lance des bouts d'histoire sans les finir, qui peut s'arrêter n'importe quand. Sauf que les humains, ils adorent chercher du sens, dans tous les aspects de leur rapport au monde. Du coup, c'est, comme tu dis, libérateur, les fictions. Mais pas au sens où on fantasme une existence qu'on n'ose pas mettre en pratique ; plutôt parce que c'est la seule dimension où on peut vivre (par transposition) quelque chose qui a du sens, qui donne du sens.

- et puis on peut aussi voir cette question de la liberté du personnage autrement : les humains, ça essaie toujours de reproduire des ersatz de réalité. En inventant des histoires, mais aussi par plein d'autres expressions artistiques (le dessin figuratif, par exemple) et aussi à travers la science (les intelligences artificielles, tout ça). Ne serait-ce que par le langage : en nommant les choses, on leur donne un sens, on les définit, on se les approprie. On est toujours en train d'essayer de "maîtriser" le réel en lui collant par dessus notre interprétation. Du coup, la fiction n'est qu'une sorte de quintessence de cette attitude. Du coup, au contraire de ce que tu dis dans ton premier post, on pourrait aussi dire que le recours à l'écriture c'est pour l'humain une façon d'aller plus loin, de vivre davantage que sa vie matérielle, qui est nécessairement limitée par les contingences de la réalité (son unicité, son absence de sens, etc.). Et que donc, au contraire de ce que tu disais dans ton premier post, l'écriture ne serait pas un échec de la vie réelle qui est obligée d'en passer par un ersatz fictif faute d'arriver à vivre ce qu'on écrit, mais au contraire la seule façon d'aller au-delà d'une limitation ontologique ?


Flûte, v'la que j'ai fait une dissertation en 3 parties sans faire exprès  :D



Une question connexe que je me pose tout le temps c'est : pourquoi on aime quand les personnages traversent des épreuves super difficiles ? On trouve ça plein de grandeur, on trouve ça beau, on pleure la mort d'un personnage tout en éprouvant une sorte de satisfaction (pas du fait qu'il soit mort, mais de ressentir quelque chose face à cette mort de fiction (je crois que j'ai jamais compris les explications des profs de littérature sur la catharsis  :-¬?), mais encore plus, on adore quand les personnages sont en danger, quand ils sont en situation inconfortable qui, dans la vraie vie, seraient vecteurs d'angoisse au plus haut point - on les vit transposés dans la fiction et on trouve ça cool. Mais pourquoi diable ! :D
« Modifié: 16 janvier 2020 à 22:23:56 par Milora »
Il ne faut jamais remettre à demain ce que tu peux faire après-demain.

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Re : Libres personnages
« Réponse #4 le: 16 janvier 2020 à 22:57:17 »
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Ah c'est plus clair dans ce résumé que dans ton premier post !
hmm puis-je te demander de réfléchir deux secondes pour m'aider hors-sujet :
j'ai l'impression que ce qui se succède est plus clair quand j'écris, mais pas que par effet de reformulation, bien aussi par effet d'accumulation :
si tu avais lu uniquement ma réaction ou alors en première, et ensuite seulement le sujet du topic, crois-tu que tu aurais compris la même chose ? la seconde intervention était-elle seulement un 'résumé' ou un 'ajout' axiologique ?
(je me questionne sérieusement sur ma manière de me démerder dans l'inter-compréhension, je crois tu vois pourquoi ^.^)

En réponse aux points de ta dissertation :

- Effectivement, tu as sûrement raison d'insister sur le fait que la fiction apporte des pluralités éclectiques qui peuvent alimenter un imaginaire bien pluss que la réalité elle-même : on ne vit que sa vie, et en vivre d'autres, c'est accessible par l'imaginaire et c'est cool. En revanche ton histoire de vivre à fond et de romans ordinaires, ce n'est pas là où je voulais en venir avec mon idée d'emphase, en aucun cas je dis que le lecteur cherche l'exceptionnel... il cherche selon moi l'exception, et le roman d'une vie banale peut tout aussi bien remplir cette fonction sans dénaturer le fait que le lecteur cherche quelque chose que le personnage possède, genre les modalités de sa vie banale... Pour rester sur cet exemple de la vie banale romancée, le lecteur fantasmera toujours sur la profondeur du personnage, la qualité de la prose, bref, cette aura, peut-être pas libre comme tu fais bien de le noter, mais tout-de-même résolument avec un avantage pondéré des incidences de relief émotionnel. En somme l'imaginaire est un socle pour diffuser de la réalité alternative dont on aurait pas accès sinon, c'est une nette justification que j'étais loin de remarquer !

