Et non, contrairement à une pensée populaire, Socrate
n'
est pas le premier des philosophes. Il semble même que le
mot ait été inventé par Pythagore. Je vais vous présenter ici ceux
qu'
on appelle les « présocratiques », en rapport au maître de
Platon, sous forme de questions/réponses, c'
est plus clair et
plus simple.
Qu'
est ce qu'
un
"
présocratique"
?Le mot «
présocratique » est en réalité un adjectif temporel. Il désigne « ceux
qui étaient avant Socrate », mais ce mot s'
applique à des
penseurs très différents les uns des autres. Le terme « présocratique »
ne renvoie donc pas à une doctrine en particulier, mais comme je
l'
ai dit à ceux qui sont arrivés avant notre Socrate.
/>Dernière précision : un « présocratique » est un philosophe, mais on
leur donne parfois d'
autres noms, comme « physiologue » ou
simplement « penseur ». Bien entendu, tout dépend du sens que
l'
on donne au mot « philosophe ».
/>
D'
où vient le mot « philosophie » ?/>
Le mot « philosophie » est l'
association des termes
grecs « philos » (ami) et « sophia » (sagesse). Le philosophe est donc
l'
ami de la sagesse, et la philosophie est l'
amour de
la sagesse. On notera que les philosophes ne se prétendent pas sages,
mais déclarent rechercher la sagesse comme but suprême.
Comme dit
dans l'
introduction, il semble que ce soit Pythagore le
premier à avoir formulé le mot.
On raconte
qu'
un jour le tyran de Phlionte, Léon, demanda à Pythagore : «
Qui es-tu ? » et que celui-ci lui répondit : « Je suis un philosophe ».
Comment est née la philosophie
?La grande question est lâchée. Pourquoi la philo ?
En fait sa naissance est une alternative;
une alternative aux
explications mythiques. La philosophie est en effet une discipline qui
vise à remplacer les explications d'
ordre surnaturel
instaurées par les hommes. Avant (et même après), lorsque la foudre
frappait la terre, les hommes disaient « C'
est Zeus qui est en
colère et qui a lancé un éclair sur nous ». Les premiers philosophes,
ou physiologues (du grec « phusis », la nature, et « logos », le
discours rationnel), cherchèrent à trouver des explications
rationnelles aux phénomènes. On devine aisément que leurs théories,
compte tenu des faibles connaissances scientifiques de
l'
époque, ne sont guère moins fantaisistes que les
explications au moyen des mythes. Les premières philosophies étaient
donc des philosophies de la nature, mais par extension les penseurs
examinèrent aussi l'
homme, bien que le premier à
l'
avoir fait de manière très poussée fut Socrate.
Vous
l’aurez compris, la philosophie occidentale est née en Grèce.
/>
Qui étaient les présocratiques les plus illustres ?
Quelles furent leurs doctrines ?/>
-Thalès de Milet (~625 - ~545 av J.-C.)Il
semble que Thalès de Milet fut l’un des plus anciens philosophes. On
raconte qu’il fait parti des « Sept Sages de la Grèce ». L’un de ces
sept penseurs aurait énoncé le premier le fameux « Connais-toi toi-même
», que Socrate prendra pour devise après l’avoir lu à Delphes.
/>Thalès, dont les collégiens connaissent le fameux théorème, a proposé
une explication du monde. Pour lui, l’eau est le principe fondamental
(l’ « archè ») qui gouverne le monde. Tous les autres éléments n’en
sont que des formes. Donc, pour Thalès, l’humidité est partout, dans
chaque parcelle du monde, et tout comporte de l’eau. Une des
conséquences de son hypothèse : la Terre serait une masse qui flotte
constamment sur une immense étendue d’eau, de même les astres. Cela
paraît fantaisiste, mais le fait de remplacer une explication mythique
du monde par une explication physique constitue une étape fondamentale
dans la naissance de la philosophie. On doit donc à Thalès cet effort
de rationalisation, sans compter son apport aux mathématiques.
/>
-Anaximandre (~610 - ~547 av J.-C.) et Anaximène (~570
- ~526 av J.-C.)Le premier semble avoir été un élève de
Thalès, et pour lui l’ « archè » était l’ « indéfini » ou l’ « illimité
». Anaximène, élève d’Anaximandre, identifia cet « indéfini » («
apeiron » en grec) à l’air. Ils établirent une cosmologie, et comme
Thalès tentèrent d’expliquer la nature par un principe physique et non
pas mythique.
-Pythagore (~580 - ~490 av
J.-C.)Pythagore, dont on connaît le théorème, était un
très grand penseur. Il fonda une secte, et donnait des cours à ses
disciples. Pythagore divisait les humains en deux catégories, « ceux
qui sont faits pour écouter » et « ceux qui sont faits pour parler ».
La doctrine de l’école pythagoricienne admet la métempsychose, ou
réincarnation de l’âme. Pour Pythagore, l’âme pouvait se réincarner en
à peu près tout, plantes, animaux, humains. Tout comme les autres
présocratiques, il tenta aussi de trouver l’ « archè », principe
primordial du monde et des choses. Ainsi, pour Pythagore ce principe
était le « nombre ». Tout est nombre, tout peut se mesurer. Le monde
est fait de formes mesurables, que l’on peut décomposer en points,
lignes, etc. Même les phénomènes tels que les sons sont mesurables pour
Pythagore, ce que la science moderne ne démentira pas. Le penseur va
même jusqu’à identifier les nombres à des valeurs morales ;
le 1
est l’intelligence, le 2 l’opinion etc.
/>
-Héraclite d’Ephèse (~540 - ~450 av J.-C.)/>Héraclite, quant à lui, pensait que l’ « archè » était le feu, car
c’est l’élément le plus subtil, le moins corporel. Il était le
philosophe des contraires et du devenir, en effet pour lui tout est
devenir, tout est en mouvement. On lui doit la citation « On ne se
baigne jamais deux fois dans le même fleuve », sous-entendu que le
fleuve aura changé la deuxième fois. De plus, l’opposition des
contraires est le seul moteur des choses, selon Héraclite. C’est en ce
sens qu’il dit que « la guerre est le père de toutes choses » (« guerre
» est masculin en grec). Héraclite portait aussi le surnom d’ « obscur
», tant certaines de ses phrases étaient difficiles à comprendre.
/>
-Parménide (~515 - ~450 av J.-.C)/>Parménide était le penseur de l’Etre. Sa thèse principale est la
suivante : « l’être est, le non-être n’est pas ». Cela signifie que le
néant n’a aucune existence, seul son contradictoire existe, l’être.
Pour Parménide, l’Etre (c’est-à-dire la totalité des choses existantes)
est immobile, homogène, un, fini, continu, sphérique. Rien n’est en
mouvement, les mouvements ne sont que des apparences. L’être n’a pas
été créé mais existe de toute éternité. Il n’a ni commencement ni fin
(d’où la forme sphérique).
-Empédocle (~490 -
~435 av J.-.C)Comme Parménide, Empédocle est un
philosophe poète. Les pythagoriciens l’ont mis dans la catégorie de «
ceux qui doivent écouter et ne pas parler ». Il croit en la
métempsychose. Mais la pensée de Parménide est originale : il réintègre
les quatre éléments, imagine deux forces opposées, l’Amour et la Haine,
une qui unit et l’autre qui divise.
-Anaxagore
(~500 - ~428)Anaxagore est le penseur du « noùs »,
c’est-à-dire la raison, l’esprit. Sa doctrine est intéressante, je vous
invite à la lire ici
http://philocampus.com/histoire.php?page=anaxagore plutôt que d’en fournir un résumé.
-Démocrite
(~460 - ~370)D’après Démocrite, la réalité est composée
de deux choses : l’atome et le vide. L’atome est une particule
indivisible, tandis que le vide est l’absence de matière. Tout est
atome, et le vide permet le mouvement des atomes. S’il n’existait pas
de vide, les atomes ne pourraient pas se déplacer d’un point à un
autre. On nomme ainsi sa pensée la doctrine « atomiste ». Pour
Démocrite, même l’âme est composée d’atomes, mais ceux-ci sont
différents des atomes qui composent le reste. Ainsi dans cette pensée,
tout est corporel, il n’existe rien de spirituel ou d’immatériel. La
pensée postérieure mettra Démocrite sous la bannière des «
matérialistes », ceux qui n’admettent que la matière comme composant de
la réalité.
Dernière question : quelle est la
postérité de ces philosophes présocratiques ? On ne
mesure pas assez l’influence qu’ont eu ces penseurs dans l’histoire de
la pensée. Parménide influença grandement Aristote lorsque celui-ci
fonda la logique. La pensée de Pythagore a marqué celle de Platon, avec
son idée du nombre, et l’idée que l’âme est immortelle. Nietzsche
disait lui-même que le penseur qui se rapproche le plus de lui
philosophiquement n’est autre qu’Héraclite, le philosophe du devenir.
Par ailleurs, on trouve l’influence d’Empédocle dans Lucrèce,
continuateur de l’atomisme.
Bref, les présocratiques ne sont pas
des auteurs à négliger, tant ils ont cédé d’idées à la postérité, et on
leur doit l’effort de se débarrasser des causes mythiques pour les
remplacer par des causes rationnelles.
Cet article vous a
plu, malgré sa longueur ? N’hésitez pas à poster, soit pour élargir mon
exposé, soit pour le commenter, ou bien simplement pour avoir plus
d’informations !
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