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Auteur Sujet: Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?  (Lu 11164 fois)

Hors ligne yukilot

  • Aède
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Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« le: 10 juillet 2019 à 11:54:18 »
Bonjour,

C'est une question que je ne peux poser à personne qui me connaisse. Ce serait génial si l'on pouvait en débattre, comme s'il s'agissait d'une problématique commune et générale (je crois d'ailleurs que c'est le cas).

J'ai écrit un roman (ici posté sous le titre de "Entre la pluie et la neige - une histoire japonaise". Au cours de l'écriture, j'en ai passé un exemplaire à plusieurs amis que j'estimais ayant une grande habitude de lecture voire même d'écriture, afin que je puisse en collecter des avis divers et améliorer mon texte en fonction.

Un de mes meilleurs amis, nommons Arthur, qui me connaît depuis près de 20 ans. C'est un de mes premiers grands amis francophone. C'est un philosophe. Il a une immense connaissance littéraire aussi. Je tenais à ce qu'il me lise, car il est incapables de compliments et de conventions en termes de critique littéraire.

Arthur a aimé mon roman qu'il a finalement consenti à lire, après "avoir repoussé  le moment le plus longtemps possible". Il avait d'abord peur de ne pas pouvoir l'apprécier et de me blesser. Puis, il eut peur de l'aimer trop. Après l'avoir lu, il se dit "épuisé, éprouvé, affecté" par la lecture, tant il a ressenti "l'horreur et la volupté" à "te (moi) percevoir à toutes les lignes". "Tu respires ce texte par tous tes pores", dit-il. Puis, il déclare : il a vécu cette expérience de lecture "comme la relation physique".

Je n'ai absolument rien compris à ces réactions qui m'ont semblé tout de même insensées. Je lui ai immédiatement répondu à sa dernière "communication confidentielle" (qu'il ne veut pas que sa femme lise), que "je ne prenais pas part aux confidences" et que "je pensais qu'il faisait un très mauvais usage d'un texte littéraire".

Voilà. Je ne sais pas si cela est un problème. Ou si c'est le cas, si c'est un problème commun.  Je ne sais pas comment lui parler désormais d'ailleurs.

Enfin, voilà, mon topic de débat. "Mon roman et mes amitiés, comment évoluent-ils ensemble?"

Si vous avez des avis ou des témoignages, débattons.

Y.

Hors ligne Aléa

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Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #1 le: 10 juillet 2019 à 13:35:55 »
Ca peut, oui.

Je sais plus quel auteur contemporain disait que ni sa famille, ni ses amis ne souhaitaient lire ses romans. Parce qu'ils avaient essayé au début et au final, c'était trop dur.
Disons simplement que c'est plus que rentrer dans l'intimité de quelqu'un, un roman ou des poèmes, les amis, la famille, ils nous connaissent parce qu'on parle avec eux, parce que qu'on leur dit de nous, ils ont cette vision là de nous
alors une roman qui est notre voix interne, qui est à la fois tptalement nous et à la fois plus du tout nous, composé en narrateur, avec souvent tout ce qu'il y a de plus compliqué en nous, bah ca peut juste faire mal à lire (en dépression, j'ai écrit des choses assez dures dans la noirceur, que j'aimerai pas que mes parents lisent par exemple, parce que ça les rendrait juste triste et j'en vois pas l'intérêt) Une sorte de peur de ce qu'on peut y trouver, après tout, on dévoile notre intimité à nos amis déjà, alors rentrer dans notre livre ça serait aller encore plus loin que ce qu'on y a autorisé personnellement auparavant.
(puis faire lire ses textes à ses proches au final, soit ils adorent et deviennent fan sans recul, soit ils sont gêné parce que c'est trop personnel ou n'ose pas admettre que ça puisse être mal écrit, ou n'ose pas le dire, enfin bref, ils ne peuvent pas avoir le recul sur le roman parce qu'ils sont beaucoup trop proches de notre personne)
(Donc je ne pense pas que ça altère l'amitié et la change, juste que ça créer un rapport étrange et inhabituel dans le cadre de cette relation, ça crée une dissonance )
Le style c'est comme le dribble. Quand je regarde Léo Messi, j'apprends à écrire.
- Alain Damasio

Hors ligne Meilhac

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Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #2 le: 10 juillet 2019 à 20:53:55 »
Bonjour,

C'est une question que je ne peux poser à personne qui me connaisse. Ce serait génial si l'on pouvait en débattre, comme s'il s'agissait d'une problématique commune et générale (je crois d'ailleurs que c'est le cas).

