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Le Monde de L'Écriture » Salon littéraire » Salle de lecture » Théâtre et poésie » [Poésie, auteur] Mahmoud Darwich

Auteur Sujet: [Poésie, auteur] Mahmoud Darwich  (Lu 4092 fois)

Hors ligne Loup-Taciturne

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[Poésie, auteur] Mahmoud Darwich
« le: 30 juin 2018 à 20:37:32 »
J'ai d'abord voulu poster dans "citations"

Et je me suis dit:
"Ça me donne envie d'ouvrir un sujet sur ce grand poète de l'exile tiens. P-e un jour..."
Finalement, comme ma citation est un peu longue et conscient que ce jour ne viendra p-e jamais, je propose dès à présent d'ouvrir cet endroit où partager des extraits et commentaires à propos de ce poète.


 « Nos noms sont des arbres modelés dans la parole du dieu et oiseaux qui planent plus haut que les fusils. Ne coupez pas les arbres du nom, vous qui venez guerre de la mer. Et ne lancez pas vos chevaux flammes sur les plaines. Vous avez votre dieu, et nous, le nôtre. Vos croyances, et nous, les nôtres. N’ensevelissez pas Dieu dans des livres qui vous ont fait promesse d’une terre qui recouvre la nôtre. Ne faîtes pas de Lui un huissier à la porte du roi. Prenez les roses de nos rêves pour voir ce que nous voyons de joie ! Et sommeillez au-dessus de l’ombre de nos saules, pour vous envoler mouettes et mouettes, ainsi que s’élancèrent nos pères bienveillants avant de revenir paix et paix. Il vous manquera, ô Blancs, le souvenir de l’adieu à la Méditerranée et vous manquera la solitude de l’éternité dans une forêt qui ne débouche point sur un abîme, et la sagesse des brisures. Et il vous manque une défaite dans les guerres. Et un rocher récalcitrant au déferlement du fleuve du temps véloce. Et il vous manquera une heure pour une quelconque contemplation, pour que grandisse en vous un ciel nécessaire à la tourbe, une heure pour hésiter devant deux chemins. Euripide un jour vous manquera, et les poèmes de Canaan et des Babyloniens, et les chansons de Salomon à Shulamit. Et vous manquera le lys sauvage pour la nostalgie, et vous manquera, ô Blancs, un souvenir qui apprivoise les chevaux de la démence et un cœur qui racle les rochers afin qu’ils taillent dans l’appel des violons. Et il vous manque et manque l’hésitation des armes. Et s’il faut nous tuer, ne tuez point les êtres qui avec nous d’amitié se lièrent et ne tuez pas notre passé. Et il vous manquera une trêve avec nos fantômes dans les nuits stériles, un soleil moins enflammé, une lune moins pleine, pour que le crime apparaisse moins fêté sur vos écrans. Alors prenez tout votre temps pour la mise à mort de Dieu.
(..)
Laissez la flûte au vent, qu'il pleure le peuple de ce lieu blessé, et qui demain vous pleurera, demain vous pleurera.
(…)
Sous peu, vous édifierez votre monde sur le notre. De nos tombes vous tracerez les chemins vers les satellites. Voici venu le temps des industries. Le temps des métaux. Du charbon jaillit le champagne des puissants. Et ils y a morts et colonies, morts et bulldozers, morts et hôpitaux, morts et radars surveillant des morts qui plus d'une fois s’éteignent dans une vie, des morts qui enseignent la mort au monstre des civilisations, et des morts qui trépassent pour transporter la terre au-dessus des restent des défunts. Ô maître des Blancs, où emportes-tu mon peuple et le tien ? Vers quel gouffre ce robot hérissé d'avions et de porte-avions entraîne-t-il la terre ? Vers quel gouffre béant montez-vous ? Et tout ce que vous désirez vous échoit. La nouvelle Rome, la Sparte de la technologie et l'idéologie de la folie.
(...)
Il y a des morts qui sommeillent dans des chambres que vous bâtirez. Des morts qui visitent leur passé dans les lieux que vous démolissez. Des morts qui passent sur les ponts que vous construirez. Et il y a des morts qui éclairent la nuit des papillons, qui arrivent à l’aube pour prendre le thé avec vous, calmes tels que vos fusils les abandonnèrent. Laissez donc, ô invités du lieu, quelques sièges libres pour les hôtes, qu’ils vous donnent lecture des conditions de la paix avec les défunts. »
Mahmoud Darwich, dans, Le Dernier discours de l'homme rouge, 1992,  (traduit de l’arabe par Elias Sanbar).

Le regretté palestinien Darwich est universel et ô combien contemporain, dans ce monde chahuté qui pousse de plus en plus de monde sur les routes de l'exile. Ce sens de l'Histoire est sans doute le produit du choc colonial amorcé en 1492. La violence des confrontations entre systèmes de pensée, visions du monde, philosophies, différentes et systèmes techniques associés est certainement une tragédie de l'humanité. Ainsi, le poète ne se trompe pas de figure en convoquant l'histoire de la conquête du nouveau monde pour mettre en lumière les rapports entre colonisateurs et colonisé. Il projette le basculement du monde dans le passage des mondes localisés au monde globalisé, le passage de la magie à celui de la science, le passage de l'intégration à celui de l'exploitation, le passage du monde des morts vivants à celui des vivant morts et des morts morts. 
« Modifié: 30 juin 2018 à 21:06:38 par Loup-Taciturne »
« Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
Je suis toi. Point d'exil
Si je suis toi. Point d'exil
Si tu es mon moi. Et point
Si la mer et le désert sont
La chanson du voyageur au voyageur
Je ne reviendrai pas comme je suis parti
Ne reviendrai pas, même furtivement »

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Re : [Poésie, auteur] Mahmoud Darwich
« Réponse #1 le: 30 juin 2018 à 21:17:04 »
Joli recopiage, Loup (:
trop super de faire un sujet sur Mahmoud Darwich.

J'y vais aussi de quelques minuscules extraits...:

La poésie, mon ami, est cette nostalgie inexplicable qui fait d'une chose un spectre et d'un spectre une chose. ("Ne t'excuse pas")

Ici, sur les pentes des collines, face au couchant,
Et à la béance du temps,
Près des vergers à l'ombre coupée,
Tels les prisonniers,
Tels les chômeurs,
Nous cultivons l'esprit.

(Je ne sais plus la référence...)

dont be fooled by the gros that I got ~ Im still Im still lolo from the block (j Lo)

Nocte

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Re : [Poésie, auteur] Mahmoud Darwich
« Réponse #2 le: 30 juin 2018 à 21:30:51 »
Ce gossbo  :coeur:


Hors ligne Loup-Taciturne

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Re : [Poésie, auteur] Mahmoud Darwich
« Réponse #3 le: 11 septembre 2018 à 23:46:08 »
Stylé !

En voici un dont l'écho résonne aujourd'hui certainement bien au delà de l'histoire du poète et même de celle de sa terre.

« (...) Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
Je suis toi. Point d'exil
Si je suis toi. Point d'exil
Si tu es mon moi. Et point
Si la mer et le désert sont
La chanson du voyageur au voyageur
Je ne reviendrai pas comme je suis parti
Ne reviendrai pas, même furtivement »

Darwich, Mahmoud, [1995] 2000 « Le voyageur a dit au voyageur, nous ne reviendrons pas comme... »,  La terre nous est étroite : 349)
« Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
Je suis toi. Point d'exil
Si je suis toi. Point d'exil
Si tu es mon moi. Et point
Si la mer et le désert sont
La chanson du voyageur au voyageur
Je ne reviendrai pas comme je suis parti
Ne reviendrai pas, même furtivement »

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Re : [Poésie, auteur] Mahmoud Darwich
« Réponse #4 le: 16 septembre 2018 à 18:00:22 »
Comme d'hab, j'ai survolé ce sujet en 3 secondes, ça me fait assez d'at pour le mois...
Mais je suis bien tombé, il a l'air...
Un peu dans ce que je pourrait faire... avec ces moi et toi schizoïes...
Je lirai ptetr un jour détraumatisé...

++ !
"i don't care if your world is ending today
because i wasn't invited to it anyway
you said i tasted famous, so i drew you a heart
but now i'm not an artist i'm a fucking work of art"

(s)AINT - marilyn manson

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Re : [Poésie, auteur] Mahmoud Darwich
« Réponse #5 le: 05 décembre 2018 à 17:22:06 »
« J'interroge l'islam dernier :
Au commencement était le pétrole
Ou l'indignation ?
Je délire. Je dois paraître étranger aux miens.
Que les poètes s’inquiètent moins de ma langue
Et je la nettoierai d'eux et du passé...
Je n'ai trouvé d'utilité aux mots, hormis l'envie des mots
De changer d'auteur...

Adieu à ce qui nous attend.
A l'aube qui nous fendra sous peu.
A une cité qui nous ramènera à une autre cité,
Que se prolongent notre périple et notre sagesse.
Adieu aux glaives et aux palmiers,
A une colombe qui s'envolera de cœurs consumés de passé
Vers un toit de tuiles...
Le combattant est-il venu par là,
Tel l'obus dans la guerre ?
Ses éclats ont-ils brisé les tasses au café ?
Je vois des villes en papier armé de rois et d'uniformes kaki.
Je vois des villes qui couronnent leurs conquérants.
Et l'Orient est l'antithèse de l'Occident, parfois.
Il est l'orient de l'Occident, d'autres fois
Et son image et sa marchandise...
Je vois des villes qui couronnent leurs conquérants
Et exportent les martyrs pour importer le whisky et les dernières nouveautés du sexe et de la torture...
Le combattant est-il venu par là,
Tel l'obus dans la guerre ?
Ses éclats ont-ils brisé les tasses au café ?
Je vois des villes qui pendent leurs amants
Aux branches de fer
Et dispersent les noms, à l'aube...
… A l'aube vient le gardien de l'idole unique.
A quoi faire nos adieux, hormis cette prison ?
Qu'ont à perdre les prisonniers ?
Nous marchons vers une chanson lointaine,
Vers la liberté initiale
Et, pour la première fois, nous touchons du doigt la beauté du monde.
Cette aube bleue
Et l'air est visible et comestible, comme les figues...
Nous montons.
Un
Et trois
Et cent
Et mille,
Au nom d'un peuple endormi à cette heure.
A l'aube à l'aube, nous concluons ce poème
Et nous mettons de l'ordre dans cette anarchie aux marches de l'aube.
Bénie soit la vie !
Bénis soient les vivants,
Sur la terre,
Non sous le joug des tyrans !
Vive la vie !
Vive la vie !

(p. 184)

"Je suis témoin du massacre ,
Le martyr de la cartographie,
L'enfant des mots simples.
J'ai vu les gravats, ailes,
Et vu la rosée, armes.
Lorsqu'ils ont refermé sur moi la porte de mon cœur,
En moi dressé les barrages,
Instauré le couvre-feu,
Mon cœur est devenu une ruelle,
Mes côtes, des pierres.
Et l’œillet est apparu,
Apparu l’œillet."

(p. 149)


« Nous sortirons.
Nous l’avons dit : Nous sortirons.
Nous vous l’avons dit : Nous sortirons un peu de nous-mêmes. Nous sortirons de nous-mêmes
Vers une marge blanche, méditer le sens de l’entrée et de la sortie.
Nous sortirons d’ici peu. Notre père qui était en nous est rentré chez sa mère, le Verbe.
Nous avons dit : Nous sortirons. Étrennez une foulée en l'honneur d’un sang qui a débordé de nous
Et inondé vos canons. Arrêtez, cinq minutes, ces avions en piqué.
Interrompez, trois minutes encore, le bombardement par terre et par mer,
Que sortent ceux qui sortent et entrent ceux qui entrent...
Nous sortirons. Nous avons dit : Nous sortirons.
Laissez donc une petite place pour les derniers adieux.
Que la paix soit sur nous, que la paix soit sur nous.
Nous rangerons nos membres dans les valises. Arrêtez donc cinq minutes ce bombardement,
Que les belles élégantes lavent leurs seins des baisers passés.
Nous sortirons.
Nous avons dit : Nous sortirons un peu de nous-mêmes. Nous sortirons de nous-mêmes.
Au bord de la mer, nous avons jeté le rivages de nos corps et nous nous sommes brisés
Comme une tempête de palmiers, lorsque nous vous avons vaincus et remporté la victoire sur nous-mêmes,
Ajouté aux rues une ombre qui accorde la ville et son sens,
Qui invoque le Père et le Fils et l’Esprit, où que nous migrions et aussi loin que nous partions.
Nous sortirons. Nous avons dit : Nous sortirons.
Entrez donc, sept nuits brèves seulement, dans la nouvelle Jéricho.
Vous n’y trouverez pas une fillette à qui voler la natte, ou un garçonnet à qui voler les papillons.
Vous ne trouverez pas un mur sur lequel placarder vos ordres qui proscrivent le lilas de Chine et nous proscrivent.
Vous ne trouverez pas un cadavre sur lequel graver les psaumes de votre périple dans les fables.
Vous ne trouverez pas un balcon qui donne sur la Méditerranée en nous.
Vous ne trouverez pas une rue pour y monter la garde.
Et vous ne trouverez pas traces de vous et ne trouverez pas traces de nous.
Nous sommes sortis peu avant la sortie. Ne faites pas de signe de victoire au-dessus des cadavres.
Ici nous sommes. Là-bas nous sommes. Et nous ne sommes ni là-bas, ni là.
Ici nous sommes, sous les éléments et sommes un sang tapi dans l’air que vous égorgez.

Nous sortirons.
Nous l’avons dit : Nous sortirons. Bombardez notre ombre...
Notre ombre.
Menez-la captive à sa mère, la terre, ou suspendez-la aux châtaigniers.
Vous êtes où nous ne sommes pas ! Entrez dans votre illusion et labourez notre illusion.

Nous sortirons
Nous avons dit : Nous sortirons du commencement de la mer,
Dans un tué, cinq blessés et cinq minutes,
Après la chute des communautés dans le vacarme de l’affrontement du fer et du clan.
Nous sortirons de chaque maison qui nous a vu détruire un char sur nous-mêmes, ou dans son voisinage.
Nous sortirons de chaque mètre et de chaque journée, ainsi que les bédouins sortent de nous.

Nous sortirons.
Nous avons dit : Nous sortirons un peu de nous-mêmes, vers nous.
Nous sortirons de nous-mêmes
Vers la parcelle de mer blanche, bleue. Nous étions là-bas et là.
L’absence métallique signale notre présence. Beyrouth était là-bas Et là.
Et nous étions sur la parcelle de terre ferme, une horloge et une journée d’œillets.
Adieu à ceux qui, peut-être, de notre temps, viendront silencieux
Et de notre sang, viendront debout pour que nous entrions.
Nous sortirons. Nous avons dit : Nous sortirons lorsque nous rentrerons. »
 
(p. 200)

Extraits de Darwich, Mahmoud, 2000,  La terre nous est étroite
« Suis-je moi ?
Suis-je là-bas, suis-je là ?
Dans tout "toi", il y a moi
Je suis toi. Point d'exil
Si je suis toi. Point d'exil
Si tu es mon moi. Et point
Si la mer et le désert sont
La chanson du voyageur au voyageur
Je ne reviendrai pas comme je suis parti
Ne reviendrai pas, même furtivement »

 


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