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16 avril 2024 à 20:11:12
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Auteur Sujet: Littérature et politique  (Lu 12249 fois)

Hors ligne Alan Tréard

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Re : Re : Littérature et politique
« Réponse #45 le: 13 mars 2018 à 17:43:06 »
Alors voilà le fond de ta pensée, avistodenas, passions sont assimilées à bêtise, et humeurs à sauvageries.

Il ne s'agit donc plus ici de tenir en haleine un lecteur de roman mais des rapports entre littérature et politique.
La littérature politique ( essentiellement des chroniques, rapports d'événements, points de vue, professions de foi, retranscriptions de discours, éditoriaux, billets d'humeur...) a pour but d'informer, de convaincre, d'appeler, d'engager etc...
Tu diminues le rôle de la littérature à du colportage, dans ces mots je trouve une vision de la littérature sociale une espèce de soupe à l'émotion.

Non, non et non, le rôle de la littérature (que ce soit en politique ou dans d'autres formes d'engagement) est bel et bien l'élévation.

Contrairement au discours politique, le discours littéraire a pour vocation à toucher l'universalité, à chercher la méditation.

« Tenir en haleine » peut aussi tout à fait correspondre à « encourager à se calmer ».

La littérature et la force des mots peuvent tout à fait influer sur les humeurs et pousser à sortir de l'émotion première. Comme j'ai à cœur de le souligner, la relation d'un littéraire à l'émotion est bien plus complexe qu'une simple histoire de causalité !!

Mais il se trouve que notre système émotionnel donne libre cours, en matière de politique, à toutes nos pulsions les plus primaires : jalousie, envie, mais aussi ruses et palinodies du style "l'ami de mon ennemi est mon ennemi" etc... Les matériaux humains de la frustration sont la convoitise, les haines et rancoeurs, les rivalités et les méchancetés. Donc aussi les matériaux sur lesquels jouent les littératures politiques de tous bords.

Raisons pour lesquelles je m'opposais farouchement à ce que l'on mît dans le même sac littérature politique et arts littéraires, dont le "tenir en haleine".
Mais tu touches ici le cœur de la question !!

La littérature parle de jalousie, la littérature parle des pulsions, elle travaille farouchement sur toutes ces émotions, elles sont le centre des attentions.

Les mots permettent d'évoquer ces nuances, de les questionner, d'en anticiper les conséquences. Il peut s'agir également de faire reculer la haine ou l'intolérance.

Travailler sur l'attention d'une lectrice ou d'un lecteur, c'est aussi concentrer ses efforts contre tout ce qui peut le sortir de l'éveil ; l'écrit littéraire, même engagé, ne sera jamais assimilable à du racolage politique ! L'activité des mots propose différentes affiliations : à l'ouverture, à l'échange, à l'esprit critique, à la liberté.

C'est bien entendu sur ce point que porte l'essentiel de la frustration humaine, (mais pas que) donc des politiques humaines et toutes les ruses sont alors de mise afin de crypter, cacher d'aussi vilains et inavouables penchants. Et où les pires capacités de nuisance sont à l'oeuvre, en soubassement des vertus politiciennes. Ces turpitudes vont même passer pour des valeurs, les fameuses valeurs de la politique quand elles n'en sont que l'avilissement. Le bien commun crypte le concours des frustrations.

Voila pourquoi je méprise la politique, et toutes ses manifestations, sachant que je les ai moi-même vécues et ressenties, avant de réussir à les mettre sous ma botte.
Donc, tu souhaites attirer l'attention sur les travers de la politique.

Et comment vas-tu faire sans écrire ? Pouvons-nous réellement encourager les gens à changer leur regard sur les relations quotidiennes sans un minimum de bases littéraires ?

Les mots que tu emploies sont forts, tu proposes de changer notre regard sur la situation ; c'est un engagement que tu prends sans aucun doute. Tu veux nous faire changer d'avis !
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Hors ligne avistodenas

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Re : Littérature et politique
« Réponse #46 le: 13 mars 2018 à 17:49:28 »
En gros je ne m'engage à rien, je me tiens à l'écart de toutes ces frustrations.