J'ai écrit un roman (ici posté sous le titre de "Entre la pluie et la neige - une histoire japonaise". Au cours de l'écriture, j'en ai passé un exemplaire à plusieurs amis que j'estimais ayant une grande habitude de lecture voire même d'écriture, afin que je puisse en collecter des avis divers et améliorer mon texte en fonction.

Un de mes meilleurs amis, nommons Arthur, qui me connaît depuis près de 20 ans. C'est un de mes premiers grands amis francophone. C'est un philosophe. Il a une immense connaissance littéraire aussi. Je tenais à ce qu'il me lise, car il est incapables de compliments et de conventions en termes de critique littéraire.

Arthur a aimé mon roman qu'il a finalement consenti à lire, après "avoir repoussé  le moment le plus longtemps possible". Il avait d'abord peur de ne pas pouvoir l'apprécier et de me blesser. Puis, il eut peur de l'aimer trop. Après l'avoir lu, il se dit "épuisé, éprouvé, affecté" par la lecture, tant il a ressenti "l'horreur et la volupté" à "te (moi) percevoir à toutes les lignes". "Tu respires ce texte par tous tes pores", dit-il. Puis, il déclare : il a vécu cette expérience de lecture "comme la relation physique".

Je n'ai absolument rien compris à ces réactions qui m'ont semblé tout de même insensées. Je lui ai immédiatement répondu à sa dernière "communication confidentielle" (qu'il ne veut pas que sa femme lise), que "je ne prenais pas part aux confidences" et que "je pensais qu'il faisait un très mauvais usage d'un texte littéraire".

Voilà. Je ne sais pas si cela est un problème. Ou si c'est le cas, si c'est un problème commun.  Je ne sais pas comment lui parler désormais d'ailleurs.

Enfin, voilà, mon topic de débat. "Mon roman et mes amitiés, comment évoluent-ils ensemble?"

Si vous avez des avis ou des témoignages, débattons.

Y.

il est bizarre toin pote je trouve yukilu
il dit des choses contradictoires
s'il pense que "tu respires ce texte par tous tes pores", c'est qu'il pense te connaître
et s'il pense te connaître, il ne peut pas tomber des nues en lisant ton texte
il est un peu grandiloquent globalement ton pote non ?
à mon humble avis ne te bile pas
et je pense que l'époque où on perdait des potes parce qu'on leur montre des trucs à lire, c'est terminé à mon avis
depuis la psychanalyse (xxe siècle) et l'exhibitionnisme quasi-obligatoire et la quasi-disparition de la pudeur (révolution numérique), on ne se fait plus d'ennemis en racontant ses fantasmes, ses angoisses, etc.
si on a envie de se fâcher avec ses amis, il vaut toujours mieux la politique, simple et efficace
autrement dit : je répondrais globalement non à ta question
si ça altère, c'est que ça n'était pas de l'amitié
ton pote te drague peut-être ? Il te désire, et ça le rend maladroit/teu-bê? (hypothèse)
ou alors il adorerait écrire, il n'ose pas ou n'y arrive pas, et ça le rend un peu bête quand il discute les textes de ses ami.e.s ?
enfin à mon avis ne change rien, et surtout n'hésite pas à faire lire ce que tu écris à tes amis, même si c'est rempli de fantasmagories, de délires de ouf, etc.  ;)

Hors ligne yukilot

  • Aède
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Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #3 le: 11 juillet 2019 à 03:23:52 »
Salut Meilhac,

Merci de ton analyse très judicieuse. Arthur aspire à écrire. Arthur est un savant retiré à la campagne, et très... catholique, avec tout ce que cela comporte, de la charité, de l'amour, de la sensibilité, jusqu'aux fantasmes à mes yeux quasi médiévaux. Me désire-t-il? Je ne sais pas, j'ai surtout été témoin de ses gentillesses, paternelles ou autres, à mon endroit, depuis ma première jusqu'à la dernière année en France. Je connais toute sa famille, celle de sa femme, ses enfants. On disait qu'il me considérait comme sa fille, car il en avait perdu une, à l'âge de six ans, et il me parle toujours d'elle. Ce serait dommage si moi, je devais avoir une vision altérée de lui, à partir de cet échange.

Tu as raison pour la prolifération de discours de soi à travers les réseaux sociaux et les blogs.

A plus!

Y.


