Le ciel s’assombrissait, la nuit pointait le bout de son nez.
Il venait de rentrer, l’humeur maussade comme à son habitude. A croire que notre présence à ses cotés n’était plus un choix mais un hasard malheureux.
Il ne voulait plus de nous cela se voyait dans ses yeux.
Mon frère et moi attendions le samedi avec impatience, car le samedi nous avions le droit de regarder la télé et presque de choisir le programme.
Les moments en famille devenaient rares, petit à petit nous étions remplacés par sa nouvelle vie.
Qu’avions nous fait ? Qu’avait fait maman ?
Chacun avait sa place bien déterminée à l’avance, papa dans le fauteuil, maman et nous sur le canapé.
Les verres de sirops nous attendaient sur la table basse du salon, c’était soir de fête sirop devant la télé !
Ca y est ca commençait, le silence s’installait dans le salon laissant place au son du téléviseur.
Je le regardais du coin de l’œil, je cherchais désespérément à croiser son regard, espérant pouvoir revoir cette lueur de fierté, cette étincelle de paternité.
Rien. Pas un geste, pas un mot, pas un regard.
Mais ce n’est pas grave, maman nous donnais de l’amour pour deux. Pas trop mais suffisamment.
Qu’est ce qu’on aimait cette télé, elle nous faisait rire, frémir, partir en vacances le temps d’une soirée.
Ce soir là on rigolait, maman nous chatouillait. De plus en plus fort, si fort qu’on ne pouvait plus contenir nos cris, nos rires. Quelle erreur. Si nous avions su.
En un fragment de seconde tout s’est effondré.
Papa qui d’habitude ne nous regardait pas nous a jeté un regard noir de colère. Si noir que je ressens encore les frissons parcourir mon corps.
Du bruit. Nous avions osé faire du bruit.
Tout s’est passé tellement vite.
La bouteille de sirop dans la main, les yeux menaçants il a attrapé maman, l’a mise à terre et lui a dit que tout ce qui arrivait était sa faute.
Sous le claquement de la gifle qu’a reçu maman un tout autre son a retentit. La bouteille de sirop n’avait pas regagné la table. Elle avait finit son chemin dans la télé. Notre adorable télé. Elle n’était plus. La vie de famille non plus.