Le Monde de L'Écriture – Forum d'entraide littéraire

29 mars 2024 à 13:33:26
Bienvenue, Invité. Merci de vous connecter ou de vous inscrire.


Le Monde de L'Écriture » Coin écriture » Textes courts (Modérateur: Claudius) » crépuscule de vie...

Auteur Sujet: crépuscule de vie...  (Lu 1761 fois)

Hors ligne djagerno

  • Tabellion
  • Messages: 33
crépuscule de vie...
« le: 25 avril 2009 à 12:03:58 »
Bonjour à tous voilà ma dernière nouvelle, j'éspére qu'elle vous plaira...



Jack O’Brian, cinquante-et- unième régiment d’infanterie de l’union des hommes libres.


Cinq heures. Voilà cinq heures que le bombardement des lignes ennemies avait débuté. Le sol vibrait et au loin les enfers se déchainaient. Personne n’avait le courage de rompre le silence devant cet effroyable spectacle et c’était tout juste si nous osions nous jeter des regards emplis de doutes. Je commençais à me perdre et je le savais. Ce que je ne savais pas encore par contre à ce moment là, c’est que je m’apprêtais à vivre les pires heures de mon existence et surtout que celles-ci seraient les dernières…

Tout avait basculé l’année de mes vingt et un ans, année pendant laquelle je dois dire l’armée des forces libres n’avait pas lésiné sur les moyens pour réaliser, ce que je qualifierais aujourd’hui de propagande.  A grand renfort de spots sur nos téléscripteurs et d’affiches ventant les valeurs de la race humaine, les généraux faisaient leur marché au milieu de la naïve jeunesse terrienne. Selon eux, combattre les races extraterrestres et coloniser de nouvelles planètes étaient « la seule solution au problème de surpopulation ».  « Notre devoir est d’assurer à nos enfants suffisamment de ressources pour qu’ils puissent grandir dans un monde viable…  c’est à nous de permettre à notre civilisation humaine, à sa culture extraordinaire et son exceptionnelle histoire de retrouver sa grandeur méritée… si vous voulez agir pour la survie de nos enfants et honorer le devoir de mémoire vis-à-vis de nos anciens, faites le premier pas et faites que tout devienne possible… cela ne pourra pas se faire sans vous ! Rejoignez les forces libres en vous connectant au trente trois, trente trois, sept cent quatorze. La race humaine compte sur vous. » Quelle connerie…

Quelle innocence m’a fait éprouver de la fierté le soir ou j’ai annoncé à mes parents que j’avais « réussi » les tests ? Et quelle naïveté de ne pas réaliser que n’importe quel jeune capable de tenir une arme aurait été «  admis ».  Ma mère s’effondra en larmes devant ma décision et me pria de « réfléchir,  que mon diplôme d’ingénieur pourrait également me permettre d’agir pour les miens… ». Mon père, lui, semblait avoir été un bon client de la propagande et était « fiers d’avoir un fils qui honore son nom ».
Milla, ma belle Milla… Ses formes qui me semblaient si parfaites et qui me manquaient tant en ce triste jour. Ta douceur et ta tendresse envers l’idiot que j’étais. J’ai déserté tes cotés pour des idées qui n’étaient pas vraiment les miennes.  Toi qui ne voulais pas me montrer ta peine, toi qui refoulais tes larmes, toi que je  n’ai pas su lire quand tu m’as embrassé pour la dernière fois, les yeux débordants de larmes. Je t’aimais et t’aurais toujours aimée…

Le concert funeste de l’artillerie prit fin laissant place à des cris de souffrance et à aux hurlements des gradés ennemis qui cherchaient à réorganiser leurs troupes après le déluge de feu. Puis vint le silence, angoissant silence… La planète était meurtrie et le ciel marquait sa peine dans une robe noire de poussière qui accentuait cette sensation de fin des temps. Nous étions une vingtaine, terrés dans ce boyau boueux  à moins de trois cent mètres des lignes de l’infanterie Kalkéenne. La pluie claquait sur nos capotes dans une partition monotone qu’elle se plaisait à jouer depuis des jours déjà. Je fermais mes yeux fatigués, espérant peut être que pour une fois nous n’allions pas entendre l’ordre que nous craignions tous. Cet ordre qui suivait toujours le déluge déclenché par les batteries d’artillerie lourde. Cet ordre qui émanerait d’un bureau bien à l’abri dans lequel on joue à avancer et reculer des pièces de plastiques en forme de petits soldats sur une carte militaire. Petits soldats que nous sommes… rien d’autre que de petits gens au service des intérêts économiques de ceux qui nous ont dupés. J’étais fatigué, fatigué physiquement par ces semaines de combats pour quelques dizaines de mètres gagnés et moralement par toute cette souffrance, toute cette violence et par tous ces compagnons perdus. Comment ai-je pu croire que combattre des hommes qui nous sont semblables pour leur prendre leurs ressources pouvait être une bonne chose ? Ces Kalkes n’avaient-ils pas eux aussi des enfants ? La croissance de notre espèce terrienne justifie t’elle de détruire la leur ? Je m’étais trompé et en ce triste jour je le comprenais, nous l’avions tous compris… Trop tard.

« -Messieurs nous chargeons dans treize minutes ! Préparez vous à l’assaut. » Le sergent venait de recevoir le maudit ordre et tentait de dissimuler sa fatigue pour nous encourager. «  C’est l’assaut final, il nous faut prendre leurs positions avant la nuit ou nous serons vaincus.Ca passe ou ça casse messieurs… » Il nous tourna le dos comme pour ne pas avoir à affronter d’éventuelles questions.