- Sur les questions du sens de la vie par rapport aux sens des fictions, je pense que tu fais de raccourcis sur ton vécu. Il est souvent prouvé dans le discours que les gens de notre époque 'cherchent un sens' à leur vie, c'est parce que ceux qui l'ont trouvé ne savent pas comment dire que ça se trouve, se construit, moins que ça s'en débat ou s'en plaint lorsqu'on n'a pas trouvé... A l'inverse, le stéréotype du scénario à histoire occidental me parait unanime oui pour donner du sens à une temporalité et une action, mais d'un côté c'est pas les seules formes de fiction même si c'est celles qui marchent le pluss, et d'un autre côté on pourrait leur décortiquer leur 'sens' pour le percevoir en tant que reflet d'un réel qui n'a pas plus de valeur consciente pour les personnages que le synopsis pour le public...

- Oui c'est exactement l'idée que j'ai envie de réfuter, non pas par conviction mais par espoir : si la fiction est un ersatz de réalité, c'est peut-être parce que celle-ci déborde de l'imaginaire... Mais si c'est l'inverse, si l'imaginaire perce à travers l'humain, alors peut-être est-ce qu'à force d'écrire des fictions, on en aura marre et on ira les vivre vraiment !

Pour ta question connexe, j'ai l'impression que tu te voiles la réponse dans ta première partie de dissertation :
L'idée de grandeur que tu ressens dans une oeuvre que tu juges de qualité, c'est ça l'emphase dont je voulais te parler, l'idéal qui fait pluss vibrer en fiction qu'en réel, parce que, c'est ma théorie, on est plus timide devant le réel que devant sa page blanche, ce qui fait qu'une fiction sera toujours plus confiante, plus osée, plus affirmée et donc plus en relief, que n'importe quelle réalité. De fait on recherche comme je l'envisageais sans détail mais comme tu le précises à ta manière, à lire des choses impossibles à vivre.
Mais je sens que je suis biaisé : c'est valable pour moi en tant qu'écrivain qui n'a pas de vie... Ce ne le serait pas pour un non-lettré qui en aurait une, et tenterait maladroitement de la faire valoir avec des mots qui ne retranscriraient pas selon sa volonté et sa capacité, toute la grandeur de son vécu.

Du coup tu me remets pas mal en question >.<
J'en viens pas encore à penser mon utopie comme impossible...
Mais je lui ampute qmm de son restrictivisme radical quant à l'existence de la fiction !

Au plaisir :)
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Re : Re : Libres personnages
« Réponse #5 le: 16 janvier 2020 à 23:19:41 »
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Ah c'est plus clair dans ce résumé que dans ton premier post !
hmm puis-je te demander de réfléchir deux secondes pour m'aider hors-sujet :
j'ai l'impression que ce qui se succède est plus clair quand j'écris, mais pas que par effet de reformulation, bien aussi par effet d'accumulation :
si tu avais lu uniquement ma réaction ou alors en première, et ensuite seulement le sujet du topic, crois-tu que tu aurais compris la même chose ? la seconde intervention était-elle seulement un 'résumé' ou un 'ajout' axiologique ?
(je me questionne sérieusement sur ma manière de me démerder dans l'inter-compréhension, je crois tu vois pourquoi ^.^)
Ah mince, du veux dire que j'ai pas compris l'objet de ton fil, finalement ? :/
Pour te répondre, sur ton premier post je te suivais bien jusqu'à
Citer
Mais j'ai une certitude qui n'est pas inébranlable... Celle qui affirme que les personnages, tous en tant qu'êtres fictifs, les personnages de récits donc, les personnalités et caractères et psychologies qu'on se figure d'un nom assigné à un individu dans la narration de quelque chose...

Eh bien, ces personnage là sont libres.
Plus libres que leurs auteurs.
Plus libres que les lecteurs.
Parce que je pense que t'as pas vraiment défini ce que t'appelais "libre" et que, dans l'acception commune du terme, je vois pas le lien logique avec ce que tu énonçais avant...