Salut Ben G.,

Merci de ton message. L'amitié résistera alors à tous ces enjeux de désir et de pouvoir? Si tu me le dis, je te crois.

A plus,

Y.

Édit cyamme : double-post fusionné
« Modifié: 12 juillet 2019 à 13:31:11 par cyamme »

Hors ligne Loup-Taciturne

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Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #4 le: 10 août 2019 à 15:03:16 »
Bonjour,

Je rejoins ce qu'a dit Ben et certaines intuitions de Meihlac, sans forcément partager aussi catégoriquement sa conclusion.

Je rajouterais une dimension supplémentaire qui est que lorsqu'on fait lire (qui plus est avec insistance) quelque chose à quelqu'un, c'est une situation particulière dans laquelle le destinataire du message peut ne pas savoir s'il doit prendre tout ou partie du message pour lui même ou simplement en tant que lecteur anonyme qui ne connait pas l'auteur et ne le connaitra jamais. C'est un biais supplémentaire que la possibilité que "l'ami" interprète le geste de partage et les mots via le prisme de la relation plutôt que de manière neutre. Il est doublement destinataire et cela peut ne pas être clair pour lui.

Citer
j'ai surtout été témoin de ses gentillesses, paternelles ou autres
Qui les considère comme "paternelles" ?
Citer
On disait qu'il me considérait comme sa fille
mais lui le disait-il ?

Citer
ton pote te drague peut-être ? Il te désire
Je rejoins cette hypothèse.

Théoriquement, on peut dire que si l'amour/amitié est sincère, cet événement ne peut rien altérer.

Mais peut être que cette lecture a révélé un non-dit de votre relation qu'il est bien malaisé d'éclaircir désormais sans encombre.
Alors il ne faudrait pas confondre ta question de départ avec cette situation précise et particulière.
Il ne faudrait pas trop vite accuser le texte pour ce qu'il est mais plutôt remercier ou maudire cet acte d'avoir fait bouger les lignes.

Citer
"Tu respires ce texte par tous tes pores", dit-il. Puis, il déclare : il a vécu cette expérience de lecture "comme la relation physique"
Peut-être une manière à peine détournée de laisser entendre qu'il t'a dans la peau.

------------

Pour en revenir à la question je crois que partager des textes avec des proches peut poser les problèmes suivants :
- les faire entrer dans un espace intime qui n'a pas vocation à être partagé avec eux (soit que l'auteur ne l'a pas mesuré, soit que le lecteur de l'a pas voulu). L'auteur se révèle sous un autre jour aux yeux de ces lecteurs qui le connaissent, et cela peut évidement changer voire altérer les relations (comme ben l'a dit). Cela dépend du type de texte bien sûr.
- les faire accéder à des informations (sur l'auteur, eux-mêmes et les autres) dont on ne sait pas si elles sont fictionnelles ou réelles et les faire entrer dans une démarche d'interprétation/surinterprétation du texte et des intentions de l'auteur, de la personnalité/biographie de l'auteur et de leur relation mutuelle. Ce qui peut altérer les comportements et les relations.

Je pense que c'est pour ça que les gens qui écrivent, d'après ce qui semble, ne partagent pas les textes qu'ils produisent avec des proches, en partagent peu ou pour les moins pudiques/prudents en conservent certains qu'ils ne partageront jamais. D'autre part, le moteur pour partager un texte peut-être réellement de vouloir faire passer un message. Le brouillage peut-être total du côté du lecteur/proche. Il y a donc bien chez l'auteur la conscience de cette problématique, parfois il cherche à en jouer, parfois il en fait les frais, mais toujours à mon impression, il la subit. D'autant plus que comme l'a dit Ben, c'est au mieux la plupart du temps inutile si l'objectif est un regard critique, une perspective d'amélioration.

J'irais donc sur l'idée que le partage d'un texte altère forcément une relation (en bien ou en mal, à un degré inconséquent ou conséquent). Que la relation qui s'établit autour du partage est parfois le simple révélateur de non-dits et alors ce n'est pas le texte lui-même qui fait problème. Il est là un objet médiateur dans la relation. Que parfois aussi le texte contient en lui-même des éléments qui peuvent mettre en question, en problème la relation. Qu'il faut donc réfléchir à ce qu'on partage, pourquoi, comment le partager et avec qui le partager.
Et quelque soit la décision, il est toujours utile d'exprimer clairement ses attentes par rapport au lecteur, puis de discuter clairement des interprétations du lecteur après la lecture.

