Critique aisée n°105The SquareRuben Östlund – 2017- 142 minutes
Claes Bang, Elisabeth Moss, Dominic West Même si je n'avais eu aucune intention d'aller voir The Square, l'incroyable séquence de trépignements hystériques et haineux que ce film a déclenché chez le critique Xavier Leherpeur lors de la dernière émission du Masque et la Plume m'en aurait donné envie.
J'ajouterai que l'agressivité continuelle dont il fait preuve, sous l'œil bienveillant de Jérôme Garcin, le meneur de jeu, à l'égard d'Eric Neuhoff, critique du Figaro, devient déplaisante. On peut remercier M. Neuhoff et l'admirer de s'abstenir de répliquer. Bien sûr, les joutes et même les engueulades entre participants à l'émission font partie de son intérêt, mais le niveau d'énervement et de méchanceté qu'atteint M. Leherpeur est devenu gênant.
Maintenant, s'il faut parler du film, je dirai que je l'ai trouvé très bon, pas si désespéré que M. Neuhoff ne l'a dit, ni si lourdingue que M. Lalanne ne l'a décrit. Pour moi qui, depuis que j'en ai le temps, fréquente assez souvent ce genre de musée, sans avoir jamais acquis d'autre culture artistique que sur ce tas-là, j'y ai vu une description fidèle de ce que le visiteur moyen peut y trouver (Eh oui, Xavier ! L'art contemporain, c'est ça : parfois bidon, parfois véritable, chacun est libre de son interprétation). J'y ai trouvé aussi, très bien décrite, la décomposition des certitudes d'un "honnête homme" — dans les multiples sens de ce terme — qui croyait vivre à l'intérieur de ce carré de bienveillance, The Square, jusqu'à ce que ses propres réactions à une situation extraordinaire lui montrent le contraire.
Par ses superbes prises de vue, son parti pris esthétique et sa mise en évidence du snobisme d'une certaine classe supérieure, The Square m'a plusieurs fois fait penser au magnifique "Grande Bellezza" de Paolo Sorrentino.
On aurait pu penser aussi au trop méconnu "Musée Haut, Musée Bas" de Jean-Michel Ribes. Mais là où M. Ribes, homme de gauche s'il en est, exerçait avec talent sa causticité contre les visiteurs, parfois même contre les gens du peuple — Oh, mon Dieu ! Mais Jean-Michel, il a la carte, lui — M. Östlund exerce surtout la sienne à l'encontre des professionnels (administrateurs, agence de communication, journalistes). Et c'est très drôle. D'autant plus drôle que tout ce petit monde bien fermé tourne sur lui-même sans qu'apparaisse jamais, ou pratiquement jamais, les visiteurs.
La grande scène du film, le diner de gala, est un chef d'œuvre de conception, de réalisation et d'exécution par les acteurs et figurants. Si M. Lalanne a trouvé sa conclusion pachydermique, c'est probablement qu'il ne l'a pas complètement comprise. A critique, critique et demi. Enfin, je crois…
Selon certains, The Square aurait "volé" la Palme d'or de Cannes au film de Campillo, 120 battements par minute. Les mêmes lui en veulent donc énormément. L'un de ceux-là a habilement qualifié The Square de "film de droite", injure galopante, calomnie définitive, tactique suprême reprise immédiatement par une grande moitié des médias. Un film de droite ne peut naturellement pas comprendre ce qu'est l'art contemporain. Il est forcément lourdingue. Et si on peut lui nuire en le faisant savoir, c'est toujours ça de pris pour la cause.
Faites-vous donc votre opinion, et donnez-m'en des nouvelles. Merci.