Evidemment que la vraie littérature traite aussi de jalousies et de frustrations car il n'y a que cela dans l'âme humaine. Mais la politique les excite, les exaspère, les encourage, pousse à l'avilissement de l'être.

Hors ligne Alan Tréard

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Re : Littérature et politique
« Réponse #47 le: 13 mars 2018 à 18:14:03 »
En gros je ne m'engage à rien, je me tiens à l'écart de toutes ces frustrations.

Evidemment que la vraie littérature traite aussi de jalousies et de frustrations car il n'y a que cela dans l'âme humaine. Mais la politique les excite, les exaspère, les encourage, pousse à l'avilissement de l'être.
Sauf que la politique ne traite quasiment jamais de ces sujets...

Alors que nous, si ! ;)
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Hors ligne avistodenas

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Re : Littérature et politique
« Réponse #48 le: 13 mars 2018 à 18:33:10 »
J'ai bien précisé que la politique crypte, cache. Avec la complicité de tous.

Hors ligne Milora

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Re : Littérature et politique
« Réponse #49 le: 13 mars 2018 à 18:42:04 »
Citer
La littérature politique ( essentiellement des chroniques, rapports d'événements, points de vue, professions de foi, retranscriptions de discours, éditoriaux, billets d'humeur...) a pour but d'informer, de convaincre, d'appeler, d'engager etc...
:\?
C'est pas vraiment ce qui vient à l'esprit quand on parle de politique en littérature. C'est peut-être de là que vient la grosse incompréhension qui vous oppose, toi et Aube et Alan. Pour moi ça a juste rien à voir : ce sont des écrits de la pratique, utilitaires (à visée administrative) ou bien à visée prosélyte/propagandiste. C'est difficilement de la "littérature" au sens courant du terme.
(Dans le jargon, les documents que tu évoques relèvent même plutôt de la "littérature grise" d'ailleurs (ça m'amuse de le caser parce que j'ai co-organisé un colloque sur le concept et je pensais pas qu'il apparaîtrait un jour sur le MDE :D)).

En général, quand on parle d'engagement, on pense plutôt à des romans/nouvelles/poésies/chansons/autres écrits artistiques qui cherchent à transmettre des idées.
Mais du coup, tu les exclus, quand tu parles de "littérature politique", Avisto ? (je me permets d'abréger)
Si c'est le cas... je pense qu'y a plus grand chose à discuter, en effet : c'est juste que personne parlait de la même chose sur ce fil :kei:

Si par contre tu englobais dans ta réflexion ce à quoi on se réfère d'habitude quand on parle de littérature engagée (ci-dessus), tu maintiens ce que tu as mis dans ton dernier post ? (Je suis perplexe).
Tu penses quoi de 1984 (Orwell) ou de Le meilleur des mondes (Huxley) ?
Ou dans un genre totalement différent, de Hommage à la Catalogne (Orwell aussi) ou Le silence de la mer (Vercors) ?
Ou dans un genre encore plus différent, de Jane Eyre (Charlotte Brontë) ?

Chacune à leur façon, ce sont des oeuvres engagées (volontairement). Pas dans le sens d'un soutien à un parti politique spécifique, mais engagées (et, dans la définition que je partage avec Aube, "politique").
« Modifié: 13 mars 2018 à 18:45:11 par Milora »
Il ne faut jamais remettre à demain ce que tu peux faire après-demain.

Hors ligne avistodenas

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Re : Littérature et politique
« Réponse #50 le: 13 mars 2018 à 19:37:46 »
Tout va dépendre à mon avis de la façon de faire de l'auteur :
Prendre pour cadre une situation politique pour déployer une histoire romanesque (Docteur Jivago)
Ou dans Jane Eyre, traiter le roman en forme de biographie (raconter une histoire).
Ou dans le silence de la mer, se livrer à une réflexion plutôt philosophique.

Pour Orwell, c'est une oeuvre résolument militante, qui me laisse, en tant que lecteur, froid.
Dans le cas d'Huxley, c'est de la science-fiction prémonitoire, mais je goûte peu la science fiction...

Chaque cas est particulier, on ne peut pas faire des cases rigides, mais en général, s'il est écrit "Roman" sur la couverture, c'est donc une histoire romancée.
La littérature engagée d'Orwell par exemple ne m'interpelle que très peu. Il ne se classe pas pour moi au rang des grands écrivains.