Cela faisait bien longtemps que plus personne ne posait de question… Les hommes baissèrent leurs têtes, trouvant refuge dans des souvenirs plus agréables ou dans des prières qui resteraient une fois de plus sans écho. Trom posa sa main sur ma cuisse, me proposant une cigarette. Je risquais une main hors de mon cocon capoteux et le remerciais d’un clin d’œil complice. Fumer, si ma mère voyait ça… moi fumer… tout superfuge pour nous sentir un peu vivant était bon à prendre, sans compter que par ici le cancer du poumon n’était vraiment pas une des cause de décès rependue. Le sergent était grimpé en haut du parapet, jumelle en mains il observait  le no man’s land sans parvenir à y discerner quoi que ce soit. Il s’apprêtait à donner le signal à la pauvre unité de fantômes émaciés que nous étions. J’embrassais une dernière fois la petite croix que ma mère avait chargée de me protéger, cérémonial qui jusque là avait peut être contribué à ce que je sois toujours entier... qui le savait, après tout ce monde était tellement fou… Trom jeta son mégot par-dessus le talus d’une chiquenaude et tourna son visage creusé de fatigue dans ma direction : « -On court ensemble ? » Pour toute réponse je lui adressais un sourire mal assuré.

Le sergent leva son bras puis ce fut le signal. Nous grimpions sur le mur de terre dans un mouvement mécanique et nous mirent à courir droit devant nous, fusil en main. Des centaines d’unités jaillissaient d’autant de trous et ce fut bientôt un océan de silhouettes boueuses qui recouvrit le terrain calciné dans une cacophonie de cris, d’insultes et de prières. Nous discernions à peine les petits monticules de terres ennemis à atteindre, la fumée et la poussière enserrait nos corps et réduisait la visibilité à une centaine de mètres. Nous avions parcouru la moitié du champ de bataille quand le feu Kalkéen  se déchaina, leurs mitrailleuses lourdes se mirent en marche cherchant à décorer chaque homme d’un de ses projectiles de mort. Nos rangs aussi firent feu mais plus par nervosité et par habitude que pour réellement toucher quoi que ce soit, que de toute manière on ne pouvait distinguer. Les balles perçaient les rangs, perçaient les corps, déchiquetaient les hommes, les amputaient, les forçaient à s’écrouler, invitant la mort à danser avec ces jeunes hommes perdus si loin de chez eux… Trom fut toucher en pleine poitrine et s’écroula lourdement regagnant la fange comme dernière demeure. Les soldats de l’union tombaient par centaines recouvrant le sol de cette planète qu’on leur avait décrit comme le nouveau paradis. Quelle naïveté ! Quelle connerie que tout ça… Je continuais à courir, droit devant, tel une marionnette qui se demande qui est ce fou qui peut bien tenir les ficelles…

« -Tu dors ? »
« -Non… »
Milla se tenait allongée à mes cotés. Elle caressait ma poitrine du bout des ces doigts et me fixait de son regard bleu émeraude.
« -Tu as fait un cauchemar ? » me demanda-t-elle pinçant ses lèvres comme elle le faisait toujours quand elle attendait une réponse de ma part.
« -Oui, un drôle de cauchemar mais heureusement j’ai ouvert les yeux et c’est ton visage que j’ai aperçu… »
Elle m’adressa un sourire d’une pureté indescriptible, puis quitta les draps et d’une démarche légère comme le vent du matin se dirigea à la fenêtre de notre chambre. Son corps nu était caressé par la lumière du jour naissant et rajoutait à l’ambiance poétique de la scène. Je joins les mains derrière ma tête et remercia le ciel que tout ça ne fut qu’un mauvais rêve.
« - Tu n’as pas vu mes cigarettes ? »
« -Mais enfin Jack, tu ne fume pas ! Viens plutôt regarder le lever du soleil avec moi, j’ai envie que tu me sers dans tes bras… »
Je tentai de me redresser sur mes coudes mais sans y parvenir, mes jambes non plus ne semblaient plus vouloir m’obéir. Que pouvait-il bien se passer ? La chambre semblait s’agrandir éloignant de moi la fenêtre et mon amour sans que je ne puisse rien y faire. Milla me regardait, des larmes coulaient sur ses joues :
« -Pourquoi n’es tu pas resté à mes cotés ? » Me demanda-t-elle d’une voix emplie de peine.
Un éclair de lumière me força à ciller.

Lorsque je rouvris les yeux, j’étais en enfer. Allongé dans la boue, à moitié enfoncé dans cette terre cendreuse je regardais le ciel assombri par la folie des hommes. Le combat semblait avoir prit fin et seuls quelques tirs désorganisés tenaient à rompre un silence tant espéré.  Je parvins avec une difficulté extrême à me redresser sur mes coudes pour faire un rapide état des lieux : mes deux jambes étaient sectionnées au niveau des fémurs et mon sang venait nourrir cette terre meurtrie au moins autant que moi. Je me laissais retomber sur le sol fangeux et étouffais un cri de douleur autant que de tristesse. Mes larmes m’échappaient sans que je tente de les retenir. Quel idiot j’ai fait !

La nuit allait tomber sur ma vie par ma faute alors que Milla était là pour l’ensoleiller. Pardonne moi de t’avoir abandonnée alors que nous n’étions encore qu’à l’aube de notre amour.



Jack O’Brian, cinquante-et- unième régiment d’infanterie de l’union des hommes qui croyaient être libre.

 


Écrivez-nous :
Ou retrouvez-nous sur les réseaux sociaux :
Les textes postés sur le forum sont publiés sous licence Creative Commons BY-NC-ND. Merci de la respecter :)

SMF 2.0.19 | SMF © 2017, Simple Machines | Terms and Policies
Manuscript © Blocweb

Page générée en 0.02 secondes avec 22 requêtes.