[Lavekrep codaraque]

Je suis né de la pluie, du brouillard, de la bise,
Des terris dégueulés par la mine au grisou,
D’une terre éclairée par un ciel bleu-gris où
Les clochers des beffrois narguent ceux des églises

Je suis l’accordéon ou le chant des chorales,
Qui joue en sol mineur et en l’ut ouvrier
Le métal rougissant, les hauts fourneaux d’acier,
Qu’accompagne une clique à fanfare et cymbales

Je suis la barricade, amie de la justice,
Colère de la rue grondant sous les pavés,
Un homme ou une femme avec le poing levé
Demandant au mépris de signer l’armistice
                                   
Je suis l'estaminet où l'on va en famille
Le soir se réchauffer au coin de l'amitié,
Je suis la braderie, ducasses du quartier
Où l’on flingue une fleur pour épater les filles.

Dans le fond d’une cour où les chansons résonnent,
Où le mur rouge pleure une fumée fusain,
Où toute la tablée, les copains, les voisins,
Veulent la “Calomnie” que Papa barytonne

Parfois, quand tout va bien, sur un coup de folie
On se paye la mer, la glace au goût de sel.
Quand le vent devient froid, on revient par Cassel
Pour voir si de là-haut la plaine est plus jolie.

J’ai perdu mon accent déjà depuis longtemps
Mais pas le souvenir
De ce petit garçon voyant ses grand-parents
Danser, chanter et rire.

Je suis de ceux du Nord, ceux qui ne disent pas
“Mais tu viens quand tu veux !”
Moi je suis de leur bord et si j’ouvre les bras
“C'est pour ce soir ! Mon vieux.”

[Alan Tréard]

J'ai trouvé ce poème magnifique.

Si tu souhaitais me faire aimer ta région natale, je crois que c'est réussi, tu me plonges alors dans tes souvenirs comme autant de douces sonorités.

C'est vraiment une belle épreuve que tu surmontes là en conciliant l'amour des mots et la chaleur des belles choses, j'y trouve une très juste construction. Pour moi, c'est un poème qui mérite une agréable appréciation.

Il y a un alexandrin que tu peux éventuellement revoir, celui-ci :

Maman, Mémé, Pépé, tantes, cousines, cousins,

Auquel j'ai trouvé une légère irrégularité. Le reste me semble régulier, peut-être pourras-tu respecter de nouvelles règles de versification si tu le souhaites par la suite, mais c'est ici la beauté des images qui m'a le plus intéressé !!

Je suis vraiment très impressionné par la vitesse d'adaptation que tu as, tu la transmets dans le rythme-même du poème, et ça promet de belles suites, je le remarque immédiatement.

[B.Didault]

Lavekrep,

Somptueux poème !

La plongée dans l'esthétique est si grande que je ne trouve pas de mots.
Je rejoins Alan, s'il le permet, pour te féliciter : Tu as su me faire revenir dans un temps et un lieu que je ne connais pas, mais qui me semble présent.

Comme tu le sais maintenant, je n'ai pas cette pratique de la versification dite moderne, mais j'admire ton association des quatrains en alexandrins (excepté celui relevé par Alan) avec les rimes embrassées, puis les deux derniers quatrains en rimes alternées qui amènent un changement de rythme avec leurs sizains.
A part, peut-être...

“Mais tu viens quand tu veux !”

... où je compte sept syllabes.

Beau travail !
Merci pour ce partage.

[Lavekrep codaraque]

Salut à tous les deux,
À force de me le dire, je commence par  vous croire ce qui ne m'arrange pas car craignant  la phlébite, j'ai pris un rendez-vous pour passer un doppler.
Puisque vous faites les malins à me gonfler les chevilles, je vais vous mettre à contribution.
Je savais que ce vers présentait un problème mais je bloquais dessus alors que, sans rire, c'était une évidence. Je vous propose deux choix.
Le premier, pour une rime aux revenus moyens: Où toute la tablée, les copains,  les voisins.
La deuxième,  plus modeste mais sonnante :  Où toute la tablée, dont les copain du coin ( f u/sain… d u/coin)
Pour le dernier vers, je pensais que “ viens” ne comptait que pour un et qu'est ce qu'on fait du “ vieux” ? Vivant et entier ou mort et décomposé.
Vous avez deux heures
A+

[Alan Tréard]

Moi, j'aime bien l'idée de parler du voisinage : finalement, on crée des liens avec son voisinage, même si l'on n'est pas nécessairement en amitié avec tous les gars du coins, ça ne nous empêche pas de papoter de la pluie et du bon temps, non ?