Tous les degrés se trouvent dans la littérature : grise en effet, plus ou moins grise, plus ou moins philosophique, plus ou moins militante, essai... et enfin le vrai et pur romanesque, que je tiens pour la seule littérature qui vaille à mes yeux. Raconter une histoire avec un style. L' important c'est le style.

Aube et Alan parlent de textes résolument politiques et engagés. Le style semble ne pas leur importer, c'est pourquoi je rebiffe et renâcle. Politique et engagement n'ont pas de valeur pour moi, ce sont des erreurs de jugement dans tous les cas. Le style, rien que le style.
« Modifié: 13 mars 2018 à 19:43:45 par avistodenas »

Nocte

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Re : Littérature et politique
« Réponse #51 le: 13 mars 2018 à 20:51:18 »
Le style rien que le style c'est de la masturbation égocentrée.

Hors ligne avistodenas

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Re : Littérature et politique
« Réponse #52 le: 13 mars 2018 à 22:39:26 »
Si tu le dis....

Tous les écrivains qui ont donné des chefs-d'oeuvres sont donc des masturbateurs...

Intéressant, comme théorie ! Les masturbateurs éjaculeraient des chefs d'oeuvres... Mince alors, si j'avais su ! ;D

Nocte

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Re : Littérature et politique
« Réponse #53 le: 13 mars 2018 à 22:42:27 »
Ben voilà, maintenant tu sais.
Va te palucher, t'attends quoi ?

Hors ligne Rémi

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Re : Littérature et politique
« Réponse #54 le: 13 mars 2018 à 22:52:19 »
Heu, on peut peut-être passer à autre chose ?

Y a déjà eu assez de conflit sur ce fil, non ?

édit : ci-dessus, un avis perso, pas un avis de la modération
« Modifié: 13 mars 2018 à 22:53:55 par Rémi »
Le paysage de mes jours semble se composer, comme les régions de montagne, de matériaux divers entassés pêle-mêle. J'y rencontre ma nature, déjà composite, formée en parties égales d'instinct et de culture. Çà et là, affleurent les granits de l'inévitable ; partout les éboulements du hasard. M.Your.

Hors ligne avistodenas

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Re : Littérature et politique
« Réponse #55 le: 14 mars 2018 à 07:45:46 »
Chacun peut constater que je ne réponds pas à weg...... ;D


Pour compléter, je considère que Sartre, Beauvoir, mais aussi en face, Aron, Revel ne sont pas des écrivains mais des polémistes, pas plus d'ailleurs que si les Femen se mettaient écrire. Ou les Chiennes de Garces.

D'une manière générale, je ne confonds pas la littérature qui ne demande rien, qu'à être lue, et la littérature engagée-enragée qui veut changer le monde, certes, mais à la seule idée de l'auteur. Littérature que je ne suis pas, si on veut bien m'en accorder le droit.

La raison en est simple : lorsque le projet politique devient par trop évident, il absorbe toute l'énergie de l'écriture au détriment de tout style, de toute raison, et m'ôte toute raison aussi de le lire.

Lorsque Sartre écrit,  il écrit de la philosophie, du théâtre, du roman mais il est un philosophe d'abord.

On pourrait de même dire que le roman de gare n'est pas de la littérature. Même s'il se vend.

Etc...


-------------------------------------

A présent que j'ai pu exprimer mon opinion - merci Milora - une petite mise au point :

Weg m'attaque par des grossièretés, auxquelles je ne réponds pas : j'ai compris.

Mais auparavant, il fallu qu'Alan m'agresse à plusieurs reprises (il suffit de savoir lire) avant que je réagisse !

Alors que l'on ne se méprenne pas : je ne suis pas non plus un cherche-la-merde.

« Modifié: 14 mars 2018 à 08:29:24 par avistodenas »

Hors ligne Milora

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Re : Littérature et politique
« Réponse #56 le: 14 mars 2018 à 11:24:10 »
(Je plussoie Rémi. Ça n'a rien de "cool  8) " de troller une conversation qui avait commencé à s'apaiser, c'est juste relou pour tout le monde).