Mais c'est p'têt' moi ! ^^


Du coup je réponds à la suite :
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- Effectivement, tu as sûrement raison d'insister sur le fait que la fiction apporte des pluralités éclectiques qui peuvent alimenter un imaginaire bien pluss que la réalité elle-même : on ne vit que sa vie, et en vivre d'autres, c'est accessible par l'imaginaire et c'est cool. En revanche ton histoire de vivre à fond et de romans ordinaires, ce n'est pas là où je voulais en venir avec mon idée d'emphase, en aucun cas je dis que le lecteur cherche l'exceptionnel... il cherche selon moi l'exception, et le roman d'une vie banale peut tout aussi bien remplir cette fonction sans dénaturer le fait que le lecteur cherche quelque chose que le personnage possède, genre les modalités de sa vie banale... Pour rester sur cet exemple de la vie banale romancée, le lecteur fantasmera toujours sur la profondeur du personnage, la qualité de la prose, bref, cette aura, peut-être pas libre comme tu fais bien de le noter, mais tout-de-même résolument avec un avantage pondéré des incidences de relief émotionnel. En somme l'imaginaire est un socle pour diffuser de la réalité alternative dont on aurait pas accès sinon, c'est une nette justification que j'étais loin de remarquer !
Ouais, je suis d'accord, j'ai juste mis cette incise sur la banalité de certaines histoires au cas où quelqu'un lirait "vivre à fond" dans le sens de "vivre plein de super aventures". Mais je te rejoins totalement, là.

Citer
- Sur les questions du sens de la vie par rapport aux sens des fictions, je pense que tu fais de raccourcis sur ton vécu. Il est souvent prouvé dans le discours que les gens de notre époque 'cherchent un sens' à leur vie, c'est parce que ceux qui l'ont trouvé ne savent pas comment dire que ça se trouve, se construit, moins que ça s'en débat ou s'en plaint lorsqu'on n'a pas trouvé...
Là je ne te rejoins plus. Je parlais pas de "chercher le sens de la vie" au sens de "le sens de la vie c'est l'Amoûûûr" ou à la sauce Paolo Coelho. Je parlais de donner une signification aux choses, c'est pas du vécu personnel, ça. C'est dans le langage même : on voit un objet marron allongé, plat, avec quatre excroissances vers le bas. On se dit "c'est une table". En le nommant, on lui a donné du sens : on l'a identifié, en l'occurrence par sa fonction, par sa finalité. Et finalement, c'est pareil à plus grande échelle sur une histoire. Si le récit a une cohérence (parce que quand il n'en a pas, on a pas l'impression que le texte est abouti), il est maîtrisé, ses lignes narratives convergent, vers le déroulé de l'intrigue. Pas pour apporter un message métaphysique sur le sens de la vie, c'est pas ça. C'est juste le fait même de raconter, ça implique d'ordonner les événements, de les sélectionner, de les lier entre eux. C'est ce qui produit une histoire. Mais pas besoin de fiction pour ça, tout récit le fait par définition. Si je te demande de me raconter ta matinée et que tu me dis "je me suis réveillé quand le réveil a sonné, j'ai mis mon manteau et je suis sorti acheter un croissant, puis je suis rentré parce que je devais donner à manger au chat", tu as totalement sélectionné les éléments et les as liés par une relation causale. T'aurais aussi pu dire "je me suis levé à 8h, j'avais faim, dehors il pleuvait et j'ai échangé quelques mots avec la boulangère qui m'intimide toujours un peu, et après avoir hésité un moment devant la porte, je suis rentré sans oser lui demander son nom. Le chat avait faim." T'as raconté les mêmes faits mais autrement, et c'est pas la même histoire.
J'arrête ma digression, mais c'était cette acception-là de "sens" que j'employais.