Enfin, tout ça c'est de la théorie...

Bon courage pour la suite




« Modifié: 10 août 2019 à 15:28:34 par Loup-Taciturne »
« Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
Je suis toi. Point d'exil
Si je suis toi. Point d'exil
Si tu es mon moi. Et point
Si la mer et le désert sont
La chanson du voyageur au voyageur
Je ne reviendrai pas comme je suis parti
Ne reviendrai pas, même furtivement »

Hors ligne Alan Tréard

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Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #5 le: 10 août 2019 à 18:13:18 »
Je me retrouve dans les propos de Loup-Taciturne ci-dessus, je considère qu'ils traduisent en beaucoup de points ma pensée.
Mon carnet de bord avec un projet de fantasy.

Hors ligne Marcel Dorcel

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Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #6 le: 10 août 2019 à 18:48:27 »
Avant de faire lire, il faut tout de même faire attention. Evidemment, lorsque c'est publié, il n'y a certes plus grand-chose à faire, un jour ou l'autre, nos proches, amis ou famille tomberont dessus.
Je disais faire attention sur le fond car bien entendu sur la forme, il n'y a aucun risque. Qu'on me dise que c'est génialement écrit ou nul, les conséquences restent mesurées.
En revanche sur le fond, quand le texte est très autobiographique, il ne faut jamais faire lire avant publication à des personnes concernées par le texte.
Imaginons que votre ami le plus intime ait décidé de faire de vous le personnage principal de son histoire. Soit, c'est un roman, donc un personnage mais cet ami, auteur, a décidé sans que vous ne le sachiez de faire entrer votre intimité sur le devant de la scène, et là catastrophe...!
Prenons un exemple personnel pour mieux illustrer mon commentaire. Certains textes que j'ai écrits sur mon père resteront hors de portée de ma mère tant qu'elle vivra. Au mieux, je ne suis pas certain qu'elle comprenne, au pire je lui ferai beaucoup de mal. Celui qui écrit a des responsabilités. Soit il va au devant et doit en assumer les conséquences, soit il se retire ( pas à tout jamais mais pour un temps défini ).
Suis-je hors-topic ? Un peu mais pas vraiment. Faire lire à des proches et un sujet sensible. Certains grands écrivains ont procédé de cette manière, par exemple en faisant lire à leur femme. Moi, je ne m'y suis jamais risqué. Après, tout dépend de ce que l'on écrit. 
Un imbécile ne s'ennuie jamais il se contemple
De Gourmont

Tout dire ou se taire
J Green

 Croyez-vous que je me sois donné la peine de me lever tous les jours de ma vie à quatre heures du matin pour penser comme tout le monde 
J Hardouin

Tout ce qui est atteint est détruit
Montherlant

Hors ligne Meilhac

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Re : Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #7 le: 11 août 2019 à 14:20:43 »
Avant de faire lire, il faut tout de même faire attention. Evidemment, lorsque c'est publié, il n'y a certes plus grand-chose à faire, un jour ou l'autre, nos proches, amis ou famille tomberont dessus.
Je disais faire attention sur le fond car bien entendu sur la forme, il n'y a aucun risque. Qu'on me dise que c'est génialement écrit ou nul, les conséquences restent mesurées.
En revanche sur le fond, quand le texte est très autobiographique, il ne faut jamais faire lire avant publication à des personnes concernées par le texte.
Imaginons que votre ami le plus intime ait décidé de faire de vous le personnage principal de son histoire. Soit, c'est un roman, donc un personnage mais cet ami, auteur, a décidé sans que vous ne le sachiez de faire entrer votre intimité sur le devant de la scène, et là catastrophe...!
Prenons un exemple personnel pour mieux illustrer mon commentaire. Certains textes que j'ai écrits sur mon père resteront hors de portée de ma mère tant qu'elle vivra. Au mieux, je ne suis pas certain qu'elle comprenne, au pire je lui ferai beaucoup de mal. Celui qui écrit a des responsabilités. Soit il va au devant et doit en assumer les conséquences, soit il se retire ( pas à tout jamais mais pour un temps défini ).
Suis-je hors-topic ? Un peu mais pas vraiment. Faire lire à des proches et un sujet sensible. Certains grands écrivains ont procédé de cette manière, par exemple en faisant lire à leur femme. Moi, je ne m'y suis jamais risqué. Après, tout dépend de ce que l'on écrit.

