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Auteur Sujet: [Nouvelle] Icare Montgolfier Wright (Ray Bradbury)  (Lu 1798 fois)

Hors ligne olivier

  • Tabellion
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[Nouvelle] Icare Montgolfier Wright (Ray Bradbury)
« le: 31 août 2018 à 16:35:37 »
   Rares sont les auteurs pour lesquels j’éprouve une véritable affection. Ray Bradbury est l’un de ceux-là, je crois. Son écriture me parle. Même dans les passages moins inspirés, ou qui me parlent moins, je finis le plus souvent par tomber ne serait-ce que sur un morceau de phrase qui m’accroche.

   Bradbury, le grand poète de la Science-Fiction comme il est souvent présenté, même s’il n’est guère question de science-fiction dans la nouvelle dont il s’agit ici.

   « Icare Montgolfier Wright » est une nouvelle plutôt courte – juste en dessous de 10 pages – s’articulant autour d’une trame narrative très minimaliste, mais non moins évocatrice – la veille de son premier départ en fusée pour la lune, un homme, dans son rêve, se retrouve successivement dans la peau des trois aventuriers ayant donné leur nom à la nouvelle. A partir de là, tout n’est qu’images et lyrisme propre à l’auteur.

   C’est l’une des première nouvelles qu’il m’ait été donné de lire de Bradbury – une des premières d’une longue série –, et il me semble rarement avoir retrouvé depuis à ce point à la fois l’inspiration dans l’élan créatif, et cette même part belle laissée au style poétique de l’auteur, au dépend d’un développement un peu plus étoffé de l’histoire.

   Après ces quelques balbutiements et pour finir, je me permets de vous livrer quelques extraits, en espérant rendre enfin un peu justice à l’auteur.

   « Il était couché et le vent qui entrait par la fenêtre ouverte soufflait sur ses oreilles et sur sa bouche, en lui parlant tout bas tandis qu'il rêvait. On eût dit le porte-parole du Temps, érodant les cavernes de Delphes pour dévoiler le Passé, éclairer le Présent et prédire l'Avenir. Une voix s'élevait, très lointaine, puis deux, puis trois... puis une douzaine... Une nation tout entière d'hommes criait par sa bouche. »

   « Jerediah Prentiss... Jerediah Prentiss...
   Le vent emportait son nom. Il le clamait à tous les échos. Affolé, il tenta de le rattraper.
   Puis, calmé, il attendit que le vent le lui ramenât. Il attendit, longtemps, très longtemps, dans un silence absolu jusqu'à ce qu'enfin, après un millier de battements de cœur, il perçut un léger bruit.
   La molle corolle du ciel s'épanouissait. La mer Egée agitait l'éventail blanc de ses écumes sur les récifs couleur lie-de-vin.
   Dans le clapotis des vagues mourant sur le rivage, il crut discerner son nom.
   Icare...
   Puis plus nettement, il entendit murmurer :
   Icare...
   On lui remuait le bras : c'était son père qui, l'appelant par son nom, faisait reculer la nuit. »

   « Ses mains effleurèrent la corde de feu, la toile éclatante de blancheur, les piqûres de fil brûlant comme l'été. Ses mains alimentèrent de laine et de paille la flamme vacillante.
   Montgolfier.
   Il suivit des yeux le doux balancement, la houle et le roulis de l'immense poire argentée, indéfiniment bercée, que les poussées de gaz canalisé gonflaient petit à petit. Aussi muette qu'un dieu, dont la tête assoupie retomberait sur la terre de France, la diaphane enveloppe de toile, ce grand sac d'air chauffé par la flamme, allait, d'un instant à l'autre, s'arracher à la force de la pesanteur et s'envoler, libre, dans les airs. Attirés toujours plus haut vers les mondes bleutés du silence, son frère et lui navigueraient, calmes et apaisés, au milieu des îlots de nuages où dorment les éclairs farouches. Dans ces gouffres et ces abîmes inexplorés, où ne parviennent jamais ni chant d'oiseau, ni cri d'homme, le ballon s'apaiserait à son tour. Ainsi lancés à la dérive, aussi bien lui, Montgolfier, que tous les hommes à travers lui entendraient le souffle démesuré de Dieu et le pas solennel de l'Eternité. »

   PS : pour ceux que ça intéresse, vous pouvez retrouver cette nouvelle dans plusieurs recueils de l’auteur, dont « Remède à la mélancolie » et « Celui qui attend ».
« Modifié: 31 août 2018 à 16:41:48 par olivier »
C'est tout ce que j'ai à en dire

 


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