Citer
Tous les degrés se trouvent dans la littérature : grise en effet, plus ou moins grise, plus ou moins philosophique, plus ou moins militante, essai...
En réalité, y a pas de littérature "plus ou moins grise" : l'expression "littérature grise" c'est, je cite la définition oficielle, « ce qui est produit par toutes les instances du gouvernement, de l’enseignement et la recherche publique, du commerce et de l’industrie, sous un format papier ou numérique, et qui n’est pas contrôlé par l’édition commerciale ». Mais bon, c'est un détail, on est d'accord (c'est juste qu'ayant bossé sur la question, la précision me titille ^^).

La dimension philosophique ou militante, par contre, ça n'est pas une définition de genre (au sens d'élément de définition intrinsèque d'un texte : roman, nouvelle, poésie, essai, etc.) : c'est, disons, une orientation du texte. En ça, oui, là ça peut être plus ou moins philosophique, plus ou moins militant. Mais je vois pas comment ça pourrait être "plus ou moins un essai" : c'est un essai ou ça n'en est pas un (avec bien sûr de temps en temps des trucs difficiles à classer, mais dans la grande majorité des cas).
C'est pour ça que je ne suis pas du tout convaincue par ton découpage des choses et, du coup, par tes définitions de "littérature engagée" ou "littérature politique". J'ai l'impression que ça mélange les torchons et les serviettes et que tu te réfères par là à "tout texte où le style n'est pas la préoccupation première de l'auteur".  :\?

Sauf que, d'une part, le style est pas l'apanage du roman. On peut même difficilement dire que le célèbre discours "I have a dream" de Martin Luther King (qui est totalement politique, pour le coup) n'a pas de style (la phrase a même fait date, au-delà même de son contexte d'énonciation).

Et sauf que, surtout, il y a pleiiiin de romans engagés avec un style très travaillé. Le dernier jour d'un condamné (Victor Hugo), roman engagé s'il en est (contre la peine de mort), par exemple, est écrit dans un style superbe (c'est Victor Hugo, quoi).

Y a aussi pleiiiiin de romans pas engagés, qui n'en ont rien à faire du style. T'as cité les romans de gare mais y a aussi beaucoup de romans qui mettent pas l'accent sur la qualité de leur style. Tu as lu Hunger Games (Suzanne Collins) ? Le style est pas bon du tout, mais le roman t'embarque avec lui et te prend aux tripes.

Que tu t'intéresses au style seul (c'est un point de vue, que je partage pas, mais c'est une question de goût) ça n'a aucune corrélation avec le niveau d'engagement du texte.
Ou alors c'est que tu dis "style" mais tu te réfères à autre chose, et dans ce cas, à quoi ? À la fictivité (<-- vas-y, j'invente des concepts :mrgreen:) du texte ?

Citer
et enfin le vrai et pur romanesque, que je tiens pour la seule littérature qui vaille à mes yeux.
Donc les nouvelles, la poésie, le théâtre, tu ne le comptes pas comme de la littérature ? Et les biographies et autobiographies ?  :???:

Citer
Tout va dépendre à mon avis de la façon de faire de l'auteur :
Prendre pour cadre une situation politique pour déployer une histoire romanesque (Docteur Jivago)
Ou dans Jane Eyre, traiter le roman en forme de biographie (raconter une histoire).
Ou dans le silence de la mer, se livrer à une réflexion plutôt philosophique.

Pour Orwell, c'est une oeuvre résolument militante, qui me laisse, en tant que lecteur, froid.
Dans le cas d'Huxley, c'est de la science-fiction prémonitoire, mais je goûte peu la science fiction...
En réalité, tout roman raconte une histoire, comme tu dis. C'est même un peu la définition de roman. (Sauf le Nouveau Roman, mais bon). J'ai pas lu le Docteur Jivago, mais tous les autres racontent des histoires. Orwell, tu mets dans le même tas 1984 (roman de science-fiction, totalement fictif, donc) et Hommage à la Catalogne (témoignage sur les années d'Orwell passées sur le front de la guerre d'Espagne) ? Les deux sont engagés, mais vraiment pas de la même façon. En quoi le premier, 1984, est différent de Jane Eyre ou de Huxley, par exemple ? Pourquoi tu fais cette différence, à part le fait que tu n'accroches pas à Orwell (ce qui semble être, à te lire, une question de goût personnel et pas du tout un trait caractéristique du fait que le roman soit ou pas engagé)...?  :\?