yep y a pas mal de gens qui disent que proust n'aurait pas pu écrire à la recherche du temsp perdu si sa mère avait été encore vivante

moi j'ai écrit un long truc sur ma relation avec une ex, et l'idée qu'elle le lirait peut-être m'a gênée, je crois. je me suis autocensuré. j'ai eu tort, je crois. si on respecte beaucoup quelqu'un, on ne lui sacrifier pas ce qu'on pense devoir écrire/a envie d'écrire, je pense. et si jamais il/elle n'est pas content.e, bah tant pis. j'ai tendance à raisonner comme ça. mais bon après faut voir les cas concrets quand même, mais bon.

c'est une question qui va au delà de la littérature, d'ailleurs : les mensonges diplomatiques, même par omission, il en faut ? pourquoi? jusqu'à quel point?
moi plus ça va plus je pense qu'il vaut mieux la sincérité, quitte à blesser, que la gentillesse, quitte à mentir.

"nous avons tant menti et tant souffert du mensonge qu'il n'y a vraiment pas grand risque à essayer si la sincérité guérit"


Hors ligne yukilot

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Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #8 le: 15 août 2019 à 12:48:33 »
Salut, Loup Taciturne, Alan Tréard, Marcel Dorcel, Versus1
Resalut, Meilhac,

Merci beaucoup de vos réactions. Pardonnez-moi d'avoir été un peu longue à m'en apercevoir. Permettez-moi de répondre en même temps.

J'ai lu avec attention, Loup Taciturne, tes remarques et observations sur la question. J'en relève deux ou trois lignes qui m'ont semblé éclairantes, du moins pour préciser ton point de vue. Elles m'ont fait également prendre conscience du peu de considération des complications possibles de ce genre de partage au niveau de l'inconscient non seulement de l'autre, mais de mon côté aussi.

Par exemple, je ne savais pas ceci:
"Je pense que c'est pour ça que les gens qui écrivent, d'après ce qui semble, ne partagent pas les textes qu'ils produisent avec des proches, en partagent peu ou pour les moins pudiques/prudents en conservent certains qu'ils ne partageront jamais. "

Mais avant de tout commencer, il faut préciser ceci. Je suis japonaise, de langue, d'origine, de généalogie familiale. La langue française est ma troisième langue étrangère. Même si elle est de loin ma préférée, je commets encore des fautes de maladresse. Tous ceux qui ont jeté un coup d'oeil sur mes textes ont affirmé: il suffit qu'un francophone s'attèle deux ou trois heures pour relever ces maladresses un peu forcées, naturelles de la part d'une non francophone, pour les enlever toutes. De plus, mon livre demande un peu de concentration, s'agissant d'une réécriture d'un grand classique littéraire japonais. Alors, quelqu'un comme mon ami Arthur me paraissait idéal. Il est grand lecteur des stoïciens, des classiques de l'Antiquité grecque, ainsi qu'amateur de tous ces curés et des courtisanes du 17e siècle français....

J'ai fait lire à d'autres personnes, pour les mêmes raisons. A la fois escomptant les intéresser par le contenu de mon livre, satisfaire leur envie de culture, et obtenir de leur part une aide qu'il leur aurait été très facile à fournir.

Voilà de ma part. Je n'avais jamais pensé, je ne pensais pas à tous ces aspects si complexes du rapport auteur / relecteur, personnellement en relation de connaissance.

Alors, tu me dis, Loup Taciturne, "D'autant plus que comme l'a dit Ben, c'est au mieux la plupart du temps inutile si l'objectif est un regard critique, une perspective d'amélioration." Pour les raisons ci-dessus, cette remarque n'est pas valable pour moi. N'importe quelle relecture de la part d'un francophone me permettait d'améliorer.

En même temps, il est vrai que je me suis rendu compte sur ce forum, que ce n'étaient pas tous les francophones qui pouvaient me corriger...

Tu disais enfin LT: "Qu'il faut donc réfléchir à ce qu'on partage, pourquoi, comment le partager et avec qui le partager." D'accord.

En même temps, s'il faut tenir en compte de tout cela, s'il faut tout le temps ménager la sensibilité des messieurs qui furent mes amis de jeunesse mais qui auraient pu avoir des intentions non dites, ce serait un peu embêtant pour moi... Si je ne peux compter sur mes amis dont la plupart sont cultivés, intéressés par la littérature japonaise, et d'excellentes plumes eux-mêmes, et s'il fallait que je paie une tierce personne qui se présenterait comme correcteur professionnel sans forcément grande culture ni suffisamment de qualification (ça m'est déjà arrivé avec un correcteur qui me prenait une grande somme pour corriger un texte. J'ai dû recorriger son travail ensuite)... je ne sais pas quoi faire. Ce que tu me suggères est tout simplement cruel. Non?

