Si je peux me permettre, sans vouloir faire ni professoral ni pédant :
Quand je dis "correct" ou "incorrect", ça fait peut-être un peu légaliste "bête et méchant".
Il faut comprendre que les règles "classiques" n'ont pas été énoncées par pur militarisme littéraire ; leur but était de trouver les méthodes qui donnent le plus d'effet, de puissance aux vers. Il est tout à fait louable (voir admirable) de s'affranchir des règles lorsqu'on se rend compte qu'elles pèsent plutôt qu'elles enrichissent, mais pour juger de cela, il faut justement parfaitement maîtriser les règles. Avant de devenir un des plus grands génies du vers libre, Rimbaud a passé des années à faire du vers ultra-classique et même de la versification latine !
Je voudrais insister sur celle que je te mentionnais et te montrer qu'il ne s'agit pas juste de dire correct/incorrect mais d'ajouter de la puissance. Cette règle, c'est celle qui dit qu'il ne faut pas de "-e" à l'hémistiche.
En français, les "-e" ne sont jamais accentués. Lorsqu'une mère appelle ses enfants pour dîner, elle dit "à t
Able", et non "à tabl
E". Du coup, placer un "-e" à l'hémistiche, c'est empêcher le rythme du vers de prendre appui sur ce pivot central.
Lis ton second vers plusieurs fois à voix haute en exagérant un peu l'accentuation :
Dans tes veines coule la révolte fertile
Est-ce que tu ne sens pas comme le "-le" de la fin de "coule" gâche la puissance du rythme ?
Est-ce qu'en lisant ton vers de façon très dynamique, tu n'as pas naturellement tendance à éviter de prononcer ce "-le", à prononcer "Dans tes veines
coul la révolte fertile" pour ne pas avoir ce "-le qui gâche tout ?
Tu vois, la preuve que ce "-le" gâche l'alexandrin, c'est qu'il donne envie de le transformer en vers de 11 syllabes.
Et c'est pour ça que faire un alexandrin, ce n'est pas simplement compter jusqu'à 12 : c'est s'assurer que ce 12 déploie sa plus belle puissance en tant que 12 et non en tant que 11...
En contre-exemple, je te montre le célèbre rythme magnifique du premier quatrain du Desdichado de Nerval :
Je suis le Ténébreux, le Veuf, l'Inconsolé,
Le Prince d'Aquitaine à la Tour abolie ;
Ma seule Étoile est morte, et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.
Lis le aussi plusieurs fois à voix haute. Est-ce que tu ne sens pas, à chaque fois, comme chaque hémistiche récupère puis rentraîne tout le rythme du ver, de sorte à ce que chaque syllabe y participe ?
Bon sang, c'est pas le méga-kiffe ce quatrain ?!
Je répète ce que j'ai dit sur la nécessité de s'imprégner de ces règles pour éventuellement savoir les dépasser. Pour prendre mon exemple, et sans prétendre être à imiter ni te donner des ordres, lorsque j'écrivais de la poésie, j'ai d'abord passé des années à uniquement faire du vers classique avant de me tourner vers le vers libre, et c'est ainsi grâce à ces règles que je suis arrivé à améliorer mon vers classique ET mon vers libre !
Voilà, je n'ai évidemment pas la prétention de te diriger, mais je te conseille de tout mon coeur de vraiment bosser ta maîtrise du vers classique si tu veux améliorer ta poésie, y compris et surtout ta poésie qui aspire à se libérer des règles...