Citer
Pour compléter, je considère que Sartre, Beauvoir, mais aussi en face, Aron, Revel ne sont pas des écrivains mais des polémistes, pas plus d'ailleurs que si les Femen se mettaient écrire. Ou les Chiennes de Garces.
Je connais pas Revel (j'ai regardé sur Wikipedia) et Aron, je connais que l'historien (Rayon Aron) mais je sais pas si c'est de lui que tu parles. (Et d'ailleurs, pourquoi "en face" ? Ils ont pas l'air opposés...)
Dans tous les cas, ton "je considère" est quand même vachement subjectif... Pour rester dans le subjectif, perso, j'ai lu Huis clos de Sartre et, d'un point de vue strictement littéraire, ça m'a fichu une claque (la tension, l'ambiance, la langue, ça enferme le lecteur avec les personnages et ça fiche un frisson). Donc c'est peut-être une question de goût en matière d'appréciation du style. En tout cas, pas un élément de définition qui permettrait de dire qu'ils ne travaillent pas leur style ou que leurs textes n'entraînent pas le lecteur avec eux. Toi, ça te laisse froid, mais pas tout le monde.
D'ailleurs, je ne peux pas m'empêcher de remarquer que tu n'as cité que des auteurs de la deuxième moitié du XXe siècle. Qui ont quand même une tonalité très particulière (j'ai jamais réussi à mettre les mots dessus, certains m'ont dit "existentialistes", mais dans les décennies après la 2e Guerre Mondiale, les auteurs qui ont fait date ont quand même pour beaucoup ce style un peu froid, un peu distant, un peu moqueur, qui doit sans doute avoir un nom en tant que courant littéraire mais je le connais pas). Personnellement, j'aime pas trop en général (ce style, justement).
Mais les oeuvres engagées, ça n'est pas que dans la deuxième moitié du XXe siècle !

J'ai cité Victor Hugo plus haut. Zola ou Charlotte Brontë, que je citais aussi, ont une optique engagée (le premier dénonce la condition ouvrière, la seconde dénonce la condition des femmes dans l'Angleterre Victorienne). Leur style est très "XIXe siècle", pour le coup, pas du tout comparable à Sartre ou Beauvoir. Et je vois pas comment on pourrait dire que Victor Hugo ne travaille pas son style (on peut aimer ou pas, mais c'est une autre question).

De même, tu dis qu'Orwell te laisse froid, mais c'est ton goût à toi : quand on lit Hommage à la Catalogne et que le narrateur se prend une balle on a l'impression de la prendre avec lui. C'est pas du tout une écriture dépassionnée et qui ne travaille pas son style, au contraire.


Citer
Politique et engagement n'ont pas de valeur pour moi, ce sont des erreurs de jugement dans tous les cas.
Sur ce point, je reviens à ce que disait Aube : il y a de la politique dans pratiquement tout écrit qui tient un discours (pas au sens de "défense d'un parti politique" mais au sens de "transmet, même involontairement, des conceptions morales, sociales, des modèles sociaux, des idées" dans tout roman). Cite-moi n'importe quel roman (que j'aie lu, sinon on va pas y arriver :D) et je suis à peu près persuadée qu'on peut y déceler les idées qu'il transmet, même involontairement ! (j'inclus dedans les romans de gare)
J'ai bien compris que tu te réfères spécifiquement au ouvrages qui ont la volonté de transmettre un message. C'est ça que tu n'aimes pas. Soit. Mais juste, pour rejoindre Aube, il est un peu erroné de considérer qu'il y a d'un côté les oeuvres qui transmettent des idées et de l'autre celles qui ne le font pas. En revanche, ça me semble pas faux de se concentrer, dans cette discussion, sur celles qui affichent leur volonté de transmettre ledit message (mais c'est un peu une illusion de considérer que les autres ne transmettent pas d'idées).