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A l'inverse, le stéréotype du scénario à histoire occidental me parait unanime oui pour donner du sens à une temporalité et une action, mais d'un côté c'est pas les seules formes de fiction même si c'est celles qui marchent le pluss, et d'un autre côté on pourrait leur décortiquer leur 'sens' pour le percevoir en tant que reflet d'un réel qui n'a pas plus de valeur consciente pour les personnages que le synopsis pour le public...
Là je te rejoins à nouveau : t'as raison, je parlais uniquement d'un schéma de fiction à l'occidentale. Je connais pas assez les autres formes de littérature, du coup je peux pas en parler. Mais rien que pour rester dans le monde occidental, on peut peut-être penser à la poésie qui, en effet, peur donner le sentiment de "vivre quelque chose de grand" en n'ayant pas d'histoire et en se satisfaisant de la création d'impressions et de ressentis sur le lecteur (et pas de vie transposée). Je sais pas si c'est tout à fait la même question mais ça me passait par la tête...


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- Oui c'est exactement l'idée que j'ai envie de réfuter, non pas par conviction mais par espoir : si la fiction est un ersatz de réalité, c'est peut-être parce que celle-ci déborde de l'imaginaire... Mais si c'est l'inverse, si l'imaginaire perce à travers l'humain, alors peut-être est-ce qu'à force d'écrire des fictions, on en aura marre et on ira les vivre vraiment !
Je sais pas si on est sur la même longueur d'ondes ou si j'ai mal compris, mais ça me fait penser à un truc que j'ai failli mettre dans mon post d'avant mais que j'ai pas mis parce qu'il était déjà assez long et tortueux comme ça :D
J'allais dire que "vivre sa vie avec emphase", ça dépend surtout avant tout du regard qu'on porte sur elle, et qu'on peut tout à fait, dans la vie, s'efforcer de la voir avec les mêmes yeux qu'on lirait une aventure. Je me rappelle quand j'étais petite et que j'étais fascinée par l'idée qu'en réalité, on est le narrateur de notre propre vie. Je trouvais ça absolument fascinant comme idée, le fait qu'on avait le choix du prisme à mettre sur nos yeux pour (se) raconter notre vie. Ça rejoint un petit peu ce que tu dis sur le fait de vivre vraiment ses fictions, non ? Percevoir sa vie avec la même exaltation qu'on écrit la vie de ses personnages. Je trouve ça chouette en tout cas, comme façon de vivre ^^


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Pour ta question connexe, j'ai l'impression que tu te voiles la réponse dans ta première partie de dissertation :
L'idée de grandeur que tu ressens dans une oeuvre que tu juges de qualité, c'est ça l'emphase dont je voulais te parler, l'idéal qui fait pluss vibrer en fiction qu'en réel, parce que, c'est ma théorie, on est plus timide devant le réel que devant sa page blanche, ce qui fait qu'une fiction sera toujours plus confiante, plus osée, plus affirmée et donc plus en relief, que n'importe quelle réalité. De fait on recherche comme je l'envisageais sans détail mais comme tu le précises à ta manière, à lire des choses impossibles à vivre.
M'est avis que c'est pas tout à fait la même chose ! Tu me dis que cette emphase, c'est le fait de vivre quelque chose qu'on n'oserait pas vivre dans la réalité. Mais dans la réalité, j'ai pas du tout envie de me battre à l'épée dans un duel à mort contre un ennemi et d'être mortellement blessée. Pas du tout du tout. Ce serait même horrible à vivre, et pas parce que je n'ose pas : juste parce que, dans la réalité, c'est pas cool du tout, ces événements-là. Pourtant, si je lis une histoire de cape et d'épées, j'adore que les personnages joutent à l'épée et que le héros soit blessé et en danger de mort. Voire même qu'il meure, si c'est bien amené.
Pourquoi ?
 :\?
« Modifié: 16 janvier 2020 à 23:37:40 par Milora »
Il ne faut jamais remettre à demain ce que tu peux faire après-demain.

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Re : Libres personnages
« Réponse #6 le: 17 janvier 2020 à 13:21:50 »
hmromiomiom, Milora !
merci de tes précisions, c'est très intrigant,
par contre, plutôt que de réagir point par point, je vais me permettre de commencer par rédiger mes pensées, en tentant de revenir un peu au sujet, car de digresssions en digressions nous venons à nous éloigner par des chemins pas si lointains de la problématique floue qui me trainait en tête, mais un peu quand même...