[B.Didault]

Lavekrep,

Désolé j'ai mis plus de deux heures, mais je ne tape jamais sur mon clavier avec les mains pleines de pierres et de chaux.
J'essaie tant que faire se peut de réfléchir à froid

je ne t'envoie pas de fleurs, j'ai fermé ma boutique il y a plus de quarante années (Mince ! Je viens de calculer... quelle coup de masse ! Ça ne nous rajeunit pas (expression débile, comme si quelque chose pouvait nous rajeunir)).

Pour revenir à tes propositions, après mures réflexions (normal avec ces chaleurs !), je choisirais :

Où toute la tablée, les copains,  les voisins.

Avec leurs trois homophonies, Consonne-Voyelle-Consonne, "fusain" et "voisins" tu obtiens des rimes riches tu peux même aller à la perfection en mettant tes fusains au pluriel. Ainsi les deux rimes ont exactement le même genre...
Le luxe !

Pour le vers de six syllabes, même si j'en étale, je ne suis pas un pro de la prosodie, je crois que la diérèse est basée principalement sur l'étymologie avec beaucoup d'exceptions. Il me semble que vieux en est un exemple.
De toute manière tous les vers s'occupent des vieux, donc on peut ignorer cette diérèse. 

A bientôt

[Severime]

Sublime.
J'ai plongé. Ton poème m'a remué. Profondément ému.
Il me renvoie aux histoires que mon père me racontait, à l'atmosphère qui s'en dégageait.
Merci.

[Lavekrep codaraque]

bonsoir à vous trois,
je commence par Severime. je suis content que mon texte te plaise et qu'il te fasse remonter des souvenirs. En l'écrivant j'avais l'impression d'être dans un fauteuil, sous hypnose. Il y a plein de scènes familiales qui me sont revenus. Ça devient bizarre d'écrire.  
merci Alan et Bernard de m'avoir aidé. Comme vous c'est cette version qui me plaît le plus, je trouve qu'elle reflète bien l'ambiance des cours du quartier de mon enfance.
A+

[elisabeth beaudoin homps]

Salut Krep
Une fois de plus, tu m'épates et ce n'est pas de la flatterie  Tout y est, le rythme, les rimes, la coloration, l'atmosphère, et bien sûr le sens du texte qui ne se perd pas.
Bravo pour ce petit bijou que tu as écrit comme sous hypnose et peut être du coup sous l'influence de ton double qui a pris ta place et à fait le taf. Je ne voudrais pas être anxiogène  mais les doubles sont de sortie en ce moment. On ne sait plus trop qui écrit à travers qui ...

[Léilwën]

Hoy o/

Tout d'abord, désolée mais je ne sais pas compter  , du coup je ne ferai pas dans la métrique

Des terris dégueulés par la mine au grisou

=> "terrils", et sinon

Les clochers des beffrois narguent ceux des églises

=>

Les clochers des beffrois narguent ceux des églises

=>

et en l’ut ouvrier

=> joli ! (ça m'évoque les grèves des ouvriers de la métallurgie dans mon coin en ce moment ; ils placardent "parce que l'acier coule dans nos veines comme le charbon autrefois"... médicalement, c'est inquiétant  , mais métaphoriquement, je trouve ça très beau ! Bref... sorry, j'ai digressé...  )

Colère de la rue grondant sous les pavés

=> hum... ici j'aurais dit "sur" les pavés plutôt que "sous"... mais il y a peut-être un truc que je ne comprends pas ?

Je suis, l'estaminet

=> la virgule est de trop (pas de virgule entre le verbe attributif "être" et l'attribut du sujet "l'estaminet")

Où l’on flingue une fleur pour épater les filles.

=>

Où le mur rouge pleure une fumée fusain

=>

les copains,  les

=> 1 espace en trop après la virgule

la glace au goût de sel

=> j'ai un bug... j'attendais la glace à l'eau, du coup je prends le "sel" comme un jeu de mot ("sel" de la mer ; "sel" des larmes ? "sel" de l'addition ?) mais je ne suis pas sûre... éclaire-moi !

Cassel

=> ah... Cassel  (oui, je suis Nordiste^^)

si de la haut

=> là-haut

Je suis de ceux du nord

=> Nord (les noms de région prennent des majuscules)

Je suis d'accord avec le reste des commentaires, il y a quelque chose de profondément sincère et touchant dans ce poème... Merci !