En fait, ce qui est dérangeant dans ton argumentation, c'est que si tu avais dit "j'aime pas quand je vois trop clairement les idées politiques de l'auteur", je pense que personne n'aurait relevé. Bah oui, on aime ou on aime pas, les goûts les couleurs, tout ça...
Sauf que depuis le début de la discussion, tu sembles absolument vouloir démontrer que la littérature engagée n'a pas les qualités de la littérature qui ne se revendique pas comme engagée.
Ça me semble pas une position défendable, et tous les critères que tu as relevés dans ce sens me semblent en fait extrêmement subjectifs (moi, j'aime pas) et spécifiques (t'aimes pas dans tel cas, mais dans tel autre ça va, parce qu'en réalité c'est pas un élément de définition de la littérature engagée, qui t'a gêné dans ce cas précis). Ça reste quand même plutôt subjectif...

D'ailleurs, quand tu écris :
Citer
la littérature engagée-enragée qui veut changer le monde, certes, mais à la seule idée de l'auteur
On sent un clair mépris de ta part et même, il semblerait, un fond de rancoeur...
Erigé en jugement de valeur généralisant, ça irrite un peu ceux qui ne partagent pas ton avis, d'où les réactions houleuses, il me semble.
« Modifié: 14 mars 2018 à 11:44:49 par Milora »
Il ne faut jamais remettre à demain ce que tu peux faire après-demain.

Hors ligne avistodenas

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Re : Littérature et politique
« Réponse #57 le: 14 mars 2018 à 12:25:17 »
Bon, je n'ai jamais prétendu classifier A MOI SEUL la littérature et il est tout à fait évident, d'ailleurs tu le soulignes à raison, que tout ce que j'écris est subjectif . Profondément même.

Est-ce une raison pour me tomber dessus, au lieu d'argumenter -comme tu le fais.

Je méprise, en effet, et c'est moi seul, tout texte qui veut militer : ajoutons que par le passé, les textes "militants" (hugo que tu cites) se comptaient sur les doigts de... allez, deux mains. Aujourd'hui, ils pullulent, et la connerie militante nous déborde, chacun prétend apporter SA divine solution à un monde désaxé.
Très bien pour autrui, pas pour moi. Je déteste, car encore une fois, ce qui est derrière est une immonde frustration. Je prends pourtant soin de faire savoir que ce qui me débecte dans la nature humaine, c'est sa frustration et pourtant, c'est justement ce qui fait l'humain au plus haut point. Mais si on ne veut pas m'entendre, cala n'a aucune importance.

Heu... lorsque j'oppose Sartre(Beauvoir c'est autre chose) et Raymond Aron - J.F Revel, c'est que le premier est révolutionnaire,
 les deux autres conservateurs. Le premier soutient tout projet révolutionnaire et justifie même l'assassinat (de classe quelle horreur !), les deux autres, conservateurs (et anti-communistes), ont prédit la fin du communisme.  Les trois ont une excellente plume, mais ne me convainquent pas d'un point de vue littéraire.

Pour affiner un peu, peut-être, et c'est à la fois subjectif, et réfléchi : je hais la frustration, au point de la détruire en moi.

Je comprends bien que cela irrite, puisque tout un chacun est victime de sa frustration et refuse de le voir (c'est moche), c'est la raison pour laquelle j'écris des textes drôles mais que je m'interdis les pamphlets (j'aurais du boulot... ;D)
« Modifié: 14 mars 2018 à 12:30:07 par avistodenas »

Hors ligne Milora

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Re : Littérature et politique
« Réponse #58 le: 14 mars 2018 à 12:39:40 »
(Je ne pense pas t'être tombée dessus  :-\ )


Je pense que là, la discussion sort totalement du cadre littéraire...
Citer
Je déteste, car encore une fois, ce qui est derrière est une immonde frustration.
Je ne suis pas du tout d'accord, mais là ça n'est pas une question de littérature, c'est une question de vision du monde, et on n'est pas du tout dans la bonne section pour en discuter.
Je ne vois absolument pas la volonté d'améliorer le monde en faisant passer des idéaux (dans un sens ou dans l'autre) ni l'idée de transmission comme de la frustration. Frustration ça veut dire "je voudrais que... mais je peux pas... alors je souffre". Les écrits engagés -du moins ceux que j'ai lus- me font plutôt l'impression d'un positionnement en "ce serait bien si... regardez, ça pourrait ! ça vous tente pas d'essayer ?" ou "tel truc, actuellement, est vraiment pourri. Vous le voyez pas ? Regardez, vous voyez ce que je veux dire ?".
Après, je pense que la discussion sur ce point a absolument plus rien de littéraire et qu'elle est très glissante, donc peut être qu'il vaut mieux pas la poursuivre...