Merci beaucoup en tout cas. J'attends ton retour!


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Salut Marcel Dorcel,

Merci de tes remarques aussi. Et enchantée.

Tu penses donc toi aussi un peu dans le sens de Loup Taciturne. Il faut ménager la sensibilité de ceux qui pourraient penser de ce qu'on leur donne tout ce qui leur plairait de penser, c'est cela?

Pourtant, quand je m'occupe de la relecture et de la correction des amis étrangers écrivant en japonais, que cela soit de la fiction, de la poésie, ou des articles universitaires ou de journalisme, je ne mêle pas à mon travail mon égo ou ma sensibilité. Je ne m'autorise pas à me sentir visée ou à rattacher le moindre endroit à ce que je crois connaître de ces personnes. Le texte - celui qui attend d'être découvert sous le manuscrit tel qu'on me donne - vaut plus qu'eux, plus que leur auteur et ses infimes complexes, et évidemment plus que moi qui ai la charge de le corriger. Quand bien même un auteur présente dans son roman un personnage d'évidence inspiré par sa perception de moi (ça m'est arrivé), j'aurais tendance à survoler ces "détails". Ce sont des détails sans aucune valeur, par rapport à l'importance du travail qui consiste à donner à ce texte sa meilleure forme. Cela ne veut pas dire qu'on doit être des machines à lire. Cela veut dire que pour lire un texte littéraire, apprécier le travail esthétique avec des moyens lingagiers, on doit déjà avoir fait un travail d'objectivation de ses propres émotions. Confondre ses émotions et celles des personnages, pour un auteur et pour un lecteur, c'et juvénile voire puéril (les enfants lisent comme ça). Confondre ses désirs inavoués en tant qu'homme ou femme avant d'être lecteur et lectrice,  et ceux de l'auteur en tant qu'homme ou femme avant d'être auteur, au moyen d'un texte qui se trouvait juste là, comme un excellent outil de masturbation imaginaire, c'est d'une bêtise sans nom. Bonnet d'âne.

Voilà ce que je pense. Est-ce trop demandé, pourquoi? Pourquoi une simple abstraction de leurs propres intérêts est-elle si difficile pour certains relecteurs, sinon pour la majorité d'entre eux? Pourquoi laisse-t-on passer celui de son petit moi toujours avant celui du texte, d'où qu'il soit venu? Voilà la vraie question.

Merci, à bientôt!

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Salut Meilhac,

"c'est une question qui va au delà de la littérature, d'ailleurs : les mensonges diplomatiques, même par omission, il en faut ? pourquoi? jusqu'à quel point? moi plus ça va plus je pense qu'il vaut mieux la sincérité, quitte à blesser, que la gentillesse, quitte à mentir."

Excellente question! Je te rejoins absolument! C'est tout à fait cela, le point. Le texte pour moi, quel qu'il soit, n'est pas à se soumettre aux besoins de la diplomatie.

C'est pour cela que j'ai été choquée qu'Arthur se soit senti concerné par ce qui était écrit par ce texte, en tant que personne, au lieu de se cantonner dans le rôle de relecteur (dans lequel pourtant il s'était trouvé toujours à l'aise).


A bientôt


Yukiko


« Modifié: 16 août 2019 à 07:13:17 par yukilot »

Hors ligne Ambriel

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Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #9 le: 25 août 2019 à 23:14:01 »
Salut, intéressant ce sujet.

J'ai déjà connu cette problématique, mais sans y réfléchir plus avant. C'était pour des textes à moi, que des proches ne voulaient pas lire, soit pour l'un que ça ne les intéressait pas, soit pour l'autre qu'ils avaient peur de ne pas aimer. Mais moi j'ai une vision très différente de la tienne, yukilot : quand je veux que mes proches lisent un texte, c'est bien plus pour le fond que pour la forme. Parce qu'il y a de moi dedans. Comme un besoin de se confier, ou de reconnaissance ; chacun ses névroses.
Mais par contre il n'y a jamais mes proches dans mes textes, à priori.
« Modifié: 25 août 2019 à 23:16:06 par Ambriel »
Mais les copains suivaient le sapin le coeur serré
En rigolant, pour faire semblant de ne pas pleurer
Et dans nos cœurs pauvre joueur d'accordéon
Il fait ma foi beaucoup moins froid qu'au Panthéon

- Georges Brassens -

Hors ligne yukilot

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Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #10 le: 31 août 2019 à 04:35:08 »
Bonjour Ambriel,

Merci de ton point de vue!

A plus,

Hors ligne Loup-Taciturne

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  • serviteur de Saturne
Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #11 le: 02 septembre 2019 à 14:10:16 »
Bonjour Yukiko,

Citer
Par exemple, je ne savais pas ceci:
"Je pense que c'est pour ça que les gens qui écrivent, d'après ce qui semble, ne partagent pas les textes qu'ils produisent avec des proches, en partagent peu ou pour les moins pudiques/prudents en conservent certains qu'ils ne partageront jamais. "
C'est du moins une impression personnelle émanant de rencontres, de témoignages et d'observations ici et ailleurs. Peut-être que ton expérience personnelle confirmera ou infirmera mon impression.

Citer
Je suis japonaise, de langue, d'origine
C'est bien ce qu'il m'a semblé, même si ça ne transparait pas vraiment dans ton écriture.

Citer
Tous ceux qui ont jeté un coup d'oeil sur mes textes ont affirmé: il suffit qu'un francophone s'attèle deux ou trois heures pour relever ces maladresses un peu forcées, naturelles de la part d'une non francophone, pour les enlever toutes.
S'il s'agit de "fautes", cela peut poser certains problèmes et je comprends que tu veuilles rendre "propre", "correcte" ton expression française. Ceci étant dit, les "maladresses", des tournures peu banales, des images, des manières d'exprimer peuvent signer ta singularité et devenir du style. Je pense au poète François Cheng, de langue maternelle chinoise, de langue française d'adoption, qui a écrit une œuvre francophone magistrale et singulière, et cela tient en partie à l'entre-deux dans lequel il a su voyager, entre les langues et cultures françaises et chinoises.

Citer
De plus, mon livre demande un peu de concentration, s'agissant d'une réécriture d'un grand classique littéraire japonais.
Citer
je ne pensais pas à tous ces aspects si complexes du rapport auteur / relecteur, personnellement en relation de connaissance.
Ici je comprends mieux pourquoi nos interprétations/manières d'aborder la question t'ont surprises. S'agissant d'une réécriture, on peu en effet se demander en quoi le lecteur se sent "connecté" à toi en lisant ton travail. travail que tu perçois peut-être plus comme un travail de traduction et de mise en forme que comme un acte de création littéraire provenant de tes entrailles. Ainsi, tu vois le lecteur ami avant tout comme un "relecteur".
Mais on peut aussi dire que ton choix de traduire ceci trahit en quelque sorte ta présence en cela. D'autant plus que tu mets toute ton âme et tout ton esprit à donner Ta version.

Citer
Alors, tu me dis, Loup Taciturne, "D'autant plus que comme l'a dit Ben, c'est au mieux la plupart du temps inutile si l'objectif est un regard critique, une perspective d'amélioration." Pour les raisons ci-dessus, cette remarque n'est pas valable pour moi. N'importe quelle relecture de la part d'un francophone me permettait d'améliorer.
Je suis d'accord avec toi si l'on parle uniquement de forme, de correction basique de la langue.

Citer
s'il faut tenir en compte de tout cela, s'il faut tout le temps ménager la sensibilité des messieurs qui furent mes amis de jeunesse mais qui auraient pu avoir des intentions non dites, ce serait un peu embêtant pour moi...
Tu n'as aucun devoir de ménager ces personnes, je ne l'ai pas dit. C'est à toi de voir ce que tu veux, en connaissance de causes et en prévision des éventuelles conséquences.

Citer
s'il fallait que je paie une tierce personne qui se présenterait comme correcteur professionnel sans forcément grande culture ni suffisamment de qualification (ça m'est déjà arrivé avec un correcteur qui me prenait une grande somme pour corriger un texte. J'ai dû recorriger son travail ensuite)... je ne sais pas quoi faire. Ce que tu me suggères est tout simplement cruel. Non?
Non je ne crois pas :
1) fais toi confiance
2) multiplie les relecteurs
3) allège la charge de tes relecteurs si tu veux qu'il travaillent efficacement et gratuitement en divisant les parties à relire entre eux 
Tu peux trouver des gens qui ne te reliront pas "parce que c'est toi", qui seront p-e plus distants, mais comme ils ne te connaissent pas, ils n'auront sans doute pas la motivation pour tout relire.
C'est délicat de demander à des gens de travailler gratuitement, d'autant plus que c'est un gagne-pain pour certains autres...


Voilà mon retour,

--------------

Par ailleurs, on peut relier à cette question la polémique qui accompagne la sortie du livre de l'écrivain-chroniqueur Yan Moix, s'explicant sur le plateau d'"On est pas couché" cette semaine.
« Modifié: 02 septembre 2019 à 14:12:26 par Loup-Taciturne »
« Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
Je suis toi. Point d'exil
Si je suis toi. Point d'exil
Si tu es mon moi. Et point
Si la mer et le désert sont
La chanson du voyageur au voyageur
Je ne reviendrai pas comme je suis parti
Ne reviendrai pas, même furtivement »

Hors ligne yukilot

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  • Il y a mille ans, c'est hier.
Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #12 le: 04 septembre 2019 à 02:22:36 »
Salut Loup-Taciturne,

Merci de ton retour aussi complet!

Je dois juste rectifier ce propos.


Citer
De plus, mon livre demande un peu de concentration, s'agissant d'une réécriture d'un grand classique littéraire japonais.
Citer
je ne pensais pas à tous ces aspects si complexes du rapport auteur / relecteur, personnellement en relation de connaissance.
Ici je comprends mieux pourquoi nos interprétations/manières d'aborder la question t'ont surprises. S'agissant d'une réécriture, on peu en effet se demander en quoi le lecteur se sent "connecté" à toi en lisant ton travail. travail que tu perçois peut-être plus comme un travail de traduction et de mise en forme que comme un acte de création littéraire provenant de tes entrailles. Ainsi, tu vois le lecteur ami avant tout comme un "relecteur".
Mais on peut aussi dire que ton choix de traduire ceci trahit en quelque sorte ta présence en cela. D'autant plus que tu mets toute ton âme et tout ton esprit à donner Ta version.

Ah, mais non, ce que je fais c'est de la création. Rien d'une traduction d'aucune sorte. Je crée avec pour matière mon savoir, ou le savoir millénaire d'exégètes accumulé autour de l'oeuvre aujourd'hui faisant partie intégrante de la sensibilité japonaise ou de la mémoire inconsciente collective du peuple japonais. Si je le fais en langue française, c'est également pour prendre pour matériau les imaginations et fantasmes, les psychismes inconnus qui naissent entre deux grandes traditions littéraires. Ainsi, écris-je en français dans un style presque classique. C'est intentionnel. Je crée de la poésie à partir du langage rationnel, ça s'appelle le roman et le roman exige à mon sens la maîtrise complète de tous les domaines du savoir pour être vraiment créatif. Ne penses-tu pas? Je le pense et suis souvent désolée de ne plus voir cette conception de création parmi les écrivains en herbe d'aujourd'hui. Pas uniquement en France, mais en toutes les langues.

Pour le reste de ta réponse, je pense que tu as compris mon problème et te remercie de ton intervention éclairée.

Merci de citer François Cheng. On me l'a cité jusqu'aujourd'hui peut-être deux cents fois, pour expliquer mon cas. Partout au monde. Il faut sans doute que je me mette à le lire.


Y.

Hors ligne Loup-Taciturne

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Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #13 le: 04 septembre 2019 à 11:42:29 »
Ah oui, merci pour la précision. C'est un travail important et sans doute colossal.

Je comprends d'autant plus pourquoi François Cheng résonne autant sur ton chemin.
Oui, et la raison première est que tu risques simplement de prendre un grand plaisir à le lire. Ensuite ce sera peut-être un écho particulier à ton travail, à ta situation.

« Modifié: 05 septembre 2019 à 11:05:53 par Loup-Taciturne »
« Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
Je suis toi. Point d'exil
Si je suis toi. Point d'exil
Si tu es mon moi. Et point
Si la mer et le désert sont
La chanson du voyageur au voyageur
Je ne reviendrai pas comme je suis parti
Ne reviendrai pas, même furtivement »

Hors ligne yukilot

  • Aède
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  • Il y a mille ans, c'est hier.
Re : Lire le roman d'un ami altère-t-il l'amitié?
« Réponse #14 le: 05 septembre 2019 à 05:53:18 »
Bonjour LT,

Merci.

Une coquille: "résonne".

 


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