Alors : déjà effectivement, le mot "libre" dans "l'acceptation commune du terme", je ne m'y réfère pas, et pour cause, sa définition nihiliste, qui tend à refléter une déconstruction de l'esprit avec espoir de voir se réaliser la volonté propre de tout individu, alors pensé comme dénué de déterminisme mais pourtant tout-puissant, je trouve c'est un non-sens et surtout une erreur, certes indispensable à la reconstruction de valeurs, mais dont je trouve les représentants un peu trop illusionnés par du néant, du rien, du chaos : "être libre ? c'est faire ce qu'on veut ! ce qu'on veut ? être libres !" Non, ma liberté ici définie, ressemblerait plus à la capacité consciente à mettre en place ladite volonté, et ce avec des moyens de causalité actée, et non simplement le discours qu'on pourrait revendiquer à propos de manquements à l'enchainement perçu de ces actes réfléchis. En gros, non, ma "liberté" oscille plus entre les conceptions anté-déconstructivismes, avec pour base la grosse distinction philosophique entre Modernes et Anciens que je ne saurais présentement reformuler depuis mes cours...

Mais de fait, je trouve également que là où justement l'auteur n'oserait pas combattre à l'épée, il peut nous faire rêver en nous narrant un fait similaire à son ambition... J'ai noté ta nuance dont je n'arrive pas à rendre un compte pertinent, selon laquelle on peut fantasmer des histoires qu'on trouverait désagréables (nuance de mon "qu'on oserait pas vivre")... Mais en vrai je suis dubitatif : j'ai jamais combattu à l'épée et tout ce que ça m'inspire c'est la peur de mourir ou souffrir... Mais dans ma conception où l'existence est un balancement vivant vers la mort, seul sens métaphysique certain, je sais d'expérience que la douleur et la mort se tranforment devant l'inéluctable en positif : j'ai vécu des situations qui ne se racontent pas ici, mais que je n'aurais jamais choisi pleinement, surtout en considération de la douleur physique ou psychique que j'aurais pensé y ressentir, et pourtant le fait que je ne choisisse pas ces situations m'a amené à un dépassement agréable de moi-même en leur réalité... En gros : j'aimerais pas combattre à l'épée, mais ceux qui le font y prennent au moins une forme de satisfaction à la fin, ici peut-être une fameuse adrénaline, ou le succès, je ne sais... Mais ça pose pluss de question que ça n'en répond, parce que tu as quand même raison ici :
Pourquoi peut-on apprécier de voir quelqu'un vivre quelque chose que l'on n'aimerait pas vivre soi-même ? (entre empathie et antipathie, entre fantasme et réalité... je n'arrive pas encore à formuler quoi que ce soit de juste, mais j'essayerai d'y revenir !)

En tous cas, oui, par exemple la poésie est une forme de "fiction" (dans le sens : un produit de l'imaginaire, point) où l'incarnation se fait dans de toutes autres proportions, et je crois que ton ouverture sur cette branche me siet bien justement pour cause que la place y est laissée à la préhension de l'oeuvre vraiment en tant que produit artistique, et non en tant qu'ersatz à une histoire réelle. Je ne peux pas cacher mon envie de soutenir cette idée que j'ai longtemps réfutée, selon laquelle quand on lit trop on s'enferme dans les univers qu'on parcourt, et on n'en sort plus si ce n'est peut-être oui, pour aller chercher son pain quotidien...

Mais ma pensée s'effondre : on ne pourrait rien réaliser si l'on avait pas de rêves, et ces fictions dont j'attaque jusqu'à l'étant légitime, sont peut-être indispensables à tout ce que nous vivons... Combien se sont donnés du courage avant un combat à l'épée, en se remémorant leurs icônes ? Combien se rassurent sur la banalité et la profondeur de leur vie en lisant des romans réalistes ? Combien sont devenus scientifiques grâce à la science-fiction ? Combien estiment en vrai le côté proche de la nature des fictions du fantasy ? Tout ceci pour reformuler ce que j'affirme afin de le remettre en question :

Les fictions ne sont que les rêves que nous n'avons pas encore réalisés ! (?)

(excuse, je ne réponds pas à tout, mais entre ouvertures et réponses, si je resserre pas un peu l'étau moi aussi mes posts seront trop long et tortueux ^.^)
"i don't care if your world is ending today
because i wasn't invited to it anyway
you said i tasted famous, so i drew you a heart
but now i'm not an artist i'm a fucking work of art"

(s)AINT - marilyn manson

 


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