Citer
ajoutons que par le passé, les textes "militants" (hugo que tu cites) se comptaient sur les doigts de... allez, deux mains. Aujourd'hui, ils pullulent, et la connerie militante nous déborde, chacun prétend apporter SA divine solution à un monde désaxé.
Ah bon...? C'est marrant, j'ai pas du tout cette impression. Y a quoi comme romans engagés aujourd'hui ? (c'est une vraie question : je lis peu de littérature récente, en dehors de la littérature de genre). J'ai l'impression que le XIX et le XXe siècle sont des siècles avec beaucoup de littérature engagée, au contraire. J'avais aussi l'impression qu'y en a moins actuellement, où la tendance générale est un peu d'aller vers un "tout est dans tout" et "le manichéisme, c'est vilain" comme messages généraux... C'est même l'impression que j'ai eue avec les deux Goncourt que j'ai lu (Pas pleurer de Lydie Salvayre, sur la révolution espagnole de 1936, et L'ordre du jour de Vuillard sur les prémisses de la 2e Guerre Mondiale, qui m'ont tous les deux semblé assez caractéristiques de cet état d'esprit en présentant des événements où la question de l'engagement est prégnante mais en l'évitant soigneusement).
Mais je peux me tromper, je lis peu de romans de littérature blanche actuelle.

Citer
Heu... lorsque j'oppose Sartre(Beauvoir c'est autre chose) et Raymond Aron - J.F Revel, c'est que le premier est révolutionnaire,
 les deux autres conservateurs.
Ah, oki ; comme je te disais, je ne connais de Revel que ce que j'ai lu sur Wikipedia, et ils le présentaient comme engagé socialiste mais anti-communiste (pas vraiment conservateur, quoi). Mais c'est Wikipedia, quoi :D Je veux bien croire que les infos soient contestable, je connais absolument pas par ailleurs.
Il ne faut jamais remettre à demain ce que tu peux faire après-demain.

Hors ligne avistodenas

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Re : Littérature et politique
« Réponse #59 le: 14 mars 2018 à 13:51:21 »
Revel était sans doute "raisonnablement socialisant",  tout comme Aron d'ailleurs, mais anti-communiste à coup sûr.  Et donc opposés à Sartre qui désirait seulement ériger une statue à sa propre personne. (Il prétendait dépasser toute la philosophie -" le communisme est l'horizon indépassable de notre temps".  On a bien vu !

La discussion sort du cadre littéraire strict si l'on considère la littérature comme une somme de catégories. Or la littérature est juste affaire de sensibilité. C'est une affaire de sons. Le son de Christine Angot me laisse de marbre.

Écrire est un métier qui ne donne pas forcément des compétences spéciales dans d'autres domaines ( et vice versa, ça, c'est moi qui ajoute). Donc :

l'engagement personnel de l'écrivain ne vaut pas plus que celui de n'importe qui
et il lui fait perdre, dans une activité où il peut être médiocre, un temps qui lui serait précieux pour son art : pour un artiste, le travail artistique n'est pas « par-dessus le marché », mais l'essentiel, comme l'affirment Flaubert, Valéry, Gide. À noter combien de partisans de l'engagement ont abandonné assez vite les genres artistiques pour le journalisme, l'essai, la thèse ; ils étaient plus penseurs qu'artistes (la stérilité créatrice des années politiques de Victor Hugo).


Essaie de méditer ça, tout de même, Milora, ce n'est pas de moi...

A mon tour donc de ne pas être d'accord avec toi.
Mais si je ne partage pas ton opinion, la tienne doit évidemment cohabiter avec la mienne. Voilà tout.

« Modifié: 14 mars 2018 à 14:07:50 par avistodenas